De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 4/09

Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 323-326).


CHAPITRE IX.
Que nous devons nous offrir à Dieu ; avec tout ce que nous avons, & prier pour tout le monde.
Le Disciple.

TOut ce qui est dans le Ciel & sur la terre, vous appartient, ô mon Dieu, & je ne desire autre chose que de me donner à vous, & d’être à vous éternellement.

Je m’offre donc aujourd’hui, dans la simplicité de mon cœur, à vôtre souveraine Majesté, comme une victime perpetuelle, dans le dessein de vous servir à jamais.

Ayez la bonté de me recevoir, comme j’espere que vous recevrez cette oblation sainte de vôtre Corps & de vôtre Sang, que je vous fais en présence des Esprits celestes, qui y assistent invisiblement ; faites que mon sacrifice soit salutaire & à moi & à tout le peuple.

Souffrez, Seigneur, que je mette sur votre Autel tous les pechez que j’ai commis jusqu’ici, devant vous & devant vos Anges, afin qu’il vous plaise de les consumer par le feu de vôtre divin amour. Purifiez mon ame de toutes ses taches, rendez moi la grace que j’ai perduë par ma faute, oubliez mes iniquitez, & donnez-moi le baiser de paix, pour marque d’une reconciliation éternelle.

Que puis-je faire autre chose pour expier tant de crimes, que de les pleurer, que de les confesser humblement, que de vous en demander continuellement pardon ?

Me voilà, Seigneur, à vos pieds ; écoutez mes gemissemens, faites-moi miséricorde.

Car j’ai un extrême regret de vous avoir offensé, & je suis bien résolu de ne vous offenser jamais. Je déteste mes ingratitudes, & je les détesterai tant que je vivrai. Je suis prêt à vous en venger sur moi-même, & à vous en faire une satisfaction convenable.

Pardonnez-moi mes égaremens, pardonnez-les moi, ô mon Dieu, pour l’honneur de votre saint Nom : sauvez cette ame, que vous avez rachetée au prix même de vôtre Sang.

Je m’abandonne à vôtre misericorde ; je me jette entre vos bras.

Traitez-moi selon que votre bonté le demande, & non selon que mes iniquitez le méritent.

Je vous offre aussi le peu que j’ai fait de bonnes œuvres ; si j’ai quelque chose de bien, je vous supplie de l’agréer, de corriger ce que vous y trouverez de défectueux, & de lui donner la derniere perfection. N’abandonnez pas un serviteur paresseux & inutile ; quelque coupable, quelque abject qu’il soit, faites-lui la grace de le conduire à une sainte & heureuse fin.

Je vous offre encore tous les bons desirs des ames devotes ; & en même tems je vous prie de considerer les grandes necessitez de mes parens, de mes amis, de mes freres, de nos sœurs, & particulierement de tous ceux qui m’ont fait du bien, en ont fait à d’autres pour l’amour de vous, & de ceux enfin qui se sont recommandez à mes priéres, ou qui ont souhaité que je disse la Messe pour eux, soit qu’ils soient vivans, ou qu’ils soient morts.

Considerez encore une fois, je vous en conjure, leurs necessitez, considerez-les avec des yeux de compassion : plaise à vôtre infinie bonté de les fortifier de vôtre grace, de les secourir dans les dangers, de les consoler dans leurs afflictions, de les délivrer de leurs peines, afin qu’étant libres des maux qui les font gémir, ils vous en tendent avec joye de solemnelles actions de graces.

Je vous offre enfin avec mes prieres, le sacrifice de propitiation pour ceux en particulier qui m’ont causé quelque déplaisir ; qui ont mal parlé de moi, ou qui m’ont fait quelque tort ; pour tous ceux encore à qui j’ai donné du chagrin, que j’ai maltraitez, ou scandalisez, soit par mes paroles, soit par mes œuvres, de dessein formé, ou par mégarde. Pardonnez-nous à tous nos excès, nos injustices, nos violences.

Eloignez de nôtre esprit tout mauvais soupçons : étouffez dans notre cœur toute semence de discorde, tout sentiment d’aversion & de colere ; en un mot, ne souffrez rien parmi nous, qui puisse éteindre, ou refroidir tant soit peu la charité fraternelle.

Ayez pitié, ô mon Dieu ayez pitié de ces pecheurs, qui vous demandent miséricorde, qui vous conjurent de les assister dans le besoin ; & de les mettre dans la disposition où vous les voulez pour meriter votre grace en cette vie, & la gloire éternelle en l’autre, Ainsi soit-il.