De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 3/51

Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 258-260).


CHAPITRE LI.
Qu’il faut s’occuper à des exercices humbles & abjets, lorsqu’on se sent incapable des plus élevez.
Le Maistre.

Mon fils, vous ne pouvez. demeurer long-tems dans une extrême ferveur, ni être toûjours dans un sublime degré de contemplation ; car la nature est si corrompuë & si foible, qu’il faut necessairement que vous descendiez de-là quelquefois, & que vous appreniez, malgré vous, à porter le poids des miseres de cette vie.

Vous aurez toûjours à souffrir bien des dégoûts & des peines interieures, tant que vous vivrez en un corps mortel.

Vous ne sçauriez donc éviter de gemir souvent dans cette chair corruptible, qui vous appesantit l’esprit & empêche que vous ne vacquiez continuellement aux exercices de pieté, & à la contemplation des choses divines.

Tout ce que vous pouvez faire alors c’est de tâcher à soulager votre ennui, par des œuvres exterieures, qui quoique saintes, demandent moins d’application ; c’est de vous confier en moi, & d’attendre mon retour ; c’est de supporter patiemment cette aridité & cet abandon, jusqu’à ce que je revienne pour vous consoler, & vous rendre votre joye.

Car je veux vous faire oublier toutes vos peines, & vous faire jouir interieurement d’un parfait repos.

Je vous donnerai l’intelligence des Ecritures ; vous trouverez de quoi entretenir vôtre devotion ; & la joye vous ayant dilaté le cœur, vous commencerez à courir dans la voye de mes Commandemens.

Vous reconnoîtrez alors que les souffrances de cette vie n’ont aucune proportion avec la gloire que vous est reservée en l’autre.