De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 3/47

Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 240-242).


CHAPITRE XLVII.
Qu’il faut tout souffrir pour gagner la vie éternelle.
Le Maistre.

MOn fils, ne vous ennuyez pas de travailler pour ma gloire, & ne vous laissez pas tout-à-fait abbattre aux afflictions qui vous arrivent. De quelque façon que les choses tournent, souvenez-vous de mes promesses, afin de vous consoler & de vous encourager dans les occurrences.

J’ai de quoi vous recompenser d’une maniere qui passe toute mesure.

Vous ne travaillerez pas longtems ici-bas, & vos souffrances ne dureront pas toûjours.

Attendez encore un peu, & vous verrez la fin de vos maux.

Il viendra un jour qui terminera tous vos travaux, & toutes vos peines : Tout ce qui passe avec le tems, est fort peu de chose, & de bien peu de durée.

Appliquez-vous à ce que vous faites ; travaillez fidélement & constamment à ma vigne : je serai moi-même vôtre récompense.

Ecrivez, lisez, psalmodiez, aimez la retraite, l’oraison & la pénitence, souffrez courageusement tout ce qu’il y a de fâcheux & de pénible en ce monde. Acheter la vie éternelle à ce prix, c’est l’avoir pour rien.

Un jour vous aurez la paix, & ce jour est connu à Dieu : mais il ne sera pas composé de lumiere & de ténébres comme les autres ; ce sera une lumiere éternelle & une clarté immense, dans laquelle vous jouirez d’une grande quiétude & d’un repos assuré.

Vous ne direz pas alors : Qui me délivrera de ce corps mortel ?[1] Vous ne vous écrierez pas non plus : Hélas ! que mon exil est long ![2] Car la mort qui regne à present par tout sera précipitée dans l’abime :[3] on vivra toûjours sans nulle inquiétude, pleinement content, & rempli de joye, dans la compagnie la plus charmante qui puisse être.

O si vous êtiez une fois monté dans le Ciel ! si vous aviez vû sur la tête des Bienheureux ces couronnes qui ne se flétrissent jamais ! si vous aviez bien consideré qu’elle est maintenant la gloire de ceux que le monde méprisoit si fort autrefois, & qu’il jugeoit indignes de vivre, certainement vous prendriez plaisir à vous abaisser, & vous tiendriez à plus grand bonheur d’obéïr à tous les hommes, que de commander à un seul.

Vous ne souhaiteriez pas des jours de divertissement & de réjouissance ; mais vôtre plus grande joye seroit de souffrir beaucoup pour l’amour de Dieu ; & vous croiriez avoir bien gagné, si l’on vous avoit traité avec le dernier mépris.

O si vous goûtiez ces veritez ! si elles entroient bien avant dans vôtre esprit ! que trouveriez-vous de rude ? & dequoi vous plaindriez-vous ?

A quels travaux, & à quels tourmens ne doit-on pas s’exposer, pour mériter une vie qui n’a point de fin ?

Ce n’est pas une affaire à negliger que celle où il s’agit de perdre ou de gagner un Royaume, & un Royaume éternel.

Levez donc les yeux au Ciel : vous m’y verrez avec tous mes Saints qui ont combattu en ce monde jusques à la mort, mais qui maintenant sont pleins de consolation & de joye, qui vivent dans le repos & dans l’assurance, & qui seront éternellement avec moi dans le Royaume de mon Pere.

  1. Rom. 7. 24.
  2. Psal. 119. 3.
  3. Isaie 25. 8.