De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 2/06

Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 89-91).


CHAPITRE VI.
De la joye que donne la bonne conscience.

LA gloire d’un homme de bien est que sa conscience rend témoignage pour lui.

N’ayez rien à vous reprocher, & vous serez toûjours plein de joye.

La bonne conscience ne trouve rien de fâcheux ; elle supporte constamment beaucoup de choses, & se réjouit dans l’adversité.

La mauvaise conscience est toûjours timide & inquiette.

Vous aurez l’esprit en repos, si vous ne vous sentez coupable de rien.

Ne vous réjoüissez que d’avoir bien fait.

Les méchans sont incapables d’une vraye joye & d’un vrai repos interieur, parce qu’il n’y a point de paix pour les impies[1], dit le Seigneur.

S’ils vous disent donc : nous sommes en paix ; il ne nous arrivera point de mal ; hé, qui oseroit nous en faire ? ne les croyez point. Car la colere de Dieu tombera sur eux tout à coup : ils verront avec regret leurs travaux détruits, & leurs desseins renversez.

Une ame éprise du divin amour met volontiers sa gloire dans les souffrances : car se glorifier de la sorte, c’est se glorifier dans la Croix de Jesus Christ.

La gloire qui vient des hommes, passe bien vîte.

La gloire du monde n’est jamais sans humiliation ; & elle a besoin de ce contre-poids.

Ce qui fait la gloire des Justes, ce n’est pas l’estime des hommes, mais le témoignage de leur conscience.

Toute leur joye est de Dieu, & en Dieu ; & rien ne les satisfait que la verité.

Quiconque cherche la vraye gloire, qui est la gloire éternelle, ne se soucie point de la temporelle.

Et quiconque cherche, ou ne méprise pas la gloire du monde, fait bien voir qu’il estime peu celle du Ciel.

S’il vous est indifferent qu’on vous blâme ou qu’on vous loüe, vous serez toujours tranquille, & toûjours content.

Rien ne pourra vous troubler, si vous avez la conscience parfaitement nette.

Vous ne devenez ni meilleur pour être loüé, ni plus méchant pour être blâmé.

Vous demeurez tel que vous êtes, & ne pouvez être plus grand que vous l’êtes devant Dieu.

Si vous venez à examiner l’état de vôtre interieur, vous mépriserez tout ce que le monde peut dire de vous.

L’homme voit le visage : mais Dieu voit le cœur[2]. L’homme juge des œuvres : mais Dieu juge des plus secrettes intentions.

C’est le propre d’une ame humble de faire beaucoup de bien, & de se le cacher à soi-même.

On connoît qu’un homme est libre de toute affection terrestre, & qu’il attend tout du Ciel, lorsqu’il ne cherche à se consoler, & à se réjouir dans aucune creature.

Celui qui ne va point mandier les loüanges & l’approbation des hommes, montre bien que la seule régle est le jugement de Dieu.

Car on n’est pas irreprehensible, dit saint Paul, parce qu’on se vante de l’être, mais parce que Dieu témoigne qu’on l’est en effet[3].

L’occupation essentielle d’un homme interieur, est de marcher en la presence de Dieu, sans jamais avoir d’attache à rien d’exterieur.

  1. Isaïe. 57. 22.
  2. 1 Reg. 16. 7.
  3. 2. Corinth. 10. 18.