De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 2/05

Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 87-89).


CHAPITRE V.
De la consideration de nos miseres.

NOus ne devons pas nous fier beaucoup à nôtre propre jugement, parce qu’en mille rencontres la lumiere de la grace, & celle de la raison nous abandonnent.

Nous ne sommes guére éclairez ; encore perdons-nous bien-tôt par nôtre faute, le peu de lumiere que nous avons.

Souvent même nous ne sentons pas nôtre aveuglement.

Nous sommes sujets à faire des fautes, & par une faute encore plus grande, nous nous excusons.

Un emportement de passion nous paroît quelquefois un transport de zele.

Nous reprenons dans le prochain de petits défauts & nous nous en pardonnons de beaucoup plus grands.

Nous ressentons vivement ce que nous avons à souffrir des autres ; & nous ne remarquons pas ce qu’ils ont à souffrir de nous.

Qui s’examineroit bien soi-même, n’auroit garde de juger mal de personne.

Un homme sage selon Dieu, préfere à tout autre chose l’affaire de son salut, & il n’est guére tenté de parler des autres quand il pense sërieusement à lui-même.

Vous ne deviendrez jamais intericur & spirituel, si vous ne vous accoûtumez à veiller sur vous, & à ne point médire de vôtre prochain.

Ne songez qu’à Dieu & à vous ; & quelque accident qu’il puisse arriver, vous n’en serez point troublé.

Où êtes vous, quand vous n’êtes pas present à vous-même ? & quand vous vous dissipé à mille sortes d’objets, sans faire la moindre reflexion sur votre interieur, quelle utilité vous en revient-il ?

Pour avoir la paix, pour bien conserver l’esprit de recueillement, ne pensez qu’à vous, & oubliez tout le reste.

Défaites-vous du trop grand soin des choses temporelles, afin de pouvoir vous perfectionner dans les spirituelles.

Vous perdez beaucoup de vôtre ardeur pour la vertu, si vous faites trop d’état des biens passagers.

N’estimez rien de grand, d’élevé, de beau, d’aimable que Dieu, & que ce qui a rapport à Dieu.

Meprisez toutes les douceurs qui viennent des creatures.

Une ame qui aime Dieu, compte pour rien tout ce qui est au dessous de Dieu.

Un Dieu seul, érernel, immense, qui remplir le Ciel & la terre, fait toute la consolation & toute la joye.