De l’Esprit/Discours 2/Chapitre 19

DISCOURS II
Œuvres complètes d’Helvétius. De l’EspritP. Didottome 3 (p. 1-47).
Chap. XX.  ►


CHAPITRE XIX.

L’estime pour les différents genres d’esprit est, dans chaque siecle, proportionnée à l’intérêt qu’on a de les estimer.


Pour faire sentir l’extrême justesse de cette proportion, prenons d’abord les romans pour exemple. Depuis les Amadis jusqu’aux romans de nos jours, ce genre a successivement éprouvé mille changements. En veut-on savoir la cause ? qu’on se demande pourquoi les romans les plus estimés il y a trois cents ans nous paroissent aujourd’hui ennuyeux ou ridicules, et l’on appercevra que le principal mérite de la plupart de ces ouvrages dépend de l’exactitude avec laquelle on y peint les vices, les vertus, les passions, les usages et les ridicules d’une nation.

Or les mœurs d’une nation changent souvent d’un siecle à l’autre ; ce changement doit donc en occasionner dans le genre de ses romans et de son goût ; une nation est donc, par l’intérêt de son amusement, presque toujours forcée de mépriser dans un siecle ce qu’elle admiroit dans le siecle précédent[1]. Ce que je dis des romans peut s’appliquer à presque tous les ouvrages ; mais, pour faire plus fortement sentir cette vérité, peut-être faut-il comparer l’esprit des siecles d’ignorance à l’esprit de notre siecle. Arrêtons-nous un moment à cet examen.

Comme les ecclésiastiques étoient alors les seuls qui sussent écrire, je ne peux tirer mes exemples que de leurs ouvrages et de leurs sermons. Qui les lira n’appercevra pas moins de différence entre ceux de Menot[2] et ceux du P. Bourdaloue, qu’entre le chevalier du soleil et la princesse de Cleves. Nos mœurs ayant changé, nos lumieres s’étant augmentées, l’on se moqueroit aujourd’hui de ce qu’on admiroit autrefois. Qui ne riroit point du sermon d’un prédicateur de Bourdeaux, qui, pour prouver toute la reconnoissance des trépassés pour quiconque fait prier Dieu pour eux, et donne en conséquence de l’argent aux moines, débitoit gravement en chaire « qu’au seul son de l’argent qui tombe dans le tronc ou le bassin, et qui fait tin, tin, tin, toutes les ames du purgatoire se prennent tellement à rire, qu’elles font ha, ha, ha, hi, hi, hi[3] ? »

Dans la simplicité des siecles d’ignorance, les objets se présentent sous un aspect très différent de celui sous lequel on les considere dans les siecles éclairés. Les tragédies de la passion, édifiantes pour nos ancêtres, nous paroîtroient à présent scandaleuses. Il en seroit de même de presque toutes les questions subtiles qu’on agitoit alors dans les écoles de théologie. Rien ne paroîtroit aujourd’hui plus indécent que des disputes en regle pour savoir si Dieu est habillé ou nud dans l’hostie ; si Dieu est tout-puissant, s’il a le pouvoir de pécher ; si Dieu pouvoit prendre la nature de la femme, du diable, de l’âne, du rocher, de la citrouille, et mille autres questions encore plus extravagantes[4].

Tout, jusqu’aux miracles, portoit, dans ce temps d’ignorance, l’empreinte du mauvais goût du siecle[5].

Entre plusieurs de ces prétendus miracles rapportés dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres[6], j’en choisis un opéré en faveur d’un moine. « Ce moine revenoit d’une maison dans laquelle il s’introduisoit toutes les nuits. Il avoit à son retour une riviere à traverser ; Satan renversa le bateau, et le moine fut noyé comme il commençoit l’invitatoire des matines de la Vierge. Deux diables se saisissent de son ame, et sont arrêtés par deux anges, qui la réclament en qualité de chrétienne. Seigneurs anges, disent les diables, il est vrai que Dieu est mort pour ses amis, et ce n’est pas une fable ; mais celui-ci étoit du nombre des ennemis de Dieu : et, puisque nous l’avons trouvé dans l’ordure du péché, nous allons le jeter dans le bourbier de l’enfer ; nous serons bien récompensés de nos prevôts. Après bien des contestations, les anges proposent de porter le différend au tribunal de la Vierge. Les diables répondent qu’ils prendront volontiers Dieu pour juge, parcequ’il jugeoit selon les lois : mais pour la Vierge, disent-ils, nous n’en pouvons espérer de justice ; elle briseroit toutes les portes de l’enfer plutôt que d’y laisser un seul jour celui qui de son vivant a fait quelques révérences à son image. Dieu ne la contredit en rien ; elle peut dire que la pie est noire, et que l’eau trouble est claire ; il lui accorde tout : nous ne savons plus où nous en sommes ; d’un ambesas elle fait un terne, d’un double-deux un quine ; elle a le dé et la chance : le jour que Dieu en fit sa mere fut bien fatal pour nous. »

On seroit sans doute peu édifié d’un tel miracle, et l’on riroit pareillement de cet autre miracle, tiré des Lettres édifiantes et curieuses sur la visite de l’évêque d’Halicarnasse, et qui m’a paru trop plaisant pour résister au desir de le placer ici.

Pour prouver l’excellence du baptême, l’auteur raconte « qu’autrefois, dans le royaume d’Arménie, il y eut un roi qui avoit beaucoup de haine contre les chrétiens ; c’est pourquoi il persécuta la religion d’une manière bien cruelle. Il méritoit bien que Dieu l’eût alors puni : cependant Dieu, infiniment bon, qui ouvrit le cœur à S. Paul pour le convertir lorsqu’il persécutoit les fideles, ouvrit aussi le cœur à ce roi pour qu’il connût la sainte religion. Aussi arriva-t-il que le roi, tenant son conseil dans le palais avec les mandarins pour délibérer sur les moyens d’abolir entièrement la religion chrétienne dans le royaume, le roi et les mandarins furent aussitôt changés en cochons. Tout le monde accourut aux cris de ces cochons, sans savoir quelle pouvoit être la cause d’une chose aussi extraordinaire. Alors il y eut un chrétien, nommé Grégoire, qui avoit été mis à la question le jour de devant, qui accourut au bruit, et qui reprocha au roi sa cruauté envers la religion. Au discours que fit Grégoire, les cochons s’arrêterent ; et s’étant tus, ils leverent le museau en haut pour écouter Grégoire, lequel interrogea tous les cochons en ces termes : Désormais êtes-vous résolus de vous corriger ? À cette demande, tous les cochons firent un coup de tête, et crierent ouen, ouen, ouen, comme s’ils avoient dit oui. Grégoire reprit ainsi la parole : Si vous êtes résolus de vous corriger, si vous vous repentez de vos péchés, et que vous veuilliez être baptisés pour observer la religion parfaitement, le Seigneur vous regardera dans sa miséricorde ; sinon vous serez malheureux dans ce monde et dans l’autre. Tous les cochons frapperent de la tête, firent la révérence, et crierent ouen, ouen, ouen, comme s’ils avoient voulu dire qu’ils le desiroient ainsi. Grégoire, voyant les cochons humbles de cette sorte, prit de l’eau bénite, et baptisa tous les cochons : et il arriva sur-le-champ un grand miracle ; car, à mesure qu’il baptisoit chaque cochon, aussitôt il se changeoit en une personne plus belle qu’auparavant. »

Ces miracles, ces sermons, ces tragédies, et ces questions théologiques, qui maintenant nous paroitroient si ridicules, étoient et devoient être admirés dans les siecles d’ignorance, parcequ’ils étoient proportionnés à l’esprit du temps, et que les hommes admireront toujours des idées analogues aux leurs. La grossiere imbécillité de la plupart d’entr’eux ne leur permettoit pas de connoître la sainteté et la grandeur de la religion. Dans presque toutes les têtes, la religion n’étoit, pour ainsi dire, qu’une superstition et qu’une idolâtrie. À l’avantage de la philosophie, on peut dire que nous en avons des idées plus relevées. Quelque injuste qu’on soit envers les sciences, quelque corruption qu’on les accuse d’introduire dans les mœurs, il est certain que celles de notre clergé sont maintenant aussi pures qu’elles étoient alors dépravées, du moins si l’on consulte et l’histoire et les anciens prédicateurs. Maillard et Menot, les plus célebres d’entre eux, ont toujours ce mot à la bouche : Sacerdotes, religiosi, concubinarii. « Damnés, infâmes, s’écrie Maillard, dont les noms sont inscrits dans les registres du diable ; larrons, voleurs, comme dit S. Bernard, pensez-vous que les fondateurs de vos bénéfices vous les aient donnés pour ne faire autre chose que de vivre à pot et à cuiller avec des filles, et jouer au glic ? Et vous, messieurs les gros abbés, avec vos bénéfices, qui nourrissez chevaux, chiens et filles, demandez à S. Étienne s’il a eu paradis pour mener une telle vie, faisant grande chere, étant toujours parmi les festins et banquets, et donnant les biens de l’église et du crucifix aux filles de joie[7]. »

Je ne m’arrêterai pas davantage à considérer ces siecles grossiers, où tous les hommes, superstitieux et braves, ne s’amusoient que des contes des moines, et des hauts faits de la chevalerie. L’ignorance et la simplicité sont toujours monotones. Avant le renouvellement de la philosophie, les auteurs, quoique nés dans des siecles différents, écrivoient tous sur le même ton. Ce qu’on appelle le goût suppose connoissance. Il n’est point de goût, ni par conséquent de révolutions de goût, chez des peuples encore barbares ; ce n’est du moins que dans les siecles éclairés qu’elles sont remarquables. Or ces sortes de révolutions y sont toujours précédées de quelque changement dans la forme du gouvernement, dans les mœurs, les lois et la position d’un peuple. Il est donc une dépendance secrètement établie entre le goût d’une nation et ses intérêts.

Pour éclaircir ce principe par quelques applications, qu’on se demande pourquoi la peinture tragique des vengeances les plus mémorables, telles que celles des Atrides, n’allumeroit plus en nous les mêmes transports qu’elle excitoit autrefois chez les Grecs ; et l’on verra que cette différence d’impression tient à la différence de notre religion, de notre police, avec la police et la religion des Grecs.

Les anciens élevoient des temples à la vengeance : cette passion, mise aujourd’hui au nombre des vices, étoit alors comptée parmi les vertus. La police ancienne favorisoit ce culte. Dans un siecle trop guerrier pour n’être pas un peu féroce, l’unique moyen d’enchaîner la colere, la fureur et la trahison, étoit d’attacher le déshonneur à l’oubli de l’injure, de placer toujours le tableau de la vengeance à côté du tableau de l’affront : c’est ainsi qu’on entretenoit dans le cœur des citoyens une crainte respective et salutaire qui suppléoit au défaut de police. La peinture de cette passion étoit donc trop analogue au besoin, au préjugé des peuples anciens, pour n’y être pas considérée avec plaisir.

Mais, dans le siecle où nous vivons, dans un temps où la police est à cet égard fort perfectionnée, où d’ailleurs nous ne sommes plus asservis aux mêmes préjugés, il est évident qu’en consultant pareillement notre intérêt nous ne devons voir qu’avec indifférence la peinture d’une passion qui, loin de maintenir la paix et l’harmonie dans la société, n’y occasionneroit que des désordres et des cruautés inutiles. Pourquoi des tragédies pleines de ces sentiments mâles et courageux qu’inspire l’amour de la patrie ne feroient-elles plus sur nous que des impressions légeres ? C’est qu’il est très rare que les peuples allient une certaine espece de courage et de vertu avec l’extrême soumission ; c’est que les Romains devinrent bas et vils sitôt qu’ils eurent un maître ; et qu’enfin, comme dit Homere,

L’affreux instant qui met un homme libre aux fers
Lui ravit la moitié de sa vertu premiere.


D’où je conclus que les siecles de liberté, dans lesquels s’engendrent les grands hommes et les grandes passions, sont aussi les seuls où les peuples soient vraiment admirateurs des sentiments nobles et courageux.

Pourquoi le genre de Corneille, maintenant moins goûté, l’étoit-il davantage du vivant de cet illustre poëte ? C’est qu’on sortoit alors de la ligue, de la fronde, de ces temps de troubles où les esprits, encore échauffés du feu de la sédition, sont plus audacieux, plus estimateurs des sentiments hardis, et plus susceptibles d’ambition ; c’est que les caracteres que Corneille donne à ses héros, les projets qu’il fait concevoir à ces ambitieux, étoient par conséquent plus analogues à l’esprit du siecle qu’ils ne le seroient maintenant, qu’on rencontre peu de héros[8], de citoyens et d’ambitieux, qu’un calme heureux a succédé à tant d’orages, et que les volcans de la sédition sont éteints de toutes parts.

Comment un artisan habitué à gémir sous le faix de l’indigence et du mépris, un homme riche, et même un grand seigneur, accoutumé à ramper devant un homme en place, à le regarder avec le saint respect que l’Égyptien a pour ses dieux, et le Negre pour son fétiche, seroient-ils fortement frappés de ce vers où Corneille dit,

Pour être plus qu’un roi, tu te crois quelque chose ?


De pareils sentiments doivent leur paroître fous et gigantesques ; ils n’en pourroient admirer l’élévation sans avoir souvent à rougir de la bassesse des leurs : c’est pourquoi, si l’on en excepte un petit nombre d’esprits et de caracteres élevés qui conservent encore pour Corneille une estime raisonnée et sentie, les autres admirateurs de ce grand poëte l’estiment moins par sentiment que par préjugé et sur parole.

Tout changement arrivé dans le gouvernement ou dans les mœurs d’un peuple doit nécessairement amener des révolutions dans son goût. D’un siecle à l’autre, un peuple est différemment frappé des mêmes objets, selon la passion différente qui l’anime.

Il en est des sentiments des hommes comme de leurs idées. Si nous ne concevons dans les autres que les idées analogues aux nôtres, nous ne pouvons, dit Salluste, être affectés que des passions qui nous affectent nous-mêmes fortement[9].

Pour être touché de la peinture de quelque passion, il faut soi-même en avoir été le jouet.

Supposons que le berger Tircis et Catilina se rencontrent, et se fassent réciproquement confidence des sentiments d’amour et d’ambition qui les agitent ; ils ne pourront certainement pas se communiquer l’impression différente qu’excitent en eux les différentes passions dont ils sont animés. Le premier ne conçoit point ce qu’a de si séduisant le pouvoir suprême ; et le second, ce que la conquête d’une femme a de si flatteur. Or, pour faire aux différents genres tragiques l’application de ce principe, je dis qu’en tout pays où les habitants n’ont point de part au maniement des affaires publiques, où l’on cite rarement les mots de patrie et de citoyen, on ne plaît au public qu’en présentant sur le théâtre des passions convenables à des particuliers, telles, par exemple, que celle de l’amour. Ce n’est pas que tous les hommes y soient également sensibles : il est certain que des ames fieres et hardies, des ambitieux, des politiques, des avares, des vieillards, ou des gens chargés d’affaires, sont peu touchés de la peinture de cette passion ; et c’est précisément la raison pour laquelle les pieces de théâtre n’ont de succès pleins et entiers que dans les états républicains, où la haine des tyrans, l’amour de la patrie et de la liberté, sont, si je l’ose dire, des points de ralliement pour l’estime publique.

Dans tout autre gouvernement, les citoyens n’étant pas réunis par un intérêt commun, la diversité des intérêts personnels doit nécessairement s’opposer à l’universalité des applaudissements. Dans ces pays, on ne peut prétendre qu’à des succès plus ou moins étendus, en peignant des passions plus ou moins généralement intéressantes pour les particuliers. Or, parmi les passions de cette espece, nul doute que celle de l’amour, fondée en partie sur un besoin de la nature, ne soit la plus universellement sentie. Aussi préfere-t-on maintenant en France le genre de Racine à celui de Corneille, qui, dans un autre siecle, ou un pays différent, tel que l’Angleterre, auroit vraisemblablement la préférence.

C’est une certaine foiblesse de caractere, suite nécessaire du luxe et du changement arrivé dans nos mœurs, qui, nous privant de toute force et de toute élévation dans l’ame, nous fait déja préférer les comédies aux tragédies, qui ne sont plus maintenant que des comédies d’un style élevé, et dont l’action se passe dans les palais des rois.

C’est l’heureux accroissement de l’autorité souveraine qui, désarmant la sédition, avilissant la condition des bourgeois, a dû presque entièrement les bannir de la scene comique, où l’on ne voit plus que des gens du bon air et du grand monde, lesquels y tiennent réellement la place qu’occupoient les gens d’une condition commune, et sont proprement les bourgeois du siecle.

On voit donc qu’en des temps différents certains genres d’esprit font sur le public des impressions très différentes, mais toujours proportionnées à l’intérêt qu’il a de les estimer. Or cet intérêt public est quelquefois d’un siecle à l’autre assez différent de lui-même pour occasionner, comme je vais le prouver, la création ou l’anéantissement subit de certains genres d’idées et d’ouvrages ; tels sont tous les ouvrages de controverse, ouvrages maintenant aussi ignorés qu’ils étoient et devoient être autrefois connus et admirés.

En effet, dans un temps où les peuples, partagés sur leur croyance, étoient animés de l’esprit de fanatisme ; où chaque secte, ardente à soutenir ses opinions, vouloit, armée de fer ou d’arguments, les annoncer, les prouver, les faire adopter à l’univers ; les controverses étoient, premièrement quant au choix du sujet, des ouvrages trop généralement intéressants pour n’être pas universellement estimés : d’ailleurs ces ouvrages devoient être faits, du moins de la part de certains hérétiques, avec toute l’adresse et l’esprit imaginables ; car enfin, pour persuader des contes de Peau d’âne et de la Barbe bleue, comme sont quelques hérésies[10], il étoit impossible que les controversistes n’employassent dans leurs écrits toute la souplesse, la force et les ressources de la logique, que leurs ouvrages ne fussent des chefs-d’œuvre de subtilité, et peut-être en ce genre le dernier effort de l’esprit humain. Il est donc certain que, tant par l’importance de la matiere que par la maniere de la traiter, les controversistes devoient alors être regardés comme les écrivains les plus estimables.

Mais, dans un siecle où l’esprit de fanatisme a presque entièrement disparu ; où les peuples et les rois, instruits par les malheurs passés, ne s’occupent plus des disputes théologiques ; où d’ailleurs les principes de la vraie religion s’affermissent de jour en jour ; ces mêmes écrivains ne doivent plus faire la même impression sur les esprits. Aussi l’homme du monde ne liroit-il maintenant leurs écrits qu’avec le dégoût qu’il éprouveroit à la lecture d’une controverse péruvienne, dans laquelle on examineroit si Manco-Capac est ou n’est pas fils du Soleil.

Pour confirmer ce que je viens de dire par un fait passé sous nos yeux, qu’on se rappelle le fanatisme avec lequel on disputoit sur la prééminence des modernes sur les anciens. Ce fanatisme fit alors la réputation de plusieurs dissertations médiocres composées sur ce sujet ; et c’est l’indifférence avec laquelle on a considéré cette dispute qui depuis a laissé dans l’oubli les dissertations de l’illustre M. de la Motte et du savant abbé Terrasson ; dissertations qui, regardées à juste titre comme des chefs-d’œuvre et des modeles en ce genre, ne sont cependant presque plus connues que des gens de lettres.

Ces exemples suffisent pour prouver que c’est à l’intérêt public, différemment modifié selon les différents siecles, qu’on doit attribuer la création et l’anéantissement de certains genres d’idées et d’ouvrages.

Il ne me reste plus qu’à montrer comment ce même intérêt public, malgré les changements journellement arrivés dans les mœurs, les passions et les goûts d’un peuple, peut cependant assurer à certains genres d’ouvrages l’estime constante de tous les siecles.

Pour cet effet il faut se rappeler que le genre d’esprit le plus estimé dans un siecle et dans un pays est souvent le plus méprisé dans un autre siecle et dans un autre pays ; que l’esprit, par conséquent, n’est proprement que ce qu’on est convenu de nommer esprit. Or, parmi les conventions faites à ce sujet, les unes sont passageres, et les autres durables. On peut donc réduire à deux especes toutes les différentes sortes d’esprits : l’une, dont l’utilité momentanée est dépendante des changements survenus dans le commerce, le gouvernement, les passions, les occupations et les préjugés d’un peuple, n’est, pour ainsi dire, qu’un esprit de mode[11] ; l’autre, dont l’utilité éternelle, inaltérable, indépendante des mœurs et des gouvernements divers, tient à la nature même de l’homme, est par conséquent toujours invariable, et peut être regardée comme le vrai esprit, c’est-à-dire comme l’esprit le plus desirable.

Tous les genres d’esprit réduits ainsi à ces deux especes, je distinguerai en conséquence deux différentes sortes d’ouvrages.

Les uns sont faits pour avoir un succès brillant et rapide, les autres un succès étendu et durable. Un roman satyrique où l’on peindra, par exemple, d’une maniere vraie et maligne les ridicules des grands sera certainement couru de tous les gens d’une condition commune. La nature, qui grave dans tous les cœurs le sentiment d’une égalité primitive, a mis un germe éternel de haine entre les grands et les petits : ces derniers saisissent donc avec tout le plaisir et la sagacité possibles les traits les plus fins des tableaux ridicules où ces grands paroissent indignes de leur supériorité. De tels ouvrages doivent donc avoir un succès rapide et brillant, mais peu étendu et peu durable : peu étendu, parcequ’il a nécessairement pour limites les pays où ces ridicules prennent naissance ; peu durable, parceque la mode, en remplaçant continuellement un ancien ridicule par un nouveau, efface bientôt du souvenir des hommes les ridicules anciens, et les auteurs qui les ont peints ; parcequ’enfin, ennuyée de la contemplation du même ridicule, la malignité des petits cherche dans de nouveaux défauts de nouveaux motifs de justifier ses mépris pour les grands. Leur impatience à cet égard hâte donc encore la chûte de ces sortes d’ouvrages, dont la célébrité souvent n’égale pas la durée du ridicule.

Tel est le genre de réussite que doivent avoir les romans satyriques. À l’égard d’un ouvrage de morale ou de métaphysique, son succès ne peut être le même ; le desir de s’instruire, toujours plus rare et moins vif que celui de censurer, ne peut fournir dans une nation ni un si grand nombre de lecteurs, ni des lecteurs si passionnés. D’ailleurs les principes de ces sciences, avec quelque clarté qu’on les présente, exigent toujours des lecteurs une certaine attention qui doit encore en diminuer considérablement le nombre.

Mais si le mérite de cet ouvrage de morale ou de métaphysique est moins rapidement senti que celui d’un ouvrage satyrique, il est plus généralement reconnu ; parceque des traités, tels que ceux de Locke ou de Nicole, où il ne s’agit ni d’un Italien, ni d’un Français, ni d’un Anglais, mais de l’homme en général, doivent nécessairement trouver des lecteurs chez tous les peuples du monde, et même les conserver dans chaque siecle. Tout ouvrage qui ne tire son mérite que de la finesse des observations faites sur la nature de l’homme et des choses ne peut cesser de plaire en aucun temps.

J’en ai dit assez pour faire connoître la vraie cause des différentes especes d’estime attachées aux différents genres d’esprit : s’il reste encore quelque doute sur ce sujet, on peut, par de nouvelles applications des principes ci-dessus établis, acquérir de nouvelles preuves de leur vérité.

Veut-on savoir, par exemple, quels seroient les divers succès de deux écrivains, dont l’un se distingueroit uniquement par la force et la profondeur de ses pensées, et l’autre par la maniere heureuse de les exprimer ? Conséquemment à ce que j’ai dit, la réussite du premier doit être plus lente, parcequ’il est beaucoup plus de juges de la finesse, des graces, des agréments d’un tour ou d’une expression, et enfin de toutes les beautés de style, qu’il n’est de juges de la beauté des idées. Un écrivain poli, comme Malherbe, doit donc avoir des succès plus rapides qu’étendus, et plus brillants que durables. Il en est deux causes : la premiere, c’est qu’un ouvrage traduit d’une langue dans une autre perd toujours dans la traduction la fraîcheur et la force de son coloris, et ne passe par conséquent aux étrangers que dépouillé des charmes du style, qui, dans ma supposition, en faisoient le principal agrément : la seconde, c’est que la langue vieillit insensiblement ; c’est que les tours les plus heureux deviennent à la longue les plus communs, et qu’un ouvrage enfin, dépourvu, dans le pays même où il a été composé, des beautés qui l’y rendoient agréable, ne doit tout au plus conserver à son auteur qu’une estime de tradition.

Pour obtenir un succès entier, il faut aux graces de l’expression joindre le choix des idées. Sans cet heureux choix, un ouvrage ne peut soutenir l’épreuve du temps, et sur-tout d’une traduction, qu’on doit regarder comme le creuset le plus propre à séparer l’or pur du clinquant. Aussi ne doit-on attribuer qu’à ce défaut d’idées, trop commun à nos anciens poëtes, le mépris injuste que quelques gens raisonnables ont conçu pour la poésie.

Je n’ajouterai qu’un mot à ce que j’ai déja dit ; c’est qu’entre les ouvrages dont la célébrité doit s’étendre dans tous les siecles et les pays divers, il en est qui, plus vivement et plus généralement intéressants pour l’humanité, doivent avoir des succès plus prompts et plus grands. Pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler que, parmi les hommes, il en est peu qui n’aient éprouvé quelque passion ; que la plupart d’entre eux sont moins frappés de la profondeur d’une idée que de la beauté d’une description ; qu’ils ont, comme l’expérience le prouve, presque tous plus senti que vu, mais plus vu que réfléchi[12] ; qu’ainsi la peinture des passions doit être plus généralement agréable que la peinture des objets de la nature ; et la description poétique de ces mêmes objets doit trouver plus d’admirateurs que les ouvrages philosophiques. À l’égard même de ces derniers ouvrages, les hommes étant communément moins curieux de la connoissance de la botanique, de la géographie et des beaux arts, que de la connoissance du cœur humain, les philosophes excellents en ce dernier genre doivent être plus généralement connus et estimés que les botanistes, les géographes et les grands critiques. Aussi M. de la Motte (qu’il me soit encore permis de le citer pour exemple) eût-il été sans contredit plus généralement estimé s’il eût appliqué à des sujets plus intéressants la même finesse, la même élégance et la même netteté, qu’il a portées dans ses discours sur l’ode, la fable et la tragédie.

Le public, content d’admirer les chefs-d’œuvre des grands poëtes, fait peu de cas des grands critiques ; leurs ouvrages ne sont lus, jugés et appréciés, que par les gens de l’art auxquels ils sont utiles. Voilà la vraie cause du peu de proportion qu’on remarque entre la réputation et le mérite de M. de la Motte.

Voyons maintenant quels sont les ouvrages qui doivent au succès rapide et brillant unir le succès étendu et durable.

On n’obtient à-la-fois ces deux especes de succès que par des ouvrages où, conformément à mes principes, on a su joindre à l’utilité momentanée l’utilité durable ; tels sont certains genres de poëmes, de romans, de pieces de théâtre, et d’écrits moraux ou politiques : sur quoi il est bon d’observer que ces ouvrages, bientôt dépouillés des beautés dépendantes des mœurs, des préjugés, du temps et du pays où ils sont faits, ne conservent aux yeux de la postérité que les seules beautés communes à tous les siecles et à tous les pays ; et qu’Homere, par cette raison, doit nous paroître moins agréable qu’il ne le parut aux Grecs de son temps. Mais cette perte, et, si je l’ose dire, ce déchet en mérite est plus ou moins grand, selon que les beautés durables qui entrent dans la composition d’un ouvrage, et qui y sont toujours inégalement mélangées aux beautés du jour, l’emportent plus ou moins sur ces dernieres. Pourquoi les Femmes savantes de l’illustre Moliere sont-elles déja moins estimées que son Avare, son Tartuffe et son Misanthrope ? On n’a point calculé le nombre d’idées renfermées dans chacune de ces pieces ; on n’a point, en conséquence, déterminé le degré d’estime qui leur est dû : mais on a éprouvé qu’une comédie telle que l’Avare, dont le succès est fondé sur la peinture d’un vice toujours subsistant et toujours nuisible aux hommes, renfermoit nécessairement dans ses détails une infinité de beautés analogues au choix heureux de ce sujet, c’est-à-dire de beautés durables ; qu’au contraire une comédie telle que les Femmes savantes, dont la réussite n’est appuyée que sur un ridicule passager, ne pouvoit étinceler que de ces beautés momentanées qui, plus analogues à la nature de ce sujet, et peut-être plus propres à faire des impressions vives sur le public, n’en pouvoient faire d’aussi durables. C’est pourquoi l’on ne voit guere chez les différentes nations que les pieces de caractere passer avec succès d’un théâtre à l’autre.

La conclusion de ce chapitre, c’est que l’estime accordée aux divers genres d’esprit est dans chaque siecle toujours proportionnée à l’intérêt qu’on a de les estimer.


  1. Ce n’est pas que ces anciens romans ne soient encore agréables à quelques philosophes, qui les regardent comme la vraie histoire des mœurs d’un peuple considéré dans un certain siecle et une certaine forme de gouvernement. Ces philosophes, convaincus qu’il y auroit une très grande différence entre deux romans, l’un écrit par un Sybarite, et l’autre par un Crotoniate, aiment à juger le caractere et l’esprit d’une nation par le genre de roman qui la séduit. Ces sortes de jugements sont d’ordinaire assez justes ; un politique habile pourroit avec ce secours assez précisément déterminer les entreprises qu’il est prudent ou téméraire de tenter contre un peuple : mais le commun des hommes, qui lit les romans moins pour s’instruire que pour s’amuser, ne les considere pas sous ce point de vue, et ne peut en conséquence en porter le même jugement.
  2. Dans un des sermons de ce Menot il s’agit de la promesse du Messie. « Dieu, dit-il, avoit, de toute éternité, déterminé l’incarnation et le salut du genre humain ; mais il vouloit que de grands personnages, tels que les saints peres, le demandassent. Adam, Enos, Enoch, Mathusalem, Lamech, Noé, après l’avoir inutilement sollicité, s’aviserent de lui envoyer des ambassadeurs. Le premier fut Moïse ; le second, David ; le troisieme, Isaïe ; et le dernier, l’Église. Ces ambassadeurs n’ayant pas mieux réussi que les patriarches eux-mêmes, ils crurent devoir députer des femmes. Madame Ève se présenta la premiere, à laquelle Dieu fit cette réponse : Ève, tu as péché, tu n’es pas digne de mon fils. Ensuite madame Sara, qui dit, Ô Dieu ! aide nous. Dieu lui dit, Tu t’en es rendue indigne par l’incrédulité que tu marquas lorsque je t’assurai que tu serois mere d’Isaac. La troisieme fut madame Rébecca : Dieu lui dit, Tu as fait, en faveur de Jacob, trop de tort à Ésaü. La quatrieme, madame Judith, à qui Dieu dit, Tu as assassiné. La cinquieme, madame Esther, à qui il dit, Tu as été trop coquette ; tu perdois trop de temps à t’attifer pour plaire à Assuérus. Enfin fut envoyée la chambriere, de l’âge de quatorze ans, laquelle, tenant la vue basse, et toute honteuse, s’agenouilla, puis vint à dire, Que mon bien-aimé vienne dans mon jardin, afin qu’il y mange du fruit de ses pommes ; et le jardin étoit le ventre virginal. Or, le fils ayant ouï ces paroles, il dit à son père : Mon pere, j’ai aimé celle-ci dès ma jeunesse, et je veux l’avoir pour mere. À l’instant Dieu appelle Gabriel, et lui dit, Ô Gabriel va-t’en vîte en Nazareth, à Marie, et lui présente de ma part ce lettres. Et le fils y ajouta : Dis-lui, de la mienne, que je la choisis pour ma mere. Assure-la, dis ensuite le Saint-Esprit, que j’habiterai en elle, qu’elle sera mon temple, et remets-lui ces lettres de ma part. » Tous les autres sermons de ce Menot sont à-peu-près dans le même goût.
  3. Dans ces temps l’ignorance étoit telle, qu’un curé ayant un procès avec ses paroissiens, pour savoir aux frais de qui l’on paveroit l’église ; ce curé, lorsque le juge étoit prêt à le condamner, s’avisa de citer ce passage de Jérémie : Paveant illi, et ego non paveam. Le juge ne sut que répondre à la citation ; il ordonna que l’église seroit pavée aux dépens des paroissiens.

    Il y eut un temps dans l’Église où la science et l’art d’écrire furent regardés comme des choses mondaines, indignes d’un chrétien. On dit même à ce sujet que les anges fouetterent S. Jérôme, pour avoir voulu imiter le style de Cicéron. L’abbé Carraut prétend que c’est pour l’avoir mal imité.

  4. Utrum Deus potuerit suppositare mulierem, vel diabolum, vel asinum, vel silicem, vel cucurbitam ; et, si suppositasset cucurbitam, quemadmodum fuerit concionatura, editura miracula, et quonam modo fuisset fixa cruci. Apolog. P. Horodot. tom. III, p. 127.
  5. Quelque chose qu’on dise en faveur des siecles d’ignorance, on ne fera jamais accroire qu’ils aient été favorables à la religion ; ils ne l’ont été qu’à la superstition. Aussi rien de plus ridicule que les déclamations qu’on fait, ou contre les philosophes, ou contre les académies de province. Ceux qui les composent, dit-on, ne peuvent éclairer la terre ; ils feroient mieux de la cultiver. De pareils hommes, répliquera-t-on, ne sont pas d’état à labourer la terre. D’ailleurs, vouloir, pour l’intérêt de l’agriculture, les enregistrer dans le rôle des laboureurs, lorsqu’on entretient tant de mendiants, de soldats, d’artisans de luxe, et de domestiques, c’est vouloir rétablir les finances d’un état par des ménages de bouts de chandelles. J’ajouterai même qu’en supposant que ces académies de province ne fissent que peu de découvertes, on peut du moins les considérer comme les canaux par lesquels les connoissances de la capitale se communiquent aux provinces : or rien de plus utile que d’éclairer les hommes. Les lumieres philosophiques, dit M. l’abbé de Fleury, ne peuvent jamais nuire. Ce n’est qu’en perfectionnant la raison humaine, ajoute M. Hume, que les nations peuvent se flatter de perfectionner leur gouvernement, leurs lois et leur police. L’esprit est comme le feu ; il agit en tous sens. Il y a peu de grands politiques et de grands capitaines dans un pays où il n’y a pas d’hommes illustres dans les sciences et les lettres. Comment se persuader qu’un peuple qui ne sait ni l’art d’écrire ni celui de raisonner puisse se donner de bonnes lois, et s’affranchir du joug de cette superstition qui désole les siecles d’ignorance ? Solon, Lycurgue, et ce Pythagore qui forma tant de législateurs, prouvent combien les progrès de la raison peuvent contribuer au bonheur public. On doit donc regarder ces académies de province comme très utiles. Je dirai de plus que, si l’on considere les savants simplement comme des commerçants, et si l’on compare les cent mille livres que le roi distribue aux académies et aux gens de lettres avec le produit de la vente de nos livres à l’étranger, on peut assurer que cette espece de commerce a rapporté plus de mille pour cent à l’état.
  6. Histoire de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, tome xviii.
  7. Ce Maillard, qui déclamoit de cette maniere contre le clergé, n’étoit pas lui-même exempt des vices qu’il reprochait à ses confreres. On l’appeloit le docteur gomorrhéen. On avoit fait contre lui cette épigramme, qui me paroît assez bien tournée pour le temps :
    Nostre maistre Maillard tout par-tout met le nez,
    Tantost va chez le roy, tantost va chez la royne ;
    Il fait tout, il sçait tout, et à rien n’est idoine ;
    Il est grand orateur, poëte des mieux nés,
    Juge si bon qu’au feu mille en a condamnés,
    Sophiste aussy aigu que les fesses d’un moine.
    Mais il est si meschant, pour n’estre que chanoine,
    Qu’auprès de luy sont saincts le diable et les damnés.
    Si se fourrer par-tout à gloire il le répute,
    Pourquoy dedans Poissy n’est-il à la dispute ?
    Il dit qu’à grand regret il en est éloigné ;
    Car Beze il eust vaincu, tant il est habile homme.
    Pourquoy donc n’y est-il ? Il est embesoigné
    Après les fondements pour rebastir Sodome.
  8. Les guerres civiles sont un malheur auquel on doit souvent de grands hommes.
  9. Du récit d’une action héroïque le lecteur ne croit que ce qu’il est capable de faire lui-même ; il rejette le reste comme inventé.
  10. Voyez l’Histoire des Hérésies, par S. Épiphane.
  11. J’entends par ce mot tout ce qui n’appartient pas à la nature de l’homme et des choses : je comprends par conséquent sous ce même mot les ouvrages qui nous paroissent les plus durables ; telles sont les fausses religions, qui, successivement remplacées les unes par les autres, doivent, relativement à l’étendue des siecles, être comptées parmi les ouvrages de mode.
  12. Voilà pourquoi, dans la Grece, dans Rome, et dans presque tous les pays, le siecle des poëtes a toujours annoncé et précédé celui des philosophes.