De Mazas à Jérusalem/4/Jérusalem

Chamuel (p. 189-191).
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IV. — Le grand trimard


JÉRUSALEM


J’errais à l’aventure par cette nuit d’orage.

J’allais très vite, croyant entendre parfois la course des janissaires à ma poursuite. Mais c’était le bruit du vent qui soufflait de la mer ou bien l’écho de mes pas dans la ville endormie.

J’explorais hâtivement Jaffa, fouillant l’ombre des maisons basses, dévalant par les raidillons des ruelles, martelant cette question : que faire ?

Peu à peu le temps s’éclaircit. La pluie cessa. Le jour pointait, blafard. Je me trouvais sur les rocs abrupts de la rive et je voyais au large deux navires : un paquebot français et un voilier au pavillon anglais. Le salut était là. Mais nul batelier sur la côte et déjà des cultivateurs indigènes se rendaient à leurs travaux. C’était le réveil plein de menaces.

Que faire ?

Un homme me parla et je ne compris pas ce qu’il me dit.

Tout à l’heure on me remarquerait, on me signalerait ; un Européen ne peut circuler en ces parages sans captiver l’attention. Du reste, à présent, sans doute, l’évasion était constatée. La chasse commençait.

Il fallait fuir et se presser.

Je remontai l’escarpement de la ville en amphithéâtre.

Cette fois je comptais gagner l’intérieur.

Je pourrais, à l’étape du soir, apercevoir Jérusalem et, sous ce ciel où l’étoile des Mages brilla, le hasard me guiderait peut-être vers quelque asile insoupçonné…

J’avançais.

Je n’espérais plus l’excursion facile au bord du Jourdain et sur ces rives de la Mer Morte où Sodome et Gomorrhe, sociétés avilies, subirent l’initiale propagande par le fait.

Au moins pénétrerais-je dans la Ville-Sainte ?

C’était vers là-bas que s’aimantaient mes efforts.

Tenacement j’avançais dans l’incertitude des chemins.

Et je concevais, par instant, l’anxiété piaffante des Hébreux si près — vainement — de la Terre Promise.