David Copperfield (Traduction Pichot)/Troisième partie/Chapitre 23

Traduction par Amédée Pichot.
Bureaux de la Revue britannique (3p. 458-474).

CHAPITRE XXIII.

Une visite.


Ce que j’ai voulu raconter de mes souvenirs est à peu près terminé. Il est cependant un incident qui reste gravé dans ma mémoire, un incident dont j’aime à m’entretenir quelquefois, et sans lequel un des fils dont ma vie a été tissue ne serait pas démêlé.

La renommée et la fortune avaient souri à mon ambition ; mon bonheur domestique était parfait ; mon mariage durait depuis dix ans. Un soir, Agnès et moi nous étions assis près du feu, dans notre maison à Londres, et trois de nos enfants jouaient dans le salon, quand on m’annonça un étranger qui désirait me parler.

On lui avait demandé s’il venait pour affaires ; il avait répondu non. Il ne venait que pour le plaisir de me voir et il venait de bien loin. C’était un vieillard, dit mon domestique, et il avait l’air d’un fermier.

Comme cela paraissait mystérieux aux enfants, et ressemblait d’ailleurs au début d’une des histoires favorites qu’Agnès leur racontait quelquefois, une histoire dans laquelle entrait d’abord un mauvais génie, revêtu d’un vieux manteau, qui haïssait tout le monde, l’arrivée du vieillard qui ressemblait à un fermier produisit quelque émotion. Un de nos garçons posa sa tête sur les genoux de sa mère pour être à l’abri du danger, — la petite Agnès (notre fille, l’aînée de nos enfants), laissa sa poupée sur une chaise pour la représenter, s’enveloppant elle-même dans les rideaux de la croisée et regarda de là ce qui allait survenir.

« — Qu’il entre, » dis-je.

Bientôt parut un vieillard aux cheveux blancs et au teint hâlé, qui s’arrêta en entrant dans la pénombre de la porte. La petite Agnès, séduite par son air vénérable, oublia sa peur curieuse, courut à lui pour le prendre par la main, et je n’avais pas encore vu son visage, que ma femme s’écria d’une voix émue et charmée : « C’est M. Daniel Peggoty ! »

C’était M. Daniel Peggoty : vieux d’années à présent, mais d’une robuste et verte vieillesse. Quand notre première émotion fut calmée et qu’il s’assit devant le feu avec les enfants sur ses genoux, j’admirai cette mâle et digne figure que l’âge avait respectée et même embellie.

« — M. Davy, » me dit-il en me réjouissant le cœur par le nom qu’il me donnait dans mon enfance… « M. Davy, je bénis l’heure où je vous revois avec votre bonne et fidèle femme. 

» — C’est une heure que je bénis aussi, mon vieil ami ! » m’écriai-je.

« — Et ces jolis enfants, » dit M. Daniel Peggoty, « ces boutons de rose ! ah ! M. Davy, vous n’étiez pas plus grand que le plus petit des trois, quand je vous vis pour la première fois. Émilie était de la même taille et notre pauvre Cham n’était encore qu’un gros garçon. 

» — Le temps m’a plus changé, moi, qu’il ne vous a changé, vous, depuis lors, » dis-je. « Mais il faut que ces petits drôles aillent se coucher, et comme il n’y a pas, en Angleterre, d’autre maison qui doive être la vôtre, où enverrai-je chercher vos bagages ?… (Avez-vous encore le vieux sac noir qui voyageait tant avec vous ?) Après cela nous boirons un verre de grog de Yarmouth, et nous causerons ensemble des événements qui se sont passés depuis dix ans. 

» — Êtes-vous seul ? » demanda Agnès.

« — Oui, Madame, » répondit-il en lui baisant la main, « tout seul. »

Nous le fîmes asseoir entre nous deux, ne sachant comment lui témoigner tout le plaisir que nous avions de le revoir ; cela me faisait du bien d’écouter la voix de sa vieille amitié, écho vivant de quelques-uns de mes souvenirs les plus tristes et aussi les plus doux.

« — J’avouerai, » dit M. Daniel Peggoty, « que c’est beaucoup d’eau à traverser que de venir de l’Australie en Angleterre pour n’y demeurer que quelques semaines. Mais l’eau, surtout l’eau salée, est comme mon élément, et puis, je pensais aux amis au milieu desquels je me retrouve en ce moment… élémentmoment ! j’ai fait des vers sans le savoir, peut-être, car cela rime, n’est-ce pas ? 

» — Et retournez-vous donc si tôt en Australie ? » demanda Agnès, charmée de cette gaîté du vieillard. 

» — Oui, Madame ; je l’ai promis à Émilie avant de m’embarquer. Vous voyez que je n’ai pas rajeuni en prenant des années, et il était temps de faire ce voyage, ou il aurait été bientôt trop tard pour l’entreprendre ; mais je m’étais toujours promis de venir voir M. Davy et sa charmante femme dans le bonheur de leur ménage, avant que je fusse devenu trop vieux. »

Il nous souriait avec sa cordialité, — Agnès écarta quelques boucles de ses cheveux blancs qui lui tombaient sur les yeux.

« — Et maintenant racontez-nous, » lui dis-je, « tout ce qui vous est arrivé depuis dix ans. 

» — C’est une histoire bientôt racontée, » répondit-il ; « nous avons cherché à réussir et nous avons réussi. Le commencement a été peut-être un peu dur ; il a fallu travailler avec courage ; mais le courage ne nous a pas manqué, et le succès est venu en son temps. Notre ferme a prospéré, nos troupeaux ont prospéré, la Providence, en un mot, bénie soit-elle, a conduit toutes nos affaires pour le mieux, et, grâce à son secours, un bonheur a succédé à un autre. C’est toujours ainsi, quand on s’en rapporte à la Providence ; si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain ! 

» — Et Émilie ? » demandâmes-nous en même temps Agnès et moi. 

» — Émilie ! Madame, après que vous lui eûtes fait vos adieux, se mit à prier pour vous ; et, cette prière, elle la répéta tous les jours, non-seulement sous la voile du navire, mais encore sous notre toit en Australie. Quand nous eûmes perdu de vue les côtes d’Angleterre, on m’apprit le malheur qui était arrivé à Yarmouth, et que M. Davy nous avait caché dans sa tendre sollicitude pour nous… Je ne voulus pas moi-même l’apprendre encore à Émilie, tant elle était triste déjà, tant je craignais que ce ne fût un coup trop cruel pour elle ; mais comme nous eûmes des malades à bord, elle en prit soin, et puis il y avait les enfants de nos compagnons d’émigration… elle en prit soin aussi. Cette distraction, celle de faire du bien, la soutint pendant la traversée. 

» — Et quand l’apprit-elle ? 

» — Je n’avais encore parlé de rien un an après, » dit M. Daniel Peggoty. « Nous habitions alors une retraite solitaire, au milieu des plus beaux arbres et des rosiers grimpants de ce pays, qui couronnaient de leurs guirlandes le faîte de notre cabane. Pendant que j’étais à travailler dans les champs, vint un voyageur du comté de Norfolk, en Angleterre. Nous lui fîmes, comme de juste, l’accueil hospitalier qu’on ne refuse d’ailleurs à personne dans la colonie. Il avait un vieux journal et un récit imprimé de la tempête de Yarmouth. Voilà comment Émilie en eut la première nouvelle. Quand je rentrai le soir, je trouvai qu’elle savait tout. »

Il prononça ces derniers mots d’une voix triste et avec cette grave tristesse qu’exprimait autrefois sa belle tête quand il était malheureux.

« — Et quel fut l’effet de cette nouvelle sur Émilie ? » demandâmes-nous. 

» — Elle en fut long-temps, très long-temps affectée, » dit-il, « quoique aujourd’hui elle soit tout-à-fait remise de cette longue émotion : la solitude finit par lui faire du bien, — la solitude avec les occupations de notre ferme ; car elle se mêle de tout, elle conduit tout elle-même. Vous ne reconnaîtriez peut-être plus mon Émilie à présent, M. Davy ?

» — Est-elle si changée ?

» — Je ne sais trop, parce que je la vois tous les jours ; mais quelquefois je le pense. Vous verriez une femme mince, aux traits délicats, dont les yeux bleus sont toujours tendres, portant la tête un peu penchée, parlant d’une voix calme, presque timide… Telle est Émilie, » ajouta-t-il en regardant la flamme de la cheminée, comme si sa nièce chérie avait été évoquée par ce tendre souvenir.

Nous l’écoutions en silence.

« — Les uns pensent, » poursuivit-il, « qu’elle eut une affection malheureuse, les autres qu’elle allait se marier quand la mort rompit son mariage. Personne ne sait ce qui en est. Émilie aurait pu trouver bien des maris ; mais, « mon oncle, m’a-t-elle souvent répété, c’est fini pour toujours. » Douce et gaie avec moi, réservée quand nous ne sommes pas seuls, ne trouvant aucun lieu trop loin quand il s’agit d’enseigner un enfant, de soigner un malade ou de rendre quelque service à une jeune mariée (quoiqu’elle ait fait plusieurs mariages sans assister à un seul), aimée de tous et de son oncle plus que de personne, patiente et recherchée par quiconque souffre ou a du chagrin… telle est mon Émilie. »

Il passa la main sur ses yeux et cessa de regarder le feu en étouffant un soupir.

« — Martha est-elle toujours avec vous ? » demandai-je.

« — Martha, » répondit-il, « s’est mariée, M. Davy, la seconde année de notre émigration. Un jeune laboureur, qui avait fait halte chez nous en conduisant les chevaux de son maître d’un établissement à un autre, proposa de la prendre pour femme (les femmes sont rares en Australie). Il avait quelques économies et désirait cultiver une ferme pour son compte. Martha me consulta et me pria de lui raconter toute son histoire. Je le fis, et le jeune laboureur persista ; ils se marièrent, et ils vivent dans un canton isolé où ils sont à quatre cents milles d’aucune ville ou bourgade, n’entendant d’autres voix que la leur et celles des oiseaux. 

» — Mrs  Gummidge ?… »

En faisant cette question, je réveillai un souvenir plaisant, car M. Daniel Peggoty partit d’un grand éclat de rire et se frictionna les jambes avec ses deux mains, comme il faisait autrefois quand on racontait quelque bonne histoire dans la maison-navire.

« — Le croiriez-vous ? » répondit-il. « La brave femme a reçu des offres de mariage ; le cuisinier d’un navire, qui s’était fait colon, ne proposa-t-il pas à Mrs  Gummidge de l’épouser ? C’est vrai comme je vous le dis, M. Davy ! »

Je n’avais jamais vu Agnès rire de si bon cœur. La folle gaîté de M. Daniel Peggoty avait été contagieuse pour elle, et, à mon tour, je me serais volontiers tenu les côtés pendant que notre hôte se frottait de nouveau les jambes.

« — Et que répondit Mrs  Gummidge ? » demandai-je quand je pus retrouver mon sérieux.

« — Mrs  Gummidge, » reprit M. Daniel Peggoty, « au lieu de dire : « Merci ! je vous suis bien obligée, je ne veux pas me marier à mon âge, » que fit-elle, M. Davy ? Mrs  Gummidge saisit un baquet plein d’eau qui était à côté d’elle et en coiffa la tête du coq, qui se mit à crier au secours. J’accourus et le délivrai. »

À ces mots, M. Daniel Peggoty de rire encore aux éclats, Agnès et moi faisant chorus.

« — Mais il faut que j’ajoute, pour être juste envers la bonne femme, » poursuivit-il quand nous eûmes assez ri, « qu’elle a été pour Émilie et pour moi ce qu’elle avait promis d’être ; c’est la meilleure, la plus serviable, la plus complaisante, la plus prévenante des créatures. Je ne l’ai pas surprise une seule fois à se lamenter, alors même que nous arrivions et que tout était nouveau pour nous dans la colonie. Depuis que nous avons quitté l’Angleterre, si elle pense encore à l’ancien, elle n’en parle plus. 

» — Et permettez-moi aussi, » dis-je, « de vous parler de M. Micawber. Il a soldé toutes les obligations contractées par lui ici… y compris son billet à Traddles, vous vous en souvenez, chère Agnès… J’en conclus qu’il a prospéré ; mais quelles sont les dernières nouvelles que vous pouvez nous donner de M. Micawber ? »

M. Daniel Peggoty sourit, et, fouillant dans la poche de sa redingote, en tira un paquet de papiers parmi lesquels il choisit une gazette.

« — Vous allez le savoir, M. Davy, » dit-il. « M. Micawber a quitté la campagne et il s’est établi à Port-Middlebay-Harbour, où il y a ce que nous appelons une ville et un port. 

» — M. Micawber était donc dans le même district que vous ? » demandai-je. 

» — Oui, il y a fait parfaitement ses affaires aussi ; il s’était mis de cœur à la colonisation, et, aujourd’hui, le voilà un des magistrats de Middlebay-Harbour. 

» — Un magistrat ? dites-vous. »

M. Daniel Peggoty avait déplié le journal, qui s’intitulait le Port-Middlebay times, et, pour toute réponse, il m’indiqua du doigt un paragraphe que je lus à haute voix :

✑ « Hier a eu lieu, dans la grande salle de l’hôtel, le banquet offert à notre concitoyen distingué Wilkins Micawber, Esq., juge de paix du district de Port-Middlebay. La foule était immense ; elle se pressait sur les escaliers et dans les couloirs. On estime qu’il y avait à table plus de quarante-sept convives, etc., etc. Tout ce qu’il y a de plus fashionable parmi le beau sexe de Port-Middlebay était accouru pour faire honneur à un membre aussi considéré et aussi populaire de la colonie. Le docteur Mell (le directeur de l’école élémentaire de Port-Middlebay) présidait le banquet, ayant à sa droite l’honorable M. Micawber. La nappe enlevée, on a chanté le Non vobis, qui a été admirablement exécuté (et nous avons facilement reconnu le timbre argentin de ce remarquable amateur, Wilkins Micawber fils aîné). Les toasts patriotiques se sont succédé comme d’usage et ont été accueillis avec transport par les fidèles sujets de Sa Majesté. Le docteur Mell a prononcé un discours plein de sentiment, terminé par la santé suivante : « À notre illustre convive, l’ornement de notre ville ! Puisse-t-il ne nous jamais quitter que pour son propre bonheur, et puisse-t-il prospérer tellement parmi nous, qu’il lui devienne impossible d’être plus heureux ailleurs ! » Il est difficile de décrire l’enthousiasme excité par ce toast ; les applaudissements ont retenti comme le tumulte d’une tempête ; enfin, le silence ayant été obtenu, Wilkins Micawber, Esq., s’est levé pour remercier. Notre feuille n’ayant point encore son personnel complet de sténographes, nous n’essaierons point de suivre pas à pas notre éloquent concitoyen dans les périodes fleuries de sa harangue. Il nous suffira de dire que l’orateur a prononcé un chef-d’œuvre. Il a plus particulièrement touché son auditoire lorsque, s’adressant aux plus jeunes de ceux qui l’écoutaient, il a retracé les pénibles débuts de sa carrière et conseillé à ceux qui auraient l’espoir de réussir comme lui, d’éviter « les écueils financiers qu’on appelle des lettres de change, et ces bas-fonds qu’on appelle des dettes d’une liquidation difficile. » Les larmes ont coulé des yeux les plus mâles. On a porté ensuite, entre autres santés, celles du docteur Mell, de Mrs  Micawber (qui a salué gracieusement du haut de la galerie réservée, où une constellation de belles dames assistait au banquet en le décorant de leurs charmes et de leurs toilettes) ; de Mrs  Bedger Begs (née Miss Micawber) ; de Mrs  Mell ; de M. Wilkins Micawber fils aîné (qui a excité des rires convulsifs en répondant avec sa gaieté originale, qu’il se sentait incapable de remercier par un discours, mais qu’il demandait la permission de remercier par une chanson) ; enfin, celle de toute la famille Micawber, etc., etc. À la conclusion des toasts, les tables et les chaises ont disparu comme par un effet de magie, et la salle du banquet s’est transformée en une salle de bal. Parmi les fidèles de la déesse Terpsichore qui ont foulé le parquet sous leurs légers pas jusqu’à ce que les premiers rayons du soleil levant aient fait pâlir les lustres, on a surtout remarqué Wilkins Micawber, Esquire, fils aîné, et l’aimable Miss Helena, quatrième fille du docteur. »

Je relisais les lignes où figurait le nom du docteur Mell, charmé de reconnaître dans une situation plus heureuse le pauvre M. Mell, jadis triste maître d’étude du pensionnat de mon magistrat de Middlesex, lorsque M. Daniel Peggoty m’indiqua un autre paragraphe du journal où, attiré par mon propre nom, je lus l’épître suivante :

À DAVID COPPERFIELD, LE CÉLÈBRE AUTEUR.
« Mon cher Monsieur,

» Des années se sont écoulées depuis que j’avais le bonheur de voir de mes yeux celui dont le burin a fait connaître la physionomie à une grande partie du monde civilisé, physionomie familière surtout à l’imagination de ses nombreux lecteurs. 

» Mais, mon cher Monsieur, quoique les circonstances (circonstances indépendantes de ma volonté) m’aient arraché à la société personnelle de l’ami et du compagnon de ma jeunesse, je n’ai pas perdu de vue son essor glorieux !

En vain les vastes mers mugissent entre nous,
Rough seas between us braid ha’ roared, (Burns.)


elles ne m’ont pas empêché de participer aux banquets intellectuels que cet ami nous sert dans ses ouvrages. 

» Je ne puis donc, mon cher Monsieur, laisser partir de ces lieux un individu que nous estimons et respectons, vous et moi, sans profiter de cette occasion de vous remercier publiquement, par la voix de la presse, en mon nom, et j’ose ajouter au nom de tous les habitants de Port-Middlebay, des jouissances dont vous êtes le merveilleux instrument. 

» Continuez, mon cher Monsieur ! Vous n’êtes pas inconnu ici, vous n’êtes pas inapprécié. Quoique éloignés, nous ne sommes ni oublieux de nos amis, ni tristes, ni (je puis ajouter) lents à les louer. Nul ne nous blâmera de nous appliquer cette variante du vers de Goldsmith :

« Remote, un friended melancoly and slow. »

» Continuez, mon cher Monsieur, votre vol d’aigle. Les habitants de Port-Middlebay peuvent, du moins, prétendre à le suivre avec délices, amusement et instruction ! 

» Au nombre des yeux qui se tournent vers vous de cette partie du globe, on trouvera toujours, tant qu’il aura vie et lumière, 

» L’œil
» appartenant
-----» à
----------» Wilkins Micawber,
-------------» Magistrat. »

En parcourant les autres colonnes du Middlebay Times, je reconnus que M. Micawber était un correspondant diligent et estimé de ce journal. Il y avait, dans le même numéro, une autre lettre de lui relativement à un pont. En tête des annonces, on faisait espérer au public la seconde édition d’un recueil de ses lettres, en un joli volume, avec des augmentations considérables, et je me trompe fort si l’article principal n’était pas aussi de M. Micawber.

Le nom de M. Micawber revint plusieurs fois dans nos entretiens avec M. Peggoty, qui passa presque toutes ses soirées avec nous pendant son séjour à Londres. Ce séjour dura environ un mois. Sa sœur et ma tante se rendirent à Londres pour le voir. Quand il partit, Agnès et moi nous allâmes faire nos adieux à notre hôte sur le pont du navire qui le ramenait en Australie.

Nous ne le reverrons plus dans ce monde.

Mais, avant de nous quitter, il était allé à Yarmouth pour visiter un petit marbre que j’avais fait placer dans le cimetière en mémoire de Cham. Tandis qu’à sa prière, je copiais la simple inscription gravée sur le monument, je le vis se baisser pour cueillir une touffe de gazon avec un peu de terre. 

« — C’est pour Émilie, » dit-il, « M. Davy, je le lui ai promis ! »

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