Démoniana ou Nouveau choix d’anecdotes/Le Spectre de flamme
LE SPECTRE DE FLAMME.
Il y eut, sous le règne de Louis XIII, une Histoire de revenant qui fit assez de bruit à Marseille. Le comte et la comtesse d’Alais voyaient, toutes les nuits, un grand spectre enflammé se promener par leur chambre ; et aucune force humaine ne pouvait obliger l’esprit à se retirer.
Ce fantôme s’était montré d’abord au comte d’Alais seulement ; et la comtesse n’en était point inquiétée. Mais quand le comte épouvanté se fut décidé à coucher dans la chambre de sa femme, et à partager son lit, ce fut dans cette chambre, et autour de ce lit, que le spectre de feu se montra.
La comtesse d’Alais supplia son mari de quitter une maison et une ville où ils ne pouvaient plus dormir. Le comte, qui se plaisait à Marseille, voulut, avant d’en sortir, employer encore tous ses moyens à l’expulsion du fantôme. Le fameux Gassendi fut consulté là-dessus. Après avoir profondément et longuement raisonné, il conclut que ce fantôme de feu qui se montrait toutes les nuits, avait été formé par des vapeurs enflammées, produites par le souffle du comte et de la comtesse… D’autres savans donnèrent des réponses aussi peu satisfaisantes.
On était dans un grand embarras, lorsqu’on découvrit enfin le secret : une femme-de-chambre, cachée sous le lit conjugal, faisait de temps en temps paraître un phosphore, à qui la peur donnait une taille et des formes épouvantables ; et la comtesse elle-même faisait jouer cette farce, pour obliger son mari à quitter Marseille, qu’elle n’aimait pas…