Démétrius (Delrieu)/Acte III

Ladvocat (p. 35-50).

ACTE III.



Scène PREMIÈRE.

(Nicanor entre par le fond, précédé et suivi des gardes. Héliodore paraît quelque temps après à droite.)
HÉLIODORE, NICANOR, gardes.
NICANOR, en entrant.

Impitoyable reine, épouse criminelle !
Du fond de mes cachots ton ordre ici m’appelle ?

(Voyant le mausolée.)

Tu m’as ravi mon fils et ma fille et mon roi !
Tu m’as privé d’un frère ! il ne reste que moi.
Viens : achève…

HÉLIODORE, l’interrompant en entrant.

Viens : achève… Seigneur, je brise votre chaîne.

NICANOR.

Toi ? traître !

HÉLIODORE.

Toi ? traître ! J’obéis aux ordres de la reine.
Connaissez sa bonté : vous êtes libre.

NICANOR.

Connaissez sa bonté : vous êtes libre. Moi ?

HÉLIODORE.

Vous-même !

NICANOR, stupéfait.

Vous-même ! En ce palais vais-je revoir mon roi ?

Réponds !… Démétrius vient-il des bords du Tibre ?
Devrais-je à son retour le bonheur d’être libre ?
De Stratonice enfin va-t-il être l’époux ?
Vivra-t-il pour ma fille ?

HÉLIODORE.

Vivra-t-il pour ma fille ? Elle vivra pour vous.
La reine à Nicanor aujourd’hui va la rendre.

NICANOR.

Ma fille ?… Un tel bienfait a droit de me surprendre.
Et mon prince ?… va-t-il recouvrer son pouvoir ?
Va-t-il régner ? voilà ce que je veux savoir !

HÉLIODORE.

Seigneur ! cette espérance, hélas ! vous est ravie.
Du fils de Séleucus Rome a tranché la vie.

NICANOR.

Rome, dis-tu ?… Cruel ! ne m’abuses-tu pas ?
C’est toi seul qui répands le bruit de son trépas.
Laodice, appuyant ta criminelle audace,
Dit que son roi n’est plus, pour régner en sa place !

HÉLIODORE.

La reine, ainsi que vous, douterait de son sort,
Si Pharasmin, seigneur, n’eût attesté sa mort.

NICANOR.

Pharasmin ?

HÉLIODORE.

Pharasmin ? Du consul reconnaissez l’ouvrage :
Il a seul ordonné l’homicide breuvage ;
Le fils des rois périt de la main d’un licteur !

NICANOR.

De cet assassinat Laodice est l’auteur.

HÉLIODORE.

Nicanor, pouvez-vous écouter votre haine,
Quand votre liberté…

NICANOR.

Quand votre liberté… Rends-moi, rends-moi ma chaîne !

HÉLIODORE.

Accusez les Romains du meurtre de mon roi.

NICANOR.

Je n’en puis accuser que Laodice et toi.
Pharasmin, par ton ordre, a frappé la victime.

HÉLIODORE.

Pharasmin ? Respectez ce héros magnanime :
Il n’a point mérité le reproche offensant…

NICANOR.

Parlerais-tu pour lui, s’il était innocent ?

HÉLIODORE.

Je défends d’un guerrier le zèle et le courage.

NICANOR.

Barbare ! tu défends l’instrument de ta rage.
Du pur sang de son maître il a rougi sa main.

HÉLIODORE.

Nicanor ! est-ce à vous d’accuser Pharasmin ?
Connaissez envers lui votre injustice extrême :
Il a brisé vos fers ; il vous plaint ; il vous aime.
Il demande à vous voir. Avant de l’outrager,
Sur tout ce qui vous touche osez l’interroger.

NICANOR.

Qui, moi, d’Héliodore entendre le complice !

De son horrible aspect, moi, souffrir le supplice !
Moi lui parler !

HÉLIODORE.

Moi lui parler ! Seigneur, calmez votre courroux.
Reconnaissez la reine à ses bontés pour vous.
Verser sur vos vieux jours l’éclat dont elle brille,
Vous rendre votre rang, couronner votre fille,
Voilà ce qu’elle veut ; et vous la haïssez ?
À ses nobles desseins, seigneur, applaudissez.
Et lorsqu’Antiochus s’unit à Stratonice…

NICANOR, l’interrompant avec indignation.

Que le fils de la reine à ma fille s’unisse !
Avant que par tes soins de tels nœuds soient formés,
À la clarté du jour mes yeux seront fermés :
On n’achèvera point ce fatal hyménée !
Dût la reine m’offrir la coupe empoisonnée
Que sa main criminelle offrit à son époux,
Dussé-je à l’instant même expirer sous ses coups ;
Va la trouver ! dis-lui, barbare Héliodore,
Dis-lui que je rejette un hymen que j’abhorre ;
Dis-lui que si ma fille, en ce jour, malgré moi,
Au temple osait trahir ses sermens et son roi,
L’ingrate me verrait, étouffant la nature,
Ardent à me prévenir ma honte et son parjure,
Dans son cœur, dans le mien, enfoncer le couteau,
Et, satisfait, descendre avec elle au tombeau !

(S’éloignant d’Héliodore avec horreur.)

Ô mon roi ! tu n’es plus ! que m’importe la vie ?
Sur son trône, usurpé, moi, voir la tyrannie
S’asseoir impunément, et recueillir en paix
Le prix de ton trépas, le fruit de ses forfaits !
Moi vivre ! et voir ta veuve, à ton frère enchaînée,
Sur ta cendre allumant le flambeau d’hyménée,

Serrer d’horribles nœuds que je ne puis souffrir !
Quand la vertu succombe, il est beau de mourir.

(Il va pour sortir.)
HÉLIODORE, le retenant.

Demeurez !… En ces lieux attendez Stratonice.
À l’héritier du trône avant qu’elle s’unisse,
Elle veut vous parler ; songez en l’écoutant,
Qu’avec elle à l’autel la reine vous attend.

(Héliodore furieux sort à droite avec les gardes ; Stratonice seule entre par le fond. Nicanor voyant sa fille détourne les yeux, et se contient à peine.)

Scène II.

NICANOR, STRATONICE.
STRATONICE, accourant embrasser son père.

Tous mes vœux sont remplis. Le destin moins sévère,
Après tant de malheures, me rend…

NICANOR.

Après tant de malheures, me rend… Fuis, téméraire !

STRATONICE.

Mon père se dérobe à mes embrassemens ?

NICANOR.

Je ne te connais plus ; tu trahis tes sermens !
Laisse-moi, fille ingrate, épouse criminelle !
Au temple de l’hymen Antiochus t’appelle :
Les autels sont parés. En violant ta foi,
Cours, perfide, insulter aux mânes de ton roi !

STRATONICE.

Aux mânes de mon roi ?… Mon père ! à Stratonice
De vos affreux soupçons épargnez l’injustice.

Moi, violer ma foi ! Moi, trahir mon époux !
Jugez mieux votre sang ; il est digne de vous.
Bannissez la douleur où votre âme est en proie.
Écoutez votre fille, et partagez sa joie.

NICANOR.

Moi ?

STRATONICE, après avoir regardé autour d’elle, et à voix basse.

Moi ? Vous-même… Apprenez que ce prince adoré,
Ce proscrit que l’Asie a si long-temps pleuré,
L’otage des Romains, l’héritier de l’empire,
Mon époux, votre fils, enfin mon roi, respire !

NICANOR.

Il respire ?

STRATONICE.

Il respire ? Le ciel le rend à nos souhaits ;
Sauvé par un miracle, il est dans ce palais.

NICANOR.

Démétrius ?

STRATONICE.

Démétrius ? Caché sous le nom d’un perfide,
Sans crainte il s’abandonne au destin qui le guide.
Mon père, à notre amour les dieux l’ont conservé.
Du fer des assassins à Rome ils l’ont sauvé ;
Aux regards de la reine, aux yeux d’Héliodore,
Pour protéger sa vie ils le cachent encore.

(Regardant au fond.)

Il paraît !…

NICANOR, à lui-même.

Il paraît !… À sa vue, ô ciel ! je sens mon cœur
À la fois tressaillir de joie et de terreur.

(Nicanor et Stratonice se rangent à droite, à l’écart.)

Scène III.

NICANOR, STRATONICE, DÉMÉTRIUS, HÉLIODORE.
HÉLIODORE, en entrant, à Démétrius.

Nicanor vous attend.

DÉMÉTRIUS, à Héliodore.

Nicanor vous attend. Il suffit : qu’on nous laisse !
Exécutez votre ordre ; éloignez la princesse.
Je dois à Nicanor parler en liberté.
Je veux que, dès ce jour, oubliant sa fierté,
Soumis, rendant justice à la reine, à vous-même,
Il soit, grâce à mes soins, l’appui du diadème.
Pour défendre le trône il va, n’en doutez pas,
Reprendre son épée et marcher aux combats.
Allez !

HÉLIODORE, en confidence à Démétrius.

Allez ! Domptez son cœur ; fléchissez son courage.

(À Stratonice.)

Vous, suivez-moi, madame.

STRATONICE, en sortant.

Vous, suivez-moi, madame. Achevez votre ouvrage,
Dieux vengeurs !

(Elle sort avec Héliodore.)

Scène IV.

NICANOR, DÉMÉTRIUS.
DÉMÉTRIUS.

Dieux vengeurs ! Nicanor !

NICANOR.

Dieux vengeurs ! Nicanor ! Ô mon fils ! ô mon roi !
En croirai-je ma fille ? est-ce vous que je voi ?

DÉMÉTRIUS, à voix basse.

Oui !… Reconnais les dieux dont la main tutélaire
M’arrache à mes bourreaux et me rend à mon père !

(Il l’embrasse.)
NICANOR, avec l’accès de la joie.

Ah !… je n’en doute plus, mon prince est dans mes bras !

DÉMÉTRIUS, regardant autour de lui.

Réprime ces transports et ne me trahis pas !

(Le reste de la scène est parlé à demi-voix.)

La reine est au conseil ; mais sa garde cruelle
Veille près de ces lieux et sur nous et sur elle.

NICANOR.

Ô mon roi ! vous vivez ?… Du traître Pharasmin
La reine contre vous avait armé la main !

DÉMÉTRIUS.

Ton fils de ce barbare a trompé la furie.

NICANOR.

Mon fils sauva vos jours ?

DÉMÉTRIUS.

Mon fils sauva vos jours ? Aux dépens de sa vie !…
Écoute. Las de vivre esclave des Romains,
Informé qu’en secret de sacriléges mains
Avaient frappé mon roi pour couronner mon frère,
Résolu de venger le trépas de mon père,
Fier de punir l’auteur d’un sil lâche attentat,
Je réclame mes droits et l’appui du sénat.
Il flatte mon espoir, il diffère, il m’abuse.
« Mon épée obtiendra ce que Rome refuse ! »
M’écriai-je. Indigné des maux que j’ai soufferts
Je demande vengeance ; on me donne des fers !…

Au fond du souterrain où l’on me fit descendre,
J’implorais le trépas que j’étais las d’attendre ;
On ouvre ma prison. J’entends marcher : je voi
Deux inconnus paraître et s’avancer vers moi.
Mon œil, à la lueur du flambeau qui les guide,
Voit briller le poignard dans leur main homicide.
Le plus jeune, à ma vue, a reculé d’horreur.
Terrible, impatient d’assouvir sa fureur,
L’autre vers moi s’élance, et déjà sur ma tête
Tient le fer suspendu ; son complice l’arrête,
Et, prompt à me défendre, ardent à me venger,
Repousse le poignard levé pour m’égorger.
Soudain l’un contre l’autre ils retournent leurs armes.
Seul, passant tour à tour de l’espoir aux alarmes,
Entre mon assassin et mon libérateur,
Enchaîné, du combat je reste spectateur !…
Je vois enfin, je vois le guerrier magnanime
Renverser l’assassin aux pieds de la victime.
Il expire : (c’était l’infâme Lysias !)
Mon vengeur aussitôt vers moi tournant ses pas,
Blessé, rappelle encor ses forces, son courage,
Et, couvert de son sang, de mes fers me dégage.
Il m’apprend que son bras jadis avait puni
Le cruel Pharasmin par mon père banni ;
Et qu’ayant pris son nom, après vingt ans d’absence,
Du traître Lysias trompant la confiance,
Complice généreux d’un horrible dessein,
Il a, pour me sauver, suivi mon assassin ;
Il m’apprend que, charmé du choix de la victime,
Mais voulant l’immoler sans se charger du crime,
Le perfide consul, à l’insu du sénat,
A seul favorisé mon lâche assassinat.
J’écoutais : tout à coup sa voix s’est affaiblie ;
« Près de sauver tes jours ton frère perd la vie, »

Me dit-il. À ces mots, juge de mon effroi !
Je reconnais ton fils, il expire pour moi !
Mes frémissantes mains détachent son armure.
Le sang à gros bouillons jaillit de sa blessure.
Il meurt !… Un dieu m’inspire en ces affreux momens !
De mon libérateur je prends les vêtemens ;
Et seul, enveloppé de la nuit la plus sombre,
Éteignant le flambeau qui m’a guidé dans l’ombre,
Je sors… La garde accourt ; et, servant mon dessein,
Par l’ordre du consul, vient sauver l’assassin.
Sous l’habit du Sarmate, et tenant son épée,
J’emporte dans le sang ma dépouille trempée.
La garde, qui croit voir l’auteur de mon trépas,
Jusqu’aux portes de Rome accompagne mes pas !…
Je suis libre ; et pour moi mon vengeur perd la vie !

NICANOR.

Il a fait son devoir, et je lui porte envie.
Il a rempli mes vœux : du fond de mon cachot,
C’est moi qui l’instruisis de cet affreux complot.
C’est moi qui lui montrai les murs du Capitole.
Il a sauvé vos jours, et pour vous il s’immole !
Malheur à tout soldat qui, traître à son pays,
En retrouvant son prince, ose pleurer son fils !
Oui, Tygrane ! à mes yeux ton sort est plein de charmes.
Tes mânes frémiraient, indignés de mes larmes !…
Il voulait vous venger, remplissons ses desseins.
Dans ce palais affreux, c’est pour vous que je crains.
Aux yeux de vos sujets il est temps de paraître.
Sortons ! je sens pour vous mon courage renaître.

DÉMÉTRIUS.

Demeure, ou tu trahis l’espoir qui m’est rendu !
L’instant de la vengeance est encor suspendu.

Je puis, sans m’avilir, descendre à l’artifice.
Seul, tranquille, en ces lieux j’abuse Laodice :
À Rome Pharasmin me devait égorger ;
Mort, il me prête ici son nom pour me venger !
Je suis, à tes regards, l’appui de ton empire ;
Je parais te servir, et c’est moi qui conspire,
Reine ; c’est moi qui seul ai pris soin d’exciter
Le peuple en ma faveur prêt à se révolter !
Moi seul, autour de toi j’ai grossi la tempête
Qui gronde et va bientôt éclater sur ta tête !

NICANOR.

Lorsqu’un dieu protecteur veille ici sur vos jours,
Souffrez que j’aille au camp, vous prêtant mon secours,
Et de nos ennemis trompant la vigilance,
Des soldats abattus ranimer la vaillance.

DÉMÉTRIUS.

J’ai chargé de ce soin l’intrépide Anténor.

NICANOR.

L’ami de votre père ici respire encor ?

DÉMÉTRIUS.

Oui : ce noble guerrier, compagnon de Tygrane,
Banni par Laodice, habitait Ectabane.
Accablé de misère, il pleurait mon trépas ;
Guidé par la vengeance, il a suivi mes pas.
Instruit de mes projets, à mes ordres docile,
Il entre seul au camp ; seul j’entre dans la ville !…
Je vois le peuple en deuil ; oubliant mon danger,
Sur ta fille, sur toi, je l’ose interroger.
J’apprends que par la reine à son fils destinée,
Ta fille doit choisir la mort ou l’hyménée ;
J’apprends que dans les fers tu dois finir tes jours ;

Et je viens, inconnu, vous offrir mes secours.
Mon père ! si tu veux que mon sort s’accomplisse,
D’Héliodore en moi ne vois que le complice.
Nomme-moi Pharasmin. Un seul mot indiscret
Assure mon trépas s’il trahit mon secret.
La reine que j’abuse en affectant le zèle
En son roi qui la perd voit un sujet fidèle :
Elle craint ses soldats prêts à se révolter.
Bientôt ils me verront ! mais, avant d’éclater,
Avant d’aller au camp ceindre le diadème,
Je veux de ce palais arracher ce que j’aime !…

(Nicanor fait un mouvement.)

Ton fils sauva mes jours ; l’honneur me fait la loi
De les sacrifier pour ta fille, pour toi,
Et d’accomplir le vœu de la reconnaissance,
Avant de réclamer les droits de la naissance !

NICANOR, allant pour se jeter encore dans ses bras.

Mon cher fils !

(Se reprenant tout à coup et s’inclinant avec respect.)

Mon cher fils ! Ô mon maître !

DÉMÉTRIUS, le relevant vivement.

Mon cher fils ! Ô mon maître ! On vient ! tu me trahis !
Songe que je ne suis ni ton roi, ni ton fils !
Oh ! cache ton respect, commande à ta tendresse !


Scène V.

NICANOR, LAODICE, DÉMÉTRIUS, gardes.
LAODICE, à Démétrius en entrant.

Prince, eh bien ! tenez-vous enfin votre promesse ?
Le brave Nicanor devient-il mon appui ?
Aussi-bien que sur vous, puis-je compter sur lui ?

DÉMÉTRIUS.

Oui, reine ; à vos bontés Nicanor rend justice.
Il bénit hautement l’hymen de Stratonice.
Au bonheur de sa fille immolant son courroux,
Lui-même il veut ici l’offrir à son époux.

LAODICE, à Nicanor.

Vous, offrir Stratonice à mon fils ? quel langage,
Seigneur ! un changement si prompt…

NICANOR, désignant Démétrius.

Seigneur ! un changement si prompt… Est son ouvrage.
Par son zèle pour vous, trompé jusqu’aujourd’hui,
De la mort de mon roi je n’accusais que lui.
J’abjure mon erreur. Je dirai plus, madame ;
Son récit a banni le soupçon de mon âme.
Éclaire, satisfait, je voue au nom romain
La haine que mon cœur gardait à Pharasmin.

LAODICE, ironiquement.

Je puis donc me livrer à l’espoir qui me flatte !
Stratonice envers moi va cesser d’être ingrate !
Je ne présume pas qu’elle résiste encor
Aux lois de Laodice, aux vœux de Nicanor.

Je la rends à son père ; allez, sujet fidèle :
Allez justifier ce que j’ai fait pour elle.
Conduisez à l’autel ses pas mal assurés.

NICANOR.

J’obéis.

(Il sort.)
LAODICE, à part, avec fureur.

J’obéis. C’est la mort qui t’attend !

(Haut à Démétrius qui va pour sortir avec Nicanor.)

J’obéis. C’est la mort qui t’attend ! Demeurez !


Scène VI.

LAODICE, DÉMÉTRIUS, gardes.
DÉMÉTRIUS.

Ainsi votre bonté pardonne à Stratonice ?

LAODICE.

Avant la fin du jour elle marche au supplice !
J’allais de son hymen allumer le flambeau ;
Sous ses pas elle-même a creusé son tombeau.
C’est peu qu’à mes projets l’ingrate soit contraire,
Elle ose contre nous armer un téméraire…

DÉMÉTRIUS.

Reine ! ce téméraire…

LAODICE.

Reine ! ce téméraire… Est encore inconnu ;
Mais je sais qu’en secret jusqu’à moi parvenu,
Caché sous un faux nom, il brave les supplices.
Au camp j’ai fait saisir le chef de ses complices.

DÉMÉTRIUS.

Ce chef…

LAODICE.

Ce chef… Est immolé !

DÉMÉTRIUS.

Ce chef… Est immolé ! Quel est-il ?

LAODICE.

Ce chef… Est immolé !Quel est-il ? Anténor.

DÉMÉTRIUS, à part.

Anténor ?

(Il cache son trouble.)
LAODICE.

Anténor ? Comme lui j’accuse Nicanor.
Il déguise sa haine et sa fureur extrême.
Il ne peut m’abuser : il conspire lui-même !

DÉMÉTRIUS.

Il conspire ! et sa fille est rendue à ses vœux !
Pourquoi les réunir ?

LAODICE.

Pourquoi les réunir ? Pour les perdre tous deux !
Leur sort est décidé ; c’en est fait ; plus de grâce !
Je leur garde en secret le prix de leur audace !…

(Démétrius déguise son indignation.)

Je puis en ce moment compter sur votre bras.
Prince ! d’un vain espoir je ne me flatte pas.
Après m’avoir donné tant de preuves de zèle,
Pour moi vous volerez où l’honneur vous appelle.

DÉMÉTRIUS, à part.
(Haut.)

L’honneur ! Qu’ordonnez-vous, reine ? Hors de ces lieux
Faut-il aller chercher un trépas glorieux ?
Faut-il punir enfin Nicanor, Stratonice ?

LAODICE.

Reposez-vous sur moi du soin de leur supplice !

Des mains d’Héliodore, ici, n’en doutez pas,
Tous deux vont cette nuit recevoir le trépas !…

(Démétrius cache sa fureur.)

Vous, allez, de mon trône embrassant la défense,
Punir des factieux dont l’aveugle insolence
A juré de venger et sur vous et sur moi
Le trépas d’un proscrit qu’ils osaient nommer roi.
Pour rétablir le calme au camp et dans la ville,
Ma garde va marcher à vos ordres docile.
Allez ! que trop long-temps rebelle à mon pouvoir,
Le peuple, à votre aspect, rentre dans le devoir !

(Elle sort.)

Scène VII.

DÉMÉTRIUS, gardes.
DÉMÉTRIUS, aux gardes.

Guerriers ! avec la reine un dieu d’intelligence
Confie à Pharasmin le fer de la vengeance.
Armé, guidé par lui, je vais dans les combats
Justifier le choix qu’il a fait de mon bras.

(Il sort à la tête des gardes.)
fin du troisième acte.