Les syndics et adjoints des trois ordres du pays de Gex, extraordinairement assemblés, pénétrés de la plus respectueuse reconnaissance pour les bontés de monseigneur le contrôleur général, ont commencé, dès aujourd’hui, à travailler à la répartition des 30,000 livres imposées pour l’indemnité de la ferme générale, et à régler les contributions sur les possesseurs de fonds, selon les ordres du roi.
Ils n’insistent point sur l’extrême pauvreté du pays, dont les terres labourées ne produisent que trois pour un dans les meilleures années, et dont la culture est si à charge aux habitants que, depuis l’année 1685, le pays a quatre-vingt-trois charrues de moins qu’il n’en avait auparavant.
Ils s’occupent aussi de l’imposition d’une taxe sur les terres, pour payer la confection des grands chemins, et pour remplacer les corvées, dont la suppression est un des plus grands bienfaits du ministère.
Ces deux objets importants et dispendieux, joints aux autres charges immenses de cette petite province, la réduiraient à l’état le plus misérable si le ministère n’avait la bonté de lui accorder les deux mille minots de sel de Peccais, et mille minots de sel rouge qui restent encore dans les magasins de la ferme générale à Gex ; lesquels trois mille minots monseigneur le contrôleur général a bien voulu leur promettre.
Les susdits syndics et adjoints des trois ordres, ayant vu la lettre du 4 mars, de M. de Fargès, intendant du commerce, par laquelle on les flatte que le ministère serait disposé à diminuer la somme de trente mille livres imposée sur le petit pays de Gex, ou à faire payer à l’industrie une partie de cette somme, s’en rapportent aveuglément à la décision de monseigneur le contrôleur général, et n’ont d’autre volonté que la sienne. Mais s’il leur permettait d’opter, et si la part de l’imposition sur l’industrie allait à six mille livres, ils supplieraient le ministre de diminuer ces six mille livres sur l’indemnité stipulée en faveur des fermiers généraux plutôt que d’alarmer les manufacturiers par une taxe. Ils croiraient, en cela, se conformer aux intentions de monseigneur le contrôleur général, qui semble vouloir augmenter le prix des terres en leur faisant porter le fardeau ; et ils espéreraient que leur sol, tout ingrat qu’il est, étant enfin mieux cultivé, pourrait rapporter un peu davantage. On ne veut que travailler, et payer le roi.
Les états demandent à qui il faudra remettre le prix de l’indemnité. Le pays est si pauvre que les états ne pourraient subvenir aux frais immenses d’épices, droits de correcteurs, travail de procureurs, etc., etc., s’il fallait qu’ils comptassent à la chambre des comptes. Ils supplient monseigneur le contrôleur général de les en dispenser, ou du moins d’ordonner qu’ils compteront sans frais.
Les tanneurs de l’intérieur du pays de Gex sont prêts à payer les droits, en faisant entrer leurs cuirs en France, et demandent à être, comme les autres communautés, sur le pied de province étrangère.
Les états ayant considéré que monseigneur le contrôleur général, dans le premier article de la réponse dont il les honore, dit que « l’on ne pourrait affranchir Lelex sans affranchir aussi Chézery et quelques autres lieux le long de la Valserine#1 », représentent que c’est ce que les habitants de Chézery demandent ; qu’ils en ont parlé et écrit plusieurs fois à celui qui a l’honneur de rédiger ce présent mémoire, et que cet accroissement d’affranchis, qui payeraient une taxe proportionnée, répondrait aux vues du ministère, en faisant voir qu’un canton délivré de la gabelle peut être plus utile au roi qu’un canton chargé de ce fardeau, et troublé par les commis des fermes. En effet, l’asservissement de Lelex et de Chézery à la gabelle et aux traites est la ruine de tout commerce, et très-préjudiciable à la ferme, qui est obligée d’entretenir un grand nombre de commis pour recevoir très-peu. Il serait nécessaire de fixer les limites de ce canton et de la comté : on peut y envoyer deux ingénieurs.
Ils représentent que la Suisse nous fait payer le droit de transit chez elle, et Genève le droit de halle. Si le pays de Gex pouvait obtenir le payement du transit des Suisses et des Genevois, il serait un peu soulagé ; et les Suisses ne seraient point vexés, puisque ce droit très-modique est établi depuis plus de cent ans.
Nota bene que ce droit de transit n’est que pour l’Allemagne et l’Italie, et non pour la France.
Ils attendent les ordres de monseigneur le contrôleur général sur ces huit chefs, avec autant de respect que de reconnaissance.
Immédiatement après cette délibération, on a fait afficher l’entretien des chemins au rabais : c’est un ouvrage indispensable qui presse ; et on présentera à monsieur l’intendant le marché qu’on aura fait, afin que les ouvriers soient payés sur ses ordonnances.[2]