Débauchées précoces/Tome 1/Chapitre 2

Débauchées précoces, Bandeau de début de chapitre
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II


Debout près de la portière, elle demeurait, les yeux vagues maintenant, errant vers l’horizon ; elle ne s’apercevait pas de l’examen dont elle était l’objet ; le premier tunnel qui surgit la rejeta en arrière, l’arrachant aux pensées qui l’obsédaient. Célestin ferma la vitre pour empêcher la fumée de pénétrer et lui dit :

— Vous avez eu peur, Mademoiselle ?

— Non, j’ai été surprise.

Elle s’assit dans le coin qu’il lui abandonnait et se secoua la chevelure, le visage redevenu calme et souriant. Il reprit :

— Vous éprouvez du chagrin à retourner à la pension ?

— De quitter mon oncle surtout, il est si bon pour moi.

— Il vous témoigne une sincère affection.

— Oh oui, dit-elle avec un hochement de tête, il m’aime bien.

Elle se redressa pour regarder la campagne, le tunnel franchi, reportant de temps en temps les yeux sur son compagnon, qui avait déplié un journal.

Un nouveau tunnel la rassit et elle dit :

— Vous lisiez votre journal ?

— J’y jetais un coup d’œil.

— Les champs ne vous intéressent pas ?

— Oh ! j’en ai tant vu !

— Vous avez voyagé partout, à ce que m’a conté mon oncle ; vous devriez me dire des histoires.

Elle s’était rapprochée, tout contre lui, avec des yeux non timides. Il eut un frémissement en se rappelant le baiser surpris entre l’oncle et la nièce et répondit :

— Volontiers, Mademoiselle, tout à l’heure, quand nous en aurons fini avec les tunnels ! Je chercherai un point de comparaison entre les paysages que j’ai entrevus et la campagne que nous traversons, et je tâcherai de vous amuser.

— Oui, c’est cela, de m’amuser !

— Vous n’êtes plus triste !

— Oh, je ne le reste jamais longtemps.

Elle se leva, posa son chapeau sur le filet, et, debout, ramassant les jupes comme une petite femme, dont elle était bien comme un joli bouton de rose s’entr’ouvrant, elle ne s’occupa pas si elle le frôlait et l’embarrassait de ses frôlements.

Le dernier tunnel, surgissant brusquement, la fit trébucher par un mouvement de surprise effarée, et elle se laissa choir sur les genoux de Célestin, en disant :

— Que c’est bête, je n’y pensais plus, je croyais qu’il n’y en avait plus et j’ai eu peur.

Elle voulait se relever, Célestin la retint, elle n’insista pas et ajouta :

— Y en a-t-il encore beaucoup ?

— Nous sommes sous le dernier.

Que se passait-il dans l’esprit de Célestin ? Il n’aurait pas pu l’expliquer. Ce baiser, saisi entre l’oncle et la nièce, lui soufflait dans le sang des ardeurs incompréhensibles ; et cette enfant, assise sur ses genoux, excitait ses appétits sensuels : il bandait, il bandait, se demandant s’il n’allait pas se précipiter sur elle et assouvir la fougue furieuse qui s’emparait de son être.

Il en était le maître ! Nul n’interviendrait. Il n’existait pas encore entre les compartiments les hublots protecteurs qui imposent la sagesse aux amateurs de luxure sur les rails.

Un de ses bras avait glissé à la taille d’Agathe, elle lui sourit, et soudain, lui pinçant le menton, en gamine, elle s’écria :

— Vous avez des yeux qui regardent comme ceux de mon oncle.

Cette exclamation le rappela au sang-froid, il la tint moins serrée et répondit :

— Je n’ai pas cependant les mêmes yeux que votre oncle.

— Les mêmes, non ! Les vôtres sont noirs et les siens bleus ; mais ils ont la même expression, c’est drôle.

Elle posa la main sur celle avec laquelle il l’enlaçait, il dit :

— Qu’y a-t-il de drôle ?

— Ah, je ne sais pas ! Ce n’est pas à moi à expliquer !

Elle remuait la tête en personne de bon sens, qui entend être comprise, il reprit :

— Et si je vous embrassais, ma petite amie, m’expliqueriez-vous ce que vous trouvez de drôle dans mes yeux !

— Embrassez, pour voir.

Elle se pencha sur sa poitrine ; il l’embrassa sur le front : elle ne bougea pas ; il descendit le baiser sur le nez : elle ferma les yeux ; ses lèvres arrivèrent aux siennes : elle souleva les paupières et dit :

— Oh, vous pensez comme mon oncle !

Elle quitta ses genoux, il ne s’y opposa pas. Il sentait le rouge qui le brûlait aux oreilles, il commençait à s’effrayer de l’aventure qu’il prévoyait.

Elle était revenue à la portière : la campagne se déroulait dans ses coteaux bourguignons ; elle tourna légèrement la tête et lui dit :

— Il n’y a plus de tunnels ; vous ne comparez pas la campagne à celles que vous avez vues ; et les histoires que vous m’avez promises ?

Il se rapprocha du coin, ses jambes entourant les siennes, il répondit :

— Votre oncle vous conte-t-il des histoires ?

Elle eut un rire qui la secoua, et elle appuya la tête sur le rebord de la portière, développant ainsi la rotondité de ses hanches ; s’écria :

— Oh, des histoires ! Il passe son temps à m’en conter !

Célestin voyait trouble. L’enfant le provoquait. Il n’y avait pas à douter. Agathe demeurait immobile dans sa courbe penchée. Une dernière timidité le fit se reculer et dire :

— Eh bien, sitôt que j’aurai parcouru mon journal, je commencerai mes récits.

Elle releva la tête, avec une petite moue, et répliqua :

— Lisez, Monsieur, puisque votre journal vous amuse plus que ma conversation ! Je vais dormir, et je ne veux plus de vos histoires.

Elle s’installa dans le coin en personne digne et sage, les bras croisés, les yeux fermés.

C’était la femme dans toute sa coquetterie instinctive, dans toute sa science d’attirances sensuelles, qui s’offrait, sous les traits de cette fillette de quatorze ans, étalant, grâce à la position adossée qui ramenait les jupes courtes à hauteur des genoux, tout un bas de jambe, déjà correct dans sa structure.

Célestin se baissa sur un coude, envoya une main aux mollets et murmura :

— Oh, les jolis bas que vous avez, Mademoiselle.

Les yeux se rouvrirent, elle répondit :

— Et votre journal ?

Il paraissait absorbé dans l’étude du bas de la jupe, qu’il tenait du bout des doigts ; et peu à peu, il se coucha, la tête sur ses genoux.

Elle la lui prit des deux mains, l’appuya sur ses jambes et dit en riant :

— Voulez-vous faire nono et être mon petit bébé ?

Faire nono ! Sa tête aspirait les jeunes chairs de la fillette à travers l’étoffe ; une même chaleur les envahissait, il dit :

— Vous jouez au bébé avec votre oncle ?

— Quelquefois.

Sa tête s’était soulevée pour venir s’appuyer à la poitrine d’Agathe : elle la laissait approcher, sans s’alarmer ; elle se trouvait aguerrie ; elle sentit la tête près de ses épaules, près de la sienne ; elle lui tapota les joues avec les mains ; elle écarta les cuisses tout naturellement, quand les doigts de Célestin lui ayant ouvert le pantalon, touchèrent sa chair, et elle referma les yeux, quand tout doucement, ils lui chatouillèrent le bouton.

Le vertige dominait cet homme de quarante ans, jusqu’alors maître de ses passions ; il avait toujours aimé la femme, et les occasions de satisfaire ses goûts ne lui manquèrent pas : il avait voyagé les cinq parties du monde, usant des plaisirs en homme dont la bourse permettait toutes les folies ; il pouvait presque se considérer comme un blasé, et une gamine, une débauchée précoce infusait dans ses veines une effervescence inconnue.

Il tenait la main collée entre ses cuisses, se fermant à peine ; il donnait à l’enfant une sensation de doux émoi qui rejaillissait en lui et l’excitait à des luxures, non encore jamais caressées ; quelques poils follets attiraient ses doigts au ventre. Il devinait qu’il vivait une minute inoubliable où la destinée, s’arrêtant dans son évolution, livre l’être à des extases qui effacent tout ce qui fut auparavant.

Il buvait cet abandon de la fillette, comme on boit un verre d’excellent vin, agissant sur l’estomac et sur l’esprit par une chaleur pénétrante qui porte à trouver tout bien, tout beau.

Agathe, pour le faciliter dans son entreprise, avait posé un pied sur la banquette, et lui avait passé un bras autour du cou, le tenant ainsi mieux contre elle ; et l’éternité leur semblait conquise dans cette muette et voluptueuse caresse de la main masculine au joyau féminin aspirant à sortir des limbes.

Une brusque impulsion lui fit pincer la chair qu’il pelotait. Agathe serra les jambes d’abord, puis les lança en avant, et avant qu’il ne l’en eût empêchée, elle se retrouva droite, disant :

— Oh, le méchant !

Le sang bourdonnait à ses tempes ; il faillit bondir sur la fillette et la violer ; le bruit de la portière voisine qu’on refermait lui rendit sa raison.

— Qu’est-ce, interrogea-t-il ?

Agathe avait regardé au dehors après son exclamation et avait vu, elle répondit :

— C’est un employé.

En effet, leur portière s’ouvrait quelques instants après, et un inspecteur contrôlait les billets, sans rien remarquer de suspect chez cette fillette debout, en contemplation devant le paysage ; chez ce Monsieur, les yeux sur son journal.

De nouveau la solitude entourait les deux voyageurs.

Elle s’était assise à l’autre coin, et, enfant pour le moment, elle s’amusait à peler une orange, faisant des grimaces en dessous à Célestin.

— Vous avez faim, demanda-t-il ?

— Quelle bêtise ! Parce que je pelle une orange ? Non, monsieur, je suis gourmande et j’aime ce fruit.

— Gourmande de fruit !

Il déposa son journal et la rejoignit, pour la regarder de plus près, sans la déranger dans son importante occupation.

Elle avait le visage et l’attitude d’une femme arrêtée dans sa croissance ; mais les détails de la physionomie révélaient l’enfant, l’enfant qui n’est plus innocente et qui s’étudie à encourager le vice.

Les lèvres dessinaient des plis de moquerie et de câlinerie, qui se succédaient rapidement, les narines se dilataient comme à l’approche d’un désir sûr d’atteindre sa satisfaction ; et les yeux, oh les yeux, ils jouaient sous les cils avec les paupières et faisaient un poème de toute la tête.

Des instincts de brutalité harcelaient Célestin, il se sentait enveloppé d’un fluide extraordinaire qui le soudait à ce corps d’enfant !

Il avait cru aimer d’amour à son adolescence, il s’était battu pour celle qu’il aimait, elle était morte peu après, il avait estimé la blessure inguérissable, il avait surmonté cette sentimentalité du début dans toutes sortes d’aventures, il en riait à cette heure, et voilà qu’il suivait avec impatience ces petits doigts qui séparaient les tranches de l’orange, se demandant s’il allait les baiser ou les mordre, ou simplement les guider avec bestialité dans son pantalon.

On aurait dit qu’elle pressentait ce qui s’accomplissait dans son âme : elle souriait, gaminait de la tête, essuyait d’un coup de lèvre une goutte de jus qui tombait sur ses doigts, et elle lui dit soudain, tendant la main :

— Êtes-vous gourmand ? À vous de lécher cette petite goutte.

Il prit la main, la lécha, et elle lui introduisit dans la bouche une tranche.

— Mangez, Monsieur, s’écria-t-elle.

Elle retira la main, et d’un mouvement fou, brusque, il se déboutonna la culotte.

Il demeura indécis devant la tranquillité avec laquelle elle continua à absorber ses tranches d’orange, sans paraître apercevoir ce qu’il venait de faire, ni le blanc de la chemise qui se montrait à l’entrebâillement du pantalon.

— Oh oui, vous aimez bien les oranges, dit-il avec un peu d’humeur !

— Et vous ? Je vous en ai offert une tranche, si vous en voulez d’autres, demandez et dépêchez-vous.

Elle en suçait deux à la fois, savourant avec délices le jus sucré qui descendait dans son gosier.

La brutalité courait dans son sang : il ouvrit en plein son pantalon, releva la chemise jusqu’à la ceinture, exhibant son ventre poilu, et sa queue, d’une longueur moyenne, très pointue à l’extrémité et très droite.

— Et ce fruit-là, l’aimez-vous dit-il, en la saisissant à la taille et l’obligeant à regarder.

D’un mouvement sec et nerveux, plus fort qu’il ne l’eût supposé chez une fillette de son âge, elle se dégagea, lui tourna le dos et murmura :

— Oh, Monsieur, et si l’employé revenait.

Il en ressentit l’effroi, et il se rajusta tout sot, tout penaud. Elle tourna la tête par dessus l’épaule, une tranche d’orange encore sur la bouche, et fit signe qu’elle approuvait cette sagesse.

Il se leva pour se secouer les membres et à l’autre portière regarda la campagne, en aspira l’air pur, essaya de se reprendre, comprit que sa folie ne cesserait que devant un acte quelconque de satisfaction, se rassit, voulut se replonger dans la lecture de son journal. Elle avait fini son orange, s’était essuyé les doigts et, debout plaqua une main sur la gazette.

— Mademoiselle, murmura-t-il d’une voix rauque.

Il rejeta le journal sur la banquette, il saisit la fillette par la taille, elle se tordit comme un serpent, se baissant, se haussant, disant :

— Racontez-moi des histoires, monsieur, et dites-moi quel est votre prénom.

— Célestin. Quel est le vôtre ?

— Agathe.

— Gentil petit nom.

— Et il y a longtemps que vous connaissez mon oncle ?

— Assez longtemps. Ne luttez pas ainsi, petite folle, asseyez-vous sur mes genoux et causons.

— Non. Je veux m’asseoir à votre côté et je ne veux pas que vous me teniez.

— Ah, quelle nature !

Il la laissa ; elle donna un coup à ses jupes comme pour enlever les faux plis et lui tira la langue.

— Nous sommes fâchés ? reprit-il.

— Oui, brouillés. Vous n’êtes pas gentil !

— Que faut-il faire pour être gentil ?

— Être bien aimable.

— Et qu’appelez-vous être aimable ?

— Ne pas trop remuer et me raconter des histoires.

— Fi, de la vilaine camarade, qui commence à jouer, et qui, ensuite, ne veut plus jouer !

— Je veux bien jouer, mais je ne veux pas que vous me fassiez mal.

— Je vous ai fait mal ?

— Vous m’avez pincée.

— Ah !

— Et puis aussi vous ne faites pas attention si on vient ou si on ne vient pas.

— On est venu, on ne viendra plus.

— Vous croyez ?

— J’en suis certain.

Elle s’était installée près de lui et lui abandonnait la main qu’il caressait dans la sienne, et doucement elle obéit à son impulsion qui l’attirait contre son épaule ; elle ne retira pas la main quand il la posa sur sa culotte, près des boutons, qu’il défit de nouveau, et elle la glissa sous la chemise sans qu’il eût besoin de la relever comme tantôt, et d’elle-même elle prit la queue qu’elle pressa quelques secondes dans sa paume.

La tête à demi penchée pour voir le membre viril, elle lui présentait ses cheveux d’un blond fauve, et il les embrassa.

Ce baiser, elle le rendit par une tendre pression de main sur la queue, puis lui souleva la chemise comme il l’avait fait tantôt et appuya le visage sur son ventre, lui laissant ainsi supposer qu’elle allait le sucer.

Elle n’en fit rien. Elle ne bougeait pas plus qu’il n’avait bougé lorsqu’il se trouvait penché sur sa poitrine. Sa main ne lâchait pas la queue, et ses yeux l’étudiaient, fouillant l’homme dans sa masculinité.

Il respectait son immobilité, pour ne pas l’effaroucher, comprenant que c’était encore le meilleur moyen d’en obtenir ce qu’il voudrait, et l’impression infinie de béatitude qu’il éprouva en la chatouillant pour la première fois, il la ressentit de nouveau, emporté par une félicité d’attente qui dépassait de beaucoup les âcres délices de la possession.

Y avait-il une jouissance cérébrale ? Qu’était cette jouissance ?

Ah, les fous, qui se figurent avoir tout aspiré d’une femme après l’acte de possession ! Ils en dédaignent les plus délicats plaisirs ; ceux où les sexes en contact se tâtent au moral comme au physique, pour se pénétrer de leurs dissemblances, et de ce qu’elles comportent de mystérieux et de subjuguant.

L’homme désire la femme ! Il tourne autour d’elle, prêt à en accepter les caprices les plus idiots, et il devient le jouet de la femme, parce qu’il espère dans la domination de l’acte possessif pour la réduire. L’homme a glacé les effluves féminines qui ne s’échauffent plus que pour le serpent, et il ignore le plus petit mot de la volupté.

Cependant quand il désire, un baiser, une hardiesse, le moindre pelotage, lui apparaissent mets divins ; il ne sait pas intéresser la femme au plaisir qu’elle procure et il la fatigue de phrases creuses, inutiles. Il la possède, il ne parle plus.

Dans ce jeune corps féminin, contre lequel il se heurtait, Célestin, rompant avec ses habitudes, se laissait guider par ses impressions et, à son profond étonnement, il jouissait d’esprit plus que de corps, non pas que celui-ci ne participât pas à la fête, loin de là, mais parce qu’il demeurait dans son rôle d’affirmation vécue d’un désir courant à la satisfaction matérielle.

La tête de la fillette, plaquée sur le ventre de l’homme, s’incrustait à travers les muscles dans l’organisme entier du mâle, et cet organisme se concentrant dans la queue, celle-ci, en pleine érection, s’extasiait sous la main qui la tenait, semblant lire dans les yeux qui la contemplaient, l’ardeur de la femme, et tressaillait à la communion intellectuelle qui s’opérait entre ces deux êtres.

Peu à peu la tête d’Agathe se rapprocha, et elle déposa un baiser sur l’extrémité de la queue : l’étincelle électrique les secoua l’un et l’autre, elle se souleva pour lui passer les bras autour du cou et l’embrasser, il l’attira, elle se rendit à sa pression et se trouva à cheval sur ses genoux, ayant entre les cuisses la queue toute chaude et toute vibrante.

Qu’allait-il se produire ? Déjà il la ployait, déjà les jeunes cuisses pressées contre le gland de la queue en subissaient l’impérieux vouloir, le conin ne refusait pas l’attaque qui le menaçait. Célestin se déroba à la folie qui paralysait ses facultés, il la releva de ses genoux et dit :

— Veillons à ce que rien ne nous trahisse, quitte ton pantalon, ma petite.

Un peu lourde, elle s’empressa d’obéir sans plus de fausses manières.

Le pantalon ôté, fille de nature précautionneuse, elle le plia, le roula et l’enferma dans un sac.

Cette simple action apporta un calme relatif, et, sous prétexte de surveiller si le contrôleur ne revenait pas, il se reculotta, vint examiner par la portière.

Elle s’approcha par derrière, lui prit la main, la baisa et dit :

— Nous sommes comme de vieux amis, tu m’as tutoyée et je te tutoie.

Voulant s’amuser, il se retourna, s’agenouilla, et l’enlaçant, répondit :

— Tu es jolie comme une des plus belles fleurs de la création, ma chère petite Agathe, il convient que je te déclare mon amour.

— Ne te moque pas de moi, mon grand Célestin, je ne suis pas une bête, tu es content de me tripoter et moi aussi de te le faire.

À genoux, il avait fourré les mains sous les jupes et lui pelotait les fesses.

— Ah, Mademoiselle ! s’exclama-t-il, vous êtes bien rondelette là-dessous.

— Rondelette ! Oh oui, mon oncle adore mon cucu.

— Vraiment, vraiment ! Et comment en est-il arrivé à le voir, ton oncle ?

— Tu es trop curieux ! Tu fais comme lui, je te l’accorde, tu n’as pas à te plaindre.

— Oh, la petite cochonne qui sait jouer du cucu quand on l’embrasse !

Elle se mit à rire et répondit :

— On n’a pas besoin d’être embrassée pour le bouger. Puis, les filles entre elles s’instruisent.

— Tu t’instruis avec tes camarades ?

— Avec mes camarades, non ; avec une amie, oui.

Elle poussa un soupir.

— Tu penses à cette amie ?

— Hélas, elle est bien malheureuse.

Comme si l’évocation de l’amie avait jeté un froid, elle retira son cul des lèvres de Célestin et se rassit. Il l’imita et demanda :

— Pourquoi est-elle malheureuse. ?

— C’est toute une histoire, et c’est moi, qui alors en raconterai une ! Tu m’as fait parler d’elle, tant pis, causons-en. Tu as ravivé mon chagrin sans le vouloir, tu me consoleras.

— Un chagrin, mignonne, nous voici redevenus sérieux, quelle est ton amie ?

— La plus jolie fille de Paris, et le sort n’est pas juste pour elle. Nous nous sommes toujours aimées à la pension ; elle est mon aînée de six mois, s’appelle Rita Merrydoine. Son père et sa mère sont partis pour l’Australie, ils y sont morts. Nous sommes toutes les deux des orphelines, mais elle n’a plus un seul parent. Son père et sa mère sont morts sans rien lui laisser : on avait payé sa pension jusqu’aux vacances de cette année, on la gardait. Cependant, si rien ne survient pour elle d’ici au Jour de l’An, on s’en remettra à l’administration pour décider de ce qu’on en fera.

Des larmes perlèrent à ses yeux.

— C’est épouvantable ce que tu m’apprends-là ! s’écria Célestin.

— N’est-ce pas ? J’en ai parlé à mon oncle. Lui, il a peur, il dit qu’il a déjà bien assez d’une fillette comme pupille. Il paierait bien la pension, mais il prétend que ça aboutirait à semer de l’ingratitude et il m’a conseillé de choisir une autre amie.

— Il ne veut pas payer la pension ?

— À aucun prix ; il assure qu’ensuite, plus tard, ça prêterait à de mauvais propos.

— Quels mauvais propos ?

— On devinerait que nous sommes comme amant et maîtresse, il se perdrait et il me perdrait.

— Et depuis quand êtes-vous ainsi ?

— Tu me garderas le secret ? D’abord nous le sommes un peu tous les deux à présent. Voilà : c’est l’an dernier, aux vacances. Une nuit j’avais été malade et il m’avait veillée. Le lendemain, il assista à mon coucher, afin de se rendre compte si mon indisposition était bien passée, et sans y attacher d’importance, je changeai de chemise devant lui, riant toute nue. Il me prit le cucu dans ses deux mains, dit que j’avais l’air d’une petite femme. Ça me fit plaisir et je m’amusai beaucoup parce qu’il me regarda de tous les côtés, puis parce qu’il m’embrassa, je compris bien vite qu’il cherchait les cochonneries, je fus toute heureuse de la chose. Ce soir-là, il se contenta de me caresser, le reste vint ensuite tout naturellement.

La pensée des voluptés enseignées par son oncle, avait chassé de son esprit l’image de son amie ; attirée par Célestin, elle se réinstalla sur ses genoux.

— Petite femme, petite femme, dit-il, tu es une vraie petite femme.

— Tu as raison, amusons-nous, ça dissipera les idées tristes.

Il cherchait ses lèvres, elle les tendit, une longue caresse les secoua jusqu’à la moelle des os, les colla l’un à l’autre.

— Dis, comment veux-tu t’amuser ? murmura-t-elle.

— Eh, de toutes les manières.

Elle rit, les lèvres sur sa bouche et répliqua :

— Moi aussi.

— Ton oncle, comment s’amuse-t-il ?

— Il me met toute nue sur ses genoux, et lui est aussi tout déshabillé ; nous ne pouvons pas faire ça en chemin de fer.

— Replace-toi comme tout à l’heure.

— À cheval ?

— Oui.

Elle y fut promptement et sentit de suite la queue de Célestin qui la chatouillait aux cuisses. Elle se pressa tout contre sa poitrine, la queue glissa jusqu’à la raie de son cul, mais l’exaltation de Célestin était telle cette fois, qu’il la tint serrée dans ses bras, s’agitant au-dessous pour se masturber par le frottement de ses chairs.

Elle avait sans doute l’expérience de la chose, elle exécuta elle-même la manœuvre, et tout d’un coup, l’éjaculation se produisit, l’éclaboussant jusqu’au nombril.

En femme, qui en connaît la valeur, elle la laissa se terminer, la tête cachée sur les épaules de Célestin, ne remuant plus pour ne pas le gêner ; quand il eut achevé de jouir, elle releva les yeux humides de plaisir, et dit :

— Oh, le fusil est parti, donne-moi ton mouchoir pour m’essuyer.

— Dans un instant.

— Attends que je remonte ma chemise, tu m’as mouillée bien haut.

Il ne la contraria pas dans cette précaution ; pendant quelques secondes il savoura son étrange bonheur. Puis, il lui passa son mouchoir, elle se dressa, il la vit se nettoyer avec une habileté consommée, effaçant les moindres taches de sperme qui pourraient la compromettre. Ainsi séchée, elle ouvrit un sac de voyage, en sortit un flacon de Lubin, en versa plusieurs gouttes sur le mouchoir, et s’en imbiba les chairs.

Toute gaie ensuite, elle le rendit, en disant :

— Tu auras un souvenir de moi.

La femme s’affirmait dans la connaissance de son individualité chez cette fillette.

Elle reboutonna le pantalon de Célestin et ajouta :

— J’aurais cru que ce serait plus long !

— Ce n’est pas fini, s’écria-t-il.

— Je sais bien que si.

— Tu le verras ! Tu voudras bien encore !

— Encore ! Bien vrai ?

— Oui, après la station.

— Moi, je ne demande pas mieux.