Curiositez inoüyes/Édition 1629/10
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- Choses plus sainctes meslees de Fables.
- Fantasies & depravations de Duret sur les Esprits des Planettes, & sur la Cabale Astrologique des Hébreux.
- Sottises de Carlo Fabry en la deduction des Anges des sept Electeurs de l’Empire.
- Estrange doctrine de Hiccius & de Kunrat sur les Zephirots Planetaires.
- Diverses Religions causees par les Astres suivant R. Chomer.
- Curieuse Horoscope de Jesus-christ dressee par Bechai, & Cardan.
- Peintures, ou Figures Astrologiques sur les conjonctions des Signes cœlestes, attribuees faussement aux Ægyptiens & Arabes, quelles? & par qui trouvees contre Scaliger?
i nous ne sçavions qu’en matiere de doctrine, prinçipalement lors qu’elle est Ancienne & curieuse, il est fort difficile d’en sçavoir tous les secrets sans estre meslez de quelques resveries, on trouveroit estrange que je desadvouë icy, et que principalement Scaliger, tenu à bon droit pour le plus sçavant homme de nostre siecle, a estably pour veritable dans la tradition des peuples de l’Orient ; mais ceux qui auront leu les livres qui portent le tiltre de Fuga Mariæ. De gestis Joseph Historia Regum. Sortes Apostolorum, & un bon nombre d’autres, pourront juger que puis que les choses plus sainctes n’ont peu passer dans la succession des siecles sans qu’on n’ait fait quelques contes crotesques, avec plus de raison celles qui nous sont comme indifferentes n’auront peu se maintenir dans la pureté qu’elles avoient en leur naissance. L’Astrologie des Hebreux n’avoit pas encore perdu beaucoup de son lustre, tant que ceux de ceste nation l’avoient seulement pratiquee, mais du depuis que les Septentrionaux en eurent quelque cognoissance, on commença d’en dire des choses si extravagantes, & à croistre tellement le nombre des fables, que je ne m’estonne point si ceste science est à present descriee. C’est pourquoy j’estime necessaire avant que de descendre à ce que nous avons, de pur & veritabie de toucher ce qui est faux & corrompu, ce que nous ferons si nous rapportons une partie de ce qu’en ont escrit le mesme Scaliger, Riccius, Kunrat, Viginere, & Duret, estant par apres tres-facile à qui que ce soit de recognoistre la fourbe dans tous les autres Autheurs de moindre consideration. Le premier, deuxiesme & troisiesme attribuent a tort aux Hebreux une Astrologie qui n’ont jamais cogneuë. Le quatriesme leur fait recognoistre dans les secrets de ceste science des esprits qui n’ont jamais eu estre que dans sa fantasie, & les fait Autheurs d’une infinité de sottises controuvees sur ce sujet par les Grecs & Latins; & le dernier dresse un Phantosme de toute ceste doctrine, & en conclud des choses si crotesques, qu’on les peut facilement ranger avec les Fables de Merlin.
Pour commencer à ce qu’il en dit, il ne faut que suivre le vingt-deuxiesme chapitre de son histoire des Langues, où apres une longue deduction des Curiositez Hebraïques qu’il explique à sa mode, il vient en fin aux tables ou figures, dont la premiere porte les mysteres de l’unité, dualité, nombre ternaire, & quartenaire, ausquels il range les quatre bons Anges ARIEL, THARSIS, SERAPH, CHERUB, & leurs quatre esprits, qu’il dit estre ALAHAZEL, AZAHEL, SAMAHEL, AZAZEL ; puis les quatre saisons de l’annee, les quatre portes du Ciel, les quatre parties du monde, les quatre Anges qui y president, les quatre fleuves, les quatre vents, FAVONIUS, SUBSOLANUS, AUSTER, AQUILO, avec leurs quatre esprits DAIMON, ORIENS, AMMONIUS, EGYN. Plaisante doctrine qu’il faict recognoistre aux Hebreux, bien qu’elle n’ait jamais eu d’autre fondement que dans sa fantasie, aussi bien que celle qu’il advance encore dans la deuxième Table : car pour les noms des Anges qui resident aux sept Planettes suivant les anciens Astrologues, il n’en a sceu mettre qu’un au vray; les autres estant corrompus, ou bien inventez, ainsi qu’on peut voir par la conference qu’on en peut faire avec ceux qui sont rapportez au vray par Aben-Aré, que le Conciliator a traduit en Latin : Pour les sept intelligences que Duret attache encores aux Planettes, il faudroit estre bon Theologien de dire pourquoy il distingue d’avec les sept Esprits qu’il appelle SEMELIEL, NOGAEL, COCHABIEL, LEVANIEL, SABATHIEL, ZEDECHIEL, MADIMIEL, & leurs intelligences, NACHIEL, SAGIEL, TIRIEL, ELIMEL, AGIEL, IOPHIEL, GRAPHIEL. Mais rions-nous de ces sottises que Carlo Fabri Italien a par apres tourné en sa langue, forgeant d’autres noms à ces Anges, dont la plus part sont tirez de Raziel, Picatrix, Agripa, & les Clavicules de Salomon, dont le mesme Duret fait Autheur les Hebreux aussi bien que des douze intelligences de chasque mois, & de celles qui resident aux vingt-huict Mensions de la Lune qu’il a couchees dans la troisiesme & quatriesme Table, mais avec ceste niaiserie, que ne pouvant trouver aucun charactere pour la derniere Mention (car il n’y a que vingt-sept lettres Hebraïques, contant mesme les finales) il a mis un O Latin, voulant que dans les predictions de son Astrologie fantasque, ce zero signifiast INNONDATIONS, causees par l’intelligence AMNIXIEL, & la Mansion ALBOTHAM. Et puis dites qu’il avoit raison d’écrire ces mots pour la confirmation de ces chimeres. « Parquoy ce ne sont pas icy des Anciens enchantemens de Tholede, ne l’art magique de Raziel ou de Picatrix, ains belles choses Naturelles dignes de contemplation.» que nous serions estourdis si nous suivions le sentiment de cest hommes, & bien miserables si nous n’avions point d’autres juges en ceste matiere que luy, & Viginere, qui veut paroistre sçavant en ces Mysteres, en faisant passer pour des bons raisonnemens, comme l’autre vient de faire, mille resveries plus impertinentes que celles d’un febricitant: je les eusse volontiers rapportees si celles que je viens d’exposer ne m’en eussent desgousté ; une seule chose diray-je pour advertir ceux qui liront leurs escrits, que partout où ils ont parlé des Esprits, & de l’Astrologie selon les Hebreux, d’une verité qu’ils ont advancee, ils ont conclu dix mille faussetez, ainsi que je feray voir plus au long dans nostre Cribrum.
Pour Carlo Fabri que je viens de nommer, je ne pense jamais avoir rien leu de plus ridicule que ce qu’il escrit sur ces mesmes Esprits: car apres en avoir discouru, comme s’il eust passe une partie de sa vie au Ciel, & l’autre dans l’Enfer, il descouvre à son advis tous les Anges qui sont propres aux Princes de la Terre, donnant aux sept Electeurs de l’Empire ceux qu’on recognoist avoir plus de pouvoir, comme à l’Archevesque de Mayence premier electeur, & grand Chancelier de Germanie, MICHAEL : A l’Archevesque de Treves, grand Chancelier de France, & deuxiesme electeur, GABRIEL : A l’Archevesque de Cologne, grand Chancelier d’Italie, & troisiesme electeur, RAPHAEL : au Palatin du Rhin, quatriesme electeur, URIEL : Au cinquiesme qui est le Duc de Saxe SCEALTIEL. Au sixiesme qui est le Marquis de Brandebourg, IEHUDIEL, & au Roy de Boheme qui est le septiesme, FERECHIEL. Et qui est celuy qui ne se riroit de cette doctrine ? Celle d’augustinus riccius, de Kunrat, & de quelques nouveaux rabbins n’est pas moins impertinente, lors qu’ils asseurent que les anciens Astrologues Hebreux rengeoient les dix Zephiros dans le Ciel en attachant sept aux Planettes, qui font les effects, disent-ils, qu’on attribue à ces astres, distribuants le bien & le mal : His itaque Zephiros, dit Riccius, sive ideis mundi corporei regimen, quasi immediatoribus diis, non secus quam & Astrologi septem erraticis stellis terrenorum dominatum adscribunt. Ils passent bien plus avant quand ils disent que suivant la cognoissance de ses secrets, Moyse qui estoit sçavant Astrologue, publia les loix qu’il fonda sous l’harmonie de ces Zephiros Planeteres ; comme pour exemple, qu’il institua le quatriesme commandement, SOVIENNE TOY DE SANCTIFIER LE JOUR DU SABBAT, à cause que de jour estoit gouverné par Saturne Planette malin, qui pourroit causer du mal-heur aux œuvres esquelles on travailleroit, c’est pourquoy disent-ils Moyse jugea de se reposer ce jour là. Le cinquiesme, HONORE TON PERE ET TA MERE, le rapporta à l’asphere de Jupiter qui est doux & benin. Le sixieme, TU NE TUERAS POINT, à Mars, qui preside aux guerres, & aux meurtres. Le septiesme, TU NE PAILLARDERAS POINT, à Venus, qui preside aux concupiscences : Ainsi de tous les autres dont Kunrat en a faict des chimeres, qu’il faut ranger pour extravagante & ridicules avec ceiles de Gemma Frisius inserees dans son Ars Cyclogomica, & celles de Cichus Æsculanus qu’il a forgé sur la Sphere de Sacrobusto. Les susdits Autheurs disent encore que de ceste Astrologie de Zephiros, les Cabalistes veulent que les Patriarches & Prophetes ayent tiré tout ce qu’il avoient de divin : Simili ratione, dit le mesme Riccius, Cabalistæ quoque Patriarchas, Prophetásque quem libet, cuilibet barum Sephirot imperio atque afflatu subijciunt, prout quivis illorum certum divinitatis gradum susceperit.
Chomer adjouste que ces mesmes Zephiros Planetaires ont esté la cause, par leur revolution, du changement des Monarchies, & des Religions: ce qui est conforme avec ce que Guillaume Evesque de Paris dit chez le Cardinal de Aliaco, que certains Astrologues asseuroient que les diverses Religions estoient causees par l’aspect des Planettes ; comme celle des Juifs par les influences de Saturne : à raison dequoy ceste nation a esté tousjours misérable, & l’est encore, & le sera, puis que le Planette qui a fondé leur Religion est malin & infortuné, les rendant pareillement avaricieux & opiniastre, & amateurs du Samedy, jour dedié à Saturne: Celle des Turcs par le Planette de Venus; c’est pourquoy ces peuples celebrent le Vendredy, & sont infiniement adonnez à luxure, jusques là qu’ils croyent que la principale félicité de l’autre vie consiste à ceste brutalité. Celle des Chrestiens, disent-ils pareillement, a esté fondee par le Soleil, à cause de quoy ils ont en honneur le Dimanche, jour dominé par ce Planette, & qu’en vertu de ses Rayons, le chef visible des Chrestiens tient son siege dans une ville solaire, qui est Rome, commencee en l’ascendant du signe du Lion, vray domicile du Soleil, & par apres bastie suivant la forme d’un Lion. Cecy est encore remarquable ou plustost extravagant, que les mesmes Astrologues veulent, au rapport du mesme Cardinal d’Aliaco, que suivant ces Principes, les Cardinaux portent le rouge, couleur solaire & convenante à ce Planette, fondateur de la Religion. Toutes les autres, disent-ils, comme Arriene, armeniene, Lutheriene , & le reste, sont causees par la diverse conjonction des Planettes qui a suscité ce meslange.
6. Bechai qui s’est aussi jetté dans ces sottises, & qui a examiné nostre Religion avec trop d’aigreur, passe bien plus avant ; Car il dit que Jesus-Christ , qu’il ne veut point cognoistre pour le Messie, en suite de ce fondement soit ressuscité le Dimanche, jour comme j’ay desja dit destiné au Soleil, & qu’ayant esté un home tout à fait solaire, il ait esté par consequent tres beau, d’une face blanche & resplendissante, d’une humeur esveillee, & grandement hardy, tesmoin dit-il, l’acte qu’il fit de chasser tant de vendeurs du Temple, & disputer en l’aage de douze ans contre les Docteurs de la Loy. Que ce Rabbin eust esté heureux s’il eust sceu tirer de ces merveilles les fondemens de son salut ! Mais laissons le dans ses tenebres, & disons (puis qu’insensiblement nous sommes tombez dans ces discours que nous advançons avec toute sorte d’humilité) qu’en la Geniture de Jesus-Christ, il ne s’accorde nullement avec ce que Cardan en escrit: car apres avoir dit qu’en son adorable Nativité il y avoit cinq choses tres-rares, qui monstroient ce qu’il a esté, il poursuit à dire que Saturne ayant part à sa Geniture il le rendoit triste & pensif, d’où Josephe auroit pris sujet de dire, vifus est sæpius flere, ridere numquam, & par mesme raison sembloit plus vieux qu’il n’estoit pas; car l’esprit triste seiche les os ; c’est pourquoy , dit-il, les Juifs croyoient qu’il eust quarante ans, quand ils luy dirent Nundum quinquaginta annos habes & Abraham vidisti? & en suite que le mesme Planette s’estant rencontré avec Venus, luy avoit causé des taches rouces au visage, suivant ce que le mesme Josephe en dit: Lentiginosus in facie. Quod si à Deo omnia fuissent profecta, conclud Cardan, quorsum erat lentiginosum creari? ’Laissons pareillement ceste matiere que nous n’avons touché que par occasion, pour venir au reste de l’Astrologie qu’on attribue faussement aux Hebreux, & à leurs voisins.
7. Celle que Scaliger avance, bien qu’en elle mesme ait plus de fondement que celles que nous avons desja veu, elle n’a pourtant jamais esté pratiquee ny recogueuë des Ægyptiens, & moins encore des Hebreux ; sa curiosité fait que j’en rapporte ce qui s’enfuit. Le signe du Belier estant au premier degré de Mars, on a representé un homme tenant de la main droicte une faucille, & de la gauche un Arc. Au deuxiesme degré un homme ayant la teste d’un Chien, & tenant d’une main un baston, & l’autre l’ayant estenduë. Au troisiesme, vo autre homme ayant une main au Ciel, & de l’autre monstrant tout ce qui estoit en l’Univers. Au quatrième encore un homme à cheveux crepez, ayant un espervier sur la main droicte, & un fléau à la gauche. Au cinquiesme, deux hommes dont l’un fendoit du bois avec une hache, & l’autre portoie un sceptre en sa main. Les autres degrez ont encore leurs figures que je laisse pour passer à celle du second signe qui est le Taureau, au premier degré duquel Mercure se rencontrant, on depeignoit un homme tenant un baston à la main, avec lequel il conduisoit un Bœuf à la boucherie. Au deuxiesme degré, une femme tenant à belles mains la queuë d’un Cheval. Au troisiesme, une vieille voilee; ou bien une femme couverte d’un haut de chausse: Au quatriesme, une autre femme tenant un fouet : & sans m’arrester d’avantage, on pourra voir au Livre que je m’en vais citer toutes ces figures que Scaliger dit avoir tiré des livres des Arabes, & pratiquees par les Ægyptiens : Mais sans mesdire d’un si grand homme, il ne fust jamais rien plus esloigné de la verité : Car les curieux pourront voir qu’il les a deserites mot à mot du second Livre d’un œuvre intitulé Astrolabium Planum, où elles sont toutes representees par figure en taille de bois, de l’invention de Pierre d’Appono, autrement dit le Conciliator, estant les mesmes qu’il avoit fait dépeindre dans la grand’ Salle du Palais de Padouë, où on les voit encore aujourd’huy. On peut les verifier par le dit livre d’aponensis, duquel mesme Scaliger a gardé les mots, s’estant contenté d’avoir pris le tiltre des figures sans les faire graver. J’adjouste ce mot pour plus de certitude que l’Astrolabium Planum, où sont ces figures d’Aponensis, est imprimé à Venise par Emery de Spir, l’an 1494. Je n’ay pourtant fait ceste remarque, que pour faire cognoistre cy-apres la verité de l’Astrologie des Anciens Hebreux, presque la mesme avec celle des Ægyptiens, & plus doctes Arabes, des livres desquels Scaliger dit en vain, qu’il a tiré avec beaucoup de peine les susdites figures: car on a desja dit tant de choses de ceste science qui ne furent jamais, qu’on ne fait point de difficulté aujourd’huy de dire au desadvantage de l’antiquité, qu’il n’y a rien d’asseuré & de veritable en ces recherches. J’estime necessaire pour mieux desabuser ceux qui le sont, de marquer ce qui a incité Apponensis à representer ces diverses postures d’hommes, de femmes, & de divers animaux. Ce sçavant Astrologue voyant donc que ceux qui naissent sous certaines conjonctions des Planettes avec les signes du Zodiaque, estoient tousjours enclins à une mesme chose, comme le Planette de Mars se trouvant ascendant au premier degré du Belier, ceux qui y venoient à naistre , estoient ordinairement laborieux & amateurs de la guerre, il depeignit un homme, comme nous avons dit, tenant d’une main une faucille qui signifie le travail, & de l’autre un arc Hieroglifique de la guerre. Ainsi ceux qui sont nez quand le mesme Planette est au deuxieme degré du mesme signe, il sont querelleux & enuieux comme les chiens; c’est pourquoy il representa un homme ayant la teste d’un Chien, & tenant un baston à la main. La figure du troisième degré represente que l’Enfant sera amateur de Paix. La quatriesme, que difficilement sera-il riche dissipant ce qu’il sera acquis, ce qu’il marque le fleau,& l’Espervier: Si Mercure se trouve au premier degré du Taureau, l’Enfant sera carnacier & bourreau ; c’est pourquoy le mesme Autheur depeignit un homme avec un baston, menant un bœuf à la boucherie; Si au deuxiesme, il sera oyseux comme la femme qui tient la queue d’un cheval : Si au troisiéme, la femme en sa vieillesse convoitera mary, desirant d’estre estimee jeune, suivant la figure de la vieille, qui est voilee ou bien couverte d’un haut de chausse : Si au quatriesme l’Enfant sera querelleux, ce qu’il signifie la femme qui tient un fouët en sa main. Ainsi des autres qu’on peut remarquer dans le mesme Livre. Concluons que les Curiositez de ceste Astrologie sont aussi peu de l’invention des Hebreux & des Egyptiens, que le cheval de Bronze est de la mienne.