Croyances et légendes du centre de la France/Tome 1/Livre 03/05

CHAPITRE CINQUIÈME

MÉDECINE :
PANSEUX DE SECRET ; — REMÉGEUX, ETC.

Les premiers médecins n’ont été que des sorciers conjureurs des mauvais esprits, ces mauvais esprits étant regardés comme les auteurs des maladies. De là le nom de ἰατρό-μαντις (médecin-devin), que reçoit Apollon dans Eschyle[1]. (Alfred Maury.)

À Rome, s’ingérait de la médecine qui voulait.

(Montesquieu.)

Une transition bien naturelle nous conduit des sorciers aux médecins, car, en tout temps, par tout pays, la médecine et la magie ont eu beaucoup d’affinité. La magie se mêlait à tout autrefois : à l’astrologie, à la philosophie, à la physique, aux mathématiques, etc., mais surtout à l’art de guérir. D’anciens médecins, ont composé des poëmes où sont décrits tous les remèdes magiques connus de leur temps.

La Gaule, bien avant et longtemps encore après l’occupation romaine, était infestée de sorciers-médecins. Au rapport de Pline, Tibère tenta de supprimer hoc genus vatum medicorumque[2] ; mais ses efforts furent impuissants et, quoique traquée et persécutée de siècle en siècle, cette race de charlatans, dont l’art trompeur a pris naissance dans l’Inde, s’est perpétuée jusqu’à nous au moyen d’affiliations et d’initiations secrètes.

Nos villages abondent en médecins qui, tous, n’ont pris leurs degrés que dans la tradition de famille. Leur savoir-faire a tout à la fois pour objet la santé de l’homme et celle du bétail ; mais de même que, dans l’ancienne Égypte, chaque médecin se consacrait au traitement d’une maladie particulière, de même chacun de nos esculapes a sa spécialité et s’y renferme strictement ; de manière que la jalousie de métier leur est inconnue.

L’un panse du varin (venin) ; l’autre panse des endarces (dartres) ; un troisième du résipère (érysipèle) ; celui-ci de l’enchappe ; celui-là du javart, de la vertaupe, du caterre, etc., etc. — Panser, dans toutes ces expressions, a la valeur de guérir, traiter.

Nos médecins peuvent se diviser en trois classes. L’une qui fait usage, dans sa médication, des moyens ordinaires, c’est-à-dire de drogues plus ou moins efficaces ; l’autre qui panse du secret, ce qui consiste à n’employer dans le traitement des maladies que des paroles magiques et secrètes accompagnées de certains signes ; enfin la troisième classe qui pratique l’une et l’autre de ces deux méthodes.

Les secrets, ou les paroles secrètes, sont de deux natures bien différentes. Par les uns, le panseux opère au nom de Dieu ou d’un saint ; par les autres, il agit au nom de Georgeon ou de l’un de ses suppôts. Dans les deux cas, le secret contraint la puissance surnaturelle invoquée, quelle qu’elle soit, à intervenir. Or, si c’est l’assistance de Dieu que le panseux requiert, il commet un grand péché, parce que, disent nos paysans, agir ainsi, c’est commander à Dieu. — Il va sans dire que celui qui se sert du pouvoir du Diable pour panser du secret a déjà perdu son âme.

Cette vertu effrayante du secret, qui, ainsi que celle de la messe du Saint-Esprit, met à la disposition du premier sorcier, du premier vaurien venu, le pouvoir des-bons et des mauvais esprits, n’était pas inconnue des anciens. Ils donnaient à cette sorte de magie le nom de théurgie. L’art de la théurgie pouvait aussi forcer les dieux à exaucer certaines prières, à obéir, en un mot, à la voix de l’homme. Le ton vif et pressant des hymnes d’Orphée leur donnait, au sentiment des Grecs et des Romains, un caractère tout à fait théurgique. Cette science occulte se pratiquait également dans l’ancienne Perse. — « De la doctrine des mages, dit Creuzer[3], sortit cette croyance superstitieuse qui donne à la prière le pouvoir de contraindre et de lier en quelque sorte les dieux et les esprits. On retrouve la même superstition chez les Chaldéens et chez beaucoup d’autres peuples. De là ces formules mystérieuses et purement magiques qu’on rapportait aux dieux eux-mêmes, et qui balançaient leur puissance. Les Égyptiens, à ce qu’il paraît, en avaient aussi de pareilles qu’ils employaient dans des espèces de conjurations, » — Au reste, ce miracle ne se reproduisit-il pas tous les jours dans nos églises ? Chaque matin, à la voix du plus humble de nos prêtres, Dieu lui-même ne descend-il pas sur l’autel ? — « Quoique le prêtre, dit notre illustre compatriote le P. Bourdaloue, ne soit, dans le sacrifice de la messe, que le substitut de Jésus-Christ, il est certain néanmoins que Jésus-Christ se soumet à lui, qu’il s’y assujettit, et lui rend tous les jours sur nos autels, la plus prompte et la plus exacte obéissance. Si la foi ne nous enseignait ces vérités, pourrions-nous penser qu’un homme pût jamais atteindre à une telle élévation et être revêtu d’un caractère qui le mît en état, si je l’ose dire, de commander à son souverain seigneur et de le faire descendre du ciel ? »

Le secret fait ordinairement partie, et, la plupart du temps, est le lot le plus précieux de l’héritage paternel. Il passe de père en fils, et toujours du père à l’aîné des enfants. En dehors de la famille, le panseux ne peut apprendre son secret qu’à une personne plus vieille que lui. — Quant à la transmission du secret par hérédité, il en est de même chez les sauvages de l’Amérique. Le voyageur Mackensie, en parlant d’un Pawny-Loup qui guérit les yeux de mistress Campbell, nièce du président Webster, dit que cet homme possédait un secret héréditaire. — Au reste, ces mêmes sauvages, lorsqu’ils pansent du secret, emploient, comme nos villageois, certaines herbes ainsi que des mots et des passes magiques.

Nos panseux de secret doivent être considérés comme les docteurs du corps médical de nos campagnes.

Nous allons donner ici un échantillon des moyens curatifs préconisés et mis en œuvre par quelques-uns de nos meilleurs praticiens :

Pour guérir l’érysipèle, il n’est besoin que de sang de lièvre.

Pour combattre les accidents que détermine la dentition chez les enfants, on leur suspend au cou une dent de loup ou trois pattes de taupes. — Les Romains ne faisaient pas autrement : Dens lupi adalligatus infantium dentienti morbos prohibet. — Dente talpæ vivæ exempto, sanari dentium dolores adalligato adfirmant[4].

Pour panser du venin, il faut avoir étouffé trois taupes dans sa main gauche et savoir certains mots de cabale pratique. — Or, en fait de cabale pratique, le secret consiste dans une combinaison particulière de paroles ordinairement tirées de l’Écriture sainte.

Avez-vous des verrues, voici le moyen de vous en défaire : — Choisir treize pois de l’année, en envelopper six dans un linge noir, sept dans un linge blanc, et les porter pendant treize jours sur sa poitrine, en guise d’amulette ; attendre un vendredi, et, à minuit, sans témoin, se rendre au bord d’un puits, dire sept Pater, et, à la fin de chacun d’eux, jeter un pois dans le puits ; de là, se transporter près d’une taupinière, réciter six Ave Maria, et, après chaque Ave, faire un trou avec le petit doigt de la main gauche dans la taupinière et y enterrer un pois, — Cette recette est la reproduction textuelle d’une note insérée dans le Moniteur de l’Indre du 8 mars 1856, note dans laquelle on assure qu’une jeune femme, après avoir suivi cette prescription, vit disparaître ses verrues. — Au reste, Pline, au livre XXII, ch. 72, de son Histoire naturelle, indique contre ces sortes d’excroissances un remède qui n’est pas sans analogie avec celui que nous venons de faire connaître. — Remarquez, en passant, que si l’on s’avise de compter les verrues de quelqu’un, on est sûr de les attraper.

La vertaupe est une affection très-connue dans quelques contrées du Berry, surtout dans le canton de Châtillon-sur-Indre. — On appelle ordinairement de ce nom, tantôt un engorgement glanduleux, tantôt une douleur rhumatismale, tantôt un abcès froid. — « La vertaupe, disent nos paysans dans leur langue naïve et pittoresque, produit l’effet de taupes qui boutent[5] dans l’endroit douloureux. Pour guérir cette maladie, il faut laisser presser la partie malade en plusieurs sens par une personne à laquelle, dans son enfance, on a fait étouffer sept taupes avant qu’elle ait mangé de la soupe à la graisse. Nos paysans admettent sept espèces de taupes, et par contre sept variétés de la maladie qu’ils désignent sous le nom de vertaupe. L’enfant, par exemple, qui n’aurait étouffé que trois ou quatre taupes de différentes espèces, ne pourrait guérir que trois ou quatre variétés de la maladie[6]. » — On voit que la taupe joue un grand rôle dans la médication de nos docteurs de campagne ; il en était de même dans la médecine occulte des Romains, où ce petit quadrupède tenait le premier rang parmi les remèdes animaux. « Ce qui montre combien est vaine la science des magiciens, dit Pline, c’est qu’ils mettent les propriétés médicales de la taupe bien au-dessus de celles de tous les autres animaux. — Quelques malades, ajoute un peu plus loin le même auteur, font un onguent avec du foie de taupe, écrasé dans leurs mains,  etc.[7]. »

Pour panser de l’enchappe, — c’est ainsi que l’on appelle l’engorgement des glandes axillaires, — il faut être ou avoir été meunier de père en fils. Tout meunier, dans cette condition, panse de l’enchappe au moyen de trois légers coups donnés sur la partie malade avec le marteau à piquer les meules. Saint Martin, patron des meuniers, guérissait, à ce qu’il paraît, en son vivant, cette infirmité, exactement de la même manière.

Le caterre ou catarne est une espèce de congestion cérébrale qui atteint les enfants et qui détermine des convulsions suivies ou non de paralysie.

« Aussy voyez comme les catherres vous surprennent… »
(Satire Ménippée, Supplément du Catholicon.)

Voici de quelle façon on panse de cette maladie dans la commune de Lacs, près de la Châtre. — Aussitôt qu’on s’aperçoit que le malade dévire des yeux (roule les yeux) et que ses membres se roidissent, on empoigne vivement sa coiffure et on la jette au feu ; puis, on se hâte d’appeler une personne qui ne soit pas parente du patient, on la charge de lui piquer le petit doigt de la main gauche, de mêler le sang qui sort de la blessure avec de l’eau bénite consacrée le jour de la Pentecôte, et de lui faire avaler le tout.

Le décrochement de l’estomac se guérit de la manière suivante. — Le malade étant couché sur les reins, le remégeux ou panseux de secret lui arrache un cheveu au-dessus de la tempe droite, et, après le lui avoir placé au haut de la région épigastrique, il pose son artou (orteil) sur ledit cheveu et fait des signes en forme de croix.

Ceux de nos praticiens qui remédient à la chute de la toile du ventre, la relèvent au moyen d’une écuelle ou poêlette en terre, que l’on promène de haut en bas sur le ventre du patient. — Tout cela, bien entendu, est accompagné de paroles consacrées.

Le javart est une espèce de scorbut. Pour le traiter, il n’est pas besoin de voir le malade ; il suffit de connaître les noms et prénoms de ses parrain et marraine.

On guérit l’entorse avec les paroles suivantes : « Anté, anté, super anté, super anté té. — Le nom du médecin Antée, dont parle Pline, au livre XXVIII, chap. 2, de son Encyclopédie, et qui prétendait guérir les morsures de chien enragé avec une décoction de crâne de pendu, serait-il pour quelque chose dans cette formule ? — Tout en prononçant ces mots, le panseux de secret fait des parsignons ou signes de croix sur le membre affligé avec l’artou (orteil, du latin artus) de son pied gauche, agissant ainsi, sans s’en douter, comme Pyrrhus, roi d’Épire, qui guérissait aussi certaines maladies avec son orteil[8]. — Les mots anté, anté, super…,  etc., sont employés ailleurs qu’en Berry pour guérir l’entorse ; ils sont notamment en usage dans le département des Hautes-Pyrénées. Au mois d’août 1865, le tribunal correctionnel de Tarbes condamne comme escroc un nommé Rigues à trois mois de prison pour avoir pansé des entorses avec ces paroles.

Au reste, il existe des formules magiques pour les plus petits maux. Par exemple, si une épine vous est entrée dans le doigt, vous n’avez besoin, pour vous en débarrasser, que de prononcer trois fois sur la blessure le quatrain suivant, qui est aussi connu dans les Vosges :

Para fara gara,
Épine, tu sailliras (sortiras),
Et mon mal guérira
Par saint Jean et Nicolas.

Mais la supériorité de nos panseux de secret sur tous les médecins à diplôme éclate principalement dans la pratique suivante : — En tombant ou en se battant, une personne a reçu un ou plusieurs coups qui la font horriblement souffrir ; elle va trouver aussitôt le panseux de secret, dont la spécialité est de tirer les coups, et celui-ci enlève instantanément la douleur qu’elle ressent, au moyen de signes et de paroles magiques à lui connus. Les coups s’enlèvent avec le pouce, et le panseux de secret a soin, à fur et à mesure qu’il en débarrasse le patient, de les déposer, non pas sur un être animé auquel il transmettrait infailliblement les souffrances du malade, mais sur un objet inerte et insensible, tel qu’un morceau de bois, une pierre, etc., etc. Cette singulière précaution s’explique parfaitement, du reste, par ce que l’on rapporte de certains magnétiseurs d’une classe plus éclairée, que leur manière maladroite d’opérer expose parfois à contracter le mal dont ils délivrent leur client. — « M. X… m’a assuré, dit l’un des rédacteurs du Journal pour tous, que magnétisant un jour un militaire, il prit une douleur névralgique pour avoir, par inadvertance, dirigé vers lui les passes qu’il faisait pour l’enlever à ce militaire[9], » — Dans l’ordre moral, cette manière de procéder rappelle la cérémonie du bouc Hazazel, sur la tête duquel Aaron déposait toutes les iniquités des enfants d’Israël[10].

Avant d’aller plus loin, parlons un peu des mots ou formules magiques employées par nos panseux de secret. Ces paroles, qui ne sont autre chose que le secret, et qui semblent former la base de toute science occulte, constituent ce que les anciens appelaient l’incantamentum, ou mieux encore le carmen :

Carmina vel coelo possunt deducere lunam…
Ducite ab urbe domum, mea carmina, ducite Daphnin.

Les mots : Anté, anté, super anté, super anté té, que nous avons cités plus haut, sont un véritable carmen. Cette formule, ainsi que la plupart des paroles prononcées en pareille circonstance, est complètement inintelligible. Cela n’en produit que plus d’effet sur l’imagination du malade, et il est probable que le baragouin barbare des médecins du siècle de Molière ne visait pas à un autre but. Cette manie de charlatan remonte à des époques très-reculées, car les magiciennes de l’antique Thessalie se servaient également de formules composées de termes baroques et estropiés qui n’offraient aucun sens[11]. Le vénérable Caton[12] nous a transmis le carmen suivant, employé de son temps à remédier à certaines dislocations : — Vœta donata, Daries, Dardaries, Astataries. Pline le naturaliste parle de cette espèce d’argot, qu’il qualifie de externa verba atque ineffabilia[13]. Il nous a même conservé un carmen assez curieux, en ce sens qu’il consiste en un vrai calembour : — « On connaît, dit-il, aux environs d’Ariminum, une certaine plante qui porte le nom de reseda ; elle passe pour dissiper toute sorte d’humeurs et d’ inflammations. En l’employant, on prononce ces mots : Reseda, morbos reseda, scisne, scisne quis hicpullus egerit radices ?… Cette conjuration se répète trois fois, et, à chaque fois, l’on crache par terre[14]. » — Le fameux abracadabra était un carmen ; il suffisait pour éloigner toutes les maladies vulgaires. — Le mot sicucuma, autre carmen, arrêtait l’hémorrhagie. — Le moyen âge connaissait également une foule de formules magiques où s’entassaient pêle-mêle, et plus ou moins défigurés, des termes latins, grecs, chaldéens, etc., etc.

À propos du carmen : Anté, anté, super anté…, etc., M. le comte Jaubert a très-judicieusement fait observer que l’allitération, — figure de mots qui consiste dans la répétition affectée des mêmes lettres ou des mêmes syllabes, — se remarque dans toutes les circonstances où nos panseux de secret veulent donner à leurs paroles et à leurs opérations une sorte de solennité. C’est ainsi qu’en pansant de la forçure (effort de muscles, tour de reins), ils prononcent l’incantation suivante : Forçure, reforçure, je te force et reforce ! — Ils ne font, en cela, que marcher sur les traces des panseux de secret romains qui, comme le démontrent les antiques formules recueillies par Pline et Caton, se plaisaient aussi à répéter les mêmes mots ou les mêmes syllabes. Au reste, l’allitération est fréquente dans l’ancienne poésie italienne, dans les vieux chants bretons[15], ainsi que dans les vers des bardes gallois antérieurs au dixième siècle. Homère, lui-même, en fait souvent usage. Enfin, cette figure de mots se retrouve jusque dans les Védas, le plus ancien monument des fastes humains ; témoin cette invocation à la déesse Cali, dans le Kalica Pourana : — « Cali ! Cali ! détruis, détruis tout ce qui est mauvais ; saisis, saisis ; enchaîne, enchaîne ; déchire, déchire ; sauve, sauve-nous. Salut, Cali[16] ! »

Les formules dont se servent nos panseux de secret sont toujours accompagnées de passes ou signes magiques. Ces signes, qui portent, chez nous, le nom de parsignons[17], sont très-variés. Le plus habituellement employé est le signe de la croix ; mais jamais on ne doit le faire sur le corps d’un animal. On n’y a recours qu’en pansant un chrétien, et, à cette occasion, nous dirons qu’un panseux de secret qui emploierait son savoir à panser un chien perdrait irrévocablement, par ce seul fait, le pouvoir de guérir un chrétien. Après le signe de la croix, l’action de cracher trois fois de suite est la démonstration préservatrice la plus fréquemment usitée. Les Romains, dans beaucoup de pansements magiques, agissaient de même, et Pline explique cet usage de la manière suivante : « Lorsque nous prions les dieux de nous pardonner un espoir trop ambitieux, nous crachons dans notre sein ; c’est la même raison qui nous porte à cracher trois fois pour éloigner le mal, lorsque nous voulons activer l’effet d’un remède quelconque ; nous crachons ainsi, autant pour repousser la contagion que pour détruire les enchantements[18]. » C’était dans ce dernier but que les Carthaginois, qui professaient la religion chananéenne, crachaient trois fois sur un amulette, non-seulement pour en annuler l’heureux effet, mais pour attirer la mort sur celui qui le portait. — Enfin, toutes les fois qu’un panseux de secret est obligé, dans ses conjurations, de prononcer le nom de l’esprit malin, il n’oublie jamais non plus de cracher trois fois par terre. Les Péruviens avaient la même habitude lorsqu’ils prononçaient le nom de Cupaï, leur Diable[19]. Chez les Russes, au moment où l’on baptise un enfant, le parrain et la marraine sont dans l’usage de cracher aussi trois fois, ce qui indique, dit M. Léouzon-Leduc[20], que le nouveau chrétien renonce à Satan, à ses pompes et à ses œuvres.

Mais revenons. — Tout panseux de secret a le pouvoir de barrer le mal, quel qu’il soit, et alors même que ce mal n’est point de sa compétence. Barrer le mal, ce n’est pas le guérir, c’est seulement en arrêter subitement les progrès. Votre plaie, votre fièvre une fois barrées, vous pouvez toujours en souffrir ; mais elles n’augmentent plus, et vous n’avez plus à en redouter les suites, fussiez-vous vingt ans sans trouver qui vous guérisse.

Chez les Gaulois, chez les Germains nos pères, les femmes pratiquaient la médecine. Les vierges de l’île de Sein guérissaient les maux incurables. — Ad matres, ad conjuges, dit Tacite, en parlant des Germains, vulnera ferunt, nec illæ numerare aut exsugere plagas pavent. (Germania, cap. 7.) — Dans les Eddas, les épouses des héros scandinaves, des reines même, savent panser les blessures et composer des baumes propres à soulager tous les maux. — Dans l’ancienne Grèce, Agamède, fille d’Augias, Hélène, Médée, et bien d’autres, passaient pour très-habiles dans l’art de guérir. Après elles, et lorsque la Grèce eut des facultés de médecine, les femmes furent admises à en suivre les cours[21], ainsi que cela a lieu aujourd’hui dans l’Amérique du Nord[22]. Des déesses mêmes de la mythologie grecque cultivèrent cette science salutaire. Énée, blessé, fut soigné, dans le temple de Pergame, par Diane et Latone. Les filles d’Esculape profitèrent si bien des leçons de leur père que l’une d’elles, Hygie, mérita d’être invoquée comme déesse de la santé, et qu’une autre, Panacée, inventa un remède à tous maux auquel elle donna son nom.

Au temps de la chevalerie, il n’était guère de belle dame qui ne fût habile remégeuse (chirurgienne) : — « À tant, dit une des héroïnes du roman de Perceforest, beau neveu, il me semble que vous avez votre bras à mal aise ? — Par ma foy, respondit Norgal, chère dame, il est ainsi ; si vous prie que garde y veuillez prendre. » — Lors la dame appela une sienne fille qui se nommait Hélaine, laquelle fist grand chère à son cousin, puis print garde à son bras, et trouva qu’il estoit hors de son lieu, et fist tant qu’elle lui remist. » — — Voy. de plus La Curne de Sainte-Palaye, t. I, p. 14.

En vain, depuis, a-t-on cherché à déprécier les aptitudes médicales du beau sexe par des locutions dénigrantes telles que celles-ci : remèdes de bonnes femmes, recettes de commères, les femmes en Berry se sont adonnées de tous temps et s’adonnent encore à l’art de guérir.

Sans parler de cette orde vieille, si habile à confectionner les restrinctifs, qui, lors de la naissance de Gargantua, vint du hameau de Brisepaille, près Saint-Genou (Indre)[23], tout exprès pour assister Gargamelle en gésine, et qui, au dire de Rabelais[24], avoit réputation d’estre grande médicine, les annales de notre province ont conservé le souvenir d’une femme de Levroux qui, en 1263, osait marcher sur les brisées d’un saint, en s’ingérant de panser du mal de saint Silvain, c’est-à-dire de la lèpre, maladie dont s’occupait spécialement ce bienheureux et qui ne portait son nom que parce que son habileté à la combattre était généralement reconnue. Le chapitre de l’endroit, plus préoccupé de sauvegarder les priviléges de son saint, qui étaient la source d’un excellent casuel, que de donner de l’extension au soulagement des malades, fit jurer à cette femme, sur les saints Évangiles, de ne plus guérir aucun malade, et cela, sous peine, en cas de contravention, de payer audit chapitre dix livres de monnaie courante[25].

Dans ces derniers temps, la Baigneuse de Clavières, non loin de Châteauroux, passait pour avoir « un grand jugement sur toutes les maladies du corps et de l’esprit… elle était regardée comme la femme la plus savante du canton. » — Tel est, en propres termes, l’éloge que fait Mme Sand de cette célèbre praticienne, au ch. xxxi de la Petite Fadette.

Enfin, tout récemment, en avril 1856, le tribunal correctionnel de Bourges condamnait à six mois de prison et cinquante francs d’amende la fille Petit, si renommée un instant, dans nos campagnes, par ses cures merveilleuses, et que l’on connaissait, à vingt lieues à la ronde, sous le nom de la Somnambule de Chârot. — Voici l’une de ses consultations textuellement extraite des pièces du procès : — « Aller à Sainte-Solange, en pèlerinage, le 24 avril ; prendre un bain d’eau bénite à quatre heures du matin, y rester dix-huit minutes ; se mettre dans un lit bien chaud pendant six heures ; prendre une bouteille de vin de trente ans, y faire fondre onze petites saintes blanches en sucre, faire bouillir le tout et le boire à certains temps marqués,  etc.[26] »

Nos docteurs de village semblent avoir observé dans leur clinique plusieurs maladies qui pourraient très-bien être endémiques parmi nous, car les dictionnaires de médecine n’en parlent point. Nous citerons, entre autres, le décrochement de l’estomac et la chute de la toile du ventre[27], dont il a été question plus haut. Ces dénominations ne nous paraissent pas indiquer des affections ordinaires ; telle est aussi l’opinion de nos médecins de ville. À la vérité, les appellations baroques par lesquelles nos paysans désignent quelquefois certains maux suffiraient souvent pour fourvoyer Hippocrate lui-même.

Il n’en est pas ainsi des noms insolites donnés à plusieurs drogues par les guérisseurs villageois dans leurs ordonnances. Le moindre apprenti de nos pharmacies sait très-bien qu’il entre dans leurs habitudes d’appeler les mouches cantharides, mouches catholiques ; l’huile de ricin, huile d’hérisson ; la petite centaurée, herbe sainte-oreille, ou herbe sainte-honorée, etc.

« La petite centaurée, que nos paysans appellent sainte-honorée, prenant un centaure pour une sainte, n’est pas rare dans nos campagnes. » (Jules Néraud, la Botanique de l’enfance.)

Nous remarquerons, à l’occasion de ces quiproquo, que nos paysans s’ingénient toujours à donner un sens aux mots qu’ils ne comprennent pas, à trouver aux termes qui leur sont le plus étrangers une signification quelconque. Ils sont guidés, dans ce travail, autant par la consonance des mots que par la forme des objets que le terme à traduire rappelle à leur esprit. Les Grecs, paraît-il, usaient du même procédé. « Ils étaient, remarque M. Alfred Maury, dans l’habitude d’altérer les noms étrangers dont le sens leur échappait, de façon à les ramener à des noms qui leur fussent intelligibles[28]. » C’est ainsi que, dans la Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, le peuple traduit par Trou aux rats les mots Tu, ora, gravés au-dessus de la cellule où était enfermée la Sachette.

Nous avons connu un jardinier campagnard qui, par suite de ce système d’interprétation, appelait les primevères plumes vertes ; les ognons de crocus, gros culs ; les sycomores, sitôt morts. Cette dernière traduction lui avait été suggérée non-seulement par l’onomatopée, mais encore par le judicieux raisonnement que voici : son maître lui ayant, à plusieurs reprises, fait planter des sycomores dans un terrain calcaire d’une mince épaisseur, et ces arbres n’ayant pas tardé à mourir, il avait naturellement été conduit à traduire sycomore par sitôt mort. — Autre exemple : Dans nos campagnes, la femelle du porc s’appelle treue et non truie[29] ; or, le même paysan dont nous venons de parler, revenant un dimanche du village, qui était peu éloigné de la demeure de son maître, celui-ci lui demanda :

— Qu’est-ce que cette musette que l’on entend ?… Il y a donc un bal au village ?

— Oh ! non, nout’Monsieu ; c’est ceux mâles qui s’amusont en attendant les fumelles[30].

— Ils dansent donc entre eux ?

— J’vous dirai pas si c’est en treues ou en cochons, mais i dansont sans fumelles.

Et cette réponse fut faite de la meilleure foi du monde et sans la moindre intention de jouer sur les mots. Ce n’est pas que le calembour soit chose inconnue dans nos villages. En voici un qui est de toute force et qui fut commis, nous présent, par un journalier de la commune de Lacs. — Un jour qu’un vigneron se plaignait à lui de son âne en disant : — « J’n’ai jamais rien vu de si mou que c’t animau ; i s’lasse tout d’suite. — Eh bien, reprit en riant le journalier, il faut l’appeler Stanislas (c’t âne i s’lasse). »

Les remégeux sont les chirurgiens de nos villages. Le vieux mot mège qui signifiait, en ancien français, médecin opérateur, entre dans la composition de ce terme. Encore aujourd’hui, dans le canton de Vaud, mèze a le même sens que notre mot remégeux. — « Vous êtes une grande remégeuse et vous savez charmer la maladie. » (George Sand, la Petite Fadette.)

Les remégeux sont aussi connus en Berry sous les noms de ermieux, eumieux, rebouteux[31].

L’art du remégeux consiste principalement à réduire les fractures, à guérir les luxations et les contusions de toute espèce. — Il est inutile de dire que les remégeux pansent aussi du secret.

Ce serait ici le lieu d’indiquer les plantes aussi nombreuses que salutaires qui entrent dans la matière médicale de nos panseux, en général ; mais cette nomenclature nous entraînerait trop loin ; nous nous contenterons d’en nommer quelques-unes.

L’ail figure en premièréligne dans la thérapeutique de nos docteurs[32]. L’ail et la thériaque se suppléent l’un l’autre, et ces deux succédanés sont généralement regardés comme de vraies panacées. Nos villageois sont, en cela, d’accord avec le grand-père de Henri IV, qui, dit l’Estoile, « bailla pour première viande à son petit-fils, qui venoit de naître, une pillule de la thériaque des gens de village, qui est un cap (une tête) d’ail. » Montaigne, de son côté, savait également apprécier l’ail « de quoy les paysans de ses domaines avoient apprins à chasser toutes sortes de maulx, pour aspres et extrêmes qu’ils feussent[33] ». — Pour ce qui est de la thériaque, ce remède royal, comme on dit en Vendée, fut inventé par un médecin de l’empereur Néron. C’est un monstrueux mélange composé de soixante-douze substances, parmi lesquelles on compte 73 grammes de chair de vipère sur 8,409’6. — Les pharmacopées modernes donnent la recette de ce barbare médicament, ce qui doit faire penser qu’il n’est pas encore improuvé par nos facultés de médecine et que certains vieux préjugés se perpétuent aussi bien dans le domaine de la science que dans nos métairies-berrichonnes.

Entre tous les simples à leur usage, nos médecins font encore le plus grand cas de la verveine, si renommée dans l’ancienne Gaule. Les remégeux vantent particulièrement l’herbe à la forçure, et prétendent que les racines de cette herbe, qui n’est autre chose que la plante connue en botanique, sous le nom de sceau de Salomon, représentent toutes les parties du corps humain. Ils s’en servent pour guérir les distensions violentes des nerfs ou des muscles, et chaque fois qu’ils en font usage, ils ont soin d’employer le fragment de cette racine qui a le plus de rapport par sa forme avec le membre malade. — Ceci concorde tout à fait, avec les idées de la vieille médecine officielle qui croyait que « les plantes avaient une ressemblance avec les maladies qu’elles étaient destinées à guérir ou les différents organes sur lesquels elles devaient exercer une action salutaire[34] ». Ainsi la pulmonaire guérissait le poumon, parce que ses feuilles sont marquées de taches blanches semblables à celles d’un poumon malade ; ainsi la vipérine, dont la graine ressemble à la tête d’une vipère, était réputée souveraine contre les morsures de serpent, etc., etc. — Cette méthode médicale était connue sous le nom de médecine des signatures, et c’est par suite de ce système que, dans nos campagnes, tant de végétaux portent le nom d’une foule d’affections contre lesquelles on les emploie comme des remèdes infaillibles.

À propos de l’herbe à la forçure ou du sceau de Salomon, nous rappellerons que l’historien Flavius Josèphe dit positivement[35] que le roi Salomon pansait aussi du secret, qu’il savait charmer toute espèce de maladies et tenait directement de Dieu ce pouvoir surnaturel. Le même auteur ajoute que cette manière de guérir était encore pratiquée de son temps (en l’an 40 de Jésus-Christ), et qu’un Juif, nommé Éléazar, son contemporain, faisait sous ce rapport des merveilles au moyen d’un anneau dans le chaton duquel était enchâssée une racine indiquée par Salomon, racine qui, selon toute probabilité, était la même que celle de notre herbe à la forçure. — Tout le monde sait, du reste, que le roi Salomon était un grand botaniste, qui connaissait, dit le premier livre des Rois, « depuis le cèdre qui croît sur le Liban jusqu’à l’hysope qui vient sur les murailles ».

Généralement nos panseux savent manipuler une foule d’onguents auxquels les substances les plus étranges, les plus hétérogènes, les plus inouïes, servent de condiments : l’urine humaine, la fiente de poule, la graisse de loup, la graisse de chrétien surtout, à laquelle on attribue des vertus sans pareilles, jouent un grand rôle dans ces mixtures incroyables.

La pharmaceutique de nos docteurs villageois n’est pourtant pas la partie de leur science la plus arriérée. En effet, il ne serait guère difficile de prouver que leur matière médicale est identiquement la même que celle qu’admettaient, il y a beaucoup moins d’un siècle, les médecins officiels. — Combien y a-t-il donc d’années que ces derniers ont renoncé à la graisse de chrétien, à la râpure de crâne humain, aux eaux distillées du cerveau des pendus, à la poudre de crapaud, aux scorpions, aux petits chiens,  etc.,  etc. ? —, N’écrivait-on pas encore, en 1812, dans le Dictionnaire des sciences médicales, la page suivante ? — « En quelques occasions, l’on prescrit toujours les bouillons de vipères… l’on a cru appliquer avec succès quelques excréments, comme l’album græcum[36], la fiente humaine, celle de l’hirondelle[37], l’urine humaine, etc. L’on peut même tirer parti de la punaise, des araignées, etc., etc.[38]. » — C’est d’hier seulement que la chimie moderne, par son habileté à décomposer les différents corps de la nature, est parvenue à isoler, à signaler ceux de leurs principes qui peuvent, seuls, être utiles à la santé de l’homme ; par conséquent, c’est d’hier seulement que la raison, éclairée par la science, a fait justice de tout le barbare attirail que l’ancienne médecine traînait encore après elle.

Au moment d’en finir avec nos médecins de village, nous avouerons qu’il existe des panseux de secret qui ne se contentent pas de faire de la thérapeutique plus ou moins savante, plus ou moins occulte, mais qui allient à l’art de soulager l’humanité et le bétail une science autrement transcendante, et qu’ils puisent, suivant le degré de leur capacité, dans les pages mal famées du Grand et du Petit Albert.

Naturellement ces praticiens-là passent autant pour sorciers que pour médecins.

Nos paysans désignent par les noms de Petit et de Grand Albert deux anciens livres de magie qui très-probablement furent rédigés par le fameux docteur Albert le Grand, ce savant théologien, qui florissait sous le règne de saint Louis, et qui poussa, si loin l’art de la sorcellerie. On sait qu’il était parvenu à fabriquer un homme d’airain doué de la parole, et que saint Thomas d’Aquin, dont les nerfs étaient suragacés par le babil de cet androïde, le brisa dans un moment d’impatience.

Au dire de nos villageois, les recueils du Grand et du Petit Albert donnent un pouvoir immense à ceux qui sont à même d’y lire et qui, au moyen d’une initiation préalable, savent s’en servir. — C’est ainsi que, chez les Grecs, les formules qu’employaient les devins ou sorciers, dans leurs opérations magiques, étaient consignées dans de vieux rituels qui portaient les noms d’Orphée ou de Musée[39]. Or, personne n’ignore qu’Orphée était un sorcier-poëte, dont les chants opéraient des prodiges. On pense que Musée fut son disciple. Tous les deux étaient de Thrace et vivaient dans les temps héroïques ou fabuleux.

L’un des plus anciens monuments de la littérature sanscrite, l’Atharva-Véda, peut être considéré comme une espèce de Grand Albert, car il renferme une foule de formules et d’invocations qui toutes ont trait à la magie noire. Ce livre, qui très-probablement donna naissance à tous les formulaires, à tous les grimoires de ce genre, était et est encore, chez les Indiens, le manuel des sorciers. « De là vient, dit l’abbé Dubois, dans son intéressant ouvrage sur les Mœurs, les Institutions et les Cérémonies des peuples de l’Inde, que les brahmanes voudraient faire croire que ce Véda a tout à fait disparu. Le fait est qu’il existe, mais qu’on le tient encore plus caché que les autres, parce qu’il enseigne la magie, et que celui qui serait reconnu pour l’avoir en sa possession ne manquerait pas de s’attirer l’imputation odieuse de sorcier. »

Ceux de nos sorciers-médecins qui possèdent le Grand Albert, autrement dit le Grand Gôt, sont bien plus puissants que ceux qui n’ont que le Petit. Rien, dit-on, ne leur est impossible. — Ce Grand Gôt aurait-il quelque rapport avec ce roi des Goths qui, au dire du démonographe de Lancre, n’avait qu’à placer son bonnet d’une certaine façon pour soulever un orage ? ou bien désignerait-il quelqu’un de ces grimoires traitant de la magie goéfique, la pire des sorcelleries ?

Quoi qu’il en soit, c’est à force de consulter ces diaboliques formulaires que plusieurs de nos sorciers-médecins arrivent non-seulement à guérir une foule de malades réputés incurables par la science ordinaire, mais qu’ils parviennent à composer des poudres d’un effet aussi merveilleux que terrible.

Il est telles de ces compositions infernales dont une seule pincée, répandue sur un champ de foire, suffit pour occasionner ces émotions effroyables et soudaines qui s’emparent, sans cause apparente, de la masse entière du bétail, la rendent furieuse et entraînent parfois de grands désastres[40].

Un atome de telle autre de ces substances, soufflé par un amant rebuté sur les vêtements de la beauté la plus revêche, lui enlève aussitôt toute sa cruauté et l’amène à faire les avances les plus significatives à celui auquel elle ne témoignait, un instant auparavant, que le plus parfait dédain.

Enfin, certaines de ces poudres, dispersées dans l’air, passent pour jeter la perturbation dans l’atmosphère et pour engendrer l’orage.

En terminant ce qui concerne les panseux de secret, remarquons que leurs traces se retrouvent dans les temps les plus reculés. Nous avons déjà parlé du roi Salomon, qui excella dans cette science comme en tant d’autres ; nous citerons, pour dernier exemple, les fils d’Autolycus, ces habiles remégeux, qui, selon Homère, arrêtèrent par enchantement le sang qui jaillissait de la blessure d’Ulysse[41], et nous rappellerons que Jeanne d’Arc, dans une circonstance semblable, répondit à des hommes d’armes qui lui proposaient de charmer sa blessure : « Plutôt mourir que de consentir à une chose que je sais être un péché ! »

  1. Euménid., voy. 625.
  2. Histoire naturelle, liv. XXX, ch. 4.
  3. Symbolique, t. I, p. 83.
  4. Pline, Histoire naturelle, liv. XXVIII, ch. 78, et liv. XXX, ch. 7.
  5. Boutent est là pour poussent. — C’est dans le même sens que les marins disent bouter au large, pour pousser au large, et qu’en termes de vénerie, on dit bouter la bête pour lancer la bête, la pousser hors de sa bauge. — Le boutoir d’un sanglier est son poussoir. — Du vin bauté est du vin poussé. — Une bouteroue pousse ou repousse les roues. — Un arc-boutant est un arc-poussant, etc., etc.
  6. M. E. Bauché, médecin à Clion (Indre), Lettre au Moniteur de l’Indre, avril 1855.
  7. Histoire naturelle, liv. XXX, ch. 7 et 12.
  8. Pline, Histoire naturelle, liv. VII, ch. 2.
  9. Journal pour tous, t. III, p. 239.
  10. Le Léviticrue, xvi, 21.
  11. Heliodori Œthiopica, liv. VI.
  12. De Re rustica, art. 160.
  13. Histoire naturelle, liv. XXVIII, ch. 4.
  14. Histoire naturelle, liv. XXVII, ch. 106.
  15. Voyez les Barzaz-Breiz, t. I, p. 59 de l’introduction.
  16. M. Daniélo, Histoire et tableau de l’univers, t. III, p. 30 à 40.
  17. Voy. les mots Parsigner. Parsignon dans le Glossaire du Centre.
  18. Pline, Histoire naturelle, liv. XXVII, ch. 106, et liv. XXIX, ch. 112.
  19. Dupuis, Origine de tous les cultes.
  20. La Russie et les Russes.
  21. Robinson, Antiquités grecques p. 235.
  22. Depuis quelque temps (1863), les écoles de médecine de ce pays accordent aux femmes, dans un intérêt de pudeur, le diplôme de docteur, et déjà miss Blackwell, miss Hunt, miss Calborne et bien d’autres passent aux États-Unis pour d’excellentes praticiennes. En France même, l’exemple de Mme Castanier prouve que les femmes peuvent s’y faire recevoir docteurs en médecine.
  23. Cette partie du Bas-Berry est pleine du souvenir de Gargantua, cet Hercule gaulois dont la vieille légende a été à jamais immortalisée par Rabelais. — Voy. à la table des matières le mot : Gargantua.
  24. Gargantua, liv. I, chap. vi.
  25. M. de la Tramblais, Esquisses pittoresques de l’Indre, p. 280.
  26. Moniteur de l’Indre du 24 avril 1856.
  27. Il est question de cette dernière maladie au ch. viii de la Petite Fadette.
  28. Croyances et Légendes de l’antiquité, p. 336.
  29. Voy. à la table des matières, le mot : Treues (les)
  30. Nos paysans disent toujours mâle pour homme, et fumelle pour femme. — Voy. à la table des matières, le mot : Fumelles.
  31. Voy. ces différents termes dans le Glossaire du Centre.
  32. L’ail est aussi très-préconisé par M. F.-V. Raspail dans son Manuel de médecine.
  33. Essais, liv. II, chap. xxxvii.
  34. James Bouvier, la Science pour tous, 2e année, p. 18.
  35. Antiquitates judaic., liv. VIII, chap. 11, et de Bello judaico, liv. VII, chap. 25.
  36. La partie blanche des excréments du chien.
  37. La fiente d’hirondelle et surtout celle de poule, passe, dans nos campagnes, pour un excellent fébrifuge.
  38. Dictionnaire des sciences médicales, t. II, p. 156, Paris, 1812.
  39. Platon, de Republ., liv. II.
  40. Voyez, à la table des matières, ce mot : Mouche (la), ce que l’on dit de cette terreur panique du bétail.
  41. Odyssée, chant XIX.