Gangloff (p. 170-172).

« Parisienne. »

Au Jardin d’acclimatation, c’était fête l’autre jour.

Dans une de ces cabanes pittoresques où l’on exhibe aujourd’hui des créatures humaines, une Laponne venait de donner le jour à une Laponne.

Oui, une petite fille venait de jeter son premier cri dans ce milieu étrange, non loin des deux éléphants, du phoque et des. six girafes.

Par un heureux hasard, Paris, ce jour-là, ressemblait à la Laponie. Il y avait plusieurs pouces de neige par terre, et de la neige plein les nuages gris. La petite a pu se croire chez elle.

À peine née, on l’a baptisée, et ces braves Lapons qui ne sont point sots, ont imposé à l’enfant un nom qui n’est pas très commun en Laponie et ne figure guère au calendrier. Elle s’appellera « Parisienne, »

Eh bien va pour « Parisienne. »

Seulement, je te souhaite, chère petite, de n’avoir que les vertus de tes patronnes.

Ne va pas, quand tu auras vingt ans, inaugurer en Laponie les modes nouvelles et changer tous les trois mois la forme de tes fourrures ; ne t’avise pas de fonder là-bas des cafés-concerts ou des théâtres plus ou moins incombustibles ; ne fais point percer, par un Haussmann boulevards en neige coagulée avec de grands Bazars où l’on dépense tout son argent, et une Bourse où l’on vole l’argent des autres.

Non, mais imite les vraies Parisiennes qui sont honnêtes, laborieuses, charmantes.

En attendant, dors ton petit sommeil, « Parisienne », et sois heureuse.

Tu nous quitteras bientôt ; mais enfin tu te souviendras de ton pays natal, où tu auras goûté un de ces rares bonheurs que t’enviera toute la Laponnerie :

Tu auras vu la Tour Eiffel !