Gangloff (p. 142-144).

Une Histoire de Chasse.

« Donc, j’avais ouvert la chasse, à Montigny, vous savez bien, là-bas, là-bas, où il y a de si jolies « remises ». Et des champs de citrouilles ! Et de charmants petits bois ! Enfin, tout.

Pour être heureux, je ne fus pas heureux. Mais, tout de même, je rapportais deux perdrix. Des rouges.

Et je me disais en moi-même : « Ma femme ne me grondera pas trop, ce soir, puisqu’enfin je ne suis pas… Bon, voilà que je ne me rappelle plus le mot, à présent. Un mot qui rime avec « citrouille ». Ah oui ! bredouille.

« Les ferons-nous rôtir ? les mettrons-nous aux choux ? C’est là que git tout le problème ». Et je me pris à réfléchir considérablement.

Comme je rentrais à la ville, j’aperçus, sur le seuil de sa petite maison, la femme de François. Pauvre homme ! Malade depuis six mois. Presque mourant.

« Comment va-t-il aujourd’hui ? — Hélas Monsieur, il a pense toute la journée à l’ouverture de la chasse.

« J’y étais l’an dernier, me disait-il, et je me rappelle encore les perdreaux que j’ai tués. Il me semble que, si j’en avais un, l’appétit me reviendrait un peu.

« Ait ! reprit la ménagère, je lui en achèterais bien pour le revigourer un brin. Mais c’est si cher ! »

Lecteur, lecteur, qu’auriez-vous fait à ma place ?

Ma foi, je rentrai à la maison avec une carnassière vide… et un cœur content.

Et ma femme ne me gronda point ; mais elle prit en cachette une bouteille de notre vieux bordeaux, et la porta chez François.

Voilà mon histoire de chasse. Elle en vaut bien une autre. »