Gangloff (p. 105-108).

Dynamite.

Dynamite à droite, dynamite à gauche, dynamite toujours, dynamite partout.

J’ai voulu voir, j’ai vu une des maisons contaminées. Comme je passais devant, on était occupé à en extraire les boiseries atteintes par l’engin fatal. Elles étaient en miettes.

L’escalier effondré, la rampe brisée, un trou béant sur le palier du second étage ; partout, enfin, l’aspect d’une maison qui viendrait, en temps de siège, d’être crevée par les obus de l’ennemi : tel est le triste spectacle qu’il m’a été donné de contempler… et que je reverrai peut-être.

Ce n’est pas l’ennemi, cependant, qui est l’auteur de ces ruines, et il est probable que ce sont des mains françaises qui ont agencé cette cartouche, qui ont allumé cette mèche, qui ont savamment préparé cette épouvantable explosion.

La catastrophe, par bonheur, n’a pas. répondu aux désirs de ceux qui l’avaient si habilement préparée. Il n’y a pas eu de morts.

C’est une vraie déconvenue pour les dynamiteurs ils espéraient mieux. On s’est demandé la raison de tous ces attentats, et des journalistes sceptiques, mais de bonne volonté, ont adressé aux anarchistes cette question à brûle-pour-point (brûle est de circonstance) : « À quoi tout cela peut-il bien vous servir ? »

L’un d’eux, et le plus spirituel de tous, a ajouté fort justement « Est-ce que de telles dynamiteries donneront un bouillon de plus à un seul malade, un croûton de plus à un seul affamé, un verre de vin à un seul travailleur ? »

La question était embarrassante mais nous savons trop bien, hélas ce que nos dynamiteurs ont dû répondre en dedans d’eux-mêmes « Nous détestons l’ancien monde et le voulons détruire. »

La haine du passé, de tout le passe, voilà ce qui arme ces bras coupables, ces mains fratricides. L’espoir de fonder un monde nouveau ne vient qu’en second lieu.

La vraie cause, c’est qu’on ne croit plus en une autre vie où sera éternellement rétabli l’équilibre entre les riches et les pauvres, entre les grands et les petits.

C’est que notre société telle qu’elle est constituée, semble décidément révoltante a ces déshérités qui ne sont plus des croyants.

C’est qu’à défaut de l’équilibre céleste, auquel ils n’espèrent plus, ils veulent établir ici-bas l’égalité des jouissances.

Ils en ont assez des Principes de 89 et des Droits de l’homme : « Tout ça, disent-ils, c’est des mots, » et il leur faut des réalités.

Alors, en avant la dynamite !

Une société sans Dieu arrive fatalement à la putréfaction ou à la dynamite.

Quelquefois aux deux.