Gangloff (p. 64-68).

Deux Types féminins.

I. L’Italienne.

Les grands artistes de tous les temps ont idéalisé le paysan, et surtout la la paysanne.

Certes, toutes les campagnardes, même en Italie, ne sont point semblables à cette belle vanneuse de la campagne romaine dont un peintre illustre a popularise la fière allure et la beauté classique.

Mais enfin cette idéalisation, pour être excessive, est mille fois préférable au réalisme abject de nos jours.

Un livre, intitulé la Terre et signé « Zola », a conquis un succès qui décourage vraiment toutes les âmes honnêtes et larges.

On y caricature, on y déshonore le paysan.

Pas une seule vertu rien que des vices. Et quels vices !

Ce livre exhale je ne sais quelle puanteur nauséabonde ce livre est injuste et faux.

Je connais les vrais paysans, leurs travers, leurs défauts, leurs vices même ; mais j’atteste, mais je jure qu’ils valent mieux que les créatures infectes peintes par M. Zola.

Ces travailleurs courageux, qui sont le plus souvent honnêtes, économes, chrétiens ;

Ces gars vigoureux qui ont conquis l’Europe sous Napoléon, et qui auraient conquis le monde ;

Ces femmes ignorantes, mais qui sont d’expertes ménagères, de saintes femmes, de braves mères ;

Tout ce monde de la terre me semble très supérieur aux boulevardiers de Paris qui le raillent et aux romanciers qui le calomnient…

Belle vanneuse italienne, continue ton âpre besogne, travaille, espère, prie ;

Et, surtout, ne lis jamais la Terre

II. La Picarde.

Elle n’est pas charmante, elle n’est pas poétique comme la Romaine dont je viens de vous esquisser l’image. Aux yeux de Dieu, qui voit tout, elle n’est pas moins belle.

Sa journée vient de finir, et a été rude. Quatorze heures de travail !

Le pays qu’elle habite n’a rien d’aimable des champs a perte de vue ; des prairies marécageuses ; des tourbières. Son aspect, comme le dit un géographe contemporain, « est celui d’un plateau légèrement ondulé, sans grands horizons, nu ». Mais ce pays, tel qu’il est, elle l’aime.

Son regard, qui semble perdu dans le vide, est fixé là-bas, tout là-bas, sur un petit monticule chauve, derrière lequel est sa maison. Une hutte.

Encore une demi-heure de chemin, et elle y arrivera, essoufflée et joyeuse « Êtes-vous là, les gas » ? dira-t-elle, et trois gros garçons joufflus répondront soudain à la voix de la mère. Huit ans, six ans, trois ans. Une petite fille dort en son ber, près de la grand’mère qui, parais, dort aussi.

L’homme va venir tout à l’heure : il travaille plus loin, et ne voit sa femme et ses enfants que le soir, très tard.

Brave Picarde, qui tout à l’heure vas faire ta prière (pas longue, oh non, pas longue, mais candide et bonne) ; brave Picarde, qui nourris toute ta famille à la sueur de ton noble front, et qu’on verra dimanche à l’église en jupon neuf et coiffe blanche ;

Je t’admire autant que ! a belle fille du Transtevere, dont je parlais tout à l’heure, et je salue en toi cette femme française, qui est, à mon sens, la plus vaillante et la plus accomplie de toutes les femmes.

Que les Anglaises se le disent.