Traduction par Jules Barni.
Librairie philosophique de Ladrange (IIp. 21-26).


§. LXIII.


Du caractère propre des choses en tant que fins de la nature.


Pour concevoir qu’une chose n’est possible que comme fin, c’est-à-dire que la causalité à laquelle elle doit son origine ne doit pas être cherchée dans le mécanisme de la nature, mais dans une cause dont la puissance soit déterminée par des concepts, il est nécessaire que la possibilité de la forme de cette chose ne puisse être tirée de simples lois de la nature, c’est-à-dire de lois que notre seul entendement puisse reconnaître dans leur application aux phénomènes ; il faut que la connaissance empirique de cette forme, considérée dans sa cause et comme effet, suppose des concepts de la raison. Cette forme est contingente aux yeux de la raison, qui la rapproche de toutes les lois empiriques de la nature, c’est-à-dire que la raison, qui doit aussi Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/34 Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/35 Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome second.djvu/36 Un œil enlevé à une branche d’arbre, et enté sur une branche d’un autre arbre, produit, sur une plante étrangère, ~ne plante de son espèce, et de même une greffe sur un tronc étranger. C’est pourquoi on peut dans le même arbre considérer chaque branche ou chaque feuille comme ayant été simplement greffée ou écussonnée sur cet arbre, par conséquent comme un arbre existant par lui-même, qui seulement s’attache à un autre et en est le parasite. En outre, les feuilles sont, à la vérité, des produits de l’arbre, mais elles le conservent aussi de leur côté ; car on le détruirait en le dépouillant à plusieurs reprises de ses feuilles, et sa croissance dépend de leur effet sur la tige. Je ne mentionnerai ici qu’en passant, quoiqu’on doive les ranger parmi les propriétés les plus étonnantes des êtres organisés, ces secours que la nature leur apporte d’elle-même pour les réparer, lorsque le manque d’une partie nécessaire à la conservation des parties voisines est suppléé par les autres, et ces défauts d’organisation ou ces difformités dans lesquelles certaines parties remédient aux vices de constitution ou aux obstacles en se formant d’une manière tout à fait nouvelle, pour conserver ce qui est, et pour produire une créature anormale.




§. LXIV.


Les choses, en tant que fins de la nature, sont des êtres organisés.


D’après le caractère indiqué dans le paragraphe précédent, pour qu’une chose, qui est une production de la nature, ne puisse être reconnue possible que comme une fin de la nature, il faut qu’elle contienne un rapport réciproque de cause et d’effet ; mais c’est là une expression quelque peu impropre et indéterminée, et qui a besoin d’être ramenée à un concept déterminé.

La liaison causale, en tant qu’on la conçoit simplement par l’entendement, constitue une série (de causes et d’effets), qui va toujours en descendant ; et les choses qui, comme effets, en présupposent d’autres comme causes, ne peuvent pas être réciproquement causes de celles-ci. On appelle cette liaison causale la liaison des causes efficientes (nexus effectivus). Mais, d’un autre côté, on peut concevoir aussi une liaison causale, déterminée par un concept rationnel (de fins), qui, considérée comme ·une série, renfermerait une dépendance ascendante et descendante, c’est-à-dire que la chose qu’on désigne comme un effet mérite aussi, en remontant, le nom de cause de cette même chose dont elle est l’effet. Dans la pratique (ou dans l’art) on trouve aisément ce genre de liaison : par exemple, la maison


Notes de Kant modifier


Notes du traducteur modifier