◄  IX.
XI.  ►


X

Partie ii. — De Dieu sauveur et de son rapport particulier avec le genre humain (θεολογία οἰκουμενικὴ).

§ 122. — Liaison avec ce qui précède importance du sujet ; doctrine de l’Église sur ce sujet et division de cette doctrine.


Jusqu’ici nous n’avons été, pour ainsi dire, que dans le sanctuaire de la théologie dogmatique orthodoxe ; à présent, nous allons pénétrer dans le Saint des saints (p. 1).


Cette seconde partie qui pénètre dans le saint des saints se distingue en effet très nettement de la première.

Dans la première sont exprimées les propositions et les questions qui existèrent toujours dans l’âme de tout homme : du commencement de tout — Dieu, du commencement du monde visible, du monde spirituel, de l’homme, de l’âme et de sa lutte entre le bien et le mal.

Dans cette deuxième partie, il n’y a plus rien de pareil. Tous les dogmes que nous y rencontrons ne répondent à aucune question de la foi et ne sont que des propositions arbitraires, n’intéressant en rien l’homme, et n’ayant d’autres bases que l’interprétation la plus grossière des diverses paroles de l’Écriture. C’est pourquoi on ne peut les regarder et les examiner avec la raison.

On ne peut les envisager qu’au point de vue de l’exactitude de l’interprétation des textes de l’Écriture. Les dogmes exposés dans cette seconde partie sont : 1o le dogme de la rédemption ; 2o le dogme de l’incarnation ; 3o le dogme du moyen de rédemption ; 4o le dogme de l’Église ; 5o le dogme de la grâce ; 6o le dogme des sacrements ; 7o le dogme de la vengeance particulière ; 8o le dogme du jugement dernier et de la fin du monde.

Tous ces dogmes sont des réponses à des questions que l’homme qui cherche les voies de la vie n’a pas posées et ne peut poser. Ces dogmes ne reçoivent d’importance que par cette affirmation de l’Église, qu’il faut croire en eux, et que quiconque ne croira pas périra. Tous sont autant de propositions qui n’ont aucun lien avec la question de la religion et sont indépendantes d’elle. Tous ne sont basés que sur l’exigence de l’obéissance à l’Église.

§ 123. — Contenu de la section première sur Dieu sauveur. Le dogme fondamental que nous y trouvons c’est le dogme de la rédemption. Sur lui est fondée toute la doctrine de cette partie de la théologie. Voici en quoi il consiste : grâce à la prétendue chute d’Adam, ses descendants sont tombés dans la mort corporelle et dans la mort spirituelle, leur raison a été obscurcie et ils ont perdu l’image de Dieu. Pour sauver les hommes de cette chute imaginaire, on suppose la nécessité de la rédemption : Dieu doit racheter le péché d’Adam. Ce rachat, selon la doctrine de l’Église, s’est accompli par l’incarnation de Dieu en homme, sa descente sur la terre, ses souffrances et sa mort.

Christ-Dieu descend sur terre et par sa mort sauve les hommes du péché et de la mort. Mais puisque ce salut est imaginaire, puisqu’en réalité, les hommes, après leur rédemption, restent exactement tels qu’était Adam, qu’après comme avant la rédemption ils restent ce qu’ils furent toujours, puisqu’en réalité il existe toujours le même péché, la même inclination vers le mal, la même mort, les mêmes souffrances de l’enfantement, la même obligation de travailler pour se nourrir, alors toute cette doctrine de la deuxième partie, n’est plus une doctrine sur la foi, mais une pure invention. Grâce à cela, la doctrine de cette seconde partie de la théologie a un caractère particulier. Il s’y manifeste nettement ces écarts du bon sens, rencontrés dans la première partie, à l’exposition des dogmes sur Dieu, sur l’homme, sur le mal. Évidemment la doctrine de la première partie était basée sur la foi en la seconde ; mais la seconde ne découle pas de la première, comme veut le démontrer la théologie. Au contraire, la foi dans les fables de la deuxième partie sert de base à tous les écarts du bon sens de la première.

Voici cette doctrine :

§ 124. — Nécessité absolue des secours divins pour la régénération de l’homme, avec la possibilité de cette régénération du côté de l’homme.

Adam commit trois grands péchés : 1o Il outragea Dieu par le péché ; 2o il infecta, par le péché, tout son être ; 3o il corrompit sa nature.

Il fallait donc, pour sauver l’humanité de tous ces maux, pour l’unir de nouveau avec Dieu et la rétablir dans la béatitude : 1o satisfaire pour le pécheur à la justice infinie de Dieu, outragé par son péché ; non que Dieu respire la vengeance, mais parce qu’aucun de ses attributs ne peut être dépouillé de l’action qui lui est propre ; sans l’accomplissement de cette condition, l’homme serait resté pour toujours, devant la justice divine, « enfant de colère » (Éph., ii, 3), « enfant de malédiction « (Gal., iii, 10}, et la réconciliation, le rétablissement de l’union avec Dieu n’aurait pas même pu commencer (p. 6).

Or, qui pouvait remplir toutes ces conditions, nul autre que Dieu seul (p. 7).

§ 125. — Moyen que Dieu choisit pour le rétablissement ou la rédemption de l’homme, et signification de ce moyen.

Pour le rétablissement de l’homme Dieu trouve un moyen dans lequel « la miséricorde et les vérités se sont rencontrées, la justice et la paix se sont donné le baiser » (Ps., lxxxiv, 10), dans lequel ses perfections se sont montrées au plus haut point de grandeur et dans une parfaite harmonie. Ce moyen le voici : La seconde personne de la très sainte Trinité, le Fils unique de Dieu, daigna de son plein gré se faire homme, prendre sur lui tous les péchés humains, souffrir pour ces péchés tout ce qu’avait résolu dans sa justice la volonté divine, et satisfaire ainsi pour nous la justice éternelle, effacer nos péchés, en détruire les suites mêmes en nous et dans la nature extérieure, c’est-à-dire recréer le monde (p. 11).

Suivent les confirmations de la Sainte Écriture et des saints Pères.

§ 126 — Participation de toutes les personnes de la Sainte Trinité à l’œuvre du salut, et raison de l’incarnation du Fils nommément pour la consommer.

Au reste, bien que l’incarnation du Fils de Dieu ait été choisie comme le meilleur moyen pour notre salut, cependant le Père et le Saint-Esprit ont eu également leur part dans cette œuvre importante (p. 16).

C’est prouvé par la Sainte Écriture.

§ 127. — Motif de la Rédemption et but de la venue du Fils de Dieu sur la terre.

i. Pourquoi Dieu, en sa triple hypostase, daigna-t-Il nous racheter ? Il n’eut pour cela qu’un seul motif, savoir : son amour infini pour nous pécheurs (p. 21)…

ii. Quant au but de la mission et de la venue du Fils de Dieu dans le monde, la Sainte Église nous le marque clairement lorsqu’elle nous apprend à dire dans la confession : « Qui pour notre humanité et pour notre salut descendit du ciel (p. 22). »

C’est encore prouvé par l’Écriture Sainte.

§ 128. — Décret éternel de la Rédemption et raison pour laquelle le Rédempteur n’est pas venu plus tôt dans le monde.

La rédemption était prédite depuis des siècles. Dieu, malgré sa grâce, avait prévu la chute de l’homme et toutes ses souffrances. Il ne nous a pas rachetés tout de suite pour que : 1o les hommes sentissent leur chute et désirassent la Rédemption, et 2o :

Il fallait que la contagion du péché, qui avait pénétré profondément la nature humaine, en sortit peu à peu tout entière (p. 27).

Pour cela il fallait à des milliards de créatures humaines tomber dans le péché et le malheur ; et 3o :

Il fallait prévenir les hommes de la venue sur la terre d’un envoyé de Dieu aussi extraordinaire que le Rédempteur (p. 27).

Pendant 5.500 ans, des révolutions devaient y préparer l’humanité ; et 4o :

Il fallait que l’humanité pécheresse passât au préalable par une longue suite de purifications et de consécrations dans la foule des patriarches et de tous les saints de l’Ancien Testament (p. 28).

§ 129. — Préparation divine du genre humain à recevoir le Rédempteur et foi en Lui dans tous les temps.

La préparation du genre humain eut lieu 1o par des prophéties, telles que celle de la femme écrasant la tête du serpent, etc.

Depuis le temps de ce proto-évangile du Messie, annoncé déjà dans le Paradis, et de l’institution des sacrifices, qui indiquaient ses souffrances et sa mort, la foi salutaire au Seigneur Jésus a existé sans interruption dans le genre humain. C’est par cette foi qu’Adam « donna à sa femme le nom d’Ève qui signifie la vie » (Gen., iii, 20), quoiqu’il eût entendu cette sentence du juge : « Vous êtes poudre et vous retournerez en poudre » (Ibid., 19,). C’est par cette foi qu’Ève enfante Caïn en disant : « Je possède un homme par la grâce de Dieu » (Gen., iv, 1). C’est sans doute aussi par cette même foi que la sagesse hypostatique de Dieu, comme l’atteste le sage et le professe la Sainte Église, « conserva celui que Dieu avait formé seul d’abord pour être le père du monde et le retira de son péché » (Sag., x, 1). « Car il n’y a point de salut par aucun autre ; car nul autre nom sous le ciel n’a été donné aux hommes par lequel nous devons être sauvés » (Act., iv, 12) que le nom de Jésus-Christ (p. 30).

2o Outre les prophéties, il y eut des actes tels que : le sacrifice d’Isaac, Jonas dans le ventre de la baleine, l’agneau pascal, le serpent d’airain, tout le rite de Moïse, et enfin la loi morale et civile.

Des types. — Ici l’infinie bonté, condescendant à la faiblesse de l’homme, revêtit ses sublimes promesses et ses prédictions sur le Messie d’images sensibles, pour les imprimer d’autant plus fortement dans la mémoire du peuple et les lui mettre toujours sous les yeux. Au nombre de ces types se rapportaient :

a) Certains événements et certaines circonstances de la vie de tel ou tel personnage, par exemple : le sacrifice d’Isaac, marquant la mort sur la croix et la résurrection du Messie (Jean, viii, 5, 6) ; le sacerdoce de Melchissédec, figurant le sacerdoce éternel du Christ (Hébr., v, 6, 7) ; la puissance et la grandeur des règnes de David et de Salomon, représentant la puissance et la gloire du règne de Christ (ii Rois, vii, 13, 14 ; Jer., xxviii, 14-18) ; le prophète Jonas demeuré trois jours et trois nuits dans le ventre d’une baleine, désignant le Messie devant rester trois jours dans le sein de la terre (Matth., xii, 40).

b) Des événements et des circonstances de la vie de tout le peuple juif, particulièrement au temps de Moïse (i Cor., x, 11 ; Rom., x, 4), comme la sortie d’Égypte ; l’agneau pascal, image du Messie sous plusieurs rapports (Ex., xii, 46 ; comp. Jean, xix, 36 ; i Cor., v, 7) ; le passage de la mer Rouge, la manne, l’eau qui jaillit du rocher, le serpent d’airain qui figurait le Messie mis en croix et sauvant de la mort éternelle ceux qui croient en lui. (Jean, iii, 14).

c) Toute la loi cérémonielle que Dieu donna par Moïse, et qui, figurant par ses nombreux sacrifices, ses purifications, ses aspersions, ses fêtes et son sacerdoce, les faits du Nouveau Testament, n’avait, comme le témoigne l’apôtre, « que l’ombre des biens à venir et non l’image même des choses » (Hébr., x, 1 ; comp. : Col. ii, 17). Au nombre des institutions les plus instructives de cette loi se rapportaient : la circoncision de tous les enfants mâles, représentant la circoncision intérieure et la justification par la foi au Messie à venir, qui devait être engendré sans le concours d’un homme (Rom., ii, 28 ; iv, 11), et l’entrée du souverain pontife dans le saint des saints, une seule fois par an, pour asperger de sang le propitiatoire : cérémonie figurant la seule victime propitiatoire pour les péchés du monde que le Messie devait offrir, et en même temps son ascension dans le ciel (Hebr., ix, 11, 12, 24).

3o La loi : non seulement cérémonielle, mais même morale et civile. L’Apôtre nomme la loi, en général, « le conducteur » qui nous mène « à Jésus-Christ » (Gal., iii, 24). En effet, la loi cérémonielle menait à Christ, comme nous l’avons déjà remarqué, en ce qu’elle figurait les faits du Nouveau Testament, et, par ses sacrifices, indiquait aux Juifs le sacrifice du Christ (Hébr., x, 1). La loi morale menait à Christ en ce que, par ses dispositions sublimes et détaillées, que les Juifs ne pouvaient pas remplir, en conséquence du péché originel, elle leur découvrait leur état de péché : « Car la loi ne donne que la connaissance du péché » (Rom., iii, 20), les amenait à reconnaître leur impuissance morale et réveillait en eux un ardent désir du Rédempteur, ce que professa avec tant d’énergie le saint apôtre Paul, juif issu de juif, devenu chrétien : « Nous savons que la loi est spirituelle ; mais, pour moi, je suis charnel, étant vendu pour être assujetti au péché… Je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je hais. Si je fais ce que je ne veux pas, je consens à la loi et je reconnais qu’elle est bonne. Ainsi ce n’est plus moi qui fais cela, mais c’est le péché qui habite en moi. Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ? — Ce sera la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur. (Rom., vii, 14-17, 24, 25). Enfin la loi civile menait à Christ en ce que, menaçant de mort pour l’infraction de presque chaque commandement de cette loi (Ex., xxi, 15, 23-25 ; xxxi, 14 ; xxxii, 19, 20 ; Deut., xiii, 5-10 ; xv, 16 ; xvii, 2-5 ; xix, 16-21 ; xxi, 18-21 ; xxvii, 16 et aut.) et tenant ainsi les Juifs constamment dans la crainte, sous le joug d’une nouvelle servitude. » (Gal., v, 1), elle leur faisait désirer avec plus d’ardeur encore que le Rédempteur vint plus tôt sur la terre, et que « la loi de l’Esprit de vie qui est en Jésus-Christ », les délivrât de « la loi du péché et de la mort » (Rom., viii, 2) (pp. 33-35).

§ 130. — Application morale du dogme. 1o C’est que nous apprenions l’humilité, 2o aimions Dieu et le prochain, et 3o ayons le plus profond respect devant la sagesse de Dieu.

Le dogme de la rédemption sera exposé en détail, plus loin, et là-bas seront données les preuves sur lesquelles l’Église se fonde. Maintenant, je parlerai, en général, de l’importance que peut avoir ce dogme pour les hommes qui pensent. Nier ce dogme est inutile. Il se nie lui-même quoiqu’il n’affirme rien, sauf quelque chose de mystérieux, d’incompréhensible pour nous, comme pour les attributs et la personne de Dieu. Mais là il s’agit de nous, les hommes, de ce que nous connaissons le mieux, et ses affirmations sont évidemment le contraire de la réalité.

On pouvait, en s’appuyant sur le bon sens, mettre à néant les preuves que Dieu, esprit, a quatorze attributs, etc., puisque les attributs de Dieu nous sont inconnus. Mais il n’est pas besoin du bon sens pour voir si par l’incarnation et la mort de Jésus-Christ, le genre humain a été racheté, c’est-à-dire débarrassé de son penchant au péché, de l’obscurcissement de sa raison, des douleurs de l’enfantement, de la mort corporelle et spirituelle, de l’infécondité de la terre. Dans ce cas point n’est besoin de démontrer qu’il n’existe rien de tel ; tous le savent. Nous savons tous très bien que les hommes sont méchants et ne connaissent pas la vérité, que les femmes enfantent dans les douleurs, et que l’homme gagne son pain à la sueur de son front. Prouver la fausseté de ce dogme, c’est la même chose que réfuter l’affirmation d’un homme qui prétendrait que j’ai quatre pieds. Cette affirmation peut seulement m’inciter à chercher quel peut être le prétexte qui pousse cet homme à parler ainsi.

Il en va de même pour le dogme de la Rédemption.

Le fait qu’après la soi-disant rédemption, par Jésus-Christ, il ne se fit aucun changement dans l’état de l’humanité, est évident pour tous. Quel prétexte l’Église invoque-t-elle donc pour affirmer le contraire ? C’est la question qu’on se pose malgré soi. Le dogme est basé sur le péché originel. Mais le dogme du péché originel, comme nous l’avons vu, n’est rien d’autre que le déplacement de la question du bien et du mal du domaine de l’expérience intérieure, accessible à chacun, dans le domaine de l’imagination.

L’un des fondements les plus mystérieux de la vie de l’homme, la lutte intérieure entre le bien et le mal, la conscience de sa liberté et de sa dépendance de Dieu, est exclu, par le dogme de la rédemption, de la conscience de l’homme et transporté dans la fable. On raconte que 7.200 ans auparavant Dieu créa Adam, libre, c’est-à-dire l’homme ; que cet homme faillit à cause de sa liberté, ce pourquoi Dieu le punit avec toute sa postérité. Par cette punition, l’homme se trouvait, en regard du bien et du mal, exactement dans la même situation qu’avant la chute. Par conséquent, toute cette doctrine n’explique rien de la question essentielle sur la liberté de l’homme et calomnie seulement Dieu, sa bonté, sa justice, puisqu’il punit les descendants d’Adam pour un crime qu’ils n’ont point commis. Si la doctrine de la chute expliquait quelque chose, on pourrait comprendre le motif raisonnable qui fit transporter la question du domaine de la conscience dans celui de la fable. Mais il n’y a aucune explication sur la question de la liberté de l’homme, le prétexte de cette invention dut donc être tout autre. Ce prétexte, nous le trouvons dans le dogme de la rédemption. L’Église affirme que Christ a racheté les hommes du mal et de la mort. S’il les a rachetés, alors se pose la question : D’où sont venus le mal et la mort ? Et l’on invente le dogme de la chute. Christ-Dieu a sauvé les hommes du mal et de la mort ; mais les hommes sont les créatures du même Dieu bon ; comment donc le mal et la mort pouvaient-ils paraître parmi eux ? Sur cette question, apparaît le mythe de la chute.

Adam, abusant de la liberté qui lui était donnée, a fait le mal, il a péché, et lui et tous ses descendants ont perdu l’immortalité, la connaissance de Dieu, et la vie sans travail. Christ est venu et il a rendu à l’humanité tout ce qu’elle avait perdu. L’humanité a été délivrée des maladies, du travail, du péché et de la mort. Dans cet état imaginaire de la rédemption, l’humanité est déjà affranchie du péché, des souffrances, du travail, de la mort, si seulement elle croit en la rédemption. C’est ce que l’Église enseigne, et là est le prétexte de l’invention de la fable de la rédemption, et de celle de la chute basée sur elle. Involontairement, en parlant du dogme de la rédemption on se demande : Dieu m’a-t-il racheté ou non, et comment m’a-t-il racheté ? Est-il trinité et quels sont ses attributs ? Dieu pense-t-il au monde et à moi, ou n’y pense-t-il pas, et comment ? Quel rapport ai-je avec cela ? Il m’est clair que je ne comprends pas le but, le moyen, la pensée et l’essence de Dieu. S’il est trinité, s’il pense, s’il nous a rachetés, tant mieux pour moi. La rédemption c’est son affaire ; moi j’ai la mienne. Voici ce qu’il me faut savoir sans erreur : ne pas m’imaginer qu’il pense à moi, qu’il m’a racheté alors que je dois me racheter moi-même. Si même tout ce que dit la théologie me paraissait raisonnable, clair, prouvé, même alors, je ne m’y intéresserais pas. Dieu a son œuvre qu’évidemment je ne pourrai jamais comprendre, et il me faut faire la mienne. Les indications la concernant me sont particulièrement importantes et chères, et dans la théologie je vois cette œuvre s’amoindrir constamment, et même, avec le dogme de la Rédemption, se réduire à néant.