Critique de la raison pure (trad. Barni)/Tome II/DIV. 2 Dialectique/Livre Deuxième/Ch2/S9


NEUVIÈME SECTION


De l’usage empirique du principe régulateur de la raison par rapport à toutes les Idées cosmologiques.


Comme il n’y a point, ainsi que nous l’avons montré plusieurs fois, d’usage transcendental des concepts de l’entendement, non plus que de ceux de la raison, et comme l’absolue totalité des séries de conditions du monde sensible se fonde uniquement sur un usage transcendental de la raison, qui exige cette intégrité absolue de ce qu’elle suppose comme chose en soi, attendu que le monde sensible ne contient rien de pareil, il ne peut plus jamais être question de la quantité absolue des séries dans ce monde sensible : il ne s’agit plus de savoir si elles peuvent être en soi limitées ou illimitées, mais seulement jusqu’où nous devons remonter dans la régression empirique, en ramenant l’expérience à ses conditions, afin de ne nous arrêter, suivant la règle de la raison, à aucune autre solution de ses questions qu’à celle qui est conforme à l’objet.

Il ne nous reste donc plus d’autre valeur à attribuer au principe rationnel que celle d’une règle relative à la progression et à la grandeur d’une expérience possible, puisque nous avons suffisamment prouvé qu’il n’en avait aucune comme principe constitutif des phénomènes en soi. Aussi, si nous parvenons à mettre cette valeur hors de doute, le conflit de la raison avec elle-même sera-t-il tout à fait terminé, puisque, par cette solution critique, non-seulement l’apparence qui la divisait avec elle-même sera dissipée, mais qu’à sa place le sens où elle s’accorde avec elle-même et dont l’ignorance était la seule cause du conflit, se trouvera établi, et qu’un principe jusque-là dialectique sera converti en un principe doctrinal. Dans le fait, si l’on peut justifier le sens subjectif de ce principe, qui consisterait à déterminer le plus grand usage possible de l’expérience conformément aux objets de cette expérience, c’est précisément comme si, à la manière d’un axiome (ce qui est impossible par la raison pure), il déterminait à priori les objets en eux-mêmes. Car un axiome même ne pourrait pas, par rapport aux objets de l’expérience, exercer une plus grande influence sur l’extension et la rectification de notre connaissance que ne le ferait ce principe en s’appliquant à donner le plus d’étendue possible à l’usage expérimental de notre entendement.


______________


Notes de Kant modifier


Notes du traducteur modifier