Crepet - Les Poëtes français/Voiture/Rondeaux

Les Poëtes français, Texte établi par publié sous la direction de M. Eugène CrépetGide, librairieTome deuxième : deuxième période : de Ronsard à Boileau (p. 490-491).
RONDEAUX


Ma foi, c’est fait de moi, car Isabeau
M’a conjuré de lui faire un rondeau.
Cela me met en une peine extrême.
Quoi ! treize vers, huit en eau, cinq en ême
Je lui ferais aussitôt un bateau.

En voilà cinq pourtant en un monceau.
Faisons-en huit en invoquant Brodeau,
Et puis mettons, par quelque stratagème :
Ma foi, c’est fait.

Si je pouvais encor de mon cerveau
Tirer cinq vers, l’ouvrage serait beau ;
Mais cependant je suis dedans l’onzième,
Et ci je crois que je fais le douzième ;
En voilà treize ajustés au niveau.
Ma foi, c’est fait.




En bon français politique et dévot,
Vous discourez plus grave qu’un magot ;
Votre chagrin de tout se formalise,
Et l’on dirait que la France et l’Église

Tournent sur vous comme sur leur pivot.
A tout propos, vous faites le bigot,
Pleurant nos maux avecque maint sanglot,
Et votre cœur espagnol se déguise
En bon français.

Laissez l’État et n’en dites plus mot,
Il est pourvu d’un très-bon matelot ;
Car, s’il vous faut parler avec franchise,
Quoique sur tout votre esprit subtilise,
On vous connaît, et vous n’êtes qu’un sot
En bon français.