Cours d’archéologie - les Indes, l’Égypte, l’Assyrie, la Palestine/Troisième lecture


3me LECTURE

SUR L’ORNEMENTATION INDIENNE


3e LECTURE

SUR L’ORNEMENTATION INDIENNE


Depuis cent ans les études sur l’Inde ont pris beaucoup de développement. On s’est occupé de traduire les ouvrages sanscrits. C’est l’emploi de beaucoup de savants ;[1] des chaires sont consacrées à cet enseignement dans toutes les grandes capitales de l’Europe. Il y a déjà bien des résultats après les travaux de William Jones, de Burnouf, de Barthélémy Saint-Hilaire ; mais cela ne suffit pas. Les brillantes poésies des Védas, les spéculations philosophiques des vieux sages, les dieux innombrables, les rites mystérieux et symboliques ne peuvent être compris avec le seul secours des livres. Il faut y joindre l’étude des monuments.

La poésie, la philosophie, le culte sont remplis de secrets que l’on ne peut pénétrer que dans les restes des antiques cités, que sur les bas-reliefs des palais et des pagodes.

C’est dans ces livres de pierre qui ne savent pas mentir, que l’on peut reconnaître la pensée des peuples.

Mais il ne faut pas se contenter d’admirer ces constructions merveilleuses comme des enchantements, ces villes vastes comme nos grandes capitales, ces pagodes, ces palais qui montrent subitement leurs masses énormes au milieu des forêts et des jungles. Il faut les étudier, examiner leur ornementation et la comprendre. Il y a à s’instruire même en contemplant les voûtes souterraines où des milliers de statues, surgissant à la lueur des torches, semblent les muets témoins des premières origines.

Nous continuons donc notre étude en examinant le style décoratif. Pour apprécier ce style, il faudrait étudier les monuments, ensuite les étoffes, l’orfévrerie, les bijoux, les mosaïques. Il y a un détail extraordinaire dans l’industrie de cette race primitive frappée si profondément du cachet de la beauté infinie.

Et d’abord les monuments dans les cavernes témoignent d’un art merveilleux. Il y a une disposition savante pour faire apparaître les cavernes encore plus majestueuses et plus imposantes ; tout semble disposé pour indiquer les masses qui les environnent et les dominent. En les contemplant on comprend qu’il y a en dessus le poids d’une montagne à supporter. Les piliers sont énormes, les bases très développées, les chapiteaux massifs pour porter un monde, les poutres larges et profondes pour donner l’idée de l’énormité des voûtes qu’elles supportent. Et au milieu de tout cela, une variété qui étonne, qui surprend l’esprit et qui le charme ; les formes sont massives mais couvertes d’ornements qui les diminuent ; elles sont symétriques mais non semblables, rien de monotone ; horreur profonde de la répétition, des colonnes carrées suivies de colonnes rondes, de colonnes octogones et hexagones.

Les détails sont extrêmement riches, mais harmoniques, merveilleusement combinés ensemble, et retenant toujours l’unité ; ils offrent l’accord même au milieu d’une surabondance éblouissante. Ce qui peut donner une idée de cette richesse et de cette harmonie qui vous charment et vous étonnent, c’est la reproduction des glaciers comme aux grandes cataractes de l’Amérique du Nord pendant l’hiver, ou bien les surprises que nous révèle l’exploration des cavernes basaltiques, ou enfin les combinaisons surprenantes et toujours harmoniques des jets de lumière dans les grands feux d’artifice. C’est ce que nous avons vu au temple du mont Abou.

Les éléments des colonnes ont cela de particulier, que sans avoir aucune ressemblance avec les colonnes grecques et romaines pour l’ensemble, elles n’omettent cependant aucun des signes caractéristiques des œuvres classiques de la Grèce et de l’Italie.

Tels sont ces éléments : d’abord le piédestal, le fût et le chapiteau.

Ensuite, dans le détail, le stylobate ou la base, le soubassement, le filet, la plate-bande, l’astragale, les différentes moulures, la cylindrique, la saillante, l’échine, le cavet, la gorge, la poulie, la nacelle (ellipse), le talon droit ou renversé, le soffite ; enfin dans la frise on distingue le chapiteau, le tailloir, la métope, comme dans les monuments grecs.

Mais d’où viennent ces ressemblances ?

Les premiers archéologues ont invoqué d’abord les relations de ces pays avec l’Égypte ou avec la Grèce. Quelques-uns ont suggéré les relations avec la Syrie, peut-être aussi avec l’Assyrie. On aurait pu ne pas oublier une source encore plus importante de renseignements et plus rapprochée d’ailleurs que l’Égypte, la Grèce ou l’Assyrie : c’est la Judée elle-même et le temple de Jérusalem. C’est ce que nous considérerons dans nos leçons suivantes.

Quant aux détails, on peut remarquer d’autres signes caractéristiques. L’on voit que l’inspiration vient surtout d’un pays tropical ; les ornements, les frises, les chapiteaux sont presque toujours des imitations des produits du sud : les fleurs d’orangers, les palmiers, les aloès, les cactus ; enfin autour des fenêtres, des torsades merveilleuses, des lianes, des plantes parasites, etc., comme à Tarputry (Coromandel). Du reste, on retrouve la même particularité dans d’autres pays du Sud, en Syrie, à Constantinople, à Saint-Marc de Venise, à Montréal de Sicile et à l’Alhambra.

En continuant l’énumération, il faut examiner les reliefs et leurs décorations.

Il y a les bas-reliefs, les demi-reliefs, les hauts-reliefs Les hauts-reliefs sont tellement saillants qu’ils semblent complètement séparés du massif principal et ont le sentiment de la vie au plus haut degré ; les bas-reliefs nous offrent un autre sujet d’admiration : ils sont si finement exécutés qu’ils semblent gravés à la pointe, comme dans les décorations égyptiennes sur le granit des obélisques.

Dans la galerie de Ramesseram, qui a près de 1000 pieds de longueur, le mur opposé aux colonnes offre un bas-relief de six pieds de hauteur prolongé sur la longueur de 900 pieds. On y voit les faits et gestes de Ramayan avec une telle abondance de personnages, que l’on en compte près de vingt mille. Il y a des choses presque aussi extraordinaires dans la plupart des temples. Tout près de Madras s’élève un temple orné à l’intérieur et à l’extérieur de 700 statues d’un mètre de haut ; la plupart sont des chefs-d’œuvre.

À Agnon Wat on parle de plusieurs milliers de statues. Il y en a qui sont au niveau de ce que l’art grec a produit de plus beau. La plupart de ces statues sont merveilleuses d’expression ; elles n’inspirent pas le même genre d’admiration que les statues excellentes de la Grèce, mais elles en inspirent une autre qui a plus de charme. Elles n’expriment pas le calme imperturbable des dieux impassibles de l’Olympe, comme au Parthénon, mais elles ont une grâce souriante et une expression de douceur qui parlent aux plus nobles sentiments de l’âme.

Quand on voit sur les temples cette armée de formes gracieuses, élégantes et souriantes, on est pénétré d’une douce confiance dans la bonté divine. Tout porte à l’admiration. Ces images sont peintes des plus douces couleurs ; elles sont vivantes et pleines de la plus belle expression ; elles sont couvertes d’ornements, de diamants et de bijoux qui ont une telle fidélité d’imitation qu’on ne peut se lasser de les contempler ; leur tête est chargée de couronnes en forme de tiares ; leurs épaules sont couvertes de colliers et de médaillons éclatants ; elles ont des bracelets aux mains et aux pieds, multipliés mais disposés avec tant de goût qu’on n’en craint pas la profusion.

Des bouquets et des éventails à la main, elles sourient gaiement comme si elles étaient livrées à une causerie agréable et plaisante. Elles s’inclinent, elles saluent, elles baissent la tête, elles se tournent et se relèvent avec des attitudes pleines de majesté et de grâce. Enfin elles sont répandues sans nombre sur les sommets, dans les angles, sur les remparts, sur les pinacles.

Ces statues, excellentes pour la forme, brillent aussi par la matière qui les compose : quelques-unes sont d’or ou d’argent, d’autres de marbre ou de bois précieux. Les visages animés des plus fraîches couleurs sont relevés par de riches détails. Les yeux sont incrustés de nacre de perles ; leurs couronnes, leurs colliers, leurs bracelets sont de pierres précieuses.

Quant à la décoration des constructions, il faut examiner ce qui se rapporte à l’extérieur et à l’intérieur. À l’extérieur les soubassements sont exécutés en granit d’une teinte rouge carminée relevée par des vernis et des glacis dont les Indiens avaient le secret et qui ajoutaient à la douceur et à l’harmonie des teintes. Les colonnes en marbre et en porphyre font ressortir les ornements dorés et coloriés des bases et des chapiteaux.

Tout était disposé de manière à faire ressortir les contrastes ménagés entre les teintes graves et uniformes du dehors, avec les intérieurs aux couleurs claires et délicates. C’est un détail que l’on remarque d’ailleurs dans les fruits des tropiques, les palmiers, les grenades, les bananes, les figues, les oranges, etc.

Au mont Abou, tout l’intérieur en marbre blanc, transparent comme le cristal, fait ressortir la beauté des sculptures cerclées et encadrées d’or ; ces sculptures ont l’éclat et les grâces de la nature. Au palais de Delhi, au centre de l’Inde, élevé par la dynastie mongole au XIVe siècle, toutes les parties extérieures sont en granit éclatant comme le carmin. Les revêtements sont en marbre, encadrés de jaspe, de malachite. Enfin les dômes sont en argent relevé d’or.

Les intérieurs sont occupés par des décors en albâtre, avec mosaïques d’or et pierreries incrustées, comme à Delhi Palace.

Voici la description du tombeau de la sultane catholique sur une colline d’Agra. C’est ce qu’on appelle le Taje. Un dôme de 260 pieds de hauteur surmonte l’édifice ; quatre coupoles moins élevées sont établies sur un massif octogone en marbre blanc. Aux quatre angles on voit des minarets de 133 pieds de hauteur. Le marbre vient de Jeypour dans le voisinage ; il est tellement blanc qu’il en paraît transparent comme un cristal.

Sur les murs de marbre, en certains endroits on voit des dispositions d’ornement qui sont des chefs-d’œuvre de richesse et de composition. Ce sont des réunions de jaspe, de cornaline, de cristal de roche, de lapis et de malachite, le tout poli et uni comme des miroirs avec une habileté de main inexplicable.

Au centre de la rotonde du Taje il y a un écho merveilleux comme au baptistère de Pise, qui répète chaque mot et chaque note de musique, disent les poètes, comme l’alouette répétant son cri en montant dans les airs.


DE L’ART DANS L’INDUSTRIE.


Après avoir examiné ce qui se rapporte principalement aux monuments, pour compléter nos données, il faut voir ce qui se rapporte aux fabrications, aux industries, aux métiers, aux différents objets de l’activité humaine. Avant de nous prononcer à cet égard, laissons parler M. de Beaumont, un des plus grands experts des expositions universelles.

« À ces expositions, nous dit-il, on a admiré les produits de l’Orient, et en particulier les envois de l’Inde. On y a trouvé l’application parfaite des règles et des lois de la fabrication la plus intelligente, telles qu’elles sont formulées par les plus grands connaisseurs, mais si souvent méconnues ailleurs. La section orientale a une part éminente et ceci a d’ailleurs été toujours si bien reconnu, que, depuis des siècles, les industries européennes empruntent leurs procédés de fabrication aux produits de l’Orient. En particulier, depuis longtemps on a cherché en Europe à imiter les tapis, les tentures, les étoffes et les cachemires de l’Inde, les bijoux de Lahore, les satins, les ivoires et les porcelaines du Décan indien, qui rivalisent avec les produits de la Chine et du Japon. Rien de plus beau que les vases et ustensiles de bronze émaillés et inimitables qui viennent du Népal. Dans le genre ordinaire, les madapolans et les calicots du Maduré ; dans le genre riche, les mousselines mates et transparentes, les mousselines pailletées, brochées d’or et d’argent, venant de Gwalior et d’Agra. Les armes, les tapis, les laques, les bronzes, les tapisseries sont supérieurs à nos imitations par la qualité de la matière, par la beauté des dessins, par la solidité, et en même temps par la modicité des prix.

« C’est ce qu’il nous faut reconnaître pour écarter ce patriotisme mal entendu qui ne veut pas comprendre qu’il faut absolument remonter à la source du vrai et du beau, sans lesquels le luxe et l’art ne sont rien.

« Voilà ce qui leur assure la préférence pour toujours, tandis que les étoffes, les tapis, les châles des grands centres de fabrication en Europe, qu’on admirait il y a dix ans, que dis-je, l’année dernière, sont passés de mode et dédaignés.

« Il y a tout à gagner à revenir à ces sources immortelles. On y trouvera le beau, le raisonnable, la durée. Après la première croisade, nos ancêtres sortant à peine de la barbarie, sont devenus de plus habiles industriels que nous ne le sommes maintenant après huit ou neuf siècles de civilisation.

« Il faut se défier de l’indifférence que l’on affecte pour les choses extérieures. Cette indifférence est un penchant qui n’est pas raisonné, et qui pourrait bien n’être pas raisonnable.

« Il faut se défier de ces idées d’économie que l’on prétexte par défaut de prévision ; ce sont des économies qui reviennent très cher, parce qu’il n’en coûte pas plus de faire bien que de faire mal, mais les conséquences sont bien différentes.

« L’on doit examiner les circonstances où l’on se trouve, le climat, les influences atmosphériques, et aussi il faut tenir compte de ce jour qui nous éclaire ; ce soleil toujours voilé ne saurait mettre sous nos yeux la couleur et le dessin que l’Orient montre sans cesse d’une façon si nette.

« Il faut étudier ces vases, ces bronzes émaillés que l’on ne peut égaler ; ces meubles incrustés de nacre, d’écaille, d’ivoire gravés et travaillés avec une inexplicable habileté.

« Et ces papiers de palmier si beaux, si solides, si parfaits, qui ont remporté à la dernière exposition la grande médaille d’honneur.

« Et toutes ces merveilles, parce que c’est là qu’est le soleil, ce grand coloriste qui vivifie les matières premières et qui révèle les secrets de l’harmonie.

« Ces coupes, ces coffrets, ces écritoires, ces armes, ces ustensiles en jades, en améthiste, en cristal de roche, incrustés d’arabesques, d’or, de rubis et d’émeraudes, ces passementeries, ces cordonnets de soie, d’or ou d’argent, avec la manière de s’en servir pour orner et broder les vêtements de pourpre, de velours et de soie.

« Les habitants de l’Asie ont un vif sentiment de la dominante dans la couleur, chose aussi importante pour la peinture que pour la musique.

« Les Orientaux sont nos maîtres en fait de couleur, dit un grand critique d’art. C’est à eux qu’il appartient de nous donner des leçons. Nous autres, Européens, nous avons si peu le sentiment de la couleur que dans nos écoles de peinture, un grand coloriste est un oiseau rare. Nous ne savons être ni hardis sans crudité, ni tempérés sans fadeur. Nous cherchons l’effet dans des rapprochements hasardeux, ou bien nous ne trouvons l’harmonie que dans l’attiédissement des teintes. »


DES FÊTES ET DES CÉRÉMONIES.


Après avoir vu l’art dans la fabrication, nous allons continuer à l’étudier dans les cérémonies et les pompes religieuses et nationales.

Les cérémonies répondaient à la magnificence des temples et à la solennité des fêtes. Les pèlerinages étaient très nombreux, et attiraient des cent milliers de fidèles. Les seigneurs marchaient dans les cortèges, accompagnés de leurs hommes d’armes et de leur bande de musique. Ils rivalisaient entre eux de luxe et de magnificence ; puis venaient les chœurs de chant et de danse exécutés par les artistes les mieux exercés. Ces chœurs étaient et sont encore très nombreux ; ils avaient quelque rapport avec ces chœurs de chant et de danse que l’on trouvait chez les Grecs et chez les Romains, et aussi chez les Hébreux, parmi lesquels se mêla le roi David en ramenant l’arche du Seigneur à la ville de Bethléem.

Ensuite apparaissent les religieux brahmes avec leurs fonctions particulières. À certains sanctuaires, il y en avait jusqu’à quatre ou cinq milliers, quelquefois plus. Tous ces assistants marchaient en procession autour du temple, précédant ou accompagnant des chars de cérémonie, portant l’image des dieux, couverts d’ornements, de pavillons, de boucliers, de drapeaux depuis la base jusqu’au sommet. Or quelques-uns avaient 80 pieds de hauteur et présentaient plusieurs plates-formes disposées en terrasses et en gradins chargés de monde, quelquefois 200 ou 300 enfants et jeunes filles, chantant, chargés de bouquets et de couronnes de fleurs. Ces chars ont besoin d’un millier de bras pour être mis en mouvement, et ne peuvent faire le tour du temple qu’en une huitaine de jours.

Le soir, l’attrait des fêtes était encore plus grand par les ressources merveilleuses des illuminations. Des lampions et des lanternes de couleur étaient allumés de toutes parts.

Outre les fêtes religieuses, pour donner une idée des imaginations de ce peuple pour le faste et la splendeur, il faut voir les relations des voyageurs et des missionnaires sur le luxe des princes dans leurs réceptions, dans leurs prises de possession, dans les mariages de leurs enfants. On voit jusqu’à dix mille personnes dans un cortège : les officiers, les ministres, les employés, les soldats à pied, à cheval, les artilleurs, ceux qui conduisent les chameaux, ceux qui conduisent les éléphants, et ceux-ci caparaçonnés des pieds à la tête du velours le plus riche, relevés d’or et de pierreries, surmontés d’une tour parfois à plusieurs étages parfaitement assujettie sur la selle de l’animal.

Quant aux costumes, dit Rousselet en décrivant ces fêtes, il faut se représenter le moyen âge dans toute sa magnificence : des pages, des troubadours, des chanteurs et des danseurs habillés avec richesse et élégance, rappelant par la coupe de leurs vêtements les temps des XIIIe et XIVe siècles, les hérauts d’armes à cheval avec leurs longues trompettes entourées de draperies, et leurs dalmatiques chargées d’armoiries rappelant les temps féodaux ; puis les troupes régulières parfaitement disciplinées par des officiers européens ; puis les escadrons de cavalerie, l’artillerie de campagne, les mousquetaires, les hallebardiers, les canonniers à dromadaires, en tout dix mille hommes. Le défilé dure près d’une heure.

Derrière ces troupes on voit s’avancer le porte-étendard royal, assis sur un superbe éléphant peint et couvert de draperies dorées, portant un drapeau en drap d’or de plus de trente pieds de hauteur. Autour de lui, les défenseurs du drapeau, à cheval et couverts d’armes damasquinées d’or, avec des casques en métal relevés de plumes d’autruche, un bouclier de rhinocéros relevé d’or, vêtus avec une richesse inouïe.

Ce que nous avons dit peut suffire pour donner une idée du génie de ces nations placées si loin de l’influence européenne.

Quelque admiration que ce perfectionnement de l’activité humaine puisse inspirer, on doit comprendre qu’il faut encore autre chose pour faire un peuple intelligent, moral et vraiment civilisé.

En toutes ces merveilles, il n’y a rien qui puisse élever les âmes au-dessus des entraînements de l’orgueil et du sensualisme. Il faut donc une doctrine et des institutions qui éclairent l’homme et lui inspirent l’amour du vrai et du bien ; il faut la connaissance des grands principes de la justice, et alors on verra ces peuples se mettre par leur conduite au niveau de tant de talents naturels.

Longtemps la vie simple et patriarcale des premiers jours a préservé ces races des vices de la mauvaise civilisation ; mais ensuite l’oisiveté et la mollesse ont envahi les âmes ; les premiers principes ont été oubliés ; les mauvaises habitudes ont tout perdu. Il faut un renouvellement complet ; il faut mettre des obstacles insurmontables à l’entraînement du mal. Il n’y a que les institutions chrétiennes qui peuvent opérer ces prodiges. C’est ce qu’elles ont fait vis-à-vis de peuples encore plus aveugles et plus dégradés, vis-à-vis des barbares du Nord et des populations corrompues de la Grèce et de l’Italie. Sous ce rapport, tout n’est plus encore à faire. L’Église a pris les devants. La rénovation a commencé avec les premiers temps du christianisme. Saint Thomas est venu dès les premiers âges de l’Église : entre l’île de Ceylan et les embouchures du Gange, il a conquis des milliers de fidèles dont les descendants existent encore en grand nombre. Ils viennent chaque année par milliers honorer le tombeau de l’apôtre, du Sauveur, près de Méliapour. Plus tard, saint François Xavier a réuni ces chrétiens et a étendu dans les Indes les conquêtes de la foi. Les successeurs de saint François Xavier avaient gagné une grande partie des Indes. Les persécutions sont arrivées et ont arrêté cet élan, mais actuellement, les Missions étrangères ont repris l’œuvre. Ils ont déjà conquis de notables succès. L’on compte maintenant trente évêques et archevêques établis par les nouvelles missions, qui soutiennent un millier de religieux et de religieuses. Enfin, l’on voit dans chaque province des milliers de catholiques qui exercent déjà une notable influence.

  1. Le général Griffin, Saundon, le major Collingwood, M. Kipling le major Berkeley, Black, le prince de Bopal.