Cours d’archéologie - les Indes, l’Égypte, l’Assyrie, la Palestine/Quatrième lecture


1re LECTURE

SUR L’ÉGYPTE


1re LECTURE

SUR L’ÉGYPTE


En commençant son grand ouvrage sur l’Égypte, Ebers fait cette réflexion pleine de justesse : « D’où nous vient cet attrait merveilleux du pays des Pharaons ? Comment son histoire et ses institutions nous impressionnent-elles plus vivement que tout ce qui se rapporte aux autres pays ? »

Le monde entier connaît ce peuple des premiers siècles. Parmi nous, l’enfant sait apprécier le bon et le mauvais Pharaon, les Pyramides, le Nil et ses changements, avant même de connaître les souverains et les fleuves de son pays. Il n’oubliera jamais ce fleuve d’où sont sorties des vaches mystérieuses, ces rives bordées de roseaux où vint s’échouer le berceau du petit Moïse ; il n’oubliera pas non plus l’histoire surprenante et merveilleuse de Joseph, et cette plage où, fuyant la persécution, Marie vint abriter le divin Enfant.

Ce n’est pas seulement l’Écriture sainte qui nous rappelle l’Égypte primitive, ce sont aussi les traditions de tous les peuples.

Une certaine forme qui se trouve souvent dans la nature se nomme pyramide. C’est un nom copte (vieil égyptien. Une autre forme qui revient souvent dans les œuvres de l’art ancien, c’est l’obélisque, qui veut dire aiguille. Une disposition compliquée repliée sur elle-même et dont il est difficile de trouver l’issue porte aussi un nom copte, c’est un labyrinthe.

Toute pensée cachée sous une forme mystique, c’est un hiéroglyphe ; le papier où l’on écrit, c’est le papyrus, la réunion, c’est une bible. Le foyer lumineux qui éclaire la navigation, c’est un phare. Un abri au milieu des feux du désert, c’est une oasis, vieux nom égyptien.

Cette persistance des choses anciennes au milieu des formes modernes est encore plus visible dans le pays même. C’est même une particularité commune avec la destinée de l’Inde. Le vieux pays apparaît toujours malgré bien des révolutions et malgré le vernis actuel de la civilisation européenne.

On voit actuellement en Égypte les merveilles principales de l’industrie moderne : les rails, les locomotives, les steamers, le télégraphe, les hauts fourneaux, les nouveaux fusils et les modes du jour ; mais avec tout cela l’ancien pays continue à se montrer en mille détails.

À l’horizon des villes modernisées, on découvre les déserts de sable, les chameaux en caravane, les cheiks vêtus comme au temps d’Abraham, les magnifiques chevaux arabes chantés par Job, les turbans et les voiles, les draperies aux mille couleurs comme la robe de Joseph, les galeries vitrées au flanc des maisons, les armes ciselées, les vieux blasons, origine des armoiries des seigneurs de l’Occident. Enfin, en remontant le fleuve, l’on voit à droite et à gauche sur la rive les monuments anciens : des pyramides, des obélisques, des temples, des palais gigantesques d’où « quarante siècles vous contemplent. »

L’ancien monde et le monde moderne sont toujours en présence. Dès qu’on arrive à Alexandrie on est frappé de la réunion de ces deux éléments. La nuit déploie ses voiles, le steamer fait retentir les accents puissants de la syrène et en même temps l’on entend les voix stridentes des muezzins sur les minarets : Allah, Allah, Allah ! répétées dans le lointain jusqu’aux extrémités de la ville : Allah, Allah ! El Salamaleck. Aleïk oum el Salam !

Non loin brille un point lumineux : c’est un flambeau placé sur l’île de Pharos. Homère l’a chantée en vers harmonieux.

« Il y a près de la côte, une île baignée par la mer aux vagues sans nombre, juste en face de l’Égypte. Cette île, dit Homère, on l’appelle Pharos. »

On peut assurer que le monde moderne grandira toujours ; mais quoi qu’il en soit, il est un élément qui ne périra pas : ce sont les monuments immenses et étonnants qui sont l’objet de cette leçon.

Ces monuments sont grandioses, imposants ; de plus ils sont pleins d’enseignements. Ils ont bien des choses à nous révéler sur le génie de leurs auteurs, sur les origines humaines, sur l’histoire et sur la Bible.

Pour les comprendre, il faut étudier quelles étaient les qualités de ces hommes audacieux et énergiques qui les ont conçues, élevées dans de si grandes proportions et multipliées. Il faut de plus savoir quelle était la surabondance des moyens d’existence qui permettaient aux souverains de se livrer aux dépenses les plus excessives. Enfin il faut tenir compte de la richesse géologique de ces bancs immenses de quartz et de granit sur une étendue de 100 lieues, sans compter la surabondance d’autres roches primitives, telles que porphyre, jaspe, onyx, jades, turquoises, et enfin les marbres, etc., etc., ayant la beauté des pierres les plus précieuses.

Quant aux Égyptiens, nous pouvons les regarder comme appartenant, pour la haute classe, à la race indo-européenne. C’est là qu’il a fallu en arriver après bien des erreurs. Un archéologue illustre, M. Baumgarten, a résolu ce problème. Il a pu remarquer, après des constatations innombrables, que les momies observées dans les musées, dans les fouilles, etc., appartenaient presque toutes au type européen, comme on peut le constater par leur angle facial, et il a conclu d’après ses observations que si les militaires étaient de la race ismaélitique ou sémite, le peuple, les fellahs, les coptes, de la race nubienne, les classes élevées et sacerdotales étaient toutes de la race indo-européenne.

Quant à la richesse des productions de l’Égypte, qui se renouvellent plusieurs fois dans l’année, rien ne l’égale, et vient d’un sol et d’un climat exceptionnellement favorables.

Le ciel, comme une voûte de saphir, ne montre aucun nuage : il est d’un bleu pénétrant ; les teintes éclatantes de cet azur semblent se perdre dans des profondeurs infinies. Le firmament est tout transpercé des flammes du soleil et éclairé « d’une teinte éblouissante, dit M. Ampère : les rochers en sont pénétrés comme une fournaise ; tandis que les eaux du fleuve, d’un mille de largeur, éclatent sous la clarté du jour comme une pluie d’or. Rien ne surpasse la beauté de cette température tropicale ; la splendeur de cette lumière est incomparable et on ne voit rien de tel dans la Grèce et l’Ionie. Les teintes roses de l’aube, l’éclat du midi, la pourpre embrasée des soleils couchants surpassent les scènes les plus éblouissantes d’Athènes et de Smyrne. Ce n’est plus l’Europe ni l’Asie Mineure, c’est l’Afrique. »

« Le soleil, dit encore M. Ampère, n’est pas seulement radieux, il est rutilant ; la terre n’est pas seulement inondée des feux du jour, elle en est dévorée. Enfin, l’éclat de la nuit est encore plus extraordinaire. C’est là qu’on comprend cette expression : nuit brillante. Elle est d’Homère qui connaissait l’Égypte et à qui Louis Racine l’a empruntée. »

Mais cette contrée chauffée comme une fournaise a une force de production prodigieuse. Trois récoltes par an, trente en dix ans. Il y a des palmiers de quinze espèces différentes ; les sycomores, les orangers, les citronniers, l’arbre à sucre, le cotonnier, sont d’une force de croissance incomparable. On voit des aloès de 60 pieds de haut, des cactus énormes comme des roues de carrosse.

Telle est l’abondance de la production de l’Égypte, qu’elle était autrefois le grenier du monde, et qu’elle l’est encore aujourd’hui sous beaucoup de rapports. Les villes de Constantinople, de Trieste, de Marseille, de Barcelone voient souvent leurs rues encombrées des produits de l’Égypte. N’oublions pas que pendant la guerre du Sud, il y a 30 ans, le delta seul de l’Égypte suppléa à la production de la Louisiane.

Enfin, il faut ajouter que ces contrées ne sont pas aussi pénibles à habiter qu’on pourrait le supposer. Non, l’homme a su s’y établir et s’y conserver plein de force et d’activité avec toutes ses industries.

Les habitants des pays tempérés ne peuvent comprendre comment on peut subsister dans les pays extrêmes du Nord et du Midi. Mais, pour parler d’abord des pays de l’extrême froid, la température est si bien combattue que l’on est plus à l’abri de la rigueur du climat que dans les pays tempérés où l’on ne connaît ni les fournaises ni les doubles fenêtres, ni les doubles portes ni le revêtement ingénieux des habitations. Il en est de même des précautions efficaces contre la chaleur extrême. Les habitations sont sans ouvertures au midi ; elles ont des cloîtres intérieurs, elles sont environnées de bouquets d’arbres ; elles sont fournies de réservoirs et de courants d’eau qui jaillissent continuellement.

Nous avons donné une idée de la richesse de ce pays et des moyens que les souverains avaient pour supporter les plus grandes dépenses. Pour compléter ces notions, il faut considérer les richesses minéralogiques d’où sont sortis les grands monuments.

À partir du Caire, le Nil coule entre deux murailles de rochers éloignés de deux à trois milles, qui sont composées d’abord jusqu’à Esnech de roches quartzeuses d’une blancheur remarquable, très favorables pour la construction. C’est là qu’on a pris les matériaux des pyramides, des chaussées, des temples et des édifices de Memphis, et enfin, en remontant, les matériaux de Thèbes, de Karnack et de Louqsor, comme nous le verrons plus tard. À Esnech, c’est-à-dire à quatre-vingts lieues du Caire, commencent d’autres formations de granit, de feldspath bien autrement dures et résistantes et susceptibles du plus beau poli. Il y a ainsi une étendue de plus de vingt lieues depuis Esnech jusqu’à Assouan, toute composée de granit. Ces bancs de granit sont séparés par le Nil et offrent cette belle espèce désignée sous le nom de siényte ou granit rouge oriental. On trouve aussi des gisements de granit rose qui ont servi à construire les magnifiques monolithes de l’art égyptien : les obélisques, les sphinx, les colosses, les sarcophages, certaines colonnes et certains chapiteaux.

Ainsi les monuments de l’Égypte, si extraordinaires dans leur conception et leur exécution, sont expliqués par ces deux faits : la richesse du sol et l’abondance des merveilles minéralogiques.

Continuons maintenant à contempler les contrastes de ce pays si ancien par ses monuments, si nouveau par son contact avec la civilisation moderne.

Quand on remonte le Nil, après 30 lieues de navigation, on atteint le Caire, la plus grande ville du monde oriental après Constantinople. Elle contient plus de 400 000 âmes ; on est frappé de la richesse des palais, de l’éclat des maisons mauresques peintes en barres transversales, rouge et blanc, bleu et jaune, brun et gris ; on admire la quantité des dômes et des minarets. On est étonné de l’abondance, de la hauteur des palmiers et des sycomores. Voilà ce que l’on contemple d’abord, mais si on élève ses regards vers l’horizon, l’on contemple tout à coup des masses énormes qui semblent à une faible distance, quoiqu’étant à près de deux lieues. Trois triangles de pierre massive et régulière s’élèvent à près de 500 pieds. Ce sont les plus anciens monuments du monde, les plus parfaitement conservés contre l’injure des siècles ; ce sont des tombeaux au moins soixante fois séculaires, ce sont les Pyramides.

C’est la seule des sept merveilles du monde que le temps ait épargnée, dit M. Ampère, les pyramides que tant de poètes ont célébrées jusqu’à Delille à qui elles ont inspiré un vers plus grand que lui :

« Leur masse indestructible a fatigué le temps. »

C’est ce que disent les Arabes : toutes choses craignent le temps, mais le temps craint les pyramides.

Stace les appelle d’audacieux rochers, et Pline des masses monstrueuses. Gœthe à qui l’on avait présenté un simple profil de la grande pyramide, après l’avoir examiné attentivement, dit : « Ce dessin est la conception d’architecture la plus colossale que j’aie vue de ma vie ; je ne crois pas qu’on puisse rien au delà. » Expression gigantesque, illustrée par une parole de Bonaparte à ses soldats : « Du haut de ces monuments quarante siècles vous contemplent ! »

Soutzo, le plus grand poète de la Grèce moderne, a dit : « Elles versent l’ombre de quarante siècles. »

En les comparant avec les plus grands édifices du monde qui s’élèvent jusqu’à 450 pieds : Saint-Pierre de Rome, Strasbourg, Saint-Étienne de Vienne, Malines, Rouen, on trouve que la pyramide de Chéops est encore plus élevée, au point que si elle était en ferblanc creux, on pourrait la placer sur Saint-Pierre de Rome, qui serait couverte comme une pendule sous un globe de verre ! Sauf quelques chambres, la pyramide est pleine et massive dans sa dimension effrayante de 600 pieds sur 450. Cette masse, suivant les auteurs de la description de l’Égypte, MM. Vivant-Denon et Jomard, de l’Institut, a au moins 75 millions de pieds cubes de pierre. Elle pourrait fournir les matériaux d’un mur de six pieds de haut sur deux pieds d’épaisseur et de mille lieues de longueur, comme de l’embouchure du Saint-Laurent à l’isthme de Panama. On pourrait avec cette réunion fournir la pierre taillée de toutes les façades de maisons à trois étages d’une ville de deux lieues de longueur sur deux lieues de largeur.

Vous approchez et vous voyez comme le mur d’un monde qui s’avance à votre rencontre pour arrêter tout pas et toute vue : vous voilà à la base du monument. Il est deux fois et demie élevé comme les tours de Notre-Dame. Vous marchez le long du soubassement qui a trois fois la longueur de Notre-Dame, ce qui prend un temps notable, que l’on peut apprécier surtout en plein soleil. Et quand vous avez contemplé cette immensité, à l’extrémité, vous voyez deux autres pyramides de 300 pieds et 250 pieds de base sur 250 et 150 pieds de hauteur. On dirait une demi-couronne de pyramides qui aurait 1800 pieds de diamètre.

En continuant d’observer le monument de Chéops, vous trouvez au côté nord, à soixante pieds d’élévation, l’entrée du monument. On monte sur les épaules des guides et l’on aperçoit un double corridor allant dans deux directions différentes : l’un qui va par une inclination de 50 degrés jusqu’à une salle placée à 150 pieds de hauteur, que l’on appelle la chambre du roi et qui renferme un sarcophage, l’autre qui descend près de 300 pieds et aboutit à quelques caveaux.

Pour avoir une idée des pyramides, il faut les contempler plusieurs fois et à différentes heures du jour. Lorsqu’on les voit de loin dès le matin, le soleil n’éclaire que la partie supérieure qui semble comme allumée d’une flamme mystérieuse. Au milieu du jour les pierres paraissent d’un ton uni et mat, mais aux approches du soir, elles reflètent les lueurs du soleil couchant. Ces colosses, nous dit M. Ampère, se peignent alors des nuances les plus délicates du rose et du violet. Elles offrent un mélange de grâce et de grandeur dont rien ne peut donner l’idée. En même temps, les horizons ont une finesse merveilleuse et s’adoucissent d’une manière incomparable qui tient à la sécheresse et à la pureté de l’air. C’est d’ailleurs la manière des plus grands maîtres.

Le soleil se couche brusquement et tout reprend une teinte morne ; alors au clair de la lune les masses s’illuminent sur un fond noir et paraissent encore plus grandes. M. de Chateaubriand a vu mieux que cela, c’est-à-dire la grande pyramide justement surmontée par la lune à son sommet extrême ; il lui semblait contempler comme un candélabre gigantesque. C’est bien le moins qu’on puisse dire.

Ce que l’on sait de positif des pyramides est assez bref, mais leur histoire légendaire est longue. Des Arabes ont prétendu qu’un roi avait bâti ces masses, comme la tour de Babel, en prévision d’un déluge. D’autres affirment que ces monuments ont été bâtis par les Hébreux pendant leur esclavage. Mais les pyramides existaient bien avant la venue des Israélites. D’autres ont pensé que c’étaient des greniers, mais l’absence de salles ne permet pas cette supposition. Quelques-uns ont voulu y voir des observatoires astronomiques. Il est vrai que les pyramides étaient parfaitement orientées et ont pu remplir l’office de gnomons ou cadrans solaires.

Il faut mentionner aussi, pour la curiosité du fait, certaines suppositions. Un Simon Witte a gravement avancé que les pyramides étaient simplement un jeu de la nature, comme les colonnes basaltiques de la grotte de Fingal. Il a étendu cette supposition jusqu’aux ruines de l’Orient et de la Sicile. Il semblait que rien ne pouvait dépasser une pareille excentricité ; mais en 1838, un de ses compatriotes, M. Agrew, a publié un traité dans lequel il établit que les pyramides offrent dans leur structure et leur disposition une démonstration rigoureuse de la quadrature du cercle. Après cela, il faut tirer l’échelle.

On examine, par rapport aux pyramides, 1o leur âge, 2o leurs auteurs, 3o leur but.

Pour ce qui est de l’âge, les avis sont partagés. Les uns mettent plus de 40 siècles avant Notre-Seigneur ; d’autres beaucoup moins, parmi lesquels Hérodote. Ils n’assignent guère que 15 siècles aux principaux monuments. Hérodote a vu les pyramides et les déclare très anciennes avant lui, mais il n’est venu en Égypte que pendant le cinquième siècle. Homère, qui est venu dix siècles avant Notre-Seigneur, parle du phare et de la ville de Thèbes, mais il ne parle pas des pyramides. Thèbes existait déjà avant la fondation de Memphis. Elle était toute environnée de montagnes où l’on avait creusé les tombeaux des rois et des reines ; mais Memphis n’ayant pas de montagnes, les souverains de Memphis en bâtirent d’artificielles. De là les pyramides.

Lorsque Abraham vint en Égypte, en 2296, il trouva un pays riche et important qui avait été établi par Menés, petit-fils de Cham, venu au 30e siècle ; or en cinq siècles, quelle pouvait être la population ? En supposant 30 individus au 30e siècle et en prenant la progression de la population canadienne depuis 100 ans, c’est-à-dire vingt fois plus considérable, 30 individus de la race de Cham décuplant deux fois en 100 ans, arrivent au bout de cinq siècles à près de six millions, c’est-à-dire au 25e siècle avant Jésus-Christ. Abraham, arrivé donc au 22e siècle, trouve un royaume considérable, mais il n’était pas nécessaire de lui attribuer plus de cinq ou six siècles d’existence.

Les Hycksos, peuple de l’Asie occidentale et descendants d’Ismaël, arrivent au 20e siècle. Ils sont repoussés par Amasis au 18e siècle, mais beaucoup demandent à résider dans le pays. Joseph arrive avant Amasis, les Israélites se développent dans le pays et y restent au moins 300 ans. Ils arrivent 700 ; au bout de 300 ans ils avaient près de 600 000 hommes capables de porter les armes.

Par rapport aux pyramides, on peut encore considérer quel était l’état de l’architecture vers cette époque.

Les pyramides sont au nombre des plus anciens monuments de l’Égypte. On croyait même qu’elles étaient les plus anciens monuments connus depuis la tour de Babel, mais il a fallu abandonner cette opinion.

Près des pyramides on trouve un temple et une statue colossale qui sont incontestablement plus anciens.

Le temple est en granit, en grès et en albâtre jaune oriental. La statue est le fameux Sphynx, qui a 60 pieds d’élévation ; la tête a 30 pieds, l’oreille 12 pieds, la bouche et le nez sont de même dimension.

C’est ce qu’on peut contempler de plus ancien dans le monde. Le temple est grand, majestueux. C’est là qu’on a trouvé la magnifique statue de Chefren, fondateur de la deuxième pyramide, et huit autres non moins importantes. Le Sphynx avait une inscription qui indique que le Pharaon Chéops avait restauré le Sphynx tombé en vétusté et les temples qui l’environnaient. Donc le Sphynx existait du temps de Chéops.

Le Sphinx, si ancien, est d’un art très excellent ; l’on trouve la même perfection dans plusieurs statues découvertes au pied des pyramides, comme la statue de Chefren, trouvée par M. Mariette au fond d’un puits du temple situé près du Sphinx. Il en est de même de celle de bois du musée de Boulak, et bien d’autres, produits d’un art ancien très perfectionné.

Après avoir visité les pyramides, il faut explorer les restes de l’ancienne capitale, Memphis, et les tombes des premiers Pharaons. C’est un Français qui a eu la gloire de déblayer tous ces amas de décombres. Vers 1850 un employé du musée égyptien du Louvre fut envoyé pour faire des recherches sur les bords du Nil : c’était Mariette. À son arrivée son attention fut attirée vers les pyramides et l’ancienne Memphis.

Il fit déblayer le terrain qui environne les pyramides et il découvrit toute la partie du Sphinx ensevelie dans les sables. De plus il reconnut les différentes parties de la vieille cité de Memphis, dont les monuments avaient été démolis et transportés pierre par pierre dans la nouvelle capitale des califes arabes au Caire.

En toutes ces recherches pendant 4 ans il mit au jour des quantités de statues, de tombeaux, d’ustensiles. Il fit hommage au Khédive d’une partie notable et envoya le reste au Louvre. Il avait été aidé dans ses recherches par les gouvernements d’Égypte et de Paris. Enfin un grand seigneur, le duc de Luynes, qui savait mettre au service de la science une immense fortune, le seconda activement et l’aida à déblayer le colosse du Sphinx.

En continuant ses travaux, il entreprit d’explorer le souterrain que Diodore et Strabon avaient signalé aux environs des pyramides.

Bien des recherches faites jusque-là avaient été inutiles ; enfin quelques débris lui firent découvrir une avenue de Sphynx brisée et ensevelie sous 20 pieds de sable. Il suivit cette trace et à l’extrémité il découvrit l’entrée du fameux palais du Sérapéum, décrit par les anciens auteurs et dont les appartements inférieurs servaient de sépulcres aux souverains et aux divinités principales.

Cette découverte amena bien des surprises : le Sérapéum était comme l’Escurial de l’Espagne, le Westminster de Londres et le Saint-Denis de l’Île-de-France. Il trouva des dynasties tout entières avec inscriptions, signes et papyrus à l’appui. Il déblaya entre autres deux galeries qui avaient chacune 600 pieds de longueur et qui étaient garnies à droite et à gauche de chambres sépulcrales remplies de tombeaux, de momies, d’effigies, de dieux, et principalement d’Apis.

Ce déblaiement a produit sept mille monuments, parmi lesquels trois mille sont relatifs au culte des dieux. Ces richesses se trouvent maintenant en grande partie au musée du Louvre, et au musée de Boulak, au Caire.

On peut désormais, en visitant le Louvre et le musée de Boulak, avoir l’idée la plus complète sur les richesses artistiques du nord de l’ancienne Égypte. On peut comprendre quel était l’état de civilisation de ces nations primitives.

Maintenant il nous reste à voir tout ce qui est relatif à l’Égypte du Sud ; c’est ce que nous allons reconnaître en continuant nos recherches sur le cours du Nil.

LES PYRAMIDES


À deux lieues du Caire, au delà du fleuve, on aperçoit les Pyramides. La principale est haute de 500 pieds et elle a 600 pieds de base sur chaque face.

Les Pyramides sont précédées de la statue du Sphinx, qui est enterré dans le sol jusqu’aux épaules et qui montre au-dessus cette tête gigantesque dont le menton est à 15 pieds du sol et le sommet est à 42 pieds du sable.

Le visage avec la coiffure a 26 pieds de hauteur, le tour de la tête au niveau du front, y compris la coiffure, a 80 pieds de circonférence.

Cette bouche qui a 10 pieds de largeur sourit avec grâce. Sur cette figure, moitié statue, moitié montagne, toute mutilée qu’elle est, on découvre une majesté singulière et même une extrême douceur.

Tout ce qui est conservé : le front, les sourcils, les yeux, les pommettes, les joues, le menton, tout témoigne d’une finesse de ciseau extraordinaire.

Les Pyramides forment une perspective imposante derrière le Sphinx. Du sommet on découvre une vue très belle sur le Nil, sur le Caire, et, enfin, sur le désert.


Artotypie, brevetée. Canada Bank Note Co., lim., Montréal.
LE SPHINX.