Cours d’agriculture (Rozier)/VÉGÉTAL (supplément)


VÉGÉTAL. M. Delamétherie vient de proposer, sur l’organisation des végétaux, des vues intéressantes et nouvelles, dont j’ai cru devoir enrichir cet Ouvrage. L’anatomie des plantes, malgré les efforts de plusieurs observateurs, n’avoit pas fait les mêmes progrès que l’anatomie des animaux, et l’on s’épuisoit en d’inutiles efforts pour découvrir la structure intime de leurs parties. M. Delamétherie a conçu l’idée de renoncer à des recherches jusqu’à présent infructueuses, et de suivre, pour les végétaux, la même marche que les physiologistes ont adoptée pour les animaux ; cette manière neuve de considérer la physiologie végétale y répand le plus grand jour, et fait infiniment d’honneur à M. Delamétherie, déjà célèbre par des travaux importans dans plusieurs parties des sciences. Je dois, à l’amitié de ce savant recommandable, l’extrait suivant de ses recherches sur l’organisation végétale.

Il la compare entièrement à celle des animaux. Les végétaux, dit-il, n’ont aucun des viscères de l’animal, ni cerveau, ni nerfs, ni cœur, ni estomac, ni foie… ; mais ils ont un grand nombre de divers tissus, ou systèmes analogues à ceux des animaux, et dont les fonctions sont analogues ; tels sont les suivans :

Système du tissu cellulaire ;
Système des membranes séreuses ;
Système des membranes muqueuses ;
Système des membranes fibreuses ;
Système des membranes kératiques ou cornées.
Système nucléen ;
Système des membranes fibro-séreuses ;
Système des membranes fibro-muqueuses ;
Système des membranes séro-muqueuses ;
Système des membranes des cicatrices ;
Système des membranes des galles ;
Système épidermoïde ;
Système pileux ;
Système épineux ;
Système dermoïde ;
Système dermoïde colorant ;
Système des trachées ;
Système médullaire ;
Système fibreux ou des vaisseaux ;
Système glanduleux ;
Système exhalant ;
Système inhalant ou absorbant ;
Système moteur qui remplace le système musculaire ;
Système des organes des forces vitales ;
Système des organes de la nutrition ;
Système des organes de la circulation ;
Système des organes de la respiration ;
Système des organes de la sensibilité.

On ne connoît point la nature des divers systèmes ou tissus des organes : on ignore celle d’un muscle, d’une glande, d’une membrane muqueuse, d’une membrane séreuse… Un voile épais en couvre l’organisation, et l’esprit de sagesse qui, dans ce siècle, préside aux travaux du philosophe, lui a fait abandonner ces recherches, pour se borner à considérer ces organes, seulement quant à leurs fonctions.

L’auteur a suivi la même marche, dans son travail sur l’organisation végétale : il s’est contenté de constater les diverses fonctions des différentes parties des végétaux, sans chercher à en pénétrer la nature intime. Nous allons faire un exposé succinct de son travail.

On ne doit pas oublier qu’il compare continuellement les tissus végétaux à ceux des animaux.

Du système du tissu cellulaire. Le tissu cellulaire, chez le végétal comme chez l’animal, en forme toutes les parties. Il paroît composé de petites lames juxtaposées les unes auprès des autres. Ces lames sont très-distinctes dans l’épiderme de quelques végétaux, par exempts dans celui du bouleau.

Ces lames du tissu cellulaire végétal ont quelquefois des figures régulières, comme celles des minéraux. L’auteur y a reconnu la figure rectangulaire et la figure rhomboïdale.

Les prolongemens de la partie médullaire dans le chêne et dans d’autres arbres (fig. 1, Planch. X) paroissent formés des lames rectangulaires.

La lame rhomboïdale se trouve dans la partie intérieure des gousses des plantes légumineuses (fig. 1.) Celle du cytise des Alpes, (cytisus laburnum) a les angles de 140° et de 40°.

Quant à la lame triangulaire, il ne l’a point encore rencontrée dans l’organisation végétale. Mais, on sait que les lames rectangulaires et rhomboïdales peuvent être composées de lames triangulaires.

Du tissu cellulaire végétal huileux. Une partie du tissu cellulaire végétal se surcharge d’huile ou de cire, comme chez les animaux, il se surcharge de graisse. Ainsi, les feuilles du galé se surchargent de cire, celles de l’hypéricum se surchargent d’huile, ainsi que l’écorce des oranges, des citrons.

Du système des membranes séreuses. L’autour appelle membranes séreuses des végétaux, celles qui revêtent la surface extérieure de plusieurs de leurs organes, comme on a donné chez les animaux le nom de séreuses aux membranes, telles que la plèvre, le péritoine, la pie-mère qui enveloppent les poumons, les viscères de l’abdomen, le cerveau.

En ouvrant avec précaution certains fruits, tels qu’un citron, une orange, on voit, lorsqu’on a enlevé l’écorce, qu’ils sont divisés, à peu près, en douze à dix-huit segmens de sphère, dont les diamètres se réunissent à l’axe du fruit. Chacun de ces segmens est enveloppé d’une membrane mince, transparente ; c’est cette membrane que l’auteur nomme séreuse, (fig. 3.) On la détache facilement avec quelques précautions.

De pareilles membranes séreuses tapissent l’intérieur des tiges creuses des graminées, des roseaux, des ombellifères.

Les fonctions de ces membranes, chez les végétaux, comme chez les animaux, se réduisent à deux principales : 1°. elles sécrètent une liqueur séreuse, pour lubrifier les parties qui leur sont contiguës ; 2°. elles servent d’enveloppes à des organes plus essentiels.

L’organisation de ces membranes paroît analogue à celle des membranes séreuses des animaux. Elles sont composées d’un tissu cellulaire très-délié, qui contient, 1°. des artérioles et des veinules pour les nourrir ; 2°. des vaisseaux lymphatiques ; 3°. des vaisseaux exhalans ; 4°. des vaisseaux inhalans.

Du système des membranes muqueuses. Les végétaux contiennent un système de membranes qui sécrètent les sucs muqueux proprement dits, tels que les mucilages, les gommes, les corps sucrés ; c’est pourquoi l’auteur les appelle membranes muqueuses. Elles diffèrent, dit-il, de celles qu’on a appelées muqueuses chez les animaux, telles que celles de la bouche, de l’estomac, des intestins, des narines. Ces dernières communiquent à l’extérieur avec la peau, et sont composées, comme celles-ci, d’un épiderme, d’un corps papillaire, d’un chorion ou tissu analogue, d’un tissu glanduleux. Elles sécrètent des sucs appelés improprement muqueux, puisqu’ils ne sont point susceptibles de la fermentation spiritueuse, qu’ils donnent à la distillation les mêmes produits que les substances animales. Ces sucs, après avoir rempli différentes fonctions dans l’économie animale, sont expulsés au dehors. Les membranes muqueuses des végétaux n’ont aucune ressemblance avec cette espèce de membrane muqueuse des animaux.

Elles approchent davantage des autres membranes animales qu’on a rangées parmi les séreuses, telles que les membranes du corps vitré, celles du cristallin. Ces derrières sécrètent des fluides mucoso-albumineux, qui sont de la plus grande transparence, et qui sont logés dans différentes cellules. Les sucs disposés dans les cellules des membranes muqueuses des végétaux, sont également plus ou moins limpides, et sont logés dans différentes cellules : aussi, un grain de raisin blanc, par exemple, qui est une membrane muqueuse végétale, a la plus grande ressemblance avec le corps vitré. L’auteur décrit les différentes membranes muqueuses des diverses parties des végétaux.

Membranes muqueuses des fruits. Les fruits sont tous composés de membranes muqueuses qui sécrètent les sucs particuliers, si diversifiés chez les différens fruits. Ces sucs sont muqueux et sucrés dans le raisin, la figue ; muqueux et contenant l’acide malique dans les pommes ; muqueux et contenant l’acide citrique dans les citrons, (fig. 4.)

Lorsqu’on considère un grain de raisin, on y distingue trois à quatre gros vaisseaux qui rampent à la surface interne de la peau dont il est enveloppé. Ces vaisseaux pénètrent ensuite dans la substance même du fruit, et ils deviennent si fins et si déliés, qu’on ne peut les y suivre.

Un melon, une poire, une figue, ont également un plus ou moins grand nombre de vaisseaux, qu’on distingue facilement en coupant leur pétiole. Ces vaisseaux entrent dans l’intérieur du fruit, et s’y distribuent dans les différentes parties.

Membranes muqueuses des graines. Les graines ont également des membranes muqueuses qui sécrètent des sucs muqueux : les graines de coins, de poires sécrètent des sucs muqueux très-épais ; les graines céréales sécrètent de la fécule ; les graines de l’amandier, du prunier, sécrètent de la fécule, de l’huile.

Membranes muqueuses des tiges. Les tiges des monocotylédons, tels que les palmiers, ont des membranes qui sécrètent une grande quantité de fécule, comme le sagou ; les tiges de la canne à sucre sécrètent une grande quantité de corps sucrés ; les tiges des plantes annuelles dicotylédones contiennent également des membranes muqueuses, qui sécrètent des sucs muqueux, telles sont les tiges de laitue, de chicorée.

Membranes muqueuses des racines. Les racines contiennent aussi des membranes muqueuses. Celles des betteraves sécrètent une grande quantité de corps sucré ; celles des pommes de terre, du manioc, sécrètent de la fécule.

Membranes muqueuses de la peau. La peau est également composée de membranes muqueuses, qui sécrètent différens sucs.

Toutes ces diverses membranes muqueuses végétales sont composées comme celles des animaux. Leur tissu est analogue à celui des glandes, et en remplit les fonctions.

Du système des membranes fibreuses. Les membranes fibreuses sont une des portions considérables de l’organisation végétale. On les distingue particulièrement dans le liber.

Le liber ou livret, qu’on appelle encore couches corticales, est composé de membranes fibreuses qu’on détache avec beaucoup de facilité dans certains végétaux ; telle est l’écorce du tilleul, dont on fait des cordes, des nattes. Les tissus du chanvre, du lin sont des membranes fibreuses d’une grande finesse, et qui ont beaucoup de force. Leur éclat approche de celui de la belle amiante. Dans la lagette ou bois dentelle, (fig 5) le liber forme une membrane fibreuse, assez fine pour qu’on puisse l’employer comme manchettes à dentelle. Ses fibres sont entre-croisées, et lorsqu’on les tire dans le sens de la largeur, elles laissent des mailles vides qui sont presque rhomboïdales. Un tissu cellulaire très-fin en occupe les vides. Mais, dans leur état naturel, ces vides n’existent pas.

Toutes ces fibres chez les végétaux, comme chez les animaux, sont composées de différens vaisseaux réunis. Ils sont très-apparens dans les fibres du bois.

Du système des membranes kératiques. On trouve, chez les.végétaux, des membranes qui ont une apparence cornée : c’est ce que l’auteur appelle membranes kératiques ; telles sont les valves qui enveloppent les graines de la pomme, de la poire, du coin. Ces membranes forment le placenta de ces graines.

Du système nucléen. Les noyaux de plusieurs fruits, tels que les cerises, les prunes, les amandes, les pêches, les abricots sont d’une nature particulière, et leur tissu ne peut se rapporter à aucun autre : il est grenu, serré, compacte, très-fragile, et a beaucoup d’analogie avec celui des os des animaux.

Du système des membranes fibro-séreuses. Ces membranes tiennent de la nature des membranes fibreuses et de celle des membranes séreuses. Les membranes qui, chez les crucifères, occupent le milieu de la silique, paroissent de cette nature. Elles sont fibreuses, et sécrètent une liqueur séreuse pour lubrifier les semences.

Du système des membranes fibro-muqueuses. L’auteur place parmi les membranes fibro-muqueuses, les membranes des écailles, des boutons de certains arbres, des peupliers, particulièrement celui qui fournit le baume tacamhaca. Le tissu de ces écailles est fibreux, et elles sécrètent des liqueurs muqueuses extractives.

Du système des membranes séro-muqueuses. Ces membranes tiennent de la nature des séreuses et des muqueuses ; telles sont les membranes qui forment l’amnios des graines.

Du système des membranes des galles. Plusieurs espèces d’insectes piquent la surface des parties tendres des végétaux, pour y déposer leurs œufs. Ces piqûres y font venir des protubérances qu’on appelle galle ; c’est ce que l’auteur appelle système gallin. Ces galles sont de deux espèces.

Les unes sont solides et paroissent composées d’une substance analogue à la substance médullaire, dans laquelle se trouvent de petites cavités où sont logées les larves de ces insectes.

Les autres sont composées de membranes plus ou moins fines, qui forment des poches où sont logés les insectes qui les ont produites : telles sont les galles de l’érable. Elles forment des tissus plus ou moins considérables, qui renferment souvent une liqueur sucrée dont se nourrissent les insectes et principalement les pucerons.

Du système des membranes des cicatrices. Lorsqu’on blesse quelques parties du végétal, il s’y forme une cicatrice dont le tissu est d’une nature particulière : c’est la membrane des cicatrices. Elle a beaucoup de rapport avec la membrane des cicatrices des animaux. Elle est composée de divers vaisseaux qui ont été brisés et se sont rapprochés. Un calus se forme par la réunion de tous ces vaisseaux. On le nomme souvent bourrelet. Il paroît formé comme le bourrelet des plaies des animaux, par une substance grenue qui prend ensuite de la consistance.

Du système épidermoïde. Ce système renferme deux substances différentes ; a, l’épiderme proprement dit ; b, les glandes épidermoïdales.

De l’épiderme. Cette membrane, cc, fig. 6, enveloppe tout le végétal, comme elle enveloppe l’animal. Elle varie chez les divers végétaux, et chez les diverses parties du même végétal. Dans les plantes herbacées, l’épiderme est un tissu fin et délicat ; celui des jeunes tiges et des feuilles est plus fin que celui des tiges ; celui des fleurs est encore plus délicat, et celui des racines est le plus grossier. Dans les grands arbres, l’épiderme a plus de consistance ; il est composé de plusieurs lames superposées, qu’on distingue très-bien dans l’épiderme du bouleau, du cerisier.

L’épiderme, vu à la loupe, paroît percé de plusieurs trous de différentes grandeurs et de différentes figures. Ils ont différens usages ; les uns servent à la transpiration, les autres à l’absorption ou exhalation : ceux-ci donnent passage aux poils.

Des glandes épidermoïdales. Ces glandes, appelées milliaires par Guétard, corticales par Saussure, évaporatoires par Hedvvig, épidermoïdales par l’auteur, sont très-visibles dans le bouleau, le cerisier. Elles paroissent destinées à sécréter une liqueur propre à lubrifier les feuilles et l’épiderme, ainsi qu’à les garantir de l’humidité, et de l’intempérie des saisons.

Du système pileux. Ce système renferme deux objets principaux ; a, les poils dont sont couverts les végétaux ; b, les glandes qui se trouvent à l’origine de ces poils.

Des poils. Le plus grand nombre des végétaux est couvert d’une quantité plus ou moins considérable de poils. Chez quelques uns, tels que la piloselle, les poils sont très-longs ; d’autres les ont plus courts : ils sont durs et même piquans chez quelques uns, tels que l’ortie ; chez d’autres, tels que l’argentine, ils sont doux et soyeux.

Des parties internes des plantes, telles que les graines du pommier, du poirier, ont également des poils.

Les poils ont une grande excitabilité, suivant l’observation de Prévost. Il a observé que les poils du panicum étoient très-irritables.

Des glandes des poils. À l’origine des poils, on trouve toujours une petite glande, ou bulbe semblable à celle que l’on voit à l’origine des poils des animaux. L’auteur leur donne le nom de pileuses. Elle paraissent avoir un double usage. Le premier est de nourrir les poils de la même manière que le bulbe du poil des animaux sert à le nourrir.

Le second usage des glandes des poils des végétaux, est de fournir à la sécrétion d’un suc particulier, tel que ceux de la glaciale, du rossolis, du cicer ; car le poil paroît percé dans toute sa longueur, pour donner issue à ces sucs.

« Du système épineux. Les épines forment un système particulier chez les végétaux. On en doit distinguer de deux espèces : les unes ne sont que la continuation des petites branches terminées par une pointe acérée, telles sont les épines du néflier.

Les autres, telles que celles du rosier, de la ronce, sont une production particulière ; leur intérieur est composé d’une substance médullaire, analogue à celle de la peau : elle est recouverte par une substance cornée ou kératique, terminée par une pointe acérée et souvent recourbée.

Du système dermoïde. Au dessous de l’épiderme, on rencontre une substance succulente plus ou moins épaisse, dd, fig. 6. Sa couleur est le plus souvent verte ; mais d’autres fois elle est jaune, rouge, violette, bleue, blanche. Cette substance, qui est le derme, correspond à la vraie peau ou chorion des animaux. Elle est de la nature des membranes muqueuses, ainsi que nous l’avons dit.

Le derme varie dans les diverses espèces des végétaux, et dans les diverses parties des végétaux ; ainsi, le derme des jeunes branches diffère de celui de la tige, et celui des racines diffère des uns et des autres.

Du système colorant chez les végétaux. On trouve entre l’épiderme et la peau des animaux, un tissu particulier qu’on appelle réticulaire, dans lequel on croit que réside le principe qui colore la peau des différentes variétés d’hommes, les noirs, les cuivrés, les basanés.

Chez les végétaux, il y a également une substance qui en colore la peau ou derme ; la couleur de ces principes varie chez les divers végétaux, et même dans les différentes parties du même végétal. Il est, en général, d’un vert plus ou moins foncé ; mais il est rouge dans la betterave ; jaune dans la carotte ; bleu violet dans les campanules ; noirâtre dans l’ébène. Sa couleur varie prodigieusement dans les pétales.

Le principe colorant des végétaux paroît composé de carbone, d’hydrogène et souvent d’azote. Nous verrons que les différentes parties des plantes exhalent différentes espèces d’air, en plus ou moins grande quantité. Ces airs, et principalement l’oxigène, se combinent avec le principe colorant, ce qui en fait varier les couleurs, comme on le remarque particulièrement dans les pétales.

Du système des vaisseaux spiraux, ou trachées. Lorsqu’on déchire lentement les pétioles fibreux, ou les nervures d’une feuille, et qu’on l’observe à la loupe, ou même à la vue simple, on apperçoit, dans l’endroit déchiré, une multitude de lames brillantes, élastiques, d’une couleur nacrée, et contournées en spirale, comme un tire-bourre, (oo, fig. 6.) Ces lames sont appelées trachées, parce qu’on les a comparées aux trachées des insectes ; elles se déroulent également, et en ont tous les caractères. Leur élasticité est considérable. Lorsqu’on les a distendues modérément, elles reviennent sur elles-mêmes, aussitôt qu’on fait cesser l’extension, de la même manière que le fait un ressort à boudin.

Les trachées ont une grande irritabilité. Malpighi dit qu’il y avoit observé, en hiver, un mouvement vermiculaire qui le ravissait.

Prévost a confirmé cette observation de Malpighi : « Si l’on découvre, dit-il[1], les trachées d’une plante fraîche, et qu’on les rompe ensuite avec précaution, afin de les conserver longues, on y observe un mouvement vermiculaire, quelquefois très-vif, qui demeure depuis quelques minutes jusqu’à deux ou trois heures, et qui se renouvelle lorsqu’on souffle dessus de l’haleine humide et chaude.

» Elles s’agitent également à la vapeur de l’eau chaude. »

On croit que les trachées sont destinées à la circulation de l’air ; mais aucune expérience décisive ne le prouve.

Du sytème médullaire. La moelle ou substance médullaire, ff, fig. 6, des végétaux, est un tissu qui paroît avoir quelques rapports extérieurs avec une liqueur pleine de petites bulles d’air ; par exemple, avec une eau de savon limpide, dans laquelle on a soufflé de l’air. Lorsque la substance médullaire n’est point comprimée, telle qu’elle l’est dans les tiges herbacées de plusieurs plantes annuelles, elle ne remplit pas entièrement la cavité de la tige, et elle se présente pour lors sous la forme d’un amas de fibres entrelacées, comme de la bourre de coton : c’est ce qu’on voit dans les tiges de laitue, de chicorée, de sparganier ; mais lorsqu’elle remplit toute la cavité de la tige, comme dans le sureau, ses petites cellules affectent quelquefois la forme hexagonale. C’est une forme géométrique qui résulte de la compression : mais cette forme est très-rare.

Cette substance est ordinairement blanche : cependant elle est colorée chez quelques plantes, telles que le noyer, le choux, le pin. Mais, pour mieux connoître une partie aussi essentielle, l’auteur l’examine dans les divers végétaux.

De la substance médullaire chez les végétaux agenies. Les végétaux agenies ou sans sexe, tels que les trémelles, les conferves, les byssus, sont d’un tissu si délié, que l’auteur n’a pu en distinguer la partie médullaire.

Mais, chez les champignons, que quelques auteurs placent dans cette famille, la partie médullaire est très-sensible.

De la substance médullaire chez les végétaux acotylédons. Chez les végétaux acotylédons ou sans cotylédons, la substance médullaire se trouve distribuée comme chez les monocotylédons.

De la substance médullaire chez les monocotylédons. Cette substance est très-abondante dans cette famille de végétaux. Elle en remplit toute la tige, comme l’a fait voir Desfontaines, et la partie fibreuse s’y trouve comme noyée.

De la substance médullaire chez les dicotylédons. La substance médullaire forme, au centre des végétaux dicotylédons, une masse continue plus ou moins considérable. De là elle s’étend en rayons divergens à travers la substance fibreuse jusqu’à l’écorce. C’est ce qu’on appelle les prolongemens médullaires.

Dans les plantes annuelles la partie médullaire centrale est très-considérable, comme on le voit dans les tiges des laitues, par exemple.

Dans les grands arbres, tels que le chêne, le châtaignier, la partie médullaire est assez considérable dans les jeunes branches, et elle a peu de consistance : mais dans la tige, la partie médullaire est peu considérable, et sa consistance est égale à celle de la partie fibreuse. Les prolongemens médullaires sont en lames rectangulaires, et ont un éclat satiné.

De la substance médullaire de la peau ou derme, dd, fig. 6. La peau ou derme, ou chorion, paroît composée de substances médullaires dans lesquelles sont noyées quelques parties fibreuses.

Le liège ou partie fibreuse du quercus ilex est une substance médullaire souple, mais très-élastique.

De la substance médullaire des racines. On retrouve dans les racines la substance médullaire distribuée comme dans la tige ; mais sa consistance est moins considérable, elle se prolonge peu dans la racine, et se termine par un cul-de-sac.

De la substance médullaire des fruits. Les fruits, comme nous l’avons déjà dit, sont composés d’une substance médullaire qui forme une membrane muqueuse.

Du système fibreux. Le système fibreux végétal paroît formé, comme le système fibreux animal, de plusieurs fibres unies ensemble par un tissu cellulaire très-fin, des lames du tissu médullaire sont, chez les dicotylédons, interposées entre ces différentes fibres.

Ces fibres, examinées avec soin, paroissent n’être que des vaisseaux plus ou moins déliés. L’auteur a fait beaucoup de recherches sur la nature de ces vaisseaux. Je les ai considérés, dit-il, particulièrement dans les grands arbres où ils sont plus visibles.

Il a fendu des morceaux de bois de chêne ; vus à la loupe et même à la vue simple, ils lui ont paru composés de vaisseaux longitudinaux aaa, fig. 6, parallèles entr’eux. Ils sont divisés dans leur longueur par de petits diaphragmes ccc transversaux, distans les uns des autres, depuis un huitième de ligne jusqu’à un quart, en sorte que leur structure se rapproche beaucoup de celle des vaisseaux lymphatiques des animaux.

Ces diaphragmes sont percés d’un ou plusieurs trous, pour laisser passer les liquides qui y circulent. Il suppose que ces petits trous ont des valvules comme les vaisseaux lymphatiques des animaux, mais il n’a pu les distinguer.

Ces diaphragmes sont composés de membranes souples, élastiques, et doués d’une grande irritabilité.

Les vaisseaux longitudinaux aaa se voient très-distinctement dans la coupe transversale des arbres. Ce sont leurs ouvertures qui forment cette couche circulaire qui marque l’accroissement annuel des arbres. Dans les bois qu’on appelle roulés, on voit que tous ces vaisseaux ont brisé leurs parois latérales, et pour lors la couche entière se sépare comme le fait une pellicule d’ognon.

Mais la partie ligneuse qui sépare les couches annuelles dont sont composés ces grands vaisseaux aaa, n’est elle-même qu’un faisceau des vaisseaux beaucoup plus petits mmm, fig. 7. On ne peut que difficilement distinguer ces petits vaisseaux mmm, en divisant longitudinalement la tige d’un arbre ; mais on les voit très-bien dans la coupe transversale.

Leur diamètre est environ vingt fois plus petit que celui des grands vaisseaux aaa.

Examinés à la loupe, on voit qu’ils sont composés comme les grands vaisseaux aaa. Ils s’étendent longitudinalement, et ils sont parallèles aux grands vaisseaux aaa.

Ils sont divisés par de petits diaphragmes transversaux, semblables à ceux des grands vaisseaux aaa, mais qui sont plus rapprochés. Ces petits diaphragmes sont également percés par des trous munis vraisemblablement de valvules, pour laisser passer les liquides.

Tous ces vaisseaux, soit les grands aaa, soit les petits mmm, communiquent entr’eux par des anastomoses fréquentes. Ainsi on voit fréquemment un grand vaisseau a du chêne ou du frêne, aller se perdre dans un autre, et celui-ci, un peu plus loin, se sous-diviser en deux autres.

Dans les végétaux dicotylédons, les prolongemens médullaires bbb séparent chacun des grands vaisseaux aa.

Mais dans les monocotylédons, tels que le rotang ou roseau dont on fait des cannes, chacun des grands vaisseaux aaa se fait voir dans les substances médullaires, et paroît isolé et n’avoir point de communication avec les autres.

Cependant il est quelques monocotylédons, tels que le sparganier, chez qui les grands vaisseaux aa communiquent ensemble par des vaisseaux latéraux.

Du système glanduleux. Les végétaux ont des parties analogues aux glandes des animaux. Leur usage est le même, celui de sécréter différentes liqueurs.

1°. Les glandes épidermoïdales.

Elles sécrètent une liqueur analogue à la cire, qui garantit des intempéries de l’air les feuilles et l’épiderme des jeunes tiges.

2°. Les glandes pileuses.

Elles sécrètent diverses liqueurs, comme dans le cicer, le rossolis, la glaciale.

3°. Les glandes des nectaires.

Elles sécrètent les sucs mielleux.

4°. Les glandes de l’ovule.

Elles sécrètent les liqueurs prolifiques de la femelle.

5°. Les glandes de l’anthère.

Elles sécrètent le pollen ou liqueur prolifique du mâle.

La structure des glandes végétales est aussi inconnue que celle des glandes animales, mais on doit supposer que leur organisation est à peu près la même.

Du système exhalant. Les végétaux ont, comme les animaux, des vaisseaux exhalans. On en doit distinguer de deux sortes :

Les vaisseaux exhalans externes.

Les vaisseaux exhalans internes.

Des vaisseaux exhalans externes. La surface extérieure des différentes parties des végétaux éprouve une transpiration qui ne peut s’opérer que par des vaisseaux exhalans. Si l’on place une plante sous une cloche, celle-ci sera bientôt couverte à l’intérieur d’une rosée qui n’est que la transpiration condensée de la plante.

Les racines ont également leur transpiration. On voit souvent des racines pénétrer dans l’eau, et se couvrir d’une espèce de mucilage, qui n’est que l’humeur de la transpiration condensée.

Des vaisseaux exhalans internes. Il y a dans les cavités intérieures des végétaux une exhalation comme dans les cavités des animaux. Toutes les tiges creuses des végétaux sont lubrifiées par de semblables exhalations qui quelquefois se réunissent en liqueur. Ainsi, l’amande du cocotier, avant sa maturité, est entourée d’une liqueur claire et limpide.

Du système inhalant. Il y a chez les végétaux comme chez les animaux, un double système de vaisseaux inhalans ou absorbans, les externes et les internes.

Du système des vaisseaux inhalans ou absorbans externes. Les végétaux comme les animaux, absorbant beaucoup par leur surface extérieure, lorsque l’atmosphère est humide ils se conservent frais, quoiqu’on ne les arrose pas. Plusieurs plantes, telles que les cactus ou cierges, tirent peu de nourriture par leurs racines, ils se nourrissent principalement par ce que leur surface absorbe de l’atmosphère.

Du système des vaisseaux inhalans internes. Des vaisseaux inhalans se trouvent dans toutes les cavités des végétaux et en absorbent ce qui a été versé par les vaisseaux exhalans, comme chez les animaux. Si l’absorption n’est pas égale à l’exhalation, il se forme un épanchement qui ressemble a l’hydropisie des animaux. C’est ce que l’on voit dans les melons, lorsqu’ils sont trop mûrs. La liqueur exhalée n’est pas toute repompée, et elle s’accumule dans l’intérieur du fruit.

Des organes du système moteur. Les animaux ont des muscles pour se mouvoir, et des nerfs qui fournissent à ces muscles le principe de leurs mouvemens. C’est ce qui forme leur système moteur.

Les végétaux n’ont aucune partie analogue aux muscles et aux nerfs ; cependant plusieurs ont des mouvemens particuliers. On connoît ceux de la sensitive, de la dionœa, de l’hedisarum gyrans. Dans le temps de la fécondation, toutes les parties sexuelles sont agitées ; mais il n’est aucune plante où ces mouvemens soient aussi considérables que chez la vallisnera. Enfin, les trémelles oscillaires ont divers mouvemens analogues à ceux des animaux.

L’auteur suppose que ces mouvemens s’opèrent par le moyen des trachées. Toutes les parties qui éprouvent des mouvemens, telles que les feuilles, les corolles, les étamines, les pistils, etc., contiennent des trachées. Or, les trachées sont susceptibles d’une grande excitabilité, comme nous l’avons vu. Elles se contractent avec force. Ce sont donc elles qui opèrent les mouvemens des végétaux.

Du système des organes des forces végétales. Nos machines sont mues par des ressorts, des poids, des contre-poids. Nous ne connoissons rien de semblable chez les êtres organisés. Ils doivent cependant avoir un principe quelconque de leurs mouvemens. C’est ce qu’on appelle forces vitales. Mais quel est le principe, quelle est la nature des forces vitales ? ils sont encore peu connus

L’auteur rapporte les forces vitales à trois causes principales :

1°. L’action des solides.
2°. L’action des tuyaux capillaires.
3°. L’action de l’air.

De l’action de l’air contenu dans les vaisseaux des végétaux. Les végétaux contiennent une très-grande quantité d’air, comme nous l’avons vu ; cet air doit y éprouver des altérations continuelles de dilatation et de condensation. Or, ces mouvemens alternatifs doivent donner une impulsion non interrompue aux liqueurs contenues, avec cet air, dans les vaisseaux du végétal. C’est ce qui est confirmé par l’observation.

Hales rapporte qu’ayant coupé une branche de vigne, et en ayant introduit le chicot dans un tube, il observoit que, quand le soleil dardoit fortement sur le cep, il en voyoit sortir et monter à travers la sève une si grande quantité de bulles d’air qu’elles faisoient beaucoup de mousse, et que le suc montoit en beaucoup plus grande quantité que dans d’autres momens. Coulomb a fait la même observation sur des peupliers qu’il perçoit avec une tarrière. Lorsque le soleil dardoit sur l’arbre, la sève s’écouloit en abondance, avec un dégagement considérable d’air. Mais lorsqu’un simple nuage interceptait les rayons du soleil, cet écoulement diminuoit.

De l’action des tuyaux capillaires dans les végétaux. Quelle que soit l’action des tuyaux capillaires, on sait que les liqueurs y montent à une hauteur plus ou moins considérable au dessus de leur niveau. Les végétaux ne sont qu’une réunion de fibres qui laissent entr’elles des espaces vides, lesquels ressemblent aux tuyaux capillaires. Aussi, lorsqu’on fait tremper l’extrémité d’un végétal dans l’eau, elle s’y élève plus ou moins.

De l’action des solides chez les végétaux. L’action des solides des végétaux peut être envisagée sous deux aspects généraux : ou on les considère comme doués des propriétés générales de la matière, la densité, la solidité, et particulièrement l’élasticité ;

Ou on les considère comme doués de la vitalité, et faisant partie des êtres vivans. Sous ce dernier rapport, on doit avoir égard particulièrement à leur irritabilité et leur excitabilité.

De l’irritabilité de la fibre végétale. La fibre végétale a une irritabilité très-sensible chez certains végétaux. La mimosa pudica a une telle irritabilité que, lorsqu’on la touche, ses folioles se ferment, et leur pétiole s’affaisse ; c’est pourquoi on lui a donné le nom de sensitive. La dionœa, attrape-mouche, a une telle irritabilité, que si un insecte passe sur ses feuilles, elles se ferment avec une si grande promptitude que l’insecte se trouve pris. Plusieurs autres plantes ont la même irritabilité.

De l’excitabilité de la fibre végétale. Toutes les parties des plantes ont une excitabilité assez considérable. Nous avons déjà vu celle des trachées ; nous avons également rapporté que si l’on aiguise par quelque stimulant l’eau dont on arrose les plantes, elles végètent avec plus de force. Humboldt a prouvé qu’en trempant des graines dans une eau imprégnée d’acide muriatique oxigéné, elles germent plus promptement. La lumière est un puissant irritant pour les végétaux. Aussi, la plupart ont-ils moins d’excitabilité à l’obscurité et pendant la nuit ; ce qui produit en eux cet état que Linnée a appelé leur Sommeil. (Voyez ce mot.)

Les petits diaphragmes qu’on observe dans l’intérieur des grands vaisseaux aa, et des petits vaisseaux mmm, ont une grande excitabilité. Les liqueurs qui circulent dans les vaisseaux servent de stimulans.

Des causes de l’excitabilité et de l’irritabilité. L’auteur croit qu’elles dépendent de l’action galvanique que les parties médullaires et les parties fibreuses exercent l’une sur l’autre.

Ces différens agens font mouvoir les liquides des végétaux de la même manière que la lymphe, chez les animaux, se meut dans leurs vaisseaux lymphatiques.

Du système des organes de la nutrition. Ainsi que les animaux, les végétaux font des pertes continuelles par leurs différentes excrétions, principalement par leur transpiration. Ils ont donc également besoin de réparer ces pertes. C’est ce qu’opère la nutrition. Cette fonction essentielle suppose trois choses :

a, Le changement de la matière inorganique en matière organique.

b, Cette matière organique formée va se déposer, suivant les lois des affinités, vers les parties similaires.

c, Enfin, elle contracte une véritable adhérence, qui s’opère par les lois de la cristallisation.

Les végétaux sont composés principalement de charbon, d’oxigène, d’hydrogène, d’azote, de soufre, de phosphore, de silice, d’alumine, de chaux, de magnésie, de fer, de manganèse, de natron, de potasse, d’huile, de résine, d’acide, de fécule, de glutine, de fibrine. Les savans sont partagés d’opinion sur l’origine de ces diverses substances : les uns veulent que la plupart soient apportées du dehors dans le végétal ; l’auteur pense au contraire que la plus grande partie y est formée par les forces de la végétation, de la même manière qu’elles se forment dans les nitrières artificielles ; tandis que d’autres, telles que les différentes espèces d’air, sont fournies par l’atmosphère et par le terrain ; car tous les fruits délicats ont le goût de terroir, ce qui ne permet pas de douter que le terrain leur fournit beaucoup.

Cette formation nouvelle des différentes substances qui se trouvent chez les végétaux, est le produit de leur digestion ; car il y a chez eux une véritable digestion. Ils n’ont pas d’estomac, d’intestins comme les animaux ; aussi leurs alimens n’éprouvent-ils pas cette première digestion qui convertit les alimens des animaux en chyle. Mais le chyle, en entrant dans le torrent de la circulation, est converti en sang et autres liqueurs par une seconde digestion. Les alimens des végétaux n’éprouvent qu’une digestion analogue à celle-ci : ils se combinent entr’eux et avec l’air que le végétal respire. Ces combinaisons, qui sont analogues au mouvement de fermentation, donnent toutes les différentes substances qu’on retrouve chez le végétal, les huiles, les résines, les mucilages, le corps sucré, la fécule, la glutine, la fibrine, les acides végétaux, les parties colorantes, les extraits.

Toutes ces substances étant formées vont se déposer, par les lois des affinités, vers leurs parties similaires. Ainsi, les huiles vont se déposer dans les graines ; les fixes se déposent dans les cotylédons de l’amande, de la noix ; les volatiles, dans l’écorce du citron, de l’orange, dans l’écorce des semences des ombellifères ; les fécules, dans les cotylédons des plantes céréales, dans les racines des pommes de terre ; les mucilages, le corps sucré, dans les membranes muqueuses.

Enfin, toutes ces substances ainsi formées par les forces de la végétation, et déposées suivant les lois des affinités, contractent une véritable adhérence par les lois de la cristallisation. C’est ce qui forme vraiment la nutrition.

Du système des organes de la respiration. Tous les phénomènes qu’on observe chez les végétaux prouvent qu’ils ont un véritable système de respiration semblable à celui de certains animaux ; leurs trachées sont semblables à celles des insectes, en sorte qu’on ne peut douter qu’ils n’inspirent et n’expirent continuellement.

Si on fait passer une petite branche d’une plante vivante sous une cloche pleine d’eau et exposée au soleil, on voit qu’il se dégage beaucoup d’air des feuilles de cette plante, lequel va se réunir au haut de la cloche. Il contient une très-grande quantité d’oxigène.

Cette même plante, mise sous une cloche vide qui repose sur le mercure, laisse également dégager beaucoup d’air lorsqu’elle est au soleil.

La même plante laissée pendant la nuit sous la cloche reposant également sur le mercure, absorbe presque la même quantité d’air qui s’en étoit dégagée lorsqu’elle étoit au soleil.

Ces expériences ne laissent point de doute que les végétaux n’inspirent de l’air, et ne l’expirent, c’est-à-dire qu’ils ont un véritable système de respiration.

Cette respiration contribue à leur chaleur, comme chez les animaux.

Du système des organes de la circulation* On ne peut douter que les liqueurs végétales ne circulent réellement comme les liqueurs animales ; mais cette circulation, dit l’auteur, s’opère comme chez les basses classes de l’animalité, les méduses, les rhizostomes, les polypes, qui n’ont point de cœur : car les végétaux n’ont aucun organe analogue au cœur et aux grands vaisseaux sanguins, artériels ou veineux des premières classes de l’animalité, les mammaux, les oiseaux ; les vaisseaux des végétaux (aa, fig. 6, et aamm, fig. 7) ressemblent plutôt aux vaisseaux lymphatiques des mammaux, ainsi que nous venons de l’exposer en parlant du système fibreux. Il y a un grand nombre de liqueurs chez les végétaux, chacune doit avoir son système de vaisseaux particulier : il y a donc vaisseaux de la sève, vaisseaux de la lymphe, vaisseaux du suc propre, vaisseaux des différentes liqueurs secrétaires, vaisseaux des liqueurs qui nourrissent le fœtus.

De la circulation de la sève et de ses vaisseaux. La sève doit être regardée, chez les végétaux, comme leur sang qui est blanc. On ne peut douter qu’elle n’ait un système de circulation ; car, si au printemps on coupe l’extrémité d’une branche de vigne, la sève coule en quantité ; une racine découverte et coupée également, verse beaucoup de sève.

Le mouvement de cette sève se fait avec une si grande force en certaines circonstances, que Hales ayant fait entrer dans un tube une branche de vigne dont l’extrémité avoit été coupée, et l’ayant bien scellée, la sève souleva une colonne de mercure de trente-sept pouces, c’est-à-dire qu’elle auroit pu s’élever à quarante-cinq pieds.

Les matériaux qui fournissent la sève sont apportés au végétal, ou par le chevelu des racines, ou par la surface entière du végétal, principalement par les feuilles ; elles entrent dans le torrent de la circulation et passent par différens ordres de vaisseaux, dont les uns font fonctions d’artères, et les autres fonctions de veines. Les vaisseaux séveux sont, suivant l’auteur, les grands vaisseaux aaa, dont nous avons parlé.

De la circulation de la lymphe et de ses vaisseaux. Le végétal contient plusieurs espèces de liqueurs qu’on peut regarder comme lymphatiques : 1°. le mucilage ; 2°. le corps sucré ; 3°. la fécule ; 4° la glutine ; 5°. la fibrine. Ces divers fluides doivent avoir des vaisseaux particuliers dans lesquels ils circulent. Nous avons vu, dit l’auteur, qu’à côté des grands vaisseaux aa, il y en a une grande quantité d’autres plus petits mmm ; ces vaisseaux servent sans doute à la circulation de quelques fluides : on peut supposer que ce sont les divers fluides lymphatiques dont nous parlons.

De la circulation du suc propre (ou idiochule), et de ses vaisseaux. Ce sont encore quelques uns des vaisseaux mmm, qui servent à la circulation du suc propre.

De la circulation de l’air chez les végétaux, et de ses vaisseaux. Les différentes expériences que nous avons rapportées ne laissent point de doute sur cette circulation de l’air.

De la circulation dans le système capillaire végétal. Il y a, chez les végétaux comme chez les animaux, un système capillaire auquel aboutissent les dernières ramifications des artères, et commencent les premières vésicules, ainsi que les vaisseaux sécrétoires. L’anatomie n’a encore pu parvenir à développer l’organisation de ce système, ni chez l’animal, ni chez le végétal ; mais des faits positifs en démontrent l’existence aux physiologistes. C’est dans ces organes que le système artériel communique avec le système veineux, avec le système capillaire des membranes muqueuses des membranes séreuses, et avec celui des glandes. C’est encore dans ces organes que se sécrètent ces sucs si variés qu’on retrouve chez les végétaux.

Toutes ces opérations ne peuvent avoir lien sans qu’on suppose différens ordres de vaisseaux particuliers dans le système capillaire.

1°. L’artère qui apporte la sève artérielle.

2°. Les vaisseaux pneumateux dans lesquels l’air est contenu.

3°. Les vaisseaux lymphatiques.

4°. Les vaisseaux sécrétoires.

5°. Enfin les vaisseaux veineux qui reprennent la sève veineuse et la reportent dans le torrent de la circulation.

Cette sève veineuse a été, comme le sang veineux des animaux, appauvrie par les sécrétions : elle a donc besoin d’être revivifiée par le concours de l’air et par son mélange avec la nouvelle sève qui arrive par les organes nutritifs. C’est ce qui s’opère dans le système artériel.

Du système des organes de la reproduction. Des observations multipliées ont constaté que les végétaux se reproduisent par des moyens analogues à ceux qui opèrent la reproduction des animaux. Ils ont des organes mâles et des organes femelles, indépendamment des organes communs, le calice et la corolle.

Des organes mâles. Ils sont composés de deux parties principales, le filet de l’étamine et l’anthère. L’anthère contient une très-grande quantité de petits globules qui sont remplis d’un fluide particulier, lequel est l’aura seminalis, ou liqueur reproductive qu’on appelle pollen.

Les organes femelles. Ils sont très-multipliés, et l’auteur y a retrouvé tous ceux qui existent chez les femelles des animaux ; il leur a donné en conséquence les intimes noms.

Le pistil est un petit tube percé qui représente les parties externes des animaux. 1°. Le stygmate ou cunéole, qui en est l’ouverture extérieure, par laquelle s’introduit le pollen. 2°. Le vagin ou conduit qui porte le pollen jusqu’à la cavité intérieure où sont les ovules. L utérus a, fig. 8 et 9, est la cavité où est l’ovule ou la graine.

L’ovule, ou petit œuf, correspond à l’œuf de la femelle des animaux. Un cordon délié l’attache à l’utérus. C’est le cordon ombilical. L’ovule, avant la fécondation, contient un fluide particulier qui, en se mélangeant avec le pollen du mâle, produit, par cristallisation, le petit embryon, ou fœtus végétal.

Cette opération est accompagnée d’une chaleur très-considérable chez quelques plantes, telles que l’arum.

Quelques botanistes ont donné le nom d’ovaire ou de réceptacle à l’organe qui contient l’ovule ; mais, dit l’auteur, on doit lui laisser le nom d’utérus, puisqu’il en remplit les fonctions, et les végétaux n’ont point d’ovaire. Cet utérus n’a quelquefois qu’une seule loge, comme dans le châtaignier, fig. 8, le noyer. D’autres fois il en a plusieurs, comme dans le hêtre. Il est quelquefois entièrement fermé, comme dans les fruits dont nous venons de parler : d’autres fois il n’est qu’à moitié fermé, comme dans la noisette, le gland. Le placenta, chez les végétaux, est la partie des enveloppes de l’embryon qui adhère à la face interne de l’utérus, par de petits mamelons. Ce placenta est très-visible dans le châtaignier, a, fig. 8, le marron d’Inde, la noisette.

Le chorion, b, fig. 8, est la partie de l’enveloppe extérieure de l’embryon, qui est continue au placenta : telle est la membrane coriacée de la châtaigne, du marron d’Inde, la faine.

L’Amnios. Au dessous du placenta et du chorion, se trouve une membrane fine et déliée qui enveloppe immédiatement le fœtus ; telle est la membrane fine qui enveloppe l’amande, la noisette. Elle remplit les mêmes fonctions que l’amnios chez le fœtus des mammaux. Cet amnios reçoit la nourriture par le cordon ombilical, qui s’y insère par un seul point.

Le cordon ombilical, c, fig. 9, naît toujours du placenta ; il pénètre à travers le chorion, qu’il perce vers son extrémité, ainsi que l’amnios, pour envelopper la radicule.

Des cotylédons. En enlevant le placenta, le chorion et l’amnios, on trouve les cotylédons, p, fig. 9, et l’embryon, qui demeurent à découvert.

De l’embryon ou fœtus végétal. On y distingue deux parties principales : la radicule, r, fig'. 9, qui se montre a l’extrémité des cotylédons, comme un point. C’est la racine de la plante.

La calicule, ou petite tige, t, fig. 9, désignée communément par le nom de plantule ; elle est logée entre les cotylédons ;

Les feuilles séminales, f, fig. 9, sont éparses dans les cotylédons.

Le fœtus végétal n’est point nourri comme le fœtus animal. Celui-ci reçoit directement le sang de sa mère par les artères ombilicales, qui vont s’aboucher avec ses artères iliaques, le cordon ombilical du fœtus végétal ne va point communiquer directement avec lui, il lui fait seulement une enveloppe, x, fig. 9, conjointement avec le chorion ; et la radicule nichée dans cette petite loge pompe sa nourriture par absorption comme elle fera lorsqu’elle aura pénétré dans la terre.

Du système des organes de la sensibilité. Suivant les analogies, les végétaux ne sont pas dépourvus de sensibilité. Elle paraît sur-tout très-considérable chez les trémelles oscillaires ; mais les physiologistes ignorent encore quels sont les organes de cette sensibilité. Les animaux ont des sens externes, et leur sensibilité paroît résider dans un système nerveux. Nous ne connoissons, chez les végétaux, aucun organe analogue aux sens, et ils n’ont point de systèmes nerveux : néanmoins ils donnent différens signes de sensibilité, et, suivant les analogies, ce sont des êtres sentants : il faut donc qu’ils aient les organes du sentiment, soit externes, soit internes.

Des sens externes, 1°. Le sens du toucher paroît répandu à toute leur surface. Ce sens est très-sensible chez la sensitive et la dionée.

2°. Ils sont très-sensibles à l’impression de la lumière. Ont-ils un sens analogue à la vue, comme on peut le supposer aux vers de terre, aux polypes… qui sont également sensibles à la lumière, quoiqu’ils n’aient point d’yeux ?

3°. Ils sont également sensibles à l’impression de la chaleur. Darwin supposoit, pour cette sensation un sens particulier chez les animaux. Les végétaux en auroient-ils un analogue ?

4°. Les végétaux doivent avoir, comme les animaux, le sens de la reproduction. Ceux de leurs organes qui servent à cette fonction donnent dans le moment des signes manifestes de sensibilité.

5°. Les végétaux paraissent choisir leurs alimens. Leurs chevelus auroient-ils un sens analogue à celui du goût, comme le rhizostomes, le polype coupé en plusieurs morceaux, qui n’ont également que des suçoirs ?

Quant aux odeurs et aux sons, ils n’y paraissent pas sensibles.

Des sens internes. Toutes les impressions externes que reçoivent les animaux, ou leurs sensations, se rapportent à un point central, qui est leur sens interne, ou sensoriel commune. Y a-t-il un pareil centre, ou sens interne, chez les végétaux ? Ce seroit conforme à l’analogie ; car tous les mouvemens, par exemple, de la vallisnera, soit mâle, soit femelle, paroissent avoir un même but, celui de concourir à la fécondation de la plante. Or, ce concours uniforme de mouvemens suppose qu’ils sont tous ordonnés par un seul centre. Mais il n’y a sur tous ces objets que des analogies très-éloignées.

Tous les dits que nous venons d’exposer, conclut l’auteur, sur la structure des animaux et sur celle des végétaux, confirment une vérité apperçue depuis long-temps, et qui n’avoit pas encore été développée avec les preuves nécessaires ; cette vérité est que :

Les êtres organisés sont construits sur un seul et même plan, qui subit seulement différentes modifications dans les diverses espèces.

Par conséquent les êtres existant sur notre globe ne forment plus que deux grandes classes : les êtres inorganiques et les êtres organiques. (S.)

  1. Journal de Physique. Thermidor an 11, page 119.