Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 487-489).
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TUF. Sorte de pierre légère, spongieuse, & communément remplie de trous dont la couleur varie, ainsi que la consistance, par les parties étrangères qui s’y trouvent mêlées. Ces pierres sont formées par un limon entraîné par le courant des eaux qui s’est déposé lorsque les eaux sont devenues tranquilles, & qui ensuite a pris la consistance d’une pierre.

En agriculture, le mot Tuf offre une autre acception. Dans plusieurs provinces on le nomme gor, gur, bousin, tuf, &c. La couche pierreuse, ou caillouteuse, ou terre ferrugineuse, alios, ou argilleuse, où pierre sablonneuse, mollasse, & qui se trouve au-dessous de la couche végétale. Doit-on, par les labours, attaquer cette couche inférieure & la mêler avec la supérieure ? Cette question divise les opinions des agriculteurs. S’ils avoient moins généralisé leurs opinions, ils se seroient bientôt entendus.

Il est constant que si la couche supérieure a plusieurs pieds de bonne terre, il est inutile, pour la culture des grains, d’aller fouiller jusques dans le tuf ; mais si l’on plante des arbres, & que la couche supérieure soit seulement de deux pieds, il faut, sans miséricorde, attaquer le gor ou tuf ; & même y faire jouer la mine, si la position d’agrément nécessite à cette dépense, parce qu’il est impossible qu’un arbre destiné par la nature à acquérir de la force, prospère dans un espace de terrain si resserré. Les racines courront sur la superficie du tuf, & ne le pénétreront pas, sur-tout s’il est en couche solide ; bientôt, les racines latérales rempliront tout le terrain, l’affameront ; l’arbre languira, & à la moindre sécheresse il perdra ses feuilles. Si, au contraire, par l’effet de la mine, ou du pic, on a détruit jusqu’à une certaine profondeur la couche supérieure du tuf ; si celle-ci ou celle du dessous, est molasse ; si elle offre des scissures, les racines de l’arbre y pénétreront, & l’arbre prospérera. Ainsi nulle difficulté à ce sujet. C’est tout au plus une plus forte dépense dans la plantation, qui devient indispensable ; mais on doit payer l’agrément.

Quant à la culture des grains, ici se présente mille et mille considérations particulières & locales, que je ne puis dénombrer, parce que toutes tiennent à la nature des matériaux qui sont entrés dans la formation du tuf, & encore à la manière d’être & à la ténacité du gluten qui les lie. Ces deux seules circonstances varient à l’infini dans la nature des tufs ; mais le vrai point embarrassant de la question, est de savoir, si, ayant une couche de terre végétale, épaisse de quelques pouces seulement, on doit chaque année attaquer, avec la charrue, la superficie de ce qu’on appelle gor ou tuf. La solution du problème dépend, 1°. de l’examen de cette superficie, & de se convaincre si elle est de nature calcaire ou vitrifiable. (Consultez les mots Terre Calcaire, ou Chaux.) Si elle est vitrifiable, elle ne contribuera pas plus intrinsèquement à la végétation, que des recoupes vitrifiables c’est-à-dire, qu’elle ne fournira aucun des principes qui entrent dans la composition des plantes. Les débris de cette couche feront tout au plus l’office d’une éponge, propre à retenir l’humidité ; mais ils ne donneront pas d’humus. Dans ce cas, on ne gagnera rien, quant aux principes de végétation. Dans la supposition contraire, c’est-à-dire de la couche de nature calcaire, il est démontré que cette pierre se décompose à l’air ; que la décomposition d’une espèce est plus prompte que celle de telle autre ; mais enfin, plus elle est pure, & plus promptement elle se décompose ; or, dans tous les cas, on doit l’attaquer, parce que la substance calcaire est une substance animalisée, c’est-à-dire, composée des débris des végétaux & des animaux qui forment l’humus ou la seule terre végétale. C’est donc d’après l’inspection de la nature du tuf qu’on doit se décider à l’attaquer ou à le laisser intact. Voilà ce que dicte le bon sens de l’homme qui n’agit pas comme une machine ; mais d’après des principes fondés sur les loix de la nature. Je vais plus loin, & je dis actuellement, quel que soit la nature du gor, il faut l’attaquer si la couche de terre de superficie n’a que six pouces d’épaisseur. J’espère qu’on ne me prêtera pas l’idée de conseiller de labourer les rochers, de pénétrer dans les poudings composés de cailloux unis par le ciment le plus dur. Mais dans la supposition d’une couche de six pouces d’épaisseur, & dans celle que le tuf soit divisible par la charrue, je dis qu’il convient chaque année de l’attaquer, quand même on n’auroit d’autre but que celui de conserver le plus long-tems possible, & même d’ajouter à la totalité de l’épaisseur de la couche ; en effet, si on n’ajoute pas à cette couche, chaque année, les eaux des pluies, les vents impétueux diminueront son volume, & à la longue, le tuf restera nu. Donc il est urgent de prévenir les dégradations, & on n’y parviendra qu’en mêlant le tuf à la bonne terre. S’il est vitrifiable, il n’agira que comme conservateur, mais s’il est calcaire, il agira & comme conservateur, & comme améliorateur ; dans le premier cas, il convient de soutenir le sol par des engrais, par des semis de plantes que l’on enfouira en terre avec la charrue avant de semer. Consultez les mots Amendement, Engrais, Lupin, & Sarrasin.

Si la couche qu’on appelle tuf est composée d’argile, ou de craie, ou de plâtre, il convient chaque année de l’attaquer petit à petit, 1o. soit pour conserver la masse de la couche supérieure ; 2o. soit pour la bonifier si elle est légère ; 3o. si de sa nature elle est déjà compacte, ce sera toujours ouvrir un écoulement plus profond aux eaux, & successivement exposer à l’effet des gelées & du soleil, une plus grande masse de terre. Si, au contraire, la couche inférieure n’est que du sable pur à une grande profondeur, ce n’est pas le cas de l’attaquer ; car on rendroit la supérieure plus susceptible de perdre toute humidité, & bientôt elle sera réduite à l’état de sable pur. Dans tous les cas quelconques, le propriétaire doit étudier son terrain, sa position, la manière d’être du climat qu’il habite. Ce sont autant de circonstances que je ne puis prévoir ni deviner ; avec des principes, lui seul peut & doit décider la nature du travail.