Cours d’agriculture (Rozier)/TILLEUL

Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 416-418).
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TILLEUL. Tournefort le place dans la première section de la vingt-unième classe des arbres à fleur en rose, dont le pistil devient un fruit à une seule loge, & il l’appelle tilia fæmina folio majore. Von-Linné le nomme tilia europæa, & le classe dans la polyandrie monogynie.

Fleur. Composée de cinq pétales oblongs, crénelés à leur sommet. Le calice concave, presque coloré comme la corolle, & divisé en cinq.

Fruit. Capsule dure, coriace, presque ronde, à cinq loges, à cinq battans qui s’ouvrent par leur base, renfermant une seule semence presque ronde ; les autres avortent.

Feuilles. Portées par de longs pétioles, simples, entières, d’une forme ovale en forme de cœur, terminées en pointes, dentées, en manière de scie, d’un beau vert.

Racine Rameuse, ligneuse…

Port. Arbre dont la tige est haute, droite, la tête belle. L’écorce du tronc gercée ; celle des tiges, d’un gris verdâtre ; les fleurs portées sur de longs pédicules, ayant à leur base une stipule, une feuille colorée, longue, étroite, arrondie par le bout. Les fleurs ont une odeur douce, agréable,

Lieu. Les bois de l’Europe, fleurit en juin.

Propriétés économiques. Le tronc de cet arbre acquiert une grosseur de trois & même quatre pieds de diamètre, si l’arbre est isolé, & s’il se trouve dans un terrain qui lui convient. Il se coiffe très-bien de lui-même, & il n’a besoin des secours de l’homme que lorsque la tête commence à fournir ses branches. Après la première ou seconde année au plus tard, on le dépouille de ses branches chiffonnes, afin de ne laisser subsister que celles qui par la suite formeront sa tête.

Le tilleul est un excellent arbre pour avenue, & ses branches souples se prêtent à toutes les formes qu’on veut leur faire prendre. On les dispose en berceaux, en portiques, en boules comme des têtes d’oranger, &c.

Les tourneurs, les menuisiers, les sculpteurs, recherchent son bois doux, liant & léger… Si on met tremper dans l’eau l’écorce des jeunes branches, & même celle du tronc, l’écorce se détache par lames minces, dont on se sert pour faire des cordes, même assez fortes…

Propriétés médicinales. Les fleurs ont une odeur douce, aromatique, une saveur douce & légèrement âcre. Elles raniment légèrement les forces vitales ; elles sont recommandées dans les maladies convulsives, particulièrement dans l’épilepsie, dans plusieurs espèces de maladies d’esprit, telles que le vertige causé par des humeurs séreuses ; la folie, l’affection hypocondriaque. Ces fleurs ne provoquent ni l’insensible transpiration ni le cours des urines. Les fleurs réduites en poudre, sont céphaliques.

Usages. On fait macérer au bain-marie les fleurs récentes, depuis une drachme jusqu’à une once, dans cinq onces d’eau.. ; sèches, depuis demi-drachme jusqu’à demi-once dans la même macération. L’eau distillée ne jouit presque d’aucune propriété.

Culture. On compte un grand nombre de variétés de cet arbre. La plus remarquable est celle qu’on nomme tilleul de Hollande, ou à très-larges feuilles. Il est plus délicat que le nôtre sur le choix du terrain. Ses feuilles sont ordinairement du double plus grandes… Un autre a ses feuilles assez ressemblantes à celles de l’orme, & la capsule de son fruit est hexagone… Tilleul à feuilles légèrement cotonneuses, dont les nervures sont rouges & la capsule à quatre angles… Tilleul nommé de Bohême à petites feuilles lisses, à capsule oblongue, aiguë des deux-côtés, & dont les angles sont à peine sensibles. Il ne faut pas confondre avec ces principales variétés, le tilleul d’Amérique qui croît dans la Virginie & dans le Canada. C’est une espèce réelle, caractérisée par ses fleurs qui ont un nectar, & par ses grandes feuilles en forme de fer de lance.

On multiplie les tilleuls par les semis & par les drageons enracinés, par marcottes & boutures. La première méthode est préférable. On ramasse la graine dès qu’elle est mûre ; on la laisse sécher à l’ombre pendant quelques semaines, afin qu’elle acquière sa complète maturité. Pendant cet intervalle, on prépare une partie de terrain pour y faire les semis. Le sol doit être substantiel, doux, léger & profond. Sur ce sol, on trace des raies de deux pouces de profondeur, à la distance de six pouces les unes des autres. C’est dans ces raies que la semence, quinze jours après qu’elle a été récoltée, est jetée assez clairement, & ensuite recouverte par la terre des côtés. Dans nos provinces méridionales, la superficie du sol demande à être recouverte avec de la paille menue ou avec des feuilles, afin d’entretenir un peu de fraîcheur dans la terre, & quelquefois légèrement arrosée pendant le reste de l’été. Dans nos provinces du nord, ces arrosemens sont en général inutiles, parce que la chaleur y est moins vive, & les pluies plus fréquentes. Il convient d’être très-scrupuleux sur le choix de la graine ; celle du tilleul de Hollande est à préférer à cause de ses larges feuilles. Comme cet arbre est purement d’agrément, la graine de celui qui donne le plus d’ombrage, mérite la préférence. On peut, il est vrai, dans un temps convenable, greffer le tilleul à larges feuilles sur le tilleul ordinaire ; mars c’est multiplier inutilement le travail, lorsqu’on peut l’éviter en semant une graine qui reproduit son semblable. D’ailleurs, tout arbre greffé est moins vigoureux en tronc, bois & branches, que celui qui ne l’a pas été. En semant par raies, le pépiniériste a plus de facilité de travailler le pied des semis, & d’arracher la mauvaise herbe, que si la graine avoit été répandue à la volée. Si après avoir récolté la graine, on attend le printems suivant pour la semer, on court grand risque de n’en pas voir germer la dixième partie, & souvent la totalité ne paroît qu’a la seconde année.

Les raies ont encore l’avantage de permettre de laisser un an de plus les jeunes plants dans le sol du semis, parce qu’on a plus de facilité d’éclaircir & de supprimer les surnuméraires & les mal-venans. L’époque de sortir les sujets restés en séminaire & bien-venans, est à la seconde année après le semis, c’est-à-dire, à la seconde année après la germination de leur graine. Ils profiteront beaucoup plus dans la pépinière, que si on les avoit transplantés après la première. Je réitère ici mes instances auprès du propriétaire, afin qu’il veille lui-même sur la levée du séminaire. Il aura soin que l’on commence par un des côtés de la planche, qu’on ouvre un fossé au moins de deux pieds de profondeur ; qu’on continue cette excavation d’un bout à l’autre. En suivant cette méthode, on prendra les racines par-dessous ; on n’en brisera aucune, & on conservera au pivot sa totalité : (consultez ce mot) alors la reprise est immanquable.

On aura les mêmes soins en plantant les jeunes sujets dans la pépinière : ils seront espacés en tout sens au moins de trois pieds les uns des autres. Le propriétaire qui travaille pour lui, donnera quatre sur trois. Il sera certain d’avoir des sujets qui ne fileront pas en grandissant, & dont la grosseur du tronc sera naturellement proportionnée à son élévation. Si le sol est foncièrement bon & fertile, il peut semer pendant les premières années dans l’espace vide de quatre pieds, un ou deux rangs de haricots nains, ou pois nains. La culture qu’on sera forcé de donner à ces légumes, profitera aux arbres, & leurs tiges & leurs feuilles deviendront pour eux un bon engrais.