Cours d’agriculture (Rozier)/TEILLER, TEILLE

Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 385-386).


TEILLER, TEILLE. C’est rompre les brins de chanvre, & séparer les chenevottes de l’écorce qu’on nomme teille, & qui est convertie en fil, après avoir été peignée. Si cette opération n’étoit pas un amusement dans les villages où toutes les femmes, les filles & les enfans se rassemblent à la veillée pour teiller, je la regarderois comme abusive. Il seroit plus prompt, plus expéditif & plus économique de se servir de la broye, représentée fig. 11, p. 284 du tome VI, ou de l’espèce de meule employé en Livonie, dont il est parlé dans l’article Lin. Mais il seroit barbare de priver d’un plaisir innocent un nombre d’êtres qui se recréent & oublient les fatigues de la journée, même en travaillant. Cependant, si dans une métairie isolée, un propriétaire récolte beaucoup de chanvre ou de lin, & si les femmes & les enfans à son service ne suffisent pas pour teiller toute la récolte, c’est le cas de se procurer une broye, parce que jamais l’ouvrage ne doit être arriéré. Une fille, une femme, & même un enfant de 10 à 11 ans, est en état de la conduire & de la faire mouvoir ; jusqu’au plus médiocre charpentier d’un village est en état de la construire, si simple elle est. Des papiers publics vantèrent beaucoup, il y a quelques années, une machine composée de deux cilindres cannelés, se mouvant l’un sur l’autre, au moyen d’une manivelle. J’ai une semblable machine exécutée avec soin. Elle présente plusieurs défauts essentills : 1°. Il faut un homme pour tourner la manivelle ; 2°. comme ces cylindres ne peuvent ni se hausser ni se baisser, le gros bout de la tige du chanvre passe difficilement, fatigue beaucoup celui qui donne le mouvement, tandis qu’à mesure de la diminution de grosseur de la tige de chanvre, les cylindres écrasent mal la chenevotte de cette partie plus mince ; 3°. Il faut une autre personne pour présenter le chanvre par un de ses bouts sous les cylindres. C’est un double emploi qu’on n’éprouve point avec la broye, & la broye écrase tout aussi bien que pourroit le faire la meilleure machine à cylindre. Si une de ses pièces se dérange ou se casse, il faut recourir à l’ouvrier de la ville, & perdre son temps, tandis que le paysan même saura raccommoder sa broye. D’ailleurs, ce dernier instrument est en état de durer trente ans, sans avoir besoin de la plus petite réparation.