Cours d’agriculture (Rozier)/TÊTE

Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 404-407).


TÊTE. (maux de) Médecine rurale. La tête est un assemblage de plusieurs pièces osseuses, dont les unes forment par leur connexion une espèce de boîte presque ovale, qu’on appelle crâne.

Sa figure est en général sphéroïde, ou diversement arrondie, & comme composée de deux ovales un peu applatis de côté & d’autre ; l’ovale supérieur, (le crâne) ayant ses extrémités tournées en devant & en arrière ; l’autre antérieur (la face) ayant ses extrémités tournées en haut & en bas ; de manière que ces deux ovales se rencontrent & se confondent par leur extrémité, à l’endroit que l’on nomme particulièrement le front.

Cette figure ainsi composée étant regardée de profil, représente une espèce de triangle sphéroïde ou curviligne, dont l’ovale supérieur est plus large en arrière qu’en devant, & l’ovale antérieur est plus large en haut qu’en bas.

La tête a encore plusieurs régions qu’il est essentiel de connoître pour ne pas confondre le siége de ses différentes affections. La région supérieure s’appelle sommet de la tête ; l’inférieure, base du crâne ; les latérales, tempes ; l’antérieure, face, qu’on subdivise en front, mâchoire supérieure & mâchoire inférieure ; la postérieure, occiput, dont la partie inférieure s’appelle nuque du col.

Si la tête est regardée dans l’homme, comme la partie la plus noble, c’est, sans doute, par la dignité & l’importance des viscères qu’elle renferme. Ses principaux usages, sont de loger le cerveau & le cervelet, de servir à la mastication, à la respiration, à la voix, & d’être le siège des organes des sens. Le créateur les a placés dans la cavité la plus élevée, pour qu’ils puissent veiller à la conservation du corps ; il a aussi voulu que l’homme marchât la tête levée, comme ayant l’empire sur tous les autres animaux créés pour son usage.

Sa grandeur, selon toutes ses dimensions, doit être proportionnée à celle du reste du corps. Cependant il vaut toujours mieux l’avoir plus grosse que trop petite. Le cerveau étant moins gêné, exécute mieux ses fonctions. J’ai très-souvent observé que ceux qui avoient la tête très-petite, avoient, pour l’ordinaire, peu de jugement.

Si elle n’est pas égale chez tous les hommes, la figure n’est pas aussi exactement semblable dans tous les sujets. Il est aisé de se convaincre que rien n’est plus varié que la figure des hommes. Les uns ont la tête ronde, les autres l’ont extraordinairement alongée. On en trouve qui ont la tête quarrée. On lit dans l’histoire d’Amérique, que les peuples qui habitent le long de la rivière des Amazones, ont la bizarre coutume de presser entre deux planches le front des enfans qui viennent de naître, & de leur procurer l’étrange figure applatie qui en résulte, pour les faire mieux ressembler, disent-ils, a la pleine lune. Cette coutume barbare & contre nature, n’a d’autre fondement que le goût le plus bizarre ; & quoiqu’il soit très-difficile de comprendre qu’il n’en résulte pas des dérangemens considérables dans l’organe du cerveau, ces hommes néanmoins ne peuvent qu’être très stupides & excessivement barbares.

La tête est sujète a une infinité de maladies. Nous ne parlerons ici que de celles qui l’affectent le plus ordinairement, & qui sont quelquefois accompagnées d’un certain danger. On appelle céphalalgie, ce mal léger qui n’affecte qu’une partie de la tête ; si ce mal devient plus opiniâtre, plus violent & plus durable, il prend alors le nom de céphalée.

Ces deux maladies ne reconnoissent pas toujours les mêmes causes. Tantôt elles sont essentielles, & tantôt symptomatiques. Tout ce qui peut gêner la libre circulation du sang & de la lymphe peut leur donner naissance. Elles dépendent souvent de la suppression des évacuations périodiques, de la répercussion des dartres, ou de toute autre espèce d’éruption cutanée.

La rétention de la morve, le défaut de son excrétion, la dessiccation prématurée des boutons qui se portent au-dehors de la peau, leur rétrocession en dedans sur les méninges, ou sur le cerveau, ou sur toute autre partie interne ou externe de la tête, peuvent encore exciter ces deux maladies.

Ce ne sont point-là toutes les causes de la céphalalgie, & de la céphalée ; elles sont plus ordinairement excitées par l’embarras des premières voies, par des mauvaises digestions & par le défaut de ressort des fibres de l’estomac.

Pour traiter avec succès ces deux affections, il ne faut point perdre de vue la cause qui les détermine. Les saignées, plusieurs fois répétées, conviendront très-bien lorsqu’elles seront subordonnées à un état pléthorique, ainsi que l’application des sangsues à l’anus & à la vulve, si elles dépendent de la suppression des hémorroïdes, ou des règles.

Quand la cause invétérée est idiopathique, & qu’elle est purement humorale, le vésicatoire appliqué sur l’endroit affecté, est préférable à tous les moyens curatifs.

Chez les personnes grasses & humorales, on leur conseillera un cautère dans les parties les plus éloignées de la tête, dont on entretiendra matin & soir l’écoulement, en le pansant méthodiquement. On entretiendra chez elles la liberté du ventre, par l’usage de doux laxatifs.

Dans la céphalalgie occasionnée par la rétention de la morve, si le malade est d’une constitution lâche & molle, on lui fera flairer souvent du sel volatil. S’il est au contraire très-irritable, & d’un tempérament sec & ardent, avant d’en venir à l’usage des poudres sternutatoires, on lui fera recevoir, par le moyen d’un entonnoir, les vapeurs de l’eau chaude. M. de Sauvage, qui rapporte plusieurs exemples de céphalalgie, causée par la fixation de la morve, doit nous faire remarquer que cet épaississement altère quelquefois l’âme au point de déranger la mémoire, & de causer des accès de rage.

Il ne faudroit pas encore appliquer des remèdes révulsifs, topiques astringens, & même narcotiques, si la douleur fixe sur la tête avoit pour cause une congestion d’humeurs sur cet organe ; ils seroient sur-tout dangereux, s’il y avoit indice d’hémorragie. J’ai vu une pareille application dans le cas d’une odontalgie, produire une angine. Il vaut mieux procurer un écoulement d’humeurs par des moyens convenables, en donnant, sous forme de tabac en poudre, différens sternutatoires, tels que ceux du bois de lentique, de muguet, de marron d’Inde, de lierre terrestre, de pyrèthre ou de cabaret.

Lorsque les excrétions se font librement, & que la douleur est dominante, relativement à l’affection nerveuse qu’il peut y avoir, il faut alors ordonner les narcotiques ; mais leur administration ne doit avoir lieu que long-temps après le repas. Le petit lait nitré, la poudre de Guttette, la liqueur minérale anodine d’hoffman, le cinabre, conviennent très-bien ; mais en général, il est plus sûr de recourir aux remèdes que l’expérience reconnoît pour avoir une vertu nervine particulière, tels que le camphre, le musc & la valériane sauvage ; on sait qu’elle a souvent réussi, & qu’elle a guéri des maux de tête très-invétérés.

Tous ces remèdes, quoique bien appropriés aux causes & aux circonstances des maux de tête, n’ont pas toujours eu les heureux effets qu’on étoit en droit d’en attendre ; aussi est-on quelquefois forcé d’en employer de plus actifs & de plus énergiques. D’après cela, des médecins célèbres ont proposé de faire faire de forts frottemens dans plusieurs maux de tête, & même de couper les petits nerfs extérieurs. Valsalva a suivi cette pratique. On est venu à bout, en coupant différens nerfs, de calmer les douleurs de dents. Tronchin a renouvellé cette méthode. Il fit couper le nerf infraorbitaire dans une douleur à la mâchoire supérieure, ce qui lui réussit ; mais son succès n’a été que momentané. Baillou a obtenu de bons effets des bois sudorifiques dans plusieurs maux de tête internes périodiques, qui étoient insoutenables. Morgani l’a imité ; mais le quina, lorsqu’il y a un mouvement périodique, est le premier de tous les remèdes, surtout si son usage est précédé d’un vomitif dont l’exhibition doit avoir lieu s’il y a un embarras dans les premières voies.

Lorsque les maux de tête sont entretenus par la génération des glaires dans l’estomac, par un état de foiblesse de ce viscère, on ne sauroit assez recommander l’usage d’un ou de deux verres d’eau de rhubarbe infusée à froid dans l’eau commune pris dans la matinée, pendant un ou deux jours de la semaine. Ce remède a constamment réussi à tous ceux auxquels je l’ai prescrit, & l’on peut bien s’en rapporter à mon observation particulière à ce sujet. M. Ami.