Cours d’agriculture (Rozier)/REGAIN

Hôtel Serpente (Tome huitièmep. 560).


REGAIN. Seconde ou troisième coupe de fourrage que l’on fait dans les prairies ; dans plusieurs endroits, après que la première coupe du foin est levée, on conduit toute espèce de bête, même les oies, dans les prés, & on dit qu’elles vont paître le regain. Cette coutume est barbare & l’expression impropre. Le véritable regain est la troisième coupe dans les prairies non arrosées, & si l’été est chaud & sec, cette dernière récolte est nulle ou presque nulle ; si la saison est pluvieuse elle est meilleure. Dans les prairies arrosées à volonté, la récolte du regain est assurée ; mais dans tous les cas, le fourrage a peu de qualité, parce que les plantes se sont épuisées à produire les deux premières coupes ; dès-lors l’herbe a peu de principes combinés, elle n’est qu’aqueuse ; aussi l’animal consomme journellement deux fois autant de fourrage qu’il en consommeroit de la première coupe ; son estomac est plutôt lesté que nourri. À proprement parler, le regain n’est utile qu’autant qu’on le mêle avec la paille de froment ; cette mixture sert a nourrir les animaux de labourage pendant l’hiver, temps auquel ils travaillent peu, & elle est la nourriture habituelle des vaches ; seule elle ne suffiroit pas aux uns & aux autres ; si on veut entretenir leur embonpoint, on doit y ajouter des herbages frais, tels que les raves, navets, carottes, pommes de terre, &c.

N’est-il pas absurde de sacrifier d’excellentes prairies à la vaine pâture lorsque la première herbe est coupée, puisque l’on sait aujourd’hui qu’un bœuf, qu’une vache gâtent dans un jour, par leur piétinement, plus de fourrage qu’ils n’en consommeroient pendant huit jours. C’est la coutume, c’est, vous dit-on, le privilège du pays. C’est l’homme riche qui a un très-grand nombre de bêtes à cornes ; le pauvre n’est pas exclus de droit, mais il l’est de fait, puisqu’il n’est pas assez opulent pour avoir du bétail. Admettons qu’il en ait ; le point de la question est de savoir si le produit de la seconde & de la troisième coupe ne nourriroit pas & amplement, le double & le triple de bêtes que n’en nourrit maigrement ce vain parcours ; la solution du problème est donnée dans l’article Communes, Communaux. Si le gouvernement veut en favoriser la destruction, à coup sûr il trouvera de grands obstacles de la part des gens riches, tandis que la piété de nos ancêtres n’ont cédé leurs terrains que dans la vue de secourir les pauvres. Le vain parcours doit, en bonne administration, être détruit, comme contraire au droit de propriété, & tout communau être partagé par égale portion, suivant la quantité de feux qui y ont droit,