Cours d’agriculture (Rozier)/PISSEMENT DE SANG

Hôtel Serpente (Tome septièmep. 738-741).


PISSEMENT DE SANG. Médecine Rurale. Évacuation de sang par le canal de l’urètre.

Le pissement de sang est essentiel ou symptomatique. Il est essentiel quand le siége est dans les reins ou dans les uretères, ou dans la vessie : il est au contraire symptomatique lorsqu’il est subordonné ou qu’il dépend de quelque autre maladie.

Il peut reconnoître pour cause un calcul ou une pierre dans les reins, une érosion ou un ulcère dans la vessie ; il peut aussi dépendre de la pléthore, d’une effervescence dans le sang. Des chutes, des coups violens, un exercice à cheval trop long-temps soutenu, l’âcreté du sang, la dissolution des humeurs, une forte prise des mouches cantharides ; l’excès dans les plaisirs de l’amour, un régime échauffant, l’usage du café & des liqueurs spiritueuses peuvent lui donner naissance.

Il est quelquefois produit par des rugosités, des excroissances fongueuses dans l’urètre & dans la vessie, ainsi que par la suppression des lochies, des mois & du flux hémorroïdal. On reconnoît que la cause qui l’excite est dans les reins, à la quantité de sang qui est presque toujours pur & vermeil, que le malade évacue tout-à-coup, sans douleur & sans interruption ; mais s’il est en petite quantité, s’il est noir, & s’il est rendu avec un sentiment de chaleur & de douleur dans la partie inférieure du bas-ventre, alors il vient de la vessie. Les vieillards sont fort sujet à cette maladie : elle est pour l’ordinaire exempte de danger quand elle dépend de tout autre cause que la présence d’un calcul, ou d’une pierre, ou d’un ulcères dans les reins & les autres voies urinaires. Il est aisé de reconnoître l’existence de l’ulcère, par les urines qui sont toujours purulentes quand il a lieu.

Cette maladie est pour l’ordinaire sans fièvre ; elle est d’un grand soulagement pour les vieillards qui sont habitués au flux hémorroïdal ; il tient lieu des règles aux femmes qui sont d’un tempérament sanguin, & qui sont parvenues au retour de l’âge.

Les jeunes gens qui sont naturellement vifs, ardens & fougueux, n’en sont point à l’abri. Il est toujours moins à craindre lorsqu’il a des retours périodiques, mais c’est un symptôme redoutable dans la petite vérole, la rougeole & dans les fièvre malignes. Le pissement de sang qui a pour cause une pierre dans la vessie, exige l’opération de la taille ; tous les autres remèdes ne font que prolonger les douleurs aux malades.

La saignée sera employée avec succès, s’il dépend de la pléthore ou d’une cause inflammatoire ; on ouvrira la veine du pied, s’il est occasionné par la suppression des mois, & on appliquera des sangsues à l’anus, s’il dépend de la suppression du flux hémorroïdal.

On lâchera le ventre par des émollients, par des purgatifs acidules qui ne puissent produire aucune irritation. On combattra par l’usage du quinquina & des acides, le pissement du sang qui est occasionné par la dissolution des humeurs.

Lorsqu’on a lieu de soupçonner, dit Buchan, dans sa Médecine domestique, un ulcère dans les reins ou dans la vessie, il faut mettre le malade à une diète rafraîchissante, à des boissons adoucissantes, in crassantes & balsamiques ; telles sont les décoctions de guimauve avec la réglisse, la dissolution de gomme arabique.

Lieutaud recommande beaucoup l’usage de l’aigremoine dans le pissement de sang & l’ulcère des reins : il la regarde comme un très-bon vulnéraire & puissant détersif ainsi que la grande consoude.

C’est par l’administration déplacée des cordiaux dans un cas de rétrocession des pustules de petite vérole, que M. Baumes a vu survenir un pissement de sang qui fut bientôt suivi de la mort.

On doit être fort circonspect sur l’usage des astringens ; si on les prescrit de trop bonne heure, ils peuvent produire les plus grands maux.

Ce n’est que dans des cas urgens, & où il y a du danger dans la demeure, qu’il faut y avoir recours ; encore faut-il commencer par les plus doux, & passer successivement à de plus énergiques, si les premiers n’ont produit aucun bon effet. On les donnera intérieurement, & extérieurement on pourra appliquer sur la région des lombes des serviettes trempées dans parties égales d’eau froide & de vinaigre. M. AMI.

Pissement De Sang, Médecine vétérinaire. On donne Ce nom à une évacuation de sang par le canal de l’urètre, qu’il vienne des vaisseaux des reins ou de ceux de la vessie ; qu’il soit occasionné, ou par une trop forte distension de ces vaisseaux, ou parce qu’ils sont trop corrodés.

Le pissement de sang est plus ou moins dangereux, selon la quantité de sang que l’animal perd, & selon les autres circonstances qui l’accompagnent.

On reconnoît que le sang vient des reins, quand il est pur, & qu’il coule tout à coup, sans interruption & sans que l’animal paroisse éprouver de la douleur ; mais s’il est en petite quantité, s’il est noir, si les symptômes qui accompagnent cette évacuation annoncent un sentiment de chaleur contre nature & de douleur dans la partie inférieure du ventre, ce que le médecin vétérinaire reconnoîtra, en appliquant la main le long du bord antérieur des os pubis, alors il vient de la vessie.

Symptômes du pissement de sang. Lorsque le pissement de sang est occasionné par une petite pierre raboteuse qui, tombant des reins dans la vessie, déchire les urétères, il est accompagné de vives douleurs, & de difficulté d’uriner ; mais si les membranes de la vessie sont déchirées par une pierre, & qu’il en résulte le pissement de sang, le malade ressent alors des douleurs plus aiguës, précédées d’une suppression d’urine.

Causes du pissement de sang. Outre les causes dont il est fait mention ci-dessus, le pissement de sang peut encore être occasionné par des chutes, des coups, des efforts, pour avoir porté ou traîné des fardeaux trop pesans, ou tout autre mouvement violent. Il peut être également dû à des ulcères ou à des érosions dans la vessie, à une pierre logée dans les reins, à des purgatifs violens, à des remèdes diurétiques trop irritans.

Les animaux qui y sont les plus exposés, sont ceux qui quittent le pays qui les a vu naître, étant encore jeunes, pour habiter un climat contraire à leur constitution naturelle ; ceux qui sont échauffés ou qui ont des embarras au foie, ont souvent des urines ardentes, colorées ou sanguinolentes. Les fièvres intermittentes, certains fourrages &c. produisent le même effet. Les taureaux qui ont trop d’ardeur, ceux qui ne peuvent appercevoir des bœufs sans les attaquer, & se battre avec excès, &c. sont très-sujets à rendre du sang par le canal de l’uretère.

Le pissement de sang est le plus souvent dangereux, sur-tout quand le sang est mélangé de matières purulentes ; ce qui annonce un ulcère dans les voies urinaires. Quelquefois il est dû à une surabondance de sang ; alors on doit plutôt le regarder comme une évacuation salutaire que comme une maladie ; cependant, si dans ce même cas l’hémorrhagie est considérable, elle peut épuiser les forces de l’animal, & occasionner une hydropisie dans toute l’habitude du corps, ou la pulmonie, connue dans toute la Franche-Comté, sous le nom de murie molle,. &c.

On doit toujours craindre les suites du pissement de sang ; mais le danger est rarement imminent, surtout lorsqu’il n’est pas accompagné de la fièvre. Il termine quelquefois les fièvres inflammatoires, mais c’est un symptôme redoutable dans les péripneumonies ardentes & malignes. Il est moins à craindre, lorsqu’il a des retours périodiques ; lorsqu’il succède à un travail violent ou à toute autre cause passagère, pourvu qu’il ne dure pas trop long-temps ; car la partie affectée est alors menacée d’un ulcère.

Traitement du pissement de sang. Il doit être varié selon les causes différentes dont il procède. S’il est occasionné par une pierre fixée dans la vessie, la guérison dépend de l’opération de la taille.

S’il est accompagné de pléthore & de symptômes d’inflammation, la saignée devient nécessaire.

Il faut lâcher le ventre par des lavemens émolliens, ou par des purgatifs rafraîchissans. Tels sont, la crème de tartre, la rhubarbe, la manne, dans des décoctions de graine de lin ou de petites doses d’électuaire lénitif.

Si le pissement de sang est occasionné par un sang dissous, il est ordinairement le symptôme d’une maladie d’un mauvais caractère comme d’une péripneumonie putride, maligne, &c. Dans ce cas, la vie de l’animal dépend de l’usage abondant du quinquina & des acides, comme nous l’avons déjà conseillé dans les articles péripneumonie putride, maligne, &c.

Si on a lieu de soupçonner un ulcère dans les reins ou dans la vessie[1], il faut mettre l’animal à une diète rafraîchissante, à des boissons de nature adoucissante, incrassante & balsamique : telles sont les décodions de graine de lin, de racine de guimauve, avec la réglisse, les dissolutions de gomme arabique, &c. qu’on préparera de la manière suivante :

Prenez de racine de guimauve, six onces ; de réglisse, demi-once ; faites bouillir dans cinq pintes d’eau jusqu’à réduction de moitié ; passez ; faites fondre dans cette décoction, de gomme arabique, quatre onces ; de nitre purifié, une once ; on en donnera une demi-bouteille, quatre ou cinq fois par jour.

L’usage précipité des remèdes astringens a souvent eu, dans cette maladie, des suites funestes ; car si le sang est arrêté trop promptement, les caillots retenus dans les vaisseaux, peuvent produire des inflammations, des abcès, des ulcères, &c. Cependant, si le cas devient pressant, si l’animal paroît souffrir de cette évacuation, il est nécessaire d’en venir à des astringens doux. On donnera donc à l’animal atteint du pissement de sang, trois fois par jour, dix à douze onces d’eau de chaux, avec une demi-once de teinture de quinquina.

On appliquera sur les reins des linges trempés dans de l’oxicrat froid, ou de l’eau commune froide.

Pour prévenir le pissement de sang dans les animaux qui y sont sujets, ils seront conduits avec sagesse, soit par le régime, soit par le travail qu’on exigera d’eux, & on les fera saigner de temps en temps, si le pissement de sang est dû à la pléthore. M. BRA.


  1. Il est assez difficile de s’assurer de l’existence de cet ulcère, les urines bourbeuses, purulentes & fétides, n’en sont pas toujours un signe certain, parce que le pus qui est formé dans d’autres viscères, le porte quelquefois vers les voies urinaires ; d’ailleurs, il n’est pas toujours aisé de décider si cette matière blanche & opaque que l’urine dépose, & que l’on prend communément pour du pus, en a véritablement le caractère. On est tous les jours exposé à y être trompé dans la pratique. Cependant, si la cause du pissement de sang a été une pierre dans les reins ou dans la vessie, & que les urines soient purulentes & fétides, on est fondé à suspecter un ulcère dans ces parties, comme suite des excoriations auxquelles elle donne souvent lieu. On a encore droit de le soupçonner si la maladie est l’effet de quelques substances corrosives, & il ne sera plus permis d’en douter, si, après avoir laissé reposer l’urine suspecte, & avoir battu dans de l’eau chaude le sédiment qu’elle a déposé, il se mêle intimement avec l’eau & la blanchit.