Cours d’agriculture (Rozier)/PÉRIPNEUMONIE

Hôtel Serpente (Tome septièmep. 564-591).


PÉRIPNEUMONIE, Médecine Rurale. Maladie inflammatoire qui attaque directement le poumon. Comme différentes matières peuvent engorger ce viscère, on a divisé la péripneumonie en trois espèces. On a appelé péripneumonie vraie, légitime, & essentielle, celle qui a pour cause l’inflammation de la substance même du poumon ; péripneumonie fausse ou bâtarde, celle qui est produite par une matière pituiteuse, & visqueuse qui embourbe & obstrue les vaisseaux du poumon ; péripneumonie catarrale, celle qui dépend d’une fonte d’humeurs âcres dans les poumons.

La péripneumonie vraie ou essentielle, a toujours pour signes certains la difficulté de respirer & une forte oppression de poitrine. La fièvre est aiguë & continue, le pouls qui est fréquent, & dur dans le premier temps, devient mollet, inégal & intermittent lorsque la maladie a fait quelques progrès. La douleur gravative que les malades ressentent vers le milieu de la poitrine, devient plus aiguë, dans l’inspiration. La rougeur des joues, le souffla brûlant des malades, & les fréquentes palpitations de cœur sont encore de vrais symptômes de cette maladie : la toux est par fois sèche & souvent accompagnée de crachats sanguins. La chaleur, est quelquefois si forte, que les malades se croyent enflammés, & ne cessent de demander à boire pour étancher la soif qui les tourmente.

Les personnes jeunes & robustes, les pléthoriques, ceux qui s’adonnent à l’usage des liqueurs fortes & spiritueuses, & dont le sang est visqueux, qui se nourrissent d’aliments salés épicés & de haut-goût, qui se livrent à des exercices très-forts, qui boivent ; de l’eau fraîche immédiatement après, & qui naturellement ont la poitrine foible & mal conformée, sont très exposés à cette maladie.

La péripneumonie fausse ou bâtarde n’attaque guères que les vieillards les personnes infirmes, & celles qui sont d’un tempérament phlegmatique & on ne l’observe jamais en été, mais, seulement en hiver & pendant les temps humides.

Elle s’annonce par dès alternatives de froid, de chaud, & des frissons autour des épaules. Le pouls est ordinairement petit & foible, quoique fréquent. Les malades se plaignent d’une pesanteur à la poitrine, avec une difficulté de respirer qui est quelquefois accompagnée d’une douleur de tête, & quelquefois de vertiges. Pour l’ordinaire les urines qu’ils rendent sont pâles, & peu cuites, & les crachats sont blanchâtres, visqueux & écumeux ; rarement ils sont teints de sang.

Le pronostic de la péripneumonie vraie est des plus fâcheux. La suppression des crachats jointe à l’oppression, au crachement de sang épais, bourbeux, noir & livide, est toujours d’un présage funeste. Elle dénote un grand embarras du poumon, & un resserrement des vaisseaux avec une grande acrimonie dans les humeurs.

Si le pus sort par le dévoiement, si l’urine est épaisse, claire, la toux sèche, les éternuemens fréquens, si le pouls manque, si les extrémités du corps sont froides, pendant que la poitrine, la tête, ou le cou conservent une ardeur brûlante, ce sont autant de signes avant-coureurs d’une mort prochaine : la fausse péripneumonie a le plus souvent une terminaison fâcheuse, quand les symptômes dont nous avons donné l’énumération, sont suivis du râle & d’une grande foiblesse.

La péripneumonie fausse est exactement la même que celle que nous avons appelée catarrale. Celle-ci est une vraie fluxion catarrale compliquée d’inflammation de poitrine, qui se manifeste sur-tout au printemps & dans l’automme. Pour l’ordinaire on n’y observe point de fièvre ; nous nous contenterons de faire observer que la saignée doit y être ménagée, mais que les vésicatoires y sont plus avantageux que dans la vraie péripneumonie. On peut donner avec avantage les émétiques doux, les lavemens & les purgatifs doux ; mais ils sont subordonnés à tant de circonstances & de contrindications, qu’on peut rarement s’en permettre l’usage, & qu’il semble que Boerhave & Sydenham en aient abusé. On peut, pour hâter la résolution de cette fausse péripneumonie, employer des incisifs, des expectorans actifs & excitans, tels que le kermès minéral, l’oximel, l’ipécacuana combiné avec la gomme ammoniac & le miel. Les fleurs de benjoin, le lierre terrestre, les feuilles dé beccabunga & d’hysope sont des expectorans assez énergiques peur produire le plus heureux effet. Baglivi conseille dans ce cas l’usage des alcalis volatils, & la teinture spiritueuse d’bypéricum qui a une propriété singulière dans cette maladie.

La péripneumonie vraie se guérit par une résolution bénigne ; par expectoration & autres évacuations par lequel les la nature chasse le résidu de la coction qu’elle a opérée relativement aux humeurs qui se sont jetées sur les poumons enflammés ; par des expectorans, des diurétiques & des purgatifs. Mais pour porter la nature à opérer toutes ces crises, il faut commencer par diminuer & combattre l’inflammation. La saignée est le moyen le plus prompt & le plus efficace. Triller veut qu’on rende cette évacuation copieuse dans le commencement. C’est ainsi qu’on résout cette maladie dans peu de temps ; mais il faut prendre garde de ne pas abattre les forces de la nature, jusqu’à procurer des défaillances. Cependant il peut arriver que l’inflammation soit portée à un degré extrême, alors il peut être très-utile d’ouvrir les deux veines du bras à la fois, comme l’a pratiqué Huxham. En général, on doit beaucoup plus saigner les gens robustes que les personnes énervées ; mais pour ne pas commettre de faute grave dans ce genre, il faut observer l’effet qu’ont produit les premières ou dernières saignées, & si elles ruinent les forces, causent des défaillances & attirent le froid aux extrémités, on doit s’abstenir de les répéter.

On répétera la saignée dans les premiers jours de la fluxion, si l’inflammation se renouvelle ; la présence de las couenne inflammatoire ne doit pas toujours engager à la répéter, parce que cette considération mèneroit trop loin. Il ne faut pas tomber dans un excès contraire, mais s’en tenir à un certaim milieu, sans perdre jamais de vue les forces & la vigueur du malade, son âge, son tempérament, l’état de son pouls, celui de sa respiration, & la constitution de l’air. C’est d’après ces principes que Sydenham se conduisoit dans les maladies épidémiques. Dans les épidémies avec indice de dissolution du sang & des humeurs, la saignée seroit nuisible.

On voit des péripneumonies catarrales qui se dissipent en peu de jours, si on saigne suffisamment, ou qui se changent en péripneumonie inflammatoire, si on n’a pas recours à ce moyen ; d’autres, au contraire, où la saignée, bien loin d’être utile, produit, des maux funestes.

Tissot fit saigner un homme qui crachoit peu, mais dont les crachats étoient mêlés de beaucoup de sang, avec des symptômes de péripneumonie dangereuse, & réussit très-bien. Il ajoute que si la fièvre dure, que si le malade crache peu ou point du tout, il faut le saigner, fût-il au dixième jour de sa maladie. Cette méthode, quoiqu’elle ait eu du succès, est néanmoins suspecte, & peut être même très-nuisible en empêchant la coction qu’on voudroit favoriser. Prosper Martian veut qu’on s’abstienne de cette évacuation, non-seulement quand il y a des signes de coction, mais encore quand les crachats ont souffert une transmutation manifeste quelconque. Il observe fort bien que la coction entière des crachats, annonce que la fluxion inflammatoire est venue à son état, qu’on dérangeroit les mouvemens de la nature, qu’on agiteroit les humeurs, qu’on renouvelleroit la fluxion & que les crachats seroient supprimés.

L’expectoration est l’excrétion la plus ordinaire & celle que la nature, affecte le plus généralement. Il ne faut pourtant pas trop vouloir la forcer lorsque la nature ne veut pas s’y soumettre. Et quoiqu’elle soit en général très-avantageuse, elle n’est pas toujours critique. Piquer a fort bien observé qu’elle est quelquefois symptomatique ou colliquative, alors sans doute on pourra l’arrêter sans danger. On doit au contraire la soutenir, & se donner bien de garde de l’intercepter par la saignée & autres remèdes, si elle a un caractère vraiment critique. Et j’ose avancer que si on s’abstenoit plus rigoureusement de la saignée, lorsque les crachats sont bien mûrs, on ne verroit pas autant de malades périr hydropiques, ou de phthysie, ou de suffocation. Morgagni se plaint très-vivement de l’abus des saignées, qu’il regarde comme les causes les plus fréquentes de la suppression de l’expectoration, on ne peut pas désavouer qu’elles sont quelquefois rétablie dans des péripneumonies très-avancées.

La saignée est le meilleur moyen qu’on puisse employer pour rappeler l’expectoration, sur-tout lorsque sa suppression a été subite, qu’il y a râle & foiblesse : il est même utile de la réitérer pour obvier aux exacerbations du mode inflammatoire. Quelquefois elle est la seule & unique ressource.

Les boissons tièdes, nitrées, béchiques & pectorales, sont d’une utilité singulière dans cette maladie. Le nitre donné à grande dose, convient mieux que les acides, à cause de L’augmentation de la toux que ceux-ci peuvent exciter. L’oximel scillitique & le kermès minéral, sont les deux expectorons les plus appropries. Il est plus prudent de réserver l’oximel ainsi que bien d’autres puissans incisifs, pour la fin de la maladie où l’obstruction qui peut encore subsister en plus pente partie, demande des remèdes plus forts & plus énergiques. Quand il ne soulage point, & que les crachats ne peuvent point sortir, parce qu’ils sont trop visqueux ou trop tenaces, le kermès minéral donné seul avec du sucre en poudre, ou sous forme de lok avec le sirop de lierre terrestre, à la dose d’un, de deux ou même de trois grains, le remplace efficacement, rélève les forces abattues & rend l’expectoration plus aisée. La gomme ammoniac, l’huile de lin, d’amande, le blanc de baleine, l’infusion d’hysope agissent aussi d’une manière avantageuse. Aussi sont-ils adoptés en pratique.

On doit encore observer que, si à mesure que l’expectoration augmente, les symptômes diminuent ; si elle est insuffisante, & que l’état du malade ne soit point amélioré, il ne faut pas avoir pour elle des égards trop superstitieux. Quelquefois la nature prend d’autres routes & choisit une autre excrétion qui doit fixer toute l’attention du médecin. Meibonius a vu cette maladie se terminer par un cours de ventre qui subsista depuis le commencement jusqu’à la fin : ayant observé que ce flux étoit salutaire, il aida la nature dans ses mouvemens par l’usage habituel des lavemens ; & il ne fut point trompé dans son attente.

Il s’établit quelquefois un cours de ventre avec turgescence dans le commencement de la péripneumonie avec expectoration lente, c’est alors qu’il faut examiner le changement qui arrive : s’il apporte du soulagement, on l’aidera par des laxatif, tels que la décoction de casse, le petit lait avec la limonade. Souvent la diarrhée n’accompagne pas la maladie, mais elle se perpétue quelquefois, quand les autres symptômes sont presque passés, ou ont paru céder ; il se fait une évacuation de matière viciée, pituiteuse, pour laquelle on donne avec succès des purgatifs doux.

Lorsqu’on prévoit que la solution se fera par les urines, ce qui s’annonce par une affection soporeuse & l’intermittence du pouls, on donnera des boissons nitrées ; mais il ne faut pas confondre ces excrétions salutaires avec celles qui sont symptomatiques colliquatives. C’est ainsi qu’une diarrhée colliquative qui surviendroit à la péripneumonie, seroit encore rendue plus funeste par ce traitement. Il faudroit employer des narcotiques, tels que le sirop de diacode dans une décoction de coquelicot, d’althea ; & s’il ne suffit pas, le laudanum liquide à forte dose. L’extrait de quinquina produit ici de bons effets.

Les boissons les plus appropriées sont les décoctions d’orge, de poulet, de petit-lait & l’hydrogala. On soutiendra les forces du malade par les crèmes de ris, d’orge, d’avenat, de sagou ; cette nourriture favorise l’expectoration, rend le danger de suffocation moins pressant.

Les anciens appliquoient des ventouses sur l’endroit affecté, parce qu’ils avoient observé que les parties auxquelles la douleur répondoit, étoient le plus souvent attaquées par la gangrène, qu’elles perdoient plutôt le ton dans ces terminaisons funestes, qu’il falloit en réveiller la vie & la sensibilité. Pringle, conseille l’application des vésicatoires sur l’endroit de la douleur. Ils produisent toujours de bons effets en évacuant une quantité d’humeurs âcres & corrosives, en excitant le suintement d’une humeur purulente & d’autres évacuations, telles que des sueurs abondantes ou un flux d’urine.

Vallesius a guéri une infinité de péripneumonies par le seul secours des sueurs, sans qu’il y eût expectoration. Cependant les sudorifiques ne sauroient convenir dans le commencement où il y a un excès de violence, d’inflammation sourde, une tension considérable, & où l’affection dominante ne présente aucune indication de résoudre, indication qui paroît sur la fin, où la matière est plus susceptible des mouvemens heureux que les sudorifiques opèrent. Ce n’est que lorsque la maladie vient de suppression de transpiration, qu’on peut en prescrire l’usage dans le principe. C’est ainsi que les paysans qui sont fort sujets à cette cause, se guérissent par l’usage du vin chaud ou de l’eau de vie. Il faut donc ne les employer qu’au déclin, & ne les donner de bonne heure qu’autant qu’ils sont adaptés à quel qu’autre élément du mode inflammatoire. Ainsi, le vin ne conviendroit point au commencement ; mais on pourroit donner souvent avec avantage le camphre corrigé avec le nitre.

Enfin, on s’abstiendra de donner des purgatifs dans le commencement de la péripneumonie, & sur-tout pendant l’expectoration. Pour l’ordinaire, ils produisent les plus grands ravages en supprimant cette évacuation. Ils ne peuvent & ne doivent être administrés que sur la fin, lorsqu’il faut évacuer une saburre qui infecte l’estomac & le reste des premiers voies.


Péripneumonie, Médecine vétérinaire. Les animaux, ainsi que les hommes, sont sujets à cette maladie ; elle est fréquemment épizootique ; elle fait les plus grand ravages sur les bêtes à cornes de la Franche-Comté où on la connoît sous le nom de Murie.

Pour rendre plus intelligible ce que l’on va dire sur la péripneumonie & sur ses différentes espèces, il est à propos de donner une description courte & précise des principales parties qui constituent le poumon dont l’un ou l’autre lobe, & quelquefois les deux ensemble, sont le siège des diverses espèces de péripneumonie. On divisera cette description en sept Sections.


Section Première. Du poumon en général.
Sect. II. De la trachée-artère & des bronches.
Sect. III. De l’artère & des veines pulmonaires.
Sect. IV. De l’artère & des veines bronchiales.
Sect. V. Des filamens nerveux.
Sect. VI. Des vaisseaux lymphatiques.
Sect. VII. De la respiration & de ses usages.


Section Première.

Du poumon en général, de sa situation & des parties qui entrent dans sa structure.

Le poumon forme un viscère très volumineux, il est partagé en deux parties, dont l’une occupe la droite & l’autre la gauche de la cavité de la poitrine ; elles sont séparées par le médiastin. Il n’est personne qui n’ait une idée de ce viscère ; parce qu’il n’est personne qui ne connoisse le mou de veau qui n’est autre chose que le poumon de veau. Chacune de ces parties est connue sous le nom, l’une de lobe droit, & l’autre de lobe gauche, situés chacun dans l’un des sacs coniques, terminés par l’adossement des deux plèvres, qui en descendant dans le milieu du thorax, forment la cloison médiastine. Les parties qui entrent dans la structure du poumon, doivent être envisagées comme un tissu de vaisseaux de toute espèce, dont les ramifications & les subdivisions innombrables sont soutenues par un tissu cellulaire ; les fibres extrêmement déliées de ce même tissu, étant lâchement arrangées & disposées dans les intervalles que laissent entr’eux tous ces vaisseaux.


Section II.

De la trachée-artère & des bronches.

Les bronches sont formées par les divisions & les ramifications d’un canal connu sous le nom de trachée artère, qui prend son origine à la base de la langue, dont l’ouverture est tellement disposée, qu’elle ne peut permettre qu’à l’air d’y entrer. Ce canal descend dans la poitrine, où il se partage en deux branches principales, qui pénètrent dans chaque lobe du poumon, dans lesquels elles se divisent & se ramifient au point de former elles seules la plus grande partie de ce viscère : ces divisions s’appellent bronches : elles se terminent par de petites vésicules arrangées en grappes. Ces petites vésicules sont liées entr’elles par un tissu inter vésiculaire, doué d’une propriété élastique.


Section III.

De l’artère & des veines pulmonaires.

L’artère pulmonaire sort du ventricule droit ou antérieur, elle parcourt le tissu du poumon où elle se divise & subdivise à l’infini, s’anastomosant avec les ramifications de la veine du même nom, dans lesquelles ses subdivisions artérielles transmettent le sang dont elles sont chargées, pour que les ramifications des veines pulmonaires le transportent dans leurs subdivisions, & celles-ci dans les deux grosses branches qui s’ouvrent dans le réservoir ou l’oreillette gauche ou postérieure du cœur,


Section IV.

De l’artère & des veines bronchiales.

L’artère bronchiale émane de l’aorte postérieure, par deux branches qui se jettent & qui se ramifient ensuite dans chaque lobe du poumon, quelques-unes de ces ramifications, s’anastomosent avec les vaisseaux pulmonaires ; enfin, les veines bronchiales réunies le plus souvent en un seul rameau, se dégorgent dans la veine azygos.

Section V.

Des filamens nerveux.

Les filamens nerveux proviennent du plexus pulmonaire, ils communiquent dans leur trajet avec le plexus cardiaque, & se répandent dans le poumon.


Section VI.

Des vaisseaux lymphatiques

Les vaisseaux lymphatique se montrent très-distinctement dans le poumon du cheval & du bœuf, entre la tunique & la substance de cet organe ; leur marche n’est point uniforme ; mais quelques-uns d’entr’eux peuvent être que quelquefois suivis jusqu’au canal torachique.

Tous ces vaisseaux, dès leur entrée dans la substance pulmonaire, sont aussiôt accompagnés par les bronches, en sorte que les uns & les autres de ces canaux, qu’on peut comprendre sous la seule dénomination de canaux aéréo-sanguiferes, contenus dans une seule & même enveloppe, cheminent ensemble & parallèlement. Dans leur trajet, ils se bornent à l’endroit où se fait la terminaison des bronches, & là, ces mêmes vaisseaux sanguins se repliant, se réfléchissant & rampant autour des extrémités des tuyaux préposés à l’admission de l’air, ils en recouvrent la superficie, ils s’étendent dans les interstices, dans les intervalles que laissent entr’elles ces mêmes extrémités, & ils se répandent dans toutes les cellules qui occupent ces espaces.


Section VII.

De la respiration & de ses usages.

La respiration est une opération de la nature qui s’exécute par deux mouvemens contraires ; par l’inspiration & par l’expiration. L’inspiration est la réception de l’air dans les poumons, l’expiration est l’expulsion de ce même air hors des mêmes poumons. Le sang que l’artère pulmonaire porte dans les poumons, ne peut y pénétrer que dans le temps de l’inspiration parce que dans l’expiration les poumons s’affaissent sur eux-mêmes, de manière que le sang ne peut les traverser, & c’est vainement qu’on voudroit en remplir les canaux par l’artère pulmonaire avec une liqueur préparée & injectée, si l’on ne souffle dans les rameaux bronchiques, les vaisseaux sanguins n’en recevront que peu, & souvent pas la moindre partie ; ce est donc principalement que dans l’inspiration que les vaisseaux artériels & veineux, ayant acquis un plus grand diamètre, opposent moins d’obstacle au fluide lancé par le ventricule, & lui ouvrent un passage au moyen duquel il peut parcourir le chemin qu’il doit suivre ; mais comment l’expansion des rameaux bronchiques favorise-t-elle son admission ? Les canaux sanguins rampent sur ces rameaux & sur les vésicules par lesquelles-ils se terminent ; ils s’y divisent en une si grande quantité de rameaux, & la multitude de ces vésicules est telle qu’elle semble nous annoncer le dessein qu’a eu la nature de multiplier à l’infini ces mêmes ramifications ; à mesure que les bronches grossissent les espaces celluleux s’élargissent proportionnellement ; les parois des canaux sanguins cessent donc d’être comprimées & retirées sur elles mêmes, & ces tuyaux pouvant dès lors se dilater & s’alonger sans peine, se prêtent à l’abord du fluide qui leur est envoyé, lui présentent un nouveau jour pour sa marche, & en rendent la progression aisée.

Des uns & des autres de ces effets résulte la preuve de ceux de la respiration en général, sur la masse sanguine. Le suc exprimé des alimens entre dans les vaisseaux sanguins, muni de toutes les propriétés des matières dont il émane, & de celles qu’il emprunte encore des matières avec lesquelles il s’est allié dans l’estomac & dans les intestins ; d’abord il est porté dans le cœur où il n’est point élaboré de manière à recevoir des changemens ; mais de là il est envoyé dans les poumons ; il est disposé par ces agens à s’assimiler aux fluides & aux solides de la machine, & à pénétrer dans toutes les parties qu’il doit abreuver. L’action seule des artères ne suffiroit pas à cet effet ; ces vaisseaux ont besoin de secours, & ils le trouvent dans l’air qui les agite, qui alonge, qui les presse, qui sasse & qui resasse ; or, comme dans la respiration, les ramifications aériennes, les vésicules & les espaces celluleux augmentent & diminuent toujours alternativement, selon que l’animal inspire & expire, & que la chaleur donne encore continuellement plus de ressort à l’air qui est en repos après l’inspiration ou l’expiration ; il s’en suit que les canaux sanguins dans lesquels les plis tiennent lieu des contours que font les canaux qui se distribuent dans les autres parties sujettes à quelques expansions, ne sont jamais pendant deux instans successifs, pressés également & dans le même sens, & par conséquent toutes les liqueurs qui coulent dans ce viscère avec une singulière promptitude, y sont réciproquement comprimées, fouettées & abandonnées à elles-mêmes, dissoutes, broyées & atténuées de façon que le sang n’est, pour ainsi dire, plus le même, lorsqu’il parvient au ventricule dans lequel les veines le déposent.

Les poumons sont donc le principal organe de la sanguification ; ils rendent méables les parties des alimens ; ils broyent, ils changent les molécules chylieuses, ils les condensent ; ils les affinent tellement dans leur passage au travers des filières ténues des petites artères, qu’ils les rendent propres à enfiler les tuyaux les plus fins ; ils préviennent ainsi les obstructions qui sans cette préparation arriveroient inévitablement dans les capillaires, & le fluide élaboré de cette manière acquiert enfin la faculté de réparer les pertes que fait à chaque moment l’animal.

La respiration a encore plusieurs avantages accessoires ; dans l’expiration elle exhale quelque chose de nuisible au sang, puisque cette vapeur retenue dans l’air, est suffoquante. Elle sert encore à comprimer constamment l’abdomen & ses viscères ; elle évacue l’estomac, les intestins, la vésicule du fiel, le réservoir du chyle, la vessie urinaire, l’intestin rectum, la matrice ; elle brise les alimens & pousse le sang dans le foie, dans la rate & dans le mésentère. L’inspiration attire les particules odorantes de l’air, elle le charie & le mêle avec les alimens, ce qui ne concourt pas peu à les rompre & à les dissoudre. Le poulain ou le veau qui viennent de naître, ne peuvent teter qu’en inspirant & en préparant par ce moyen, un espace plus grand dans leur bouche, dans laquelle l’air qui y est renfermé, se raréfie, de sorte que l’effort de l’air extérieur pousse le lait dans la bouche où il trouve moins de résistance. Enfin, le hennissement du poulain, le mugissement du veau, &c. se forment au moyen de l’air. Telle est l’idée que l’on doit avoir des principales parties qui constituent les lobes du poumon lorsqu’on veut s’appliquer à acquérir une véritable connoissance des diverses espèces de péripneumonies qui peuvent l’affecter..


Section Première.

Des diverses espèces de péri pneumonies, ou inflammation des lobes du poumon.

Article Premier.

De la péripneumonie vraie, ou fluxion de poitrine.

La péripneumonie vraie qui attaque les bœufs, (connue en Franche-Comté sous le nom de mûrie) doit son origine à la trop grande quantité de sang & à l’engorgement plus ou moins prompt de l’artère bronchiale ou de l’artère pulmonaire ; ce qui donne lieu de distinguer deux espèces de péripneumonie vraie, ou deux espèces de mûrie inflammatoire. Celle qui a son siège dans l’artère pulmonaire est la plus dangereuse, parce que le sang venant a y séjourner, il gêne considérablement le passage de celui qui vient à chaque pulsation du ventricule droit dans l’artère pulmonaire, & de là dans les lobes du poumon, d’où il doit retourner dans le ventricule gauche ; ce qui met à chaque instant, la vie du bœuf ou du cheval qui en sont atteints, dans un danger imminent. La péripneumonie qui a son foyer dans l’artère bronhiale, quoique moins dangereuse, que la précédente, peut donner la mort aux animaux qui en sont attaqués, toutes les fois que cette espèce, de péripneumonie vraie ne prend pas la voie d’une résolution douce & bénigne ; car toutes les autres terminaisons de l’inflammation des lobes du poumon ; savoir, la suppuration, la gangrène & le squirre, sont mortelles, ou laissent du moins après elles des maladies chroniques très-opiniâtres. Ces deux espèces de mûrie ou de péripneumonie vraie, ont donc chacune un siège particulier ; cependant elles peuvent avoir lieu en même temps ; parce que non-seulement les deux artères sont par-tout très-voisines ; mais elles, l’unissent souvent par de fréquentes anastomoses.


Article II.

Des causes de ces deux espèces de péripneumonie vraie, ou fluxion de poitrine.

Les causes qui peuvent donner naissance à ces deux sortes de mûrie ou, de péripneumonie inflammatoire, sont un air trop humide trop sec, trop chaud, trop froid, trop grossier, un air chargé d’exhalaisons caustiques, astringentes, coagulantes, un chyle formé de fourrages de mauvaise qualité, un travail excessif, &c. toutes ces causes peuvent produire ces deux espèces de péri pneumonies vraies..

En effet fi l’air que les bestiaux respirent dans leurs étables ou dans les parcours, est trop humide, il affoiblira les fibres des vaisseaux du poumon, ils opposeront moins de résistance à l’impulsion des liqueurs ; il sera à craindre que les vaisseaux trop relâchés, ne donnent entrée à un fluide trop grossier pour pouvoir ensuite traverser leurs filières, sur-tout si la chaleur de l’air se trouve jointe à l’humidité.

Si l’air est trop sec, il dessèche la face interne de la trachée-artère & des bronches, ces parties deviennent moins flexibles, elles se dilatent plus difficilement dans le temps de l’inspiration ; les orifices des tuyaux exhalans, qui s’ouvrent dans les cellules pulmonaires, éprouvent les mêmes affections ; de sorte que ces impressions peuvent devenir funestes au poumon en y formant des obstructions.

Si l’air est trop chaud, il dissipe en général ce qu’il y a de plus fluide dans le corps de l’animal, & dispose le sang à un épaississement considérable ; d’ailleurs les effets de la trop grande chaleur de l’air, sont à peu près les mêmes que ceux de la sécheresse, & si l’humidité s’unir à la chaleur, l’air peut en pareil cas devenir nuisible en occasionnant un trop grand relâchement dans les vaisseaux du poumon.

Si l’air est trop froid, il rapproche & unit les molécules du sang, & comme celui qui circule dans le poumon, se trouve presque exposé immédiatement à l’action de cet air froid, il est à craindre qu’il ne le coagule, sur-tout si après un travail violent, l’animal en sueur respire tout-à-coup un air trop froid.

Si l’air est trop pesant, il peut nuire au poumon en augmentant ou en diminuant son mouvement de contraction & de dilatation.

Si l’air que les animaux respirent est chargé des exhalaisons qui émanent des êtres qui existent, & de celles de ceux qui se décomposent, qu’elles soient d’une nature caustique, astringente, ou coagulante, elles peuvent enflammer le poumon,

Si le chyle provient de fourrages trop secs, & qu’il n’ait pas été assez détrempé par les boissons, parvenu dans la veine axillaire gauche, porté avec le sang veineux dans le ventricule droit du cœur, il peut s’arrêter en passant dans l’artère pulmonaire & causer la péripneumonie vraie.

L’inaction dans laquelle les bestiaux restent pendant quatre & quelquefois cinq mois dans les étables, concourt souvent avec les molécules grossières & visqueuses des fourrages qu’on leur donne, à produire la péripneumonie vraie.

L’augmentation progressive du sang rend l’exercice du poumon plus violent, dissipe les parties aqueuses des humeurs, dispose le sang à un épaississement inflammatoire, d’où il résulte des engorgemens & la péripneumonie.

Si le mouvement du sang est fort accéléré, le poumon est plus susceptible d’engorgemens & d’obstructions, que les autres viscères ; parce que la masse toute entière des liquides n’emploie à parcourir le poumon que le même temps qu’elle met à circuler dans toutes les autres parties du corps prises ensemble.

Si l’on soumet les animaux à des travaux qui excèdent leurs forces, les vaisseaux pulmonaires se rétrécissent dans le temps du travail par la vive pression de l’air, le sang traverse nécessairement, le poumom avec plus de peine, bientôt il n’y a plus que la partie la plus fine de ce liquide qui puisse franchir les vaisseaux resserrés ; la plus grossière s’accumule & produit une mort subite, ou la péripneumonie.


Article III.

Des signes diagnostiques & prognostiques des deux espèces de péripneumonie vraie.

Si parmi les causes désignées il en est qui donnent naissance à la péripneumonie vraie, cette maladie produira des effets différens selon les parties du poumon qu’elle occupera, soit qu’elle ait son siège dans l’artère bronchiale, ou dans l’artère pulmonaire ; soit qu’elle n’occupe qu’un lobe du poumon, ou qu’elle les occupe tous les deux. Dans les progrès de l’inflammation qu’elle occasionne, le sang croupit, les vaisseaux se dilatent, la partie la plus fluide s’exprime & transude ; tandis que la plus grossière demeure & s’accumule. Mais quoique le développement de ces deux espèces de péripneumonie se manifeste par tous les signes propres à toutes les espèces d’inflammations, elles produisent néanmoins des effets différens ; car l’artère bronchiale est uniquement occupée à porter la vie & la nourriture au poumon, de là la lésion des fonctions de cette artère doit se rapporter au poumon seulement, & doit être considérée comme n’affectant simplement qu’une partie particulière du corps de l’animal. Il n’en est pas de même lorsque la péripneumonie a son siège dans l’artère pulmonaire, alors ce n’est pas seulement le poumon qui souffre, puisqu’une telle inflammation s’oppose encore à la liberté du passage du sang du ventricule droit du cœur au ventricule gauche, liberté à laquelle est essentiellement attachée la vie de l’animal. Dans pareil cas, le sang ne circule qu’avec peine, il s’amasse entre le ventricule droit & les extrémités de l’artère pulmonaire, le poumon devient pesant, livide, incapable d’expansion ; le ventricule gauche ne reçoit presque plus de sang, la foiblesse est extrême, le pouls petit, mol, inégal ; la respiration difficile, chaude, fréquente, & petite avec toux ; en appliquant alternativement l’oreille sur les parties latérales de la poitrine, on entend une sorte de bruit désagréable dans cette cavité, qui dépend ou de l’air emprisonné dans la mucosité, qui cherche à se dégager, ou bien de l’aridité des vésicules du poumon, qui venant à se dilater dans le temps de l’inspiration, frottent les unes contre les autres, à peu près de la même manière que le feroient deux morceaux de cuir sec. Le sang s’accumule & séjourne au-devant de l’oreillette droite, les veines jugulaires prennent un volume plus considérable & s’engorgent ; la conjonctive s’enflamme, le globe de l’œil semble sortir de la cavité orbitaire ; la bouche est brûlante. C’est un mauvais signe, si l’animal rend par les urines les breuvages qu’on lui donne, d’abord après qu’on les lui a administrés. Au commencement de la péripneumonie, le pouls est grand, vide, & très-fréquent ; mais aux approches de la mort, il devient petit, défaillant, & extrêmement accéléré. À cette extrémité le cœur fait de fréquent petits battemens qui ne sont proprement que des pulsations ; il passe quelque peu de sang du ventricule droit au ventricule gauche, à travers les lobes du poumon, jusqu’à ce qu’enfin il s’en soit amassé une quantité suffisante dans le cœur, pour déterminer ce muscle à une contraction forte & vigoureuse ; c’est ce qui fait que le pouls bat de temps en temps une ou deux fois avec force, & devient bientôt derechef mol, petit, souvent intermittent. Cette irrégularité du pouls est un signe qui annonce la mort prochaine de l’animal. Les bœufs qui sont atteints de l’une de ces deux espèces de péripneumonie, lorsqu’ils touchent au dernier période de la maladie, ne se couchent point, & si l’extrême foiblesse qu’ils éprouvent les oblige à se coucher, ils se rélèvent tout à coup, & tiennent autant que leur peu de force le leur permet, l’encolure, la tête élevé, & le nez au vent, pour respirer plus facilement ; enfin, si le délire & les anxiétés terribles qu’ils éprouvent, ne les frappent pas de mort, l’horripilation, le froid des oreilles & des extrémités, la foiblesse, l’accélération extrême & l’intermittence du pouls, ne tardent pas à se manifester & à annoncer au vétérinaire instruit, que la mort est prochaine.

La résolution seroit l’unique terminaison à laquelle on pourroit s’attendre dans l’occasion présente ; mais il faudroit que la matière de l’obstruction ne fût pas devenue trop solide, & que l’obstruction elle même fût peu considérable, pour qu’un véhicule délayant fût capable d’entraîner l’obstacle : or, aucune de ces conditions ne se trouve lorsque la péripneumonie est violente ; il y en a plutôt de toutes contraires ; d’ailleurs, tout ce qui entre d’aqueux dans le corps du bœuf atteint de cette espèce dé péripneumonie, sous quelque forme que ce puisse être, comme bains, boissons, vapeurs, lavemens, &c., est pompé par les veines & porté en conséquence au ventricule droit du cœur ; mais ce même véhicule aqueux ne pouvant se mêler avec le sang stagnant, qui occupe & engorge la plus grande partie des vaisseaux du poumon, il passe tout entier dans le ventricule gauche, & ne sert par conséquent qu’à entretenir ainsi un foible reste de vie prête à s’éteindre : de plus, une résolution douce & bénigne exige un mouvement calme & modéré dans les liqueurs, ici les boissons ne pourroient que l’accélerer, par ce qu’elles rendent plus grande la masse du liquide qui doit traverser le poumon, ce qui ne peut qu’en augmenter le mouvement, en passant dans le même espace de temps dans le peu de vaisseaux qui sont demeurés libres. Les saignées abondantes, remède le plus efficace de tous dans les maladies inflammatoires, est ici d’un foible secours, puisqu’on enlève par la saignée le peu de sang qui pouvoit encore passer par le poumon, & qui étoit le soutien de la vie ; & de plus à quelque degré qu’on diminue la masse des fluides, ce qui reste n’en est pas moins obligé de circuler par le poumon. La saignée révulsive, dont on tire un si grand parti dans les autres inflammations, ne peut avoir lieu dans le cas présent, ni même la rétropulsion de la matière inflammatoire des ramifications dans les troncs ; car l’état de plénitude des deux branches de l’artère pulmonaire, s’oppose à ce dernier effet, lorsque l’un & l’autre lobe du poumon sont pris en même temps d’une violents inflammation ; de même que les valvules du cœur empêchent que le sang, contenu dans le tronc commun à ces deux branches principales, ne rétrograde le bain de vapeur qui, à raison du relâchement qu’il procure aux vaisseaux enflammés, est regardé à juste titre comme un remède sur lequel on peut beaucoup compter ; lorsque la péripneumonie est curable, il peut à peine être d’aucun usage dans les circonstances actuelles ; parce que l’inquiétude & l’agitation des bœufs atteints de cette maladie, sont si grandes, qu’il faut user des précautions les plus sages pour les soumettre à l’inspiratoire[1]. Il n’y a donc quelque espérance de guérir les animaux qui sont atteints de la péripneumonie vraie, que lorsqu’il n’y a qu’une petite partie d’un seul lobe qui soit affectée, & que les causes de la maladie ne sont pas bien considérables : or pour connoître si les deux lobes du poumon d’un bœuf attaqué de la péripneumonie, sont enflammés tous les deux, ou s’il n’y en a qu’un seul, on applique alternativement l’oreille sur les parties latérales de la poitrine de cet animal : si le bruit qui a lieu dans cette cavité ; se fait entendre des deux côtés, ces deux lobes sont enflammés ; mais si on ne l’entend que d’un côté, l’inflammation n’occupe alors que le lobe de ce même côté ; & enfin si ce bruit est peu considérable, il n’y a qu’une petite partie de ce lobe qui soit affectée. C’est dans ce cas qu’il reste une espérance fondée de guérison ; mais il ne faut pas oublier que cette espérance n’est jamais sûre, puisque l’inflammation du poumon, lors même qu’elle est bornée à un petit espace, peut s’étendre de proche en proche, & enflammer les deux lobes du poumon. Comme cette maladie peut se terminer par la résolution ou par la suppuration, ou par le squirre, ou enfin par la gangrène, nous renvoyons ce qui nous reste à dire concernant le prognostic de chacune des différentes terminaisons de la péripneumonie, aux articles dans lesquels on va faire leur description particulière.


Article IV.

De la résolution des deux espèces de péripneumonie vraie, ou fluxion, de poitrine.

Que la péripneumonie vraie ait son siège dans l’artère bronchiale, ou dans l’artère pulmonaire, elle peut se terminer de deux manières. En effet, si la matière fébrile est domptée de telle sorte qu’elle recouvre sa mobilité & qu’ensuite elle soit chassée du corps par quelque évacuation insensible, ou quelle s’assimile si parfaitement avec les humeurs saines, Qu’elle puisse circuler avec elles dans les vaisseaux sans troubler en aucune façon l’égalité de leur cours, c’est là ce qu’on appelle résolution douce & bénigne. Une telle terminaison seroit sans doute infiniment à désirer dans la péripneumonie, parce qu’alors le sang épaissi & stagnant, venant à reprendre sa fluidité & son mouvement, dissiperoit aussi tôt l’inflammation du poumon ; mais cette terminaison si désirable n’est pas toujours possible, attendu que la résolution exige entr’autres conditions, que le mouvement des humeurs soit modéré, que la matière obstruant soit peu compacte, que obstruction soit peu étendue, & les canaux mobiles. Cette terminaison ne peut avoir lieu principalement que dans les animaux d’une constitution lâche, & sur-tout quand l’inflammation n’occupe que l’artère bronchiale ; parce qu’alors l’artère pulmonaire offre encore au sang un chemin assez libre & assez spacieux pour qu’on n’ait pas lieu de craindre que la circulation doive s’accélérer beaucoup, dans les vaisseaux qui sont demeurés libres. Cette terminaison peut encore avoir lieu lorsque l’inflammation n’attaque qu’une petite partie de l’artère pulmonaire, parce qu’en ce cas les fréquentes anastomoses par lesquelles les ramifications de cette artère communiquent avec les bronchiales, permettent encore au sang de traverser le poumon avec assez de facilité.

Quant à l’autre manière dont la péripneumonie finit par la santé ; soit que le siège de cette maladie soit dans l’artère bronchiale ou dans l’artère pulmonaire, si la matière morbifique vient à être domptée par la force de la fièvre, jusqu’au point de recouvrer assez de mobilité pour passer dans les vaisseaux aériens, alors la péripneumonie sera dans le cas de se terminer par l’expectoration. Les belles expériences de Ruysch & du célèbre Halles prouvent qu’il y a un chemin ouvert de l’artère pulmonaire dans la cavité des branches, & un autre, de l’artère pulmonaire dans l’artère bronchiale ; aussi est-il beaucoup plus commande voir la péripneumonie se terminer par l’expectoration que par une résolution, insensible. Ruysch in catàlog. varior. page 134, rapporte « qu’il a trouvé par le secours des injections anatomiques, que la cire poussée par les artères remplissoit les cellules du poumon. »

Cet auteur ne nous instruit pas du nom de l’artère dans laquelle il a fait l’injection ; mais il est à présumer que ce fut l’artère pulmonaire ; puisqu’il dit ibidem, page 162. « Que quand il remplissoit celle-ci de lá matière séreuse, cette matière pénétroit dans l’artère bronchiale. » D’ailleurs on lit dans l’hœmostastique exc II pages 61, 62, 64, 66 de la Traduction Françoise de M. Sauvages. « Que le célèbre Hales a prouvé par de très-belles expériences, que dans le poumon du veaut il y a un chemin ouvert de l’artère pulmonaire dans la cavité des bronches. Cet illustre physicien adapta un tuyau de verte à cette artère, & par le moyen d’un entonnoir il y fit couler de l’eau chaude ; ensuite, avec une grosse paire de souflets attachés à la trachée, il dilatoit alternativement les poumons, pour essayer si par ce moyen l’eau ne passeroit pas dans la veine pulmonaire ; mais il fut bien surpris de voir qu’au lieu de passer dans cette veine, elle sortoit à plein canal par l’âpre artère. Il douta d’abord s’il ne devoit pas attribuer cela à la rupture de quelques vaisseaux que l’eau auroit pu forcer ; mais il s’assura bientôt, par des expériences répétées, avec tout le soin possible, tant sur le veau que sur d’autres animaux, que l’eau pasoit effectivement de l’artère pulmonaire dans les bronches, indépendamment d’aucune rupture de vaisseaux. Une autre fois M. Halles voulut essayer si la sérosité du sang de cochon pourroit passer des artères pulmonaires dans les veines correspondantes des deux lobes du poumon du même animal, qui avoient été conservés chauds dans l’eau, cette sérosité passa librement dans les bronches, mais point du tout dans les veines ; bien plus, l’eau chaude versée dans la trachée, sortit par l’orifice de l’artère pulmonaire, mais cependant avec moins de vitesse qu’elle ne s’écouloit de la première, lorsque l’eau passoit de cette artère dans la cavité des bronches. Du sang qu’on fit couler dans l’artère pulmonaire ne put pas pénétrer dans les cellules de poumon, quoiqu’on l’eût y délayé dans de l’eau nitrée. »

Nous pouvons observer encore qu’il y a un grand nombre d’ouvertures qui communiquent de l’artère bronchiale dans les vaisseaux aériens, puisque ces ouvertures donnent passage à la mucosité qui lubréfie toute leur surface intérieure, à mesure que l’artère bronchiale la sépare ; or, s’il arrive dans une péripneumonie, que quelques branches ou quelques ramifications de l’artère bronchiale soient le siége de cette maladie, le sang qui pousse par derrière les molécules de la matière morbifique, peut les faire pénétrer petit à petit à travers ces vaisseaux délicats & faciles à dilater, jusque dans l’intérieur des bronches d’où elles peuvent être évacuées par l’expectoration, en se mêlant avec la mucosité dont on vient de faire mention.

De tout ce que nous venons de dire, il paroît qu’on peut conclure que la matière inflammatoire, stagnante dans les branches ou ramifications des artères, bronchiale ou pulmonaire, peut être exprimée dans la cavité des bronches, & que l’animal, atteint de la péripreumonie, peut être guéri par cette voie, au moyen de l’expectoration.

Il nous reste à examiner les qualités que doit avoir l’expectoration, pour pouvoir fonder sur elle l’espérance de la guérison.

1°. Il faut qu’elle paroisse dès le commencement de la maladie, parce que si elle ne se montre qu’au bout de quelques jours, il y a lieu de craindre que l’inflammation ne suppure ; une fois la suppuration décidée, il est évident que ce n’est pas par la santé que la péripneumonie doit finir, mais qu’elle a dégénéré en une autre maladie je veux dire en vomique du poumon. (Voyez Pulmonie des Bœufs).

2°. L’expectoration doit se faire librement, & l’humeur doit être expulsée au dehors par la toux, sans beaucoup de peine ; car, lorsque la toux est sèche & violente, elle cause de très grandes irritations au poumon, & de plus, elle indique que la matière obstruante n’est point encore disposée à l’expulsion, & que les vaisseaux sanguins, que l’inflammation distend & tuméfie, resserrent & compriment les vésicules aériennes.

3°. L’humeur que l’animal expectore dans la péripneumonie, doit sortir en abondance, & cela, afin que la matière morbifique s’évacue entièrement : car, si l’expectoration est peu copieuse, elle indique que la nature fait des efforts impuissans pour se délivrer, ce qui est de très-mauvais augure dans toutes les évacuations critiques.

4°. La matière expectorée est de très-bon augure, si dans le commencement de la maladie elle paroît sous une couleur jaune mélangée d’un peu de sang clair, pourvu que cette teinte rouge disparaisse promptement ; si la consistance de cette matière est un peu épaisse, elle annonce conjointement avec la couleur jaune, qu’il y a un commencement de coction dans la matière morbifique.

5°. On est dans le cas d’augurer favorablement de la péripneumonie, qui prend la voie de l’expectoration, lorsque l’humeur expulsée se change promptement en une matière blanche, égale, & sans acrimonie ; une telle expectoration indique évidemment, la coction entière & parfaite de la matière morbifique..

6°. Il ne faut donc pas perdre de vue, lorsqu’on veut s’assurer & si l’excrétion est salutaire à l’animal malade, qu’elle doit enlever ce qui s’opposoit à la liberté du cours des humeurs dans le poumon, & conséquemment faire diminuer en même temps tous les symptômes qui dépendoient de cet obstacle. La respiration que l’engorgement du poumon, & la difficulté de son expansion rendoit pénible, doit devenir plus, aisée. La petitesse & la mollesse du pouls, qu’on observe souvent dans cette maladie, viennent de ce que le ventricule gauche du cœur, recevant moins de sang qu’à l’ordinaire, à raison de la difficulté avec laquelle les humeurs traversent le poumon, en pousse une moindre quantité dans l’aorte & dans les différentes ramifications de cette artère. Si donc on parvient à rétablir la liberté de la circulation dans le poumon, il faut que le pouls devienne plus ample & plus plein : or, si tous ces changemens favorables se manifestent pendant ou après l’expectoration, nous sommes assurés que la cause matérielle du mal a été expulsée par cette voie.

7°. L’expectoration n’est pas la seule voie par laquelle la cause matérielle de la péripneumonie fondue & redevenue mobile, peut être évacuée ; car il peut arriver que cette matière morbifique passe des extrémités artérielles dans les veinas correspondantes, & qu’en se mêlant au torrent des humeurs qui circulent, elle soit chassée hors du corps par différens excrétoires, lorsqu’elle a subi, pendant le cours de la maladie, des altérations qui ne lui permettent plus de rouler dans les vaisseaux avec les humeurs saines ; sans apporter du trouble dans les fonctions ; c’est alors qu’elle peut être expulsée par l’anus avec les gros excrémens, ou par l’urètre, avec les urines. Dans le premier cas, le flux de ventre doit être doux & modéré. Dans le second cas, les urines doivent être épaisses’, blanches, & couler abondamment.

8°. Si la matière inflammatoire n’a pu se terminer par une douce résolution, ni être évacué par l’expectoration ou par les urines ou avec les gros excrémcns, ni être entrainée par la suppuration ; mais, si au contraire elle s’est fixée dans les vaisseaux, par son séjour elle fait corps avec eux, & dégénère insensibstement en une tumeur squirreuse. (Voyez Squirre).

9°. Enfin, s’il n’est, survenu ni évacuation critique, ni métastase, & que l’on n’ait pu réussir à calmer la violence de la péripneumonie par toutes les tentatives indiquées dans le traitement de cette maladie, le poumon est sur le point de tomber en gangrène. (Voyez ce mot)


Article V.

De la cure des deux espèces de péripneumonie vraie, ou fluxion e poitrine

Soit que le siége dela péripneumonie vraie se trouve dans l’artère bronchiale, ou dans l’artère pulmonaire, si cette maladie peut se guérir par une résolution douce & bénigne, on doit, autant qu’il est possible, dans les fluides & dans les solides, les mêmes dispositions qui s’y trouvent, & ne pas entreprendre de faire aucun changement considérable à l’état actuel de la maladie, soit en réitérant les saignées, soit, en prodigant inconsidérément d’autres secours. Il se trouve effectivement dans le sang une disposition inflammatoire ; mais elle est si légère, qu’elle peut facilement se résoudre : il est vrai encore que les vaisseaux sont obstrués, mais ils cèdent très-aisément & laissent bientôt passer, à travers leurs dernières extrémités, ; la matière de l’obstruction ; de là l’indication curative doit se borner aux conditions nécessaires à cette espèce de résolution que le médecin, vétérinaire trouve déjà dans le sujet malade ; il tâchera donc de résoudre l’inflammation en rendant au sang épaissi, sa fluidité, & le mouvement à celui qui est en stagnation. Pour y parvenir, il fera passer au moyen de l’inspiratoire, par l’inspiration, non seulement dans les naseaux, dans la gorge, mais encore dans la trachée-artère, & dans les lobes du poumon, un air chargé de particules émollientes qui s’évaporeront de l’eau douce, ou des décoctions des fleurs de tussilage, de bouillon blanc, de violette, de sureau ou des feuilles & fleurs de mauve, de guimauve, de pariétaire, &c. qu’on aura placées dans cet instrumens. Ces remèdes locaux porteront dans les bronches un véhicule délayant, propre à fondre la viscosité inflammatoire qui obstrue les vaisseau pulmonaires, qui s’ouvrent dans les canaux aériens ; les bains des extrémités antérieures, & même des postérieures, & les lavemens composés de ces décoctions émollientes, en humectant le tissu des solides, les vaisseaux absorbans porteront dans le sang des molécules délayantes & calmantes, & ils causeront à ces parties un relâchement qui les mettra en état de recevoir & de retenir plus de liquides : par ce moyen on parviendra à diminuer, autant qu’il sera possible de le faire, le mouvement &la quantité des humeurs qui se portoient au poumon.

Jusqu’au temps où la résolution de la maladie est décidée, on ne doit donner au bœuf malade pour tout aliment, que des boissons légèrement nourrissantes, parce que la terminaison de cette espèce de péripneumonie arrive dès les premiers jours de la maladie, lorsqu’elle doit avoir lieu. On se bornera donc à lui donner de légères décoctions d’orge, d’avoine, & de blé de froment, ou celles de carottes, de raves, de navets, de courges, d’orge, d’avoine, ou enfin celles des semences de foin, de sainfoin & de luzerne. Il est d’autant plus important que le chyle qui résulte de ces alimens liquides, soit très-fluide & peu abondant, que s’il étoit épais, visqueux, ou en trop grande abondance, étant porté de la veine axillaire dans le poumon, il passeroit difficilement à travers les extrémités les plus étroites de ses vaisseaux, & seroit capable de surcharger ce viscère. Les médicamens nitreux, miellés, les décoctions douces & savonneuses des racines de mauve, de guimauve, le rob de sureau, peuvent être d’un grand secours ; mais la simple décoction d’orge avec le nitre & l’oximel peut satisfaire seule à l’indication que nous, avons à remplir.

Les remèdes que nous venons d’indiquer pour le traitement de la péripneumonie, qui se termine par une résolution douce & bénigne, sont les seuls qui conviennent lorsque cette maladie prend la voie de l’expectoration. C’est par leur moyen que la matière morbifique se fond, reprend sa mobilité, & qu’elle dégage & rend libres les canaux qui doivent lui donner issue, ainsi les décoctions émollientes & légèrement détersives, satisfont parfaitement à tout ce qu’on se propose dans pareille occasion. On peut encore mettre en usage les décoctions des feuilles d’aigremoine, de pariétaire, de pissenlit, la semence d’orge, celles de pavot blanc & de fenouil, grossièrement triturées, & la racine de réglisse. La péripneumonie qui finit de cette manière, se termine dans un temps assez court, pourvu qu’on ne trouble point cette évacuation salutaire, en pratiquant des saignées, ou en administrant des purgatifs, & des sudorifiques, qui ne manquent jamais de supprimer l’expectoration.

Si dans la péripneumonie le médecin vétérinaire s’aperçoit que le bœuf soit atteint d’un cours de ventre qui lui facilite la respiration, & rende son pouls plus ample & plus plein, il pourra en conclure que c’est une seconde voie par laquelle la matière morbifique s’échappe du corps de l’animal : pour favoriser cette évacuation critique, il emploiera les mêmes remèdes & le même régime qu’on vient de prescrire dans les deux terminaison précédentes ; mais outre cela il aura soin de lubrifier & de relâcher les voies vers lesquelles la nature dirige la matière morbifique, en administrant des lavemens adoucissans faits avec les décoctions des feuilles & racines de mauve, de guimauve, de petit-lait, ou d’eau douce avec le miel, afin d’évacuer les excrémens grossiers qui séjournent dans les derniers intestins, & de rendre glissant tout le canal intestinal. On mettra sur le dos de l’animal malade une couverture assez grande, pour concentrer les vapeurs des décoctions émollientes, qu’on fera placer dans un seau sous son ventre, dans l’espérance de déterminer la matière morbifique vers l’endroit où elle tend déjà à se porter d’elle même. Il faut observer seulement, dans cette opération, de retirer le seau de dessous le ventre du malade avant que la décoction qu’il contient soit refroidie, & ensuite de lui bouchonner fortement le dos, les reins, la croupe, les extrémités postérieures & le ventre, avant de changer sa couverture & sa litière ; à l’égard des purgatifs forts & irritans, ils seroient ici plus dangereux qu’utiles, par la raison qu’on n’a besoin que d’un cours de ventre doux & modéré, & non d’une diarrhée violente, de laquelle il n’y a rien de bon à attendre ; mais on peut faciliter l’évacuation de l’humeur morbifique, en donnant en breuvage les décoctions des racines de mauve ou de guimauve, & plus efficacement encore, en administrant de deux jours l’un, depuis une demi-livre jusqu’à une livre, l’huile fraîchement extraite de la semence de lin.

Mais s’il arrive que la nature se délivre de la matière morbifique, en l’expulsant par le canal de l’urètre avec les urines, non-seulement les moyens curatifs doivent être les mêmes que ci-devant, mais il faut aider la nature à produire cette évacuation par le couloir qu’elle a choisi. Pour cet effet on fera boire au bœuf, d’heure en heure, une demi-bouteille de décoction apéritive & légèrement diurétique, composée avec l’orge, les racines de chiendent, de petit houx, de persil & de fenouil.

Jusqu’ici, nous avons indiqué le traitement qu’il est à propos de pratiquer quand la péripneumonie tend à une douce résolution, ou qu’elle se dispose à s’échapper du corps, par l’expectoration, ou par l’anus, ou par le canal de l’urètre. Il s’agit actuellement de prescrire les moyens que l’on peut tenter lorsque les signes de cette maladie n’annoncent pas qu’elle puisse se résoudre à l’aide des secours que nous venons de désigner. La péripneumonie étant une maladie inflammatoire, elle est susceptible de toutes les terminaisons de l’inflammation : mais comme le siège du mal se trouve dans un viscère qui est de première nécessité pour la vie, il n’y a que la résolution qui soit à désirer ; car la suppuration est ici fort dangereuse, la gangrène presque toujours mortelle, & les suites du squirre d’une cure très-dissocie. Il arrive même quelquefois qu’à mesure que l’inflammation fait des progrès, elle gêne tellement l’action du poumon, que les animaux suffoquent avant que la suppuration soit survenue. Si donc l’inflammation est récente, grande, sèche, qu’elle se trouve dans un animal robuste, & qui se portoit bien auparavant, il faut se hâter de lui tirer du sang & même copieusement ; car, comme cette terrible maladie menace à tout moment d’une suffocation, on doit sans doute lui opposer sans perdre de temps les remèdes les plus énergiques & des secours proportionnés à sa violence. Néanmoins on doit arrêter le sang dès qu’on s’aperçoit que le malade ne respire plus librement, sauf à réitérer la saignée, si l’augmentation des symptômes l’exige.

L’effet de la saignée est de modérer la trop grande impétuosité de la circulation du sang, de diminuer la masse du liquide qui doit traverser le poumon, & de dépouiller les humeurs de leur partie la plus grossière ; de là, la nécessité de pratiquer de très-grandes ouvertures en saignant ; & enfin en désemplissant les vaisseaux, les délayans qu’on veut y conduire sous la forme de bains, de lavemens, de breuvages, &c. peuvent y pénétrer plus facilement. L’application des vésicatoires sur les parties latérales du thorax, celle des ventouses sèches ou avec scarifications, peuvent procurer quelques soulagement au poumon, en attirant sur les parties où ces remèdes locaux sont appliqués, les humeurs qui sans cela se porteroient à la partie malade. D’ailleurs on doit faire usage, dans cette circonstance, des mêmes remèdes qu’on a indiqués pour la cure de la péripneumonie qui se termine par une résolution douce & bénigne, pour modérer l’activité de la fièvre : si elle est trop violente, on pourra ajouter, aux décoctions qu’on a prescrites, les fleurs de pavot rouge ; mais il faut soigneusement éviter les narcotiques, surtout dans la vigueur de la maladie, car de tels remèdes seroient beaucoup plus dangereux qu’utiles, parce que leur usage rendant les animaux moins sensibles à la douleur qui résulte de la difficulté du passage du sang à travers le poumon, ils courroient risque de suffoquer, au lieu que quand ils restent éveillés, l’agitation excessive qu’ils éprouvent, & les efforts qu’ils font pour respirer, les en empêche. Autant qu’il est possible, on ne doit leur faire avaler que peu de breuvages à la fois, afin que la plénitude de leurs estomacs ne rende pas le mal plus considérable, & que l’augmentation de la masse des humeurs à laquelle donneroit lieu une trop grande quantité de boisson administrée tout à coup, n’aggrave point l’état d’engorgement dans lequel le poumon se trouve. Mais il est bon que toutes les décoctions. & les boissons légèrement nourrissantes qu’on leur donne, soient chaudes, parce que la chaleur augmente leur vertu délayant, & en passant par l’œsophage, elles produisent l’effet d’une douce fomentation sur les parties qui environnent ce canal.

Le régime qui convient dans le cas présent, est le même que celui qu’on a indiqué pour la péripneumonie qui se termine par une douce résolution. On peut y ajouter la décoction des racines de scorsonère, de barbe de bouc, de chicorée sauvage, parce que ces plantes ont la propriété de fondre & d’atténuer la viscosité inflammatoire ; il suffit donc de donner aux animaux malades une nourriture légère & délayant, parce que si la maladie peut céder aux différens moyens qui viennent d’être détaillés, elle n’est jamais de longue durée.


Section VII.

De la péripneumonie putride symptomatique.

Cette espèce de péripneumonie est souvent épizootique ; le printemps est la saison où les bestiaux en sont communément attaqués. Elle s’annonce par le frisson, le tremblement, la toux, & par une fièvre aiguë qui redouble deux fois par jour alternativement avec froid, chaleur & oppression de poitrine. La langue & la bouche sont malpropres, il s’en exhale une odeur fétide, ainsi que des urines & des gros excrémens. Plusieurs des animaux qui en sont atteints, ont des sueurs abondantes, opiniâtres ; leurs pouls est constamment plein, fréquent, un peu mou. Pour s’assurer plus amplement si la péripneumonie est putride, on mettra dans un vase de l’urine du bœuf dès qu’on l’en soupçonnera affecté ; si elle se corrompt facilement, si le sang qu’on lui tirera par la saignée, éproure peu de temps après le même changement, & si les cadavres des animaux qui avoient péri de cette maladie ont répandu une puanteur insupportable, ces petites expériences ne contribueront pas peu à caractériser la péripneumonie putride que nous avons à traiter, en nous prouvant, par la promptitude avec laquelle les urines & le sang, qui dans cette maladie sont privés de la chaleur vitale, tombent en pourriture, pour peu qu’ils ayent de disposition à l’alcalescence.

Les bœufs doués d’un tempérament sanguin, ceux dont la rumination est troublée par une cause quelconque, ceux enfin qui mangent trop, m’ont paru être les plus sujets à la péripneumonie putride. Les périodes septénaires & demi-septénaires, sont plus remarquables dans cette maladie que dans les autres ; sa durée est de quatorze à vingt jours & plus.

L’oppression répond à la violence du mal, on sent quelquefois des soubresauts dans les tendons ; l’accablement est proportionné au degré de la maladie. Le ventre est toujours gonflé & météorisé. Le cours de ventre séreux qui a lieu dans le cours de la maladie, est très à craindre ; s’il survient dans le déclin, il est utile. On peut juger de même des sueurs excessives qui paroissent avant le temps de la dépuration ; on redoute moins les fétides. L’éruption des tumeurs est quelquefois avantageuse.

Lapéripneumonie putride, toujours dangereuse, approche quelquefois de si près par la violence de ses symptômes, de la péripneumonie malignes qu’il est facile de les confondre. Cependant, si la putride ne dégénère pas, elle dure moins de temps, & l’affection des nerfs & du cerveau, inséparable de la maligne, n’est dans celle-ci que passagère : d’ailleurs, la dépuration qui se fait rarement & très-difficilement dans la maligne, est ordinaire à la putride, dans laquelle on peut faire un bon usage de la doctrine des crises, si par des remèdes faits à contre temps, on ne croise pas les efforts de la nature qui y tendent. Les bonnes se font par les urines & par la sueur, rarement par l’hémorrhagie : les urines se chargent & déposent du douzième au quatorzième jour, & l’on voit alors diminuer les accidens. Les sueurs salutaires paroissent vers le même temps ou quelquefois plus tard, ainsi que l’hémorrhagie, La dépuration par l’expectoration n’est pas rare ; mais c’est sans raison qu’on la croit alors urulente, de même que le sédiment blanchâtre des urines.


Article premier

Cure de la péripneumonie putride symptomatique.

On ne peut guère se passer dans cette maladie, de la saignée ; on est même quelquefois obligé de la réitérer, pour prévenir les engorgemens & les inflammations qui peuvent survenir lorsque le temps des saignées est passé ; mais on ne doit pas, sans une nécessité indispensable, pousser les saignées plus loin, dans la crainte d’affoiblir l’action des organes, si nécessaire à l’expulsion de la matière morbifique. On se contente dans les premiers temps de tenir le ventre libre par de légers laxatifs ou par des lavemens, & c’est la meilleure manière de se mettre à couvert des accidens qui menacent la tête & la poitrine. Les purgatifs ne conviennent que dans le temps de la dépuration : il arrive cependant quelquefois qu’on peut & qu’on est même obligé de s’écarter de cette règle qui doit toujours aller de concert avec les mouvemens de la nature. Les délayans & les temperans, les rafraîchissans & les nitreux, & sur-tout la crème de tartre, qui, donnée à petites doses, peut tenir le ventre libre, sont ici très-recommandés & méritent de l’être ; je n’en excepte point les anti-putrides, quoique suggérés par une hypothèse, parce que je les crois très propres à s’opposer à l’alcalescence des humeurs. Le quinquina est souvent utile à la fin de cette péripneumonie, comme un fortifiant qui vient au secours des organes affoiblis par la violence de la maladie & non comme anti-septique. Les cordiaux & les diaphorétiques sont de quelques secours, lorsque la nature languissante a besoin d’être soutenue dans le temps de la coction ; mais il est assez rare qu’on en ait besoin. Le camphre est le calmant le plus approprié à cette maladie. Si enfin la poitrine est très embarrassée, on tâche de la soulager par l’application des vésicatoires sur les deux parties latérales de cette cavité.


Article III.

De la péripneumonie bilieuse.

Les symptômes de cette maladie s’annoncent par une respiration plus ou moins laborieuse, par un pouls ordinairement vif, dur & précipité : mais après quelque temps, il est foible & irrégulier avec beaucoup d’accablement. La langue & les lèvres des bêtes à cornes qui en sont atteintes, sont jaunes, noires ou sèches ; les matières expectorées, les urines & les déjections qui se font par l’anus, sont couleur de citron & écumeuses. On doit tâcher de les entretenir ; car la bile est dans quelques sujets, si âcre & si caustique, quelle brûle le fondement. En effet, il n’est pas difficile de concevoir que si cette liqueur caustique ne s’évacue point, la maladie en dévient plus terrible & plus meurtrière : non-seulement elle enflamme les poumons, le péricarde & le cœur, mais elle peut encore enflammer le cerveau & les estomacs, ce qu’on connoît en appliquant la main sur le front, sur la région épigastrique, & à la froideur des extrémités. La plupart des animaux malades sont si tourmentés qu’ils changent à chaque instant de position & de place ; alors le ventre eu tendu, & souvent toute l’habitude du corps est couverte d’une sueur infructueuse.

Les causes. Parmi les animaux dont il est question, les jeunes sont plus sujets à la péripneumonie que ceux qui sont plus avancés en âge ; ceux qui ont le tempérament sec & bilieux ; la saison & les travaux excessifs, peuvent encore occasionner cette maladie.

La résolution. Le cours de ventre, vers le quatrième ou le septième jour, est presque la seule évacuation qu’on puisse regarder comme critique ; les urines cependant déposent quelquefois ; on doit peu attendre des sueurs : le délire, la difficulté d’avaler, L’engorgement des parotides & des jugulaires ; l’urine noire & sanglante ; le cours de ventre prématuré, &c. sont toujours de mauvais augure. Ces animaux périssent de cette maladie, le troisième ou le quatrième jour, rarement le septième. La péripneumonie bilieuse est moins dangereuse pour les animaux de trois ans ou au dessous, que pour ceux qui sont au dessus de cet âge.

L’ouverture des cadavres nous fournit ici beaucoup d’observations : on trouve dans le poumon des suppurations, des pourritures, des épanchemens sanieux & purulens, tant dans la cavité du péricarde que dans la grande capacité ; le péricarde diversement affecté, souvent collé à la surface du cœur, ou en suppuration ; le cœur flétri & desséché ; ce viscère d’une grosseur monstrueuse, ses ventricules & ses oreillettes remplis d’un sang couenneux, jaunâtre & très-adhérent à leurs sinuosités. On a vu dans l’abdomen le foie enflammé, purulent & tombant en pourriture ; ce viscère d’une couleur de safran, tant à la surface qu’à l’intérieur, d’un volume prodigieux, & repoussant quelquefois le diaphragme bien avant dans la cavité de la poitrine ; squirreux, dur, sec & flétri ; des adhérences plus ou moins fortes avec les parties voisines ; la vésicule gorgée de bile noirâtre, quelquefois entièrement vide & desséchée ; des concrétions dans sa cavité : on a observé que la bile qui transpiroit de ce réservoir, avoit fait tomber en pourriture les parties voisines qui en étoient teintes. On a trouvé les reins & les autres viscères, quoique plus rarement, dans le même état, & des épanchemens de la même nature dans la cavité du bas-ventre. Le sang des veines hépatiques, de celles du cerveau, &c. &c. a paru noir & ressemblant à de la poix. On a enfin remarqué des taches gangreneuses sur différentes parties.

La cure exige de fréquentes saignées dès le principe de la maladie ; il est rare qu’il faille les réitérer au-delà du second jour, à moins qu’il ne survienne une plus grande inflammation. Elle exige des tisanes rafraîchissantes & adoucissantes, avec les fleurs de mauve, de guimauve, une décoction d’orge avec la réglisse & les semences froides ; des purgatifs légers, que l’on donnera dans la rémission de la fièvre, & qui seront composés d’une décoction de casse avec la manne dans une forte décoction de semence de lin. Pour entretenir l’expectoration, on donnera le soir une décoction de fleur de coquelicot. On n’emploiera pour les lavemens, qui sont très-nécessaires dans cette maladie, que les remèdes les plus adoucissans : les décoctions de graine de lin, le petit-lait, l’eau tiède à laquelle on ajoutera quelques cuillerées d’huile d’amande douce récente, pourront satisfaire à cette indication. On complettera le traitement comme dans la péripneumonie vraie.


Section IV.

De la péripneumonie maligne.

La péripneumonie maligne diffère de la bilieuse, en ce qu’elle ne se termine jamais avant le vingtième jour, & presque toujours plus tard, outre qu’elle est ordinairement épizootique & contagieuse. Cette maladie meurtrière a son principal siège dans les nerfs & le cerveau ; car les affections cérébrales qui l’accompagnent ne sont point passagères ni symptomatiques mais elles la suivent essentiellement tant que l’oppression de la poitrine persiste.

Causes. La mauvaise qualité des fourrages, l’excès du travail, les exhalaisons qui s’élèvent des eaux croupissantes, le long séjour des excrémens qu’on laisse corrompre dans les étables des bêtes à cornes, & qui infectent l’air qu’elles respirent, ou passent dans leur sang avec les alimens ; la mal-propreté, l’oubli du pansement de la main, &c. sont autant de causes qui peuvent donner naissance à la péripneumonie maligne.

Symptômes. Neuf à dix jours avant que cette maladie le déclare ; les animaux qui doivent en être frappés, sont comme engourdis, foibles, languissans & sans appétit. Le mal, après avoir ainsi couvé, se manifeste ensuite d’une manière moins équivoque par la toux, par la difficulté de respirer, par l’horripilation, par un frisson plus ou moins long, suivi de la fréquence du pouls & d’une chaleur d’abord assez modérée, & se présentant sous un aspect fort doux,

ce qui peut tromper les médecins vétérinaires les plus attentifs, s’ils ne sont avertis par l’épizootie. La respiration difficile, l’assoupissement, l’accablement, le délire quelquefois accompagné de mugissemens lugubres, l’engourdissement, les tremblemens & les convulsions en sont les symptômes les plus familiers. Le pouls dans cette maladie est languissant, foible, irrégulier &c inégal, quelquefois naturel & véhément. On sent en le touchant, un tremblement ou des soubresauts dans les tendons. La respiration est plus ou moins gênée ; le ventre est plus ou moins tendu ; les urines sont quelquefois trop abondantes ou supprimées & retenues dans la vessie. Les sueurs presque toujours infructueuses, sont irrégulières, fétides, froides, &c. ; il sort de la bouche une bave limoneuse dans les premiers temps ; mais dans le cours du mal, l’intérieur des lèvres & la bouche paroissent brûlées & grillées ; les déjections sont fétides. Il paroît encore, dans la péripneumonie maligne, des parotides qui suppurent difficilement, des charbons ou de petites tumeurs charbonneuses. Il n’est pas aisé de fixer la durée de cette maladie, tant à cause de l’incertitude de son commencement & même de sa fin, qu’on sait-être très-équivoques, que parce que sa longueur peut-être en raison inverse de sa violence ; cependant on peut assurer qu’elle ne se termine jamais avant le vingtième ou le vingt-unième jour, qu’elle va communément à quarante & même à soixante jours.. Son déclin est ordinairement sert long & périlleux, il faut même remarquer que, quand la fièvre conserve dans ces derniers temps un certain degré de force, on doit s’attendre à un dépôt. Si l’on prétend que la maladie en question peut se terminer en six ou sept jours, on prend alors la péripneumonie bilieuse pour la maligne. J’ai même remarqué que les animaux qui guérissoient le vingtième jour, étoient les plus sujets aux rechutes assez fréquentes dans cette maladie, dont la convalescence est toujours longue & pénible.

Le prognostic de la péripneumonie maligne ne peut-être que fâcheux ; l’expectoration est avantageuse, ainsi que cette espèce de gale dont l’intérieur des lèvres se trouve couvert vers le déclin du mal. La chaleur modérée, le pouls & les urines approchant de l’état naturel, ne doivent point rassurer ; car on voit périr très-promptement les animaux malades, avec la plus belle espérance. Le cours de ventre est à craindre ; les déjections lientériques, les noires, les sanglantes, celles qui ont une odeur cadavéreuse ne présagent rien de bon. Il est inutile de dire que l’assoupissement, le délire accompagné de mugissements lugubres, sont toujours des symptômes fâcheux. Quelques animaux périssent le septième jour, d’autres en plus en plus grand nombre vers le douzième ou le quinzième ; mais cela arrive rarement après quarante jours, à moins que les suites soient mortelles. Les crises dans la péripneumonie maligne, sont très-rares ; il s’en fait souvent vers le septième jour une imparfaite : cependant les sueurs, le cours de ventre & les parotides, diminuent quelquefois l’embarras de la poitrine, sur-tout lorsque ces dernières se terminent par la résolution. Les abcès peuvent être aussi critiques ; nais ceux qui se forment intérieurement, deviennent souvent mortels par la seule circonstance du lieu qu’ils occupent. Nous avons dit qu’on ne pouvoit guère fonder un bon présage sur la bonne qualité des urines, cependant il arrive quelquefois qu’elles déposent avec diminution des accidens, mais la maladie ne laisse pas de suivre don cours.

J ouverture des cadavres est ici le plus souvent infructueuse, soir parce qu’on la fait trop à la hâte, soit parce que les désordres que cause cette maladie, ne sont pas toujours manifestes : cependant on voit souvent les poumons couverts de taches livides & gangréneuses ; ils sont quelquefois dans un état de pourriture qui ne leur permet pas de résister au tact : je les ai trouvés tels dans plusieurs sujets. Le cœur m’a paru, mais rarement, enflammé, couvert de pustules & même gangréneux. Le sang qu’on trouve dans le cœur & les gros vaisseaux, semble être dans un état de dissolution ; cependant je l’ai vu quelquefois très-épais & formant ce qu’on appelle des concrétions polypeuses. Les viscères du bas-ventre contiennent quelquefois des fourmilières de vers ; on y voit des marques de sphacèle, principalement dans les intestins qui sont toujours boursouflés & quelquefois percés avec épanchement des matières fécules. La vésicule du fiel est très-souvent pleine d’une bile noirâtre & verdâtre qui croupit aussi dans les estomacs & les intestins. Les cadavres pour la plupart enflent prodigieusement ; ils se corrompent bientôt & se mettent quelquefois en lambeaux sous les doigts : on a alors, comme on le pense bien, beaucoup de peine à en approcher ; on y court même quelque danger ; & l’examen qu’on en fait avec beaucoup de répugnance, ne peut-être que superficiel.

Cure. La première marche cachée & équivoque de la péripneumonie maligne, prive ordinairement les animaux qui en sont frappés, des plus grands secours, parce qu’on ne les donne que lorsqu’elle le manifeste clairement, & cela après qu’elle a fait intérieurement de grands progrès. On a appris par l’expérience, dans les épizooties, à la faveur desquelles il est plus aisé de la reconnoître, que les simples remèdes généraux, la diète la plus sévère, l’eau prise pour toute nourriture, ou même le seul changement d’air, peuvent éloigner cette maladie, ou en détruire le germe qui n’a pas eu le temps de se développer. Le traitement de la péripneumonie maligne doit être varié, parce qu’elle prend bien des formes, & qu’elle est accompagnée d’un très-grand nombre de symptômes qui demandent souvent une conduite particulière, outre que les épizooties ne se ressemblent point. On peut dire en général, que la saignée ne lui convient pas : cependant il est des circonstances qui la demandent ; mais on doit toujours en user, & même dans les cas d’inflammation, de douleur violente, de transport & d’oppression, avec beaucoup de réserve. Les laxatifs, tels que la casse avec la crême de tartre, ou avec les tamarins, doivent être souvent employés ; mais on ne doit en faire usage qu’après les sept premier jours ; ils ne conviennent ni dans le commencement des éruptions, ni lorsqu’il y a une disposition inflammatoire dans les poumons ou dans l’abdomen : à l’égard des purgatifs ordinaires, il faut les réserver pour le déclin de la maladie où ils sont très-nécessaires. Les lavemens émolliens, très-propres à seconder les remèdes dont nous venons de parler, sont utiles dans tout le cours de la maladie. Les breuvages délayans, les tempérans, & les nitreux sont les remèdes les plus familiers & les moins à craindre. On se sert encore avec succès des absorbans & des vermifuges, lorsque l’état des premières voies les demande. On connoît assez l’efficacité des acidules & des antiseptiques, si propres à corriger la putridité qu’on redoute avec tant de raison. Les calmans, si l’on en excepte le camphre & le sel sédatif, sont ici toujours suspects. Le quinquina est souvent nécessaire vers le déclin de la maladie, non comme anti-putride, mais comme fortifiant ou comme un stimulant propre à remédier à la gangrène qui accompagne souvent le mal dont nous parlons. Les vésicatoires appliqués sur l’apophyse transverse de la nuque, aux parties latérales de la poitrine, & aux cuisses, produisent le plus grand bien ; il faut entretenir l’écoulement par de nouvelles applications ou par d’autres moyens ; ils ne réussissent pas lorsque la bile joue un rôle dans cette maladie ; à cette circonstance près, ils sont utiles lorsque les éruptions sont rentrées, & sur-tout lorsque la matière morbifique se jette sur quelque viscère ; en employe encore dans ce cas des ventouses scarifiées. Il est très important de purifier l’air dans les étables & d’y maintenir la propreté.


Section V.

De la fausse péripneumonie.

La fausse péripneumonie existe indépendamment de toute autre maladie ; elle est quelquefois si semblable à la vraie péripneumonie, que le seul état du pouls peut les distinguer : c’est un engorgement du poumon qui ne tient point de l’inflammation, il est occasionné par une pituite âcre & visqueuse qui engorge les vaisseaux de cet organe. Elle n’attaque guères que les animaux avancés en âge, les infirmes & ceux qui sont d’un tempérament phlegmatique, sur-tout dans l’hiver &c pendant les temps humides.

Symptômes. Au commencement de la maladie l’animal éprouve des alternatives de froid & de chaud ; sa langue est souvent chargée ; il tombe dans l’assoupissement ; l’oppression, la toux en sont les principaux signes, l’expectoration est ordinairement blanche, gluante, écumeuse, rarement sanguinolente ; la fièvre ne répond pas à l’état de la poitrine, & le pouls est quelquefois lent & petit, d’autres fois petit & vite.

La terminaison de cette maladie est incertaine, parce que son commencement est rarement bien marqué ; elle paroît cependant avoir à peu près le cours de la vraie péripneumonie, & se terminer comme elle quelquefois en trois ou quatre jours. L’assoupissement, les anxiétés & la froideur des extrémités, sont dans cette maladie des signes très-alarmans : elle est d’autant plus tâcheté, qu’on ne connoît guères le danger que lorsqu’il n’est plus temps d’y remédier ; la plupart même des animaux malades, périssent dans le temps qu’on s’y attend le moins. Elle est assez commune dans les lieux bas & marécageux.

L’ouverture des animaux morts de cette maladie, nous montre le poumon boursouflé & œdémateux ; les bronches obstruées par une morve plus ou moins épaisse, des taches gangreneuses, des épanchemens séreux, tant dans la capacité de la poitrine que dans le péricarde.

Cure. Cette maladie demande un prompt secours : la saignée y est rarement nécessaire, quoique le degré d’oppression semble souvent la demander : elle peut, à la vérité, procurer un soulagement passager, mais elle rend la maladie plus grave & affoiblit beaucoup le malade. Les laxatifs & les lavemens purgatifs réitérés sont toujours employés avec succès. On doit faire encore un grand usage des délayans qui peuvent remédier à la trop grande viscosité de l’humeur bronchique. C’est dans la même vue qu’on donne aussi des pectoraux, soit béchiques, soit incisifs, comme l’eau miellée, l’hysope, le lierre terrestre, les décoctions d’orge édulcorées avec le miel, celles de racines de fenouil & de réglisse ; on peut les aciduler avec le suc de citron, ou le vinaigre. On n’estime pas moins les diurétiques & les apéritifs ; tels tout l’aunée, le nitre, les savons, l’oximel scillitique, l’esprit de corne de cerf, & tant d’autres qui, pénétrant comme on le croit, les plus petits vaisseaux, agissent sur les sucs grossiers qui les obstruent. Les vésicatoires & les ventouses scarifiées produisent ordinairement de bons effets. M. BRA.

  1. Description de l’Inspiratoire. Un seau ordinaire forme la principale partie de cet instrument. Son ouverture est fermée avec un couvercle, qui, à l’aide de deux échancrures, passe entre les deux anses, & porte exactement sur tout le reste de la circonférence du seau. Ce couvercle est assujetti au moyen d’une traverse de bois qui a seize pouces de largeur sur dix de hauteur. Lorsqu’on veut fixer ce couvercle sur le seau, on passe cette pièce de bois à plat, de l’ouverture d’une anse à l’autre, & on la pousse jusqu’à ce que ce couvercle soit bien affermi.

    Sur ce couvercle il y a trois ouvertures circulaires qui ont chacune trois pouces de diamètre ; elles sont toutes trois vers la circonférence ; deux se trouvent tout prés l’une de l’autre, & la troisième à la partie opposée. La première ouverture que j’appellerai A, est surmontée d’une espèce de petit entonnoir de fer-blanc, de deux pouces de haut, dans lequel est placée une petite balle de liége pour faire fonction de soupape ; on en verra l’usage dans un moment : le bord de la circonférence de cet entonnoir présente une vis propre à entrer dans un couvercle de fer-blanc, qui de même que l’entonnoir, est cannelé en ligne spirale. La convexité de toute la surface de ce couvercle est percée d’une multitude de petits trous qui pénètrent jusque dans l’entonnoir, de manière que le couvercle étant placé, l’air entre & sort de l’entonnoir, sans que la petite balle puisse en sortir. De la seconde ouverture que j’appelle B, descend dans l’intérieur du seau, un tuyau qui s’approche à un demi-pouce de son fond. Cette ouverture est surmontée d’une petite virole ou anneau de deux pouces de haut, sur lequel on met un petit couvercle qui a des trous au-dessus, & qui s’ouvre & se ferme comme une tabatière. Enfin, la troisième ouverture que j’appellerai D, & qui est à l’opposite de ces deux-ci est pareillement surmontée d’un cercle ou anneau d’un pouce de haut, qui sert à recevoir un des bouts d’un tuyau de cuir. On ôte & on remet ce tuyau a volonté : il est flexible par le moyen connu d’un fil de métal en hélice, qui est dans l’intérieur ; l’autre bout de ce tuyau se termine par une muselière dont la forme est conoïde. La tête du bœuf ou du cheval qu’on veut soumettre à l’inspiratoire, doit entrer librement dans cette muselière jusqu’à trois pouces au-dessus de sa commissure des lèvres. On la fixe ainsi à l’aide d’une tresse ou d’un cuir qui fait l’office de têtière. La construction de l’inspiratoire bien entendue, voici comme on s’en sert.

    On verse de l’eau chaude dedans, ou une décoction émolliente, par l’ouverture dans laquelle on fait entrer le tuyau de cuir, & on emplit le seau jusqu’à peu près aux deux tiers ; on enveloppe ensuite le seau avec quelques gros linges, on le place, pour ainsi dire, sous la tête de l’animal : avant que de lui en faire respirer la vapeur, il faut attendre que l’eau ou la décoction soit parvenue à une chaleur modérée ; c’est alors qu’un des bouts du canal de cuir, introduit dans l’ouverture D, on fixe le bout de la tête du sujet malade dans la muselière, on lui couvre ensuite la tête, l’encolure, le dos, les reins & la croupe, avec un ou plusieurs draps, on ferme la porte de l’écurie ou de l’étable, & on le tient dans cet état pendant une demi-heure ou trois quarts d’heure. Ce bain fini, deux personnes, armées chacune d’un bouchon, bouchonnent fortement l’animal, & lui mettent sur le corps des couvertures plus chaudes. Nous en avons assez dit pour qu’on conçoive sans peine comment on se sert de cet instrument, & comment il fait son effet. Cependant, pour qu’on l’entende encore mieux, nous serons remarquer que le bout de la tête de l’animal malade, étant dans la muselière, à chaque inspiration il inspirera l’air de l’inspiratpire, mêlé avec la vapeur de l’eau chaude, ou des particules émollientes qu’il renferme, & que cet air sera incessamment suppléé par l’air extérieur qui est entré par le tuyau de l’ouverture B, & qui passe à travers l’eau par l’action de la colonne de l’air extérieur, qui presse pour remplir le vide résultant de l’inspiration. Quand l’expiration se fait, l’air qui est exprimé & forcé dans le tuyau, sort par l’ouverture A, en soulevant la petite balle de liége que nous avons dit faire fonction de soupape. De cette manière on voit que les deux mouvemens de la respiration, l’inspiration & l’expiration, sont entièrement libres, & que par le premier, le malade aspire la vapeur bienfaisante propre à ramollir, à adoucir l’inflammation des parties du canal de la respiration, à travers lequel passe cette vapeur. Il s’en suit encore un autre effet, c’est que cette machine étant, pour ainsi dire, sous la tête de l’animal, la chaleur qu’elle communique aux parties inférieures & latérales de l’encolure, au poitrail & aux extrémités antérieures, jointe à la vapeur qui s’élève de toute la circonférence de l’ouverture de la muselière, en se répandant entre les draps dont il est couvert, produisent au bout de quelques temps une douce transpiration qui manque rarement d’apporter du soulagement.