Cours d’agriculture (Rozier)/PHLEGMON

Hôtel Serpente (Tome septièmep. 625-626).


PHLEGMON. Médecine Vétérinaire. Tumeur inflammatoire, dure, élevée, circonscrite, accompagnée de douleur & de pulsation qui attaque le plus souvent les parties charnues des animaux, parce qu’elles sont parsemées d’un plus grand nombre de vaisseaux sanguins. Il est souvent accompagné de fièvre, sur-tout lorsque l’inflammation est considérable & fort étendue.

On distingue dans le phlegmon le commencement, l’augmentation, l’état & le déclin.

Dans le commencement, le sang ne fait que séjourner dans ses propres vaisseaux ; la tumeur & la douleur sont légères : ce premier degré se nomme phlogose : dans le second, le sang pénètre dans les vaisseaux lymphatiques, & les accidens augmentent : dans l’état, la tension, la chaleur & la douleur sont considérables ; dans le déclin, les accidens diminuent.

Causes du phlegmon, La cause prochaine du phlegmon est l’engorgement du sang dans les vaisseaux capillaires sanguins de la peau, dans ceux du tissu cellulaire de la graisse, & même dans ceux des chairs, & son passage dans les vaisseaux lymphatiques de ces mêmes parties.

Les causes éloignées sont internes & externes ; les premières sont l’abondance du sang, sa grande raréfaction & sa grande agitation, tandis que les secondes sont les coups, les chutes, les exercices violens, les compressions, le froid, le chaud & tout ce qui est capable de former un abcès dans une partie.

Le phlegmon est plus ou moins dangereux selon que les parties qu’il intéresse sont plus ou moins profondes & essentielles à la vie. Celui des parties tendineuses est plus dangereux que celui des parties charnues ; mais celui des articulations l’est bien davantage : s’il n’est pas produit par quelque vice particulier, tel que le virus de la morve, du farcin, de la gale, &c. on pourra se promettre qu’il prendra la voie de la résolution ou d’une suppuration louable. Il se termine toujours par résolution, par suppuration, par endurcissement ou par gangrène : par résolution, lorsque le sang reprend les routes de la circulation, c’est la voie la plus salutaire : par suppuration, lorsque le sang se convertit en pus, ce qu’on a tout lieu d’appréhender, quand on voit que les accidens & la douleur pulsative augmentent en intensité ; c’est la terminaison la plus ordinaire des phlegmons considérables : par induration ou endurcissement, lorsqu’il reste une tumeur dure, insensible après l’inflammation ; mais cet engorgement n’arrive guère que quand il y a un engorgement dans quelque glande : par gangrène, quand les fibres ont perdu leur ressort & sont tombées en mortification ; c’est la voie la plus fâcheuse.


Traitement du phlegmon.

1°. Remédiez à l’engorgement des vaisseaux, en faisant des saignées plus ou moins répétées dans le commencement & dans l’augmentation du mal ; 1°. fomentez la partie avec une décoction émolliente & appliquez y ensuite un cataplasme anodin, fait avec la mie de pain & le lait. Tous ces remèdes sont préférables aux onguens ou aux huileux, que les maréchaux de la campagne ont coutume d’employer en pareil cas, lesquels bouchent les pores de la peau, arrêtent l’humeur de la transpiration & augmentent l’inflammation, au lieu de calmer la douleur, de relâcher les vaisseaux & de disposer la partie à l’action des résolutifs : tant que l’inflammation est considérable, n’employez que les remèdes que nous avons conseillés, & si la résolution commence à se faire, ce que l’on connoît à la diminution de la douleur, de la tension & de la chaleur, favorisez-la par de légers résolutifs, tels que la décoction de camomille, de fleurs de sureau, dans laquelle vous ajouterez quelques gouttes d’eau-de-vie camphrée. Mais si la tumeur ne parois pas se résoudre & si l’inflammation subsiste après le huitième ou le neuvième jour, employez les maturatifs ; lorsque la douleur est un peu modérée, que la tumeur est molle & paroît s’élever en pointe, le phlegmon change alors de nom pour prendre celui d’abcès, nous y renvoyons le lecteur pour le traitement ; mais la tumeur au contraire, est-elle disposée à la pourriture, faites des scarifications dans les environs de la partie, afin de la dégorger & d’empêcher les progrès de la mortification ; quant au phlegmon qui se termine par endurcissement, il doit être extirpé. Pour cet effet, voyez le mot Squirre. M. T.


Phlegmon-Insecte. Médecine vétérinaire. C’est ainsi que nous appelons les maladies aiguës qui se manifestent par des tumeurs dépendantes de la piqûre des frelons, des taons, des mouches asiles, des poux, &c. & des : autres insectes dont les uns piquent le cuir des animaux, souvent en y laissant leur aiguillon ; d’autres le rongent, d’autres le percent pour y déposer leurs œufs. Il survient alors des tumeurs phlegmoneuses qui peuvent en imposer pour une maladie éruptive, mais qui en diffèrent par l’absence des symptômes intérieurs, sur-tout par celle de la fièvre qui précède ordinairement toutes les maladies éruptives ou exanthématiques, (voyez Exanthème) : par la présence de l’aiguillon ou des œufs, ou du ver, ou de la mouche ; par le siège des tumeurs qui ne sont jamais en grand nombre & qui sont placées presque toujours sur le dos.

Traitement. La meilleure manière de remédier à cet accident, consiste à ouvrir la tumeur, à en tirer les œufs ou le ver, & à panser la plaie avec un mélange de crème de lait & de goudron, ou avec la térébenthine dissoute dans le jaune d’œuf. Quelquefois une mouche dépose ses œufs sur le dos des chèvres & des brebis, & produit le même mal : en Angleterre, on se sert pour en garantir les bêtes à laine pendant l’été, d’un onguent fait de goudron, de beurre & de sel, dont on les frotte sur le dos : n’en pourroit-on pas faire de même en France ? M. T.