Cours d’agriculture (Rozier)/LYMPHE

Hôtel Serpente (Tome sixièmep. 352-353).


LYMPHE. Médecine Rurale. De toutes les humeurs qui dérivent de la masse du sang, il n’en est aucune qui mérite plus d’éloges que celle-ci. Renfermée dans des vaisseaux très-petits, très-minces & transparens, connus sous le nom de vaisseaux lymphatiques, elle joue un des principaux rôles dans l’économie animale.

C’est à Thomas Bartholin & Rudbec, qu’on doit la découverte des vaisseaux lymphatiques. Ce fut en 1651 qu’ils les observèrent. Cependant quelques Anglois, & notamment Glisson, en attribuent l’invention à Jolivius. Avant eux, personne n’en avoit fait mention. Et en effet, il paroît bien que les anciens n’ont pas connu la nature & les propriétés de la lymphe ; les modernes, au contraire, en ont bien senti l’existence, & reconnu l’utilité. Aussi l’ont-ils regardée, avec juste raison, comme le suc naturel de la nutrition.

En effet, la lymphe séparée du sang, est un suc très-délié, limpide, aquéogélatineux, dont la circulation est toujours dirigée de la surface du corps, vers les gros vaisseaux & vers son propre réservoir. Soumise à l’analyse chymique, elle fournit une quantité d’eau assez abondante, une matière gélatineuse, assez grasse, & une quantité de sel beaucoup moindre, relativement à ses autres principes. Elle doit sa finesse de sa fluidité aux particules aqueuses qu’elle contient, & qu’elle communique au sang : ses parties gélatineuses servent à la nutrition, & ses parties salines favorisent leur mélange.

La lymphe peut aussi exciter une infinité de maladies : son épaississement, sa lenteur à couler dans le calibre des vaisseaux ; son épanchement dans certaines cavités, sont autant de causes très-puissantes, qui déterminent quelquefois des affections très-sérieuses, & très-souvent incurables, telles que l’hydropisie, des tumeurs froides, des enkiloses, &c.

D’après toutes ces considérations, on ne doit jamais perdre de vue les différentes altérations que la lymphe peut subir, & les indications curatives que l’on doit se proposer pour combattre, avec quelques succès, les différens désordres qui peuvent en résulter. Si la lymphe est trop âcre ; ce qu’on pourra connoître à une démangeaison, & à un sentiment de prurit à la peau, au défaut de sommeil, à une diminution sensible de certaines sécrétions, à la rareté des urines, ou à leur couleur enflammée, on remédiera très-promptement à ce vice d’âcreté, au moyen d’une eau de veau très-légère, ou d’une infusion légère de fleurs de guimauve, ou par une boisson très-abondante d’une dissolution de gomme arabique, combinée avec le nitre purifié, donnée à la dose de quinze à vingt grains, dans un pot d’eau de pourpier.

Si, au contraire elle pèche par épaississement & par une consistance portée à un certain degré, alors des apéritifs légers, tels que les racines de fraisier, de chiendent, de petit houx, produiront les effets les plus salutaires.

La lymphe peut s’épaissir dans certaines cavités, jusqu’à un point de concrétion ; il faut alors appliquer les fondans les plus énergiques, tels que le sel ammoniac, dissout dans l’urine, les emplâtres de ciguë, de diabotanum & de vigo cum mercurio. Cette application extérieure seroit peu énergique si l’on ne prenoit intérieurement d’autres fondans, qui doivent concourir à redonner la fluidité & la souplesse aux parties qui en ont besoin. Nous indiquerons au mot Tumeur tous ceux qui doivent être employés en pareille circonstance. M. Ami.