Cours d’agriculture (Rozier)/LIENTERIE

Hôtel Serpente (Tome sixièmep. 259-261).
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LIENTERIE. Médecine Rurale. La lienterie est une espèce de flux de ventre, dans lequel on rend les alimens cruds, immédiatement après les avoir mangés.

D’après cette définition, il est aisé de connoître cette maladie ; outre que ceux qui en sont attaqués, rendent, par dévoiement, les alimens tels qu’ils les ont pris, ils sont extrêmement dégoûtés, quelquefois même ils éprouvent une faim canine, & une chaleur intérieure ; ils ressentent à la région de l’estomac, des épreintes, qui les jettent souvent dans des défaillances : à cet état succède assez ordinairement un accablement général, un grand abattement des forces, qui réduit les malades à un état extrême de sécheresse ; enfin, au marasme. Par les symptômes dont on vient de parler, on peut croire que la lienterie a son siège dans l’estomac ; il paroît même qu’il est seul affecté ; ce qui le prouve, c’est la qualité & la nature des matières alimenteuses que les malades rendent par les selles, & qui n’ont subi aucun changement.

Une infinité de causes concourent à produite cette maladie ; de ce nombre sont la foiblesse des fibres de l’estomac, leur inaction, le relâchement extrême de ce viscère ; son irritation portée au dernier degré ; le défaut de ressort & de faculté rétentrice. Des poisons reçus dans sa cavité, & l’âcreté des sucs gastriques peuvent encore occasionner la lienterie ; elle peut dépendre aussi d’une diathèse scorbutique, & venir à la suite d’un ulcère de l’estomac, & de quelque autre longue maladie, telle que la dyssenterie & une diarrhée. On ne doit pas oublier dans l’énumération des causes de cette maladie, l’usage des alimens grossiers & de difficile digestion, & une cicatrice très-épaisse qui peut s’être faite dans quelque partie du tube intestinal. Cette dernière cause a été observée & admise par Aetius & Celse elle paroît néanmoins chimérique, & ne paroît pas pouvoir contribuer à la lienterie, puisque le siège de celle-ci est dans l’estomac & non dans les intestins.

Buchan nous apprend que lorsque la lienterie succède à la dyssenterie, elle a les suites les plus funestes. Si les selles sont très-fréquentes, ajoute ce médecin, si les déjections sont absolument cruës, c’est-à-dire composées d’alimens peu ou point changés, si la soif est considérable, les urines en petite quantité, la bouche ulcérée, le visage parsemé de taches de différentes couleurs, le malade est en un très-grand danger.

Le traitement de la lienterie diffère peu de celui de la dissenterie. Pour la combattre avec succès, il ne faut jamais perdre de vue la cause véritable qui l’a produite on commencera par faire vomir les malades avec l’ipécacuana, si l’estomac & le reste des premières voies sont embourbés des sucs putrides. On insistera ensuite sur les purgatifs, avec lesquels on combinera toujours l’ipécacuana à petite dose.

Mais ces remèdes seroient dangereux, ou tout au moins inutiles, si la lienterie dépendoit d’un relâchement extrême de l’estomac, ou de sa trop grande irritation. Dans le premier cas, les toniques assez actifs, tels que l’ipécacuana en poudre, donné toutes les heures à la dose d’un grain, l’infusion des feuilles d’oranger, de petit-chêne, le quinquina donné en poudre, les martiaux, les bains froids, seroient le plus grand bien. Ils seroient contraire très-nuisibles, si l’estomac étoit irrité ; ils augmenteroient encore plus la tension de ses fibres ; il vaut mieux alors employer les adoucissans & les relâchans, tels que la saignée, les bains tièdes, l’eau de veau, celle de guimauve, les bouillons adoucissans & les narcotiques.

Si la lienterie reconnoît pour cause un ulcère de l’estomac, on donnera alors les vulnéraires détersifs, comme les infusions de feuilles de véronique, de lierre terrestre, de mille-feuille, adoucies avec le miel de Narbonne ; & les différens baumes naturels. Enfin, on opposera à chaque cause un traitement approprié.

Jusqu’ici on n’avoit pas connu de remède spécifique contre la lienterie. Depuis environ dix ans, on se sert en Europe de la racine de colombo, qui produit les plus heureux effets dans la lienterie la plus invétérée. Pringle, Percival, Gaubius, Tronchin & Bûchan la recommandent comme le plus excellent remède qu’on puisse employer contre cette maladie ; ce dernier en rapporte deux exemples frappans, comme on peut s’en convaincre dans sa médecine domestique. M. Duplanil, célèbre médecin, à qui nous sommes redevables de la traduction de cet excellent ouvrage, remarque que cette racine nous est apportée de la ville de Colombo dans l’île de Ceylan. Cueillie récemment, elle purge par haut & par bas ; séchée, on l’emploie dans ces contrées comme stomachique ; dans les fièvres intermittentes & les diarrhées, à la dose d’un demi-gros, trois ou quatre fois par jour.

Buchan veut qu’on la donne plusieurs fois dans la journée, sous forme de bol, à une plus petite dose, c’est-à-dire à quatre grains, & qu’on l’incorpore dans un syrop astringent, tel que celui de groseilles ou de coins.

Enfin, les antispasmodiques seront employés, si la cause de la lienterie tient à l’affection des nerfs. M. AMI.