Cours d’agriculture (Rozier)/LAURÉOLE

Hôtel Serpente (Tome sixièmep. 237-240).


LAURÉOLE MÂLE. (Voyez planche V, page 225). Tournefort la place dans la première section de la vingtième classe, destinée aux arbres à fleurs d’une seule pièce, & dont le pistil devient un fruit mou, rempli de semences dures ; il l’appelle Thymelca lauri-folio semper virens, seu laureola mas. Von Linné la nomme Daphne laureola & la classe dans l’octandrie monogynie.

Fleur. Le n°. 1 représente une branche de la lauréole mâle. La fleur est d’une seule pièce, sans calice ; la corolle est presqu’en forme d’entonnoir. Elle est représentée ouverte en A, afin de faire voir l’arrangement des huit étamines. Le pistil B, est placé au centre de la corolle, qui est découpée en quatre parties ovales & aiguës.

Fruit. C. Baie obronde, à une seule loge, renfermant une seule semence ovale & charnue.

Feuilles. Adhérentes aux tiges, épaisses, en forme de lance, grasses, lisses & luisantes.

Racine. Ligneuse & fibreuse.

Port. Arbrisseau toujours verd, qui s’élève à la hauteur de dix-huit à vingt-quatre pouces ; les fleurs naissent en grappe des aisselles des feuilles ; les feuilles sont éparses, rassemblées au sommet, & toujours vertes.

Lieu. Les montagnes, à l’ombre dans les forêts ; fleurit en mai & en juin, & la fleur est d’un verd-terne.

Lauréole femelle, ou Mesereum, ou Bois gentil. (Voyez planche V, page 225, n° 2.) Thymelca folio deciduo. Tourn. Daphne mesereum. Linn.

Fleur & fruit. Les mêmes caractères que les précédens. En D la corolle est représentée ouverte. E fait voir la différence qui se trouve dans le pistil. F représente le fruit, & G le fruit coupé transversalement.

Feuilles. Plus petites, plus molles, moins luisantes.

Port. Arbrisseau à tiges brunes, en quoi elles diffèrent des précédentes qui sont vertes ; pliantes, cylindriques, hautes de deux à trois coudées, dont les feuilles tombent à l’entrée de l’hiver. Il a une double écorce, l’extérieure verse & l’intérieure blanche. Les fleurs sont rouges, adhérentes aux tiges, rassemblées trois à trois.

Lieu. Les Alpes, les Pyrennées, les montagnes élevées de l’intérieur du royaume.

Lauréole-Garou, ou Trintanelle. Thymelca foliis lini. Tourn. Daphne gnidium. Lin. Il diffère des précédens par le grand nombre de tiges qui s’élèvent de ses racines, hautes d’un à trois pieds, droites, seulement garnies de rameaux au sommer ; l’écorce des tiges est brune ; les feuilles sont linéaires, en forme de lance aiguë, étroites à leur base ; les fleurs naissent au sommet des tiges, au lieu que dans les espèces précédentes, elles naissent des aisselles ; les fleurs sont d’un blanc couleur de cire, auxquelles succèdent des baies d’un joli rouge.

Il y a plusieurs autres espèces de lauréole que je ne décrirai pas, parce que cet ouvrage n’est pas un dictionnaire de botanique ; d’ailleurs, les trois espèces indiquées suffisent pour l’agrément & pour l’utilité.

Cette plante est très-multipliée dans les terreins incultes de nos provinces du midi : mêlée avec les autres broussailles, on s’en sert pour chauffer les fours.

Propriétés d’agrément. La lauréole mâle, quoique petit arbuste, mérite de tenir une place sur le devant, dans les bosquets toujours verts : on peut même en faire des bordures. Le temps d’en faire des plantations est fixé par la chute des graines ; mais il est plus sûr de les semer tout de suite dans une terre légère, ombragée par de grands arbres. À la seconde, ou à la troisième année, suivant leur force, on les plantera dans le sol destiné à les recevoir. Leur reprise sera assurée si on a eu la précaution de les semer dans des pots, parce que les racines ne seront point endommagées dans le dépotement, & la plante ne s’appercevra pas du changement. Si la terre est trop sèche lors de l’opération qui doit se faire au premier printemps, on arrosera un peu la terre des pots, afin qu’elle fasse prise.

Le bois gentil est un des arbustes les plus agréables au premier printemps. Ses fleurs couvrent ses tiges, ses rameaux, & les feuilles ne paroissent qu’après les fleurs. Cet arbuste ne se plaît réellement bien que sur les montagnes où il produit le plus joli effet. Dans la plaine & dans les provinces où la chaleur est vive, il végète pendant deux ou trois ans, & y périt de langueur. On peut le transplanter pendant tout l’hiver. Il vaut mieux le faire dès le commencement, à cause de sa grande tendance à fleurir dès que la chaleur se renouvelle. Il a une jolie variété à fleurs blanches.

Le garou est joli par la masse touffue de ses tiges qui s’arrondissent d’elles mêmes à leur sommet, & forment une surface unie. Lorsque l’arbuste est chargé de ses petits fruits rouges, il est très agréable à la vue. L’époque à laquelle on peut transporter cette plante de son lieu natal dans les jardins, est à la fin de l’automne. Elle demande un terrein sec & aride. Les arrosemens lui sont contraires.

Propriétés médicinales. Les feuilles, l’écorce, la racine & la plante entière sont très-âcres & caustiques ; elles offrent un purgatif des plus violens, dont la prudence interdit l’usage, même à la plus petite dose.

L’usage ordinaire de ces plantes, & sur-tout du garou plus actif que les autres, est de détourner les humeurs, soit employées en séton sur les animaux, soit en manière de cautère sur l’homme. On applique l’écorce moyenne sur la portion du tégument qu’on veut enflammer, afin d’y déterminer un écoulement des humeurs séreuses. Dans les maladies qui demandent un prompt secours, il vaut mieux appliquer les vésicatoires, parce qu’ils agissent plus vite ; mais comme les mouches cantarides portent sur la vessie, c’est une observation à faire avant de s’en servir, sur-tout s’il y a déjà quelques dispositions à l’inflammation.

On fait macérer dans le vinaigre & dans l’eau tiède, pendant cinq à six heures, des petites branches. Fendez la branche, séparez l’écorce, & rejetez la partie ligneuse. Appliquez un morceau de l’écorce de la longueur d’un pouce ou deux, & de la largeur de six lignes environ, suivant la portion des tégumens où vous désirez établir la déviation ; recouvrez l’écorce avec une compresse, assujettie par une bande : au bout de douze heures, levez l’appareil ; renouvellez l’application soir & matin, jusqu’à ce qu’il s’écoule une grande quantité d’humeurs : alors ne changez l’écorce que toutes les vingt-quatre heures, & même toutes les trente-six heures. Si l’inflammation est trop vive, substituez des feuilles de poirée, (Voyez ce mot) ou du beurre très frais, & ne recommencez l’application de l’écorce que lorsque la peau ne fournit plus, ou très-peu d’humeurs.

Très-souvent il s’établit derrière les oreilles des enfans un écoulement d’humeurs qui est salutaire ; un peu d’écorce de garou servira à l’entretenir aussi longtemps qu’on le désirera, & même à l’augmenter.

Pour entretenir un cautère toujours ouvert, on se sert d’un pois ou d’une petite boule de cire blanche que l’on y introduit, & que l’on y maintient, soit avec une compresse, soit en la recouvrant avec un morceau de toile de diapalme. J’ai très-souvent observé que le cautère s’enfonçait insensiblement dans les chairs, & parvenoit jusqu’au périoste. Il me paroît beaucoup plus prudent de supprimer le pois ou la cire, & d’appliquer sur l’endroit cautérisé un morceau d’écorce de garou ; il empêchera la réunion des chairs, maintiendra la petite inflammation à la superficie des tégumens, & on n’aura plus lieu de craindre l’excavation de la plaie.

Usage économique. Toutes les espèces de lauréoles peuvent servir à la teinture en jaune.