Cours d’agriculture (Rozier)/HERNIE

Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 470-476).
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HERNIE, Médecine Rurale. On entend par hernie, une tumeur occasionnée par le déplacement de quelque partie contenue dans le bas-ventre.

On divise les hernies, en simples & composées ; en anciennes & récentes ; en héréditaires & accidentelles. L’hernie simple, est celle qui n’a contracté aucune adhérence, & qu’on réduit aisément par une opération simple, à portée de tout le monde, appelée taxis. L’hernie composée est presque toujours adhérente, & entraîne avec elle une partie de l’épiploon. Enfin, on appelle hernie récente, celle qui survient tout à coup, & hernie héréditaire, celle qu’on apporte en naissant. Les hernies ont reçu différens noms, à raison des parties & de la région qu’elles occupent. L’hernie est appelée crurale, lorsqu’elle se fixe sur la cuisse ; inguinale ou bubonocelle, si, en passant par l’anneau des muscles du bas-ventre, elle se loge dans le conduit du cordon spermatique ; exomphale, si elle occupe le nombril ; ventrale enfin, si elle attaque toute autre partie du bas-ventre.

Plusieurs causes peuvent occasionner les hernies ; de ce nombre sont les coups, les chutes, un exercice immodéré, les hauts cris, le vomissement, un accouchement laborieux, les efforts qu’on fait pour aller à la selle, la contraction simultanée du diaphragme & des muscles du bas-ventre, qui, en comprimant les parties contenues dans cette cavité, les forcent à se porter vers celles qui leur offrent le moins de résistance. On ne doit pas oublier la foiblesse de l’âge, la mollesse naturelle des fibres, un relâchement dans la constitution organique ; enfin, une disposition à contracter les hernies.

Elles dépendent quelquefois d’une hydropisie : les sauts périlleux, la fatigue du cheval, la vie molle & oisive peuvent leur donner naissance.

Les personnes qui, par état, sont obligées de faire maigre, & de se nourrir d’alimens trop huilés, sont les plus exposées aux hernies.

Toutes ces causes sont capables de déterminer une portion d’intestin, & la portion du péritoine, qui le recouvre, à sortir du bas-ventre, à se loger dans le conduit des vaisseaux spermatiques, & y exciter l’hernie appelée bubonocelle. De toutes les hernies, il n’en est pas de plus cruelle ; elle fixera aussi notre attention. Nous ne parlerons point de l’opération ; une pareille description est inutile, attendu que le cultivateur ne peut pas la pratiquer lui-même ; nous nous contenterons d’indiquer les moyens les plus aisés & les plus propres à en faciliter la réduction.

L’hernie inguinale ou bubonocelle peut être sans étranglement, ou avec étranglement. Dans le premier cas, il est facile de la rentrer, en appliquant les remèdes dont nous parlerons plus bas ; mais celle qui est avec étranglement, présente beaucoup de difficulté, & expose toujours les malades aux plus grands risques de perdre la vie, tant par rapport à l’opération, qu’au danger qu’il y a que l’intestin se gangrène.

Pour pouvoir indiquer les moyens les plus propres à détruire cet étranglement, il est essentiel de faire connoître les causes qui le produisent. Nous allons rapporter ce que le célèbre Goursaud dit sur les causes de l’étranglement, dans son mémoire inséré dans le quatrième volume des Mémoires de l’Académie de Chirurgie.

Cet auteur attribue les causes de l’étranglement à l’inflammation, à l’engouement des matières & aux vents.

« Le gonflement inflammatoire des vaisseaux peut causer la hernie ; il faut alors saigner, & ne pas trop abuser de ce moyen, ni l’employer indifféremment & sans précaution. Si le malade est foible & âgé, les trop grandes saignées pourroient l’épuiser, & faire séjourner les liqueurs dans les vaisseaux engorgés, ce qui occasionneroit en peu de temps la gangrène ; s’il est d’un tempérament très-humide, les saignées excessives, l’application des remèdes relâchans peuvent affoiblir le ressort des vaisseaux, au point de les maintenir dans un état d’engorgement ».

» Dans les hernies récentes, qui paroissent subitement, sans que les ouvertures naturelles, par où elles se font, ayent été préalablement dilatées par quelque cause que ce soit, & dans celles qui se renouvellent, à l’occasion de quelque effort, après avoir été long-temps contenues par un bandage, l’étranglement produit bientôt l’inflammation ; ses progrès sont relatifs à l’étroitesse du passage, & au volume des parties. La constitution vigoureuse & pléthorique du sujet, peut aussi contribuer à la prompte augmentation des symptômes fâcheux ».

» La constriction étant forte, l’inflammation en est l’effet primitif. La douleur est vive, dès le premier moment ; la tumeur est tendue ; la fièvre s’allume promptement ; la marche des accidens est rapide ; il y a bientôt des nausées suivies de vomissement de matières bilieuses ; elles ne tardent pas à être d’une odeur fétide ; le ventre devient tendu & douloureux ; le hoquet survient ; & la gangrène, qui tue le malade, s’annonce, pour les personnes sans expérience, lorsque tout est désespéré ».

» Avant de tenter la réduction, il faut avoir recours aux saignées, & même les répéter, sans néanmoins perdre de vue l’âge, le tempérament, & les forces du malade. Les malades prendront de l’eau de poulet ; on leur donnera dans le commencement des huileux, qui sont très-propres à relâcher, & à calmer l’inflammation ; les antiphlogistiques, si nécessaires pour combattre l’état inflammatoire, doivent être donnés avec beaucoup de discrétion, crainte de surcharger le canal intestinal ; on appliquera sur la tumeur, des cataplasmes émolliens ; on mettra les malades dans une situation, telle que la tête & le tronc soient fort bas, les fesses & les cuisses relevées ; ces moyens sont quelquefois avantageux, & on voit souvent les hernies rentrer d’elles-mêmes, ou en faisant, avec les deux doigts indicateurs, une compression graduée, quand elles n’ont pas contracté d’adhérence ».

» Il y a des hernies anciennes qui ne rentrent jamais, & dont on ne pourroit tenter la réduction, sans exposer les malades aux plus grands dangers de perdre la vie ; il faut les respecter, dès que les malades n’en sont point incommodés, & que le cours des matières fécales n’est pas interrompu

» Quand la hernie est produite par l’engouement des matières fécales, la sensibilité n’est pas si grande ; la tumeur acquiert insensiblement un volume considérable ; les douleurs que le malade ressent, sont moins vives, & plus supportables ; les nausées arrivent plus tard, elles sont toujours déterminées par la plénitude du canal ; la fièvre tarde plus long-temps à paroître ; on peut manier la tumeur, sans y attirer le moindre accident, comme dans la hernie inflammatoire ; les symptômes ne dépendent que de l’interruption du cours des matières ; une compression méthodique peut faire rentrer ces hernies ; mais il faut diriger la répulsion des matières, dans les hernies qui passent par l’anneau obliquement, vers l’os des îles ; & dans la hernie crurale, vers l’ombilic ».

» Si l’intestin est foible, & son ressort pas assez fort pour faire remonter & chasser, du côté de l’anus, les matières retenues dans le canal intestinal engagé dans l’anneau, on n’emploiera point la saignée, ni les relâchans, qui, en augmentant l’obstacle, s’opposeraient à la réduction. «

» Quoique, par le maniement méthodique, on soit parvenu à faire rentrer l’intestin, si une partie de l’épiploon, qui accompagne l’intestin, a contracté adhérence, il faut alors pratiquer l’opération ; le malade éprouveroit le hoquet & le vomissement, par le tiraillement que l’estomac souffre de l’épiploon, toujours engagé dans l’anneau. L’inflammation & la gangrène ne manqueroient pas de survenir ; l’eau froide ne sauroit convenir, lorsqu’il y a une altération dans les intestins ; les répercussifs sont dangereux, en ce qu’ils peuvent produire la gangrène. »

» L’air distend l’intestin, & produit l’obstacle qui s’oppose à la réduction : dans ce cas l’application de la glace peut convenir. L’intestin s’enfle au point qu’il ne peut être repoussé : on connoîtra l’existence de l’air, & des flatuosités, si le reste du bas-ventre est tendu ; si on en rend par la bouche, l’on entend des borborygmes, des rugissemens dans les intestins, & si la douleur n’est pas accompagnée de pesanteur, les purgatifs ne peuvent convenir que lorsque les matières commencent à s’engouer par défaut de ressort. Outre les mouvemens qu’ils peuvent exciter à l’intestin, ils procurent une excrétion de matières fluides, capables de délayer, de détremper & entraîner celles qui s’accumuleraient dans la hernie ; c’est sous ce point de vue qu’il faut considérer l’effet & l’utilité des purgatifs. On doit, avant de les donner, 1°. débarrasser les voies inférieures par les lavemens purgatifs, ensuite manier doucement la tumeur à plusieurs reprises, pour disposer les matières à prendre la route du canal intestinal. Goursau a donné avec succès une infusion de sené qui a procuré la rentrée totale de la hernie. La dissolution de deux onces de sel d’epsom dans deux pintes d’eau, dont on donne de temps en temps quelques verres au malade, est regardée comme un vrai spécifique : je l’ai souvent fait prendre dans pareille circonstance ; ce remède m’a constamment réussì. Dehaen recommande la fumée de tabac ; sa vertu ne s’étend que dans la partie inférieure du canal intestinal ; elle picotte la membrane des intestins, & fait sortir les matières qui y sont contenues. Par ces moyens, on éprouve moins de résistance pour parvenir à résoudre la hernie.

On recommande, en général, que le malade soit dans une situation où les muscles soient dans le plus grand relâchement, de même que les parties par où la hernie passe, & qui font l’étranglement. On couche le malade sur le dos ; on lui met un traversin sous les genoux, afin que les cuisses & les jambes soient fléchies ; le bassin doit être élevé, & les oreillers sous les épaules.

Dans la hernie crurale, le corps peut être incliné un peu du côté opposé à la descente ; la tête sera fléchie sur la poitrine. Dans cet état on n’a rien à craindre de la résistance des muscles de l’abdomen.

Il y a encore une autre méthode recommandée par les anciens & les modernes, & qui mérite d’être mise en usage. Elle consiste à suspendre la tête du malade en bas, & les pieds en haut. Louis a vu des hernies inguinales rentrer d’elles-mêmes par cette seule situation.

Si tous les moyens que nous venons d’indiquer ne sont point suffisans, on aura recours à l’opération qui doit être confiée à une main habile ; le peu de succès qu’on en obtient vient de ce qu’on la fait trop tard. On a souvent observé qu’en moins de vingt-quatre heures l’intestin étoit prêt à tomber en gangrène.

Enfin, la hernie rentrée, on doit la contenir, & s’opposer à sa sortie par le moyen d’un bandage qu’on portera nuit & jour. Les personnes sujettes aux hernies, éviteront avec soin, les grandes fatigues, les courses à cheval, une promenade trop longue, un régime échauffant : elles s’abstiendront de tout aliment huilé, enfin, de toute passion violente ; & tout ce qui peut déterminer un effort quelconque, doit leur être interdit M. AMI.


Hernie, médecine vétérinaire. Si les muscles du bas-ventre n’offrent pas dans toute l’étendue, une résistance assez forte pour s’opposer aux efforts violens & continuels des intestins du cheval & du bœuf ; si l’effort des parties contenues l’emporte sur la résistance des parties contenantes, il existera extérieurement une éminence, dont les parties contenues rentreront dans la capacité de l’abdomen, & à laquelle nous donnons le nom d’hernie ou de descente.

Nous rangeons parmi les principes ordinaires des hernies, les coups, les blessures qui intéressent les tégumens & les muscles du bas-ventre ; un effort violent que le bœuf ou le cheval aura fait pour tirer ou porter un fardeau considérable &c.

Les hernies ont différens noms, relativement aux lieux qu’elles occupent, ainsi qu’on l’a vu ci-dessus.

On sait que le péritoine tapisse toute la face interne des muscles du bas-ventre, & que cette membrane donne des prolongemens composés de ses deux tuniques, ou seulement du tissu cellulaire : c’est dans ces derniers prolongemens, que le péritoine plus foible se prête & se prolonge pour laisser passer les parties contenues hors de l’abdomen, & pour former à l’extérieur sur l’anneau du muscle grand oblique, ou dans les bourses, ou au-dessous de l’arcade crurale, une tumeur plus ou moins considérable que la mollesse, la chaleur & la situation font distinguer essentiellement de la tuméfaction des glandes inguinales.

Dans la hernie crurale, & dans la hernie spermatique, on ne sent ni chaleur, ni pulsation, ni dureté ; au contraire, la tumeur est unie, flatueuse & élastique : l’épiploon se trouve-t-il engagé avec la portion de l’intestin déplacé, ce qu’on nomme intero-épiplocèle ; la tumeur est molle : l’épiploon est-il seul renfermé dans le sac herniaire, ce qu’on appelé épiplocele ; la tumeur est également molle, mais sans flatuosité, ni élasticité.

La violente contraction des muscles du bas-ventre & du diaphragme, est la cause la plus fréquente de la hernie crurale. Elle est caractérisée par la sortie d’une partie des intestins hors du bassin, par-dessus le ligament de Poupart, c’est-à-dire, par-dessus un ligament formé des fibres tendineuses des muscles du bas-ventre, qui s’étendent depuis les os iléon, jusqu’aux os pubis.

Aussi-tôt que la hernie commence à paroître, faites vos efforts pour faire rentrer dans la capacité de l’abdomen, les parties déplacées : pour cela renversez le cheval sur le dos, repoussez doucement avec les doigts l’intestin, pour le déterminer à rentrer dans le sac herniaire. Si vous ne pouvez point réussir de cette manière, ouvrez les tégumens avec le bistouri, afin de faciliter la rentrée de l’intestin, & faites tout de suite un point de suture avec ligament. M. Lafosse assure avoir vu plusieurs exemples de cette hernie, & avoir pratiqué le moyen que j’indique ; mais il avoue qu’il ne lui a pas toujours réussi. On doit bien comprendre qu’il n’est utile de pratiquer cette opération, que dans le cheval ; le bœuf & le mouton, doivent être sur le champ conduits à la boucherie.

La hernie ventrale qui affecte assez fréquemment le bœuf & le cheval, provient, pour l’ordinaire, d’un coup donné au ventre par une bête à corne, ou par le bout du bâton du bouvier ; elle se manifeste sur la surface extérieure de l’abdomen, par une tumeur élastique, flatueuse, circonscrite, indolente, sans chaleur & sans pulsation.

Lorsque la hernie n’est accompagnée ni d’inflammation, ni d’étranglement, & qu’elle peut aisément se réduire, soutenez seulement l’intestin par le moyen d’un bandage assez fort, dont vous environnerez, le ventre & le dos. M. Vitet a vu l’application de la pelotte, continuée pendant quelques mois, faire disparoître une hernie ventrale commençante.

Mais si l’inflammation gagne l’intestin déplacé, après avoir éprouvé l’insuffisance de tous les remèdes analogues, pratiquez l’opération ci-dessus décrite, pour le cheval seulement, quel qu’incertain qu’en soit le succès, étant fondé sur ce principe, qu’il vaut mieux tenter un remède douteux, que de laisser périr l’animal.

Une tumeur à l’ombilic est ce que nous nommons exomphale ; il est rare que les chevaux qui en sont atteints, puissent être de quelque service.

Les autres espèces de hernies sont rares dans les animaux. M. T.