Cours d’agriculture (Rozier)/GOURME (supplément)


GOURME, (Maladie des animaux.) La gourme est une maladie particulière au cheval, l’âne et au mulet, de nature critique et inflammatoire, soupçonnée de contagion, quelquefois compliquée de spasme, sauvent cachectique, dont le signe essentiel est un flux par les naseaux et un abcès sous la ganache.

Nous allons chercher d’abord les causes d’où peut dépendre son existence. En nous occupant ensuite de ses espèces, nous développerons quelles sont les causes qui peuveut accélérer ou retarder cette crise, quelles sont celles qui peuvent en changer la nature et multiplie : ses ravages.

De l’origine et de la cause première de la gourme. Elle est sans doute aussi ancienne que la domesticité des chevaux ; cependant elle ne règne pas également dans tous les pays. Il y a même des auteurs qui prétendent qu’elle n’existe pas en Arabie, en Espagne, en Italie, et dans tous les pays chauds. Nous manquons de relations assez positives pour établir les faits à cet égard ; mais il est vraisemblable que la gomme y est beaucoup moins commune, et beaucoup moins fâcheuse ; ou que ses symptômes y sont moins marqués et ses effets moins redoutables qu’en France, en Allemagne, en Angleterre, etc.

Est-elle du nombre des maux inévitables et même de ceux qu’on appelle salutaires ?

Est-elle analogue à la petite vérole de l’homme, à celle des dindons, à la vaccine, et au claveau des moutons ? Cela est croyable, sans être cependant encore prouvé.

Peut-on penser, avec ceux qui cherchent la cause principale de plusieurs maladies dans l’altération des fluides des corps vivans, que la gourme soit une humeur qui naît avec le cheval, ou un aggrégat d’humeurs excrémentitielles dont l’expulsion n’a pu s’opérer pendant le premier âge où les organes étoient occupés au grand œuvre de l’accroissement ; que ces humeurs s’accumulent et se développent peu à peu, finissent par engorger les viscères, subjuguer les vaisseaux, gêner le cours du sang, détruire l’équilibre, dominer l’organisation, constituer une pléthore, et que la santé ne peut se rétablir qu’après que les forces se sont réunies pour rejeter au dehors ces impuretés, résultat qu’on appelle en conséquence dépuration ?

Quand elle est incomplète, est-ce qu’il reste un levain qui soit la source, l’origine des nouveaux flux, des nouveaux dépôts qui viennent à reparoître ? Est-ce aussi le défaut de sortie de ce levain qui donne lieu à cet état valétudinaire qu’on voit durer toute la vie dans quelques sujets ?

La dentition qui s’opère depuis la naissance jusqu’à l’âge de cinq à six ans, la fluxion générale de la tête qui arrive souvent lors de l’apparition des crochets et des dernières molaires, ne suffiroient-elles pas pour expliquer l’affection de la membrane nasale ou l’abcès qui se remarque dans la gourme, sans imaginer une humeur préexistante ?

Le sol marécageux, les changemens brusques de l’atmosphère, les alimens durs, les travaux avant l’âge adulte, qui troublent la protrusion des dents, ne peuvent-ils pas exciter les gourmes des diverses espèces fâcheuses, dont sont exempts les chevaux qui habitent des climats plus salubres, et qui sont soumis à un régime plus favorable ?

Ces questions sont susceptibles de discussions plus ou moins ingénieuses : mais, ennemis de toute hypothèse, nous ne croyons point devoir en dire davantage, préférant nous livrer à des objets d’une utilité réelle.

Tous les chevaux ont-ils la gourme nécessairement, soit d’une manière apparente, par des flux, des tumeurs ; soit d’une manière imperceptible, par la transpiration, par les urines, ou simplement par une fièvre, etc. ?

La gourme étant de la nature qu’on vient de supposer, est-elle encore contagieuse ? Il y a des personnes qui sont de cette opinion, et qui assurent qu’un cheval affecté de la gourme peut la donner non seulement de diverses espèces, mais encore communiquer la morve à un autre cheval qui y auroit de la disposition. Ces faits néanmoins ne nous paroissent point assez constatés pour pouvoir les avancer comme certains ; on n’a point encore fait non plus l’essai de la vaccine pour préserver les chevaux de la gourme, comme on a vacciné les moutons pour les préserver du claveau ; cependant il seroit intéressant que les gens de l’art qui habitent les pays d’élèves, fissent ces expériences, dont le succès auroit des résultats utiles, attendu que la préservation de la gourme devroit sans doute beaucoup diminuer les pertes de chevaux causées par la morve, le farcin, et les eaux aux jambes, qui souvent en sont une suite. (Voyez Vaccination.)

Les différences que l’on remarque dans l’apparition de la gourme, soit quant aux phénomènes, soit quant aux époques, nous obligent de distinguer des gourmes de plusieurs espèces, qui seront :

1o. La gourme avec inflammation modérée ;

2o. La gourme avec inflammation excessive. ;

3o. La gourme cachectique ;

4o. La gourme avec spasme ;

5o. La gourme gangreneuse.

De la gourme avec inflammation modérée. L’âge le plus favorable pour l’apparition de la gourme, est celui de trois à six ans, époque pendant laquelle il s’entretient une fièvre locale considérable dans les os des mâchoires et dans toute la tête, pour opérer l’éruption des dents d’adulte. (Voyez Dentition laborieuse, à l’article Fluxion périodique.) C’est aussi à cette époque que l’animal a acquis un Accroissement (Voyez ce mot) et une force qui permettent une crise complète. Les causes qui occasionnent et entretiennent ce degré modéré d’inflammation, sont un climat sec, de l’herbe courte et fine, qui ne soit pas privée des rayons du soleil, qui n’ait point reçu d’engrais ; des logemens salubres, des pâturages où les chevaux bondissent en liberté, des travaux modérés, le pansement de la main exécuté avec soin ; enfin le printemps, moment du renouvellement des poils, où l’économie animale semble prendre une nouvelle existence.

Les poulains élevés dans des pays secs, qu’on ne tient dans les pâturages que lorsque le temps est beau, jettent abondamment leur gourme pendant la protrusion des dents d’adulte avec une inflammation modérée, et ne sont pas exposés à des rechutes.

Dans la gourme modérément inflammatoire, il n’y a d’autres symptômes essentiels qu’un écoulement blanc floconneux qui a lieu par les naseaux, et un abcès de matière louable qui a son siège ordinairement à la ganache.

Cet effort de la nature est précédé d’une fièvre légère peu sensible, qui quelquefois se termine au moment où l’écoulement s’effectue, d’autres fois se soutient jusqu’à ce que l’abcès soit entièrement formé, et diminue de plus en plus jusqu’à son entière suppuration, et jusqu’à la fin de l’écoulement par les naseaux. Quelquefois même il n’y a pour ainsi dire point de symptômes autres que la tumeur et le flux. La formation de l’abcès suspend le flux qui se rétablit un peu ensuite. Ces deux évacuations s’épuisant par degrés, l’abcès sur-tout se termine par l’entière détuméfaction des parties environnantes, et la cure est parfaite. La gourme s’effectue de cette manière dans la plupart des chevaux qui sont entretenus dans un régime convenable, qui ont une bonne constitution, et c’est une raison pour qu’ils la conservent. Il y en a qui jettent ainsi leur gourme en travaillant ; d’autres qui ne sont arrêtés que quelques jours, et qui sont guéris au bout d’une quinzaine.

En général la gourme, qu’une inflammation modérée accompagne, peut être abandonnée à elle-même.

Cependant, dès le début, par prudence, séparez des malades les animaux sains chez lesquels il y auroit quelque disposition qui feroit craindre en eux l’invasion de la gourme.

On doit seulement, pendant la crise, tenir l’animal en repos, le placer dans un local où il respire un air pur et frais, lui mettre une couverture légère, le bouchonner avec soin deux fois le jour, lui donner de l’eau blanche à discrétion, et le promener par le beau temps.

La tumeur sous la ganache a été ouverte par la nature, où elle doit l’être par l’art. On ne doit ouvrir l’abcès qu’après que la fluctuation est bien établie, et que les parties environnantes sont détuméfiées. Si l’abcès est ouvert naturellement, et, comme il arrive, que l’ouverture en soit trop petite pour permettre une libre issue à la matière, il faut l’agrandir de haut en bas, et faire une incision aussi longue que le foyer est large. On détergera souvent les naseaux avec une éponge humectée d’eau chaude, et l’ulcère, avec la même eau lancée au moyen d’une seringue.

On nettoiera la mangeoire du flux et de la suppuration qui peuvent l’avoir salie.

Si le ventre est peu libre, ce qui est assez ordinaire, on donnera, matin et soir, un lavement émollient ; et l’on ne fera usage de médicamens, qu’autant que la toux subsisteroit. S’il y avoit quelques difficultés, c’est que la gourme seroit ou deviendroit de la nature des espèces suivantes, et alors il faudroit lui appliquer leur traitement en totalité ou en partie.

Gourme avec inflammation excessive. La gourme avec inflammation excessive se manifeste par la tristesse, l’accablement, le dégoût ; par la chaleur extrême de la bouche, la sécheresse de la langue, qui souvent même est engorgée à son frein, et a peine à tenir dans la bouche ; par le gonflement des paupières, par la rougeur de la conjonctive, de la membrane du nez, par la tuméfaction de toute la tête, par la toux, la difficulté de respirer, par le soulèvement des parotides, par la difficulté d’avaler les alimens solides, et même les liquides, et sur-tout par le pouls plein, fort et dur.

Cet état violent s’oppose à l’écoulement par les naseaux et à la formation de l’abcès. Si la tumeur ou le flux se montre, l’animal est soulagé, la toux devient grasse, et on observe que l’abcès et le flux sont toujours en raison inverse l’un de l’autre pour la quantité ; c’est-à-dire que, quand le flux est abondant, la tumeur est petite, et qu’elle est plus grosse quand le flux est moindre : le flux diminue à mesure que la tumeur s’étend et s’abcède. Il peut donc y avoir complication d’angine, d’ophtalmie, de toux, de pleurésie ou de pneumonie, etc.

Traitement. Il s’agit de modérer toutes les forces pour produire la suppuration, qui est la seule terminaison favorable, et de diriger la tendance vers les parties qui sont les voies les plus avantageuses pour l’évacuation. Il faut convenir cependant que le flux nasal est encore plus simple que l’abcès, en ce que c’est une voie excrétoire ordinaire, et qui est aussi plus prompte.

On obtiendra le relâchement général par des saignées faites seulement au degré de produire la souplesse du pouls, par des lavemens émoliens répétés toutes les trois heures.

Les parties enflammées de la tête seront elles-mêmes relâchées par des cataplasmes émolliens, des vapeurs d’eau bouillante ; la bouche et la gorge seront traitées par des gargarismes d’eau d’orge miellée qu’on lancer avec la seringue, et qu’on réitérera souvent. On donnera des opiats composés de miel, de gomme arabique ; on pourra, dans la suite, ajouter aux gargarismes un peu de vinaigre.

Si le larynx est le siège principal de l’inflammation, (Voyez Angine ou Squinancie) il faut se hâter de pratiquer la trachéotomie,

L’inflammation et la tension des parties étant modérées, le flux par les naseaux paroit avec abondance ; la tuméfaction de dessous la ganache se centralise, et la suppuration a lieu le quatrième ou le cinquième jour au plus tard ; on ouvre l’abcès, et on se conforme en tout à ce qui est prescrit précédemment. Cependant si la toux indiquoit que la poitrine participât à cet état inflammatoire, il faudroit ne pas la perdre de vue ; alors on a recours au blanc de baleine, à la gomme arabique, à la racine d’altérer en poudre, de chacun une once, incorporés dans une livre de miel, que l’on fait prendre peu à peu, à différentes reprises, dans le courant de la journée : on continue l’usage de cet opiat jusqu’à ce que la toux ait entièrement cessé.

Mais si elle est grasse et que l’expectoration soit cependant difficile, on a recours à l’opiat suivant : prenez, réglisse en poudre, iris de Florence aussi en poudre, de chacune une once ; fleurs de soufre, demi-once, miel, une livre ; mêlez, et faites prendre peu à peu par le moyen d’une spatule.

S’il existe une amplitude de la poche gutturale, (poche d’Eustache) ce qu’on reconnoît par le soulèvement de la parotide, l’humeur qui remplit cette poche est la matière suppurée qui est le produit de la crise. Ce dépôt étant complet, il faut lui donner issue ; l’opération à exécuter ici demande des lumières et une main habile. C’est l’Hyovertébrotomie. (Voyez ce mot.)

Lorsque les dépôts s’effectuent sur d’autres parties, telles que le garrot, les ars, les fesses, on doit les panser de manière à les conduire à suppuration et à les traiter d’après les principes prescrits pour les abcès qui arrivent sous la ganache. Mais lorsqu’ils s’établissent aux articulations des genoux, des jarrets, des boulets, etc., on doit les traiter par les cataplasmes émolliens, par des bains et des douches de même mature. (Voyez Émollient.)

Cette crise, au surplus, ne doit être regardée comme complète, que lorsque, 1°. toutes les détumescences de la tête, du dessous de la ganache, sont entièrement opérées ; 2°. que la gaité ou l’appétit, et tous les autres signes de santé se manifestent peu à peu, pendant les premiers huit jours qui se sont écoulés depuis la cicatrisation de l’abcès. Mais de tous les signes qui annoncent que la crise est entière, et que le rétablissement de l’animal est assuré, le moins équivoque est celui que l’on tire de l’abondance de la crasse ou de la poussière grasse que la brosse et l’étrille enlèvent journellement de toute la surface du corps. Cette abondance est d’autant plus considérable qu’il y avoit plus long-temps que l’action de la peau étoit suspendue. On voit cette abondance de crasse continuer pendant un mois, et quelquefois plus long-temps.

Gourme avec Cachexie, (Voyez ce mot.) Les symptômes de cette gourme annoncent un organisme foible et incapable d’une crise complète. Les tuméfactions qui se manifestent sont irrégulières, quant à leur siège ; elles s’établissent non seulement sous la ganache, mais aux parotides, aux articulations du genou, du jarret et du boulet ; sont sujettes à des métastases, suppurent lentement, et avec peu d’abondance ; la cicatrice en est très-lente ; elles sont très-disposées à l’induration, accompagnées de langueur, de foiblesse ; les jambes sont engorgées, œdémateuses, au point qu’elles ont peine à se fléchir. Le flux qui a lieu par les naseaux est séreux, dissous, gluant, subsiste longtemps, ne disparoît qu’à la longue, affoiblit le sujet : il est accompagné d’une toux foible qui indique la participation du larynx, de la trachée et du poumon à cette affection catarrheuse. Quelquefois encore il y a tristesse, agitation des flancs, marche pénible, toux fréquente ; il existe aussi souvent des vers dans l’estomac, les intestins, les canaux bilifères, et même dans les bronches.

Cette maladie est très-fâcheuse, sur-tout lorsqu’elle est négligée ou qu’elle est mal traitée, ce qui malheureusement n’est que trop fréquent. Elle exige sur-tout une longue convalescence, et encore laisse-t-elle dans les sujets qui en ont été affectés des traces indélébiles. Quand un ulcère est cicatrisé, il vient ailleurs d’autres tumeurs froides, indolentes, soit dans l’instant, soit quelque temps après : on en voit même qui sont situées profondément, et qui par-là sont encore moins accessibles aux moyens de l’art.

Causes et époques. Cette espèce de gourme attaque les animaux depuis l’âge le plus tendre, même les poulains de lait, et les muletons sous la mère : c’est pourquoi on l’appelle alors gourme de lait. Elle vient de ce que les poulains et les muletons sont dans les pâturages avec leurs mères, se couchent par terre dans des endroits humides, où l’herbe est couverte de rosée. Elle est plus commune dans les printemps très pluvieux, et attaque de préférence les sujets dont les mères ont souffert pendant l’allaitement, ou ceux que l’on a sevrés trop tôt.

La gourme est toujours prématurée quand elle vient avant la chute des premières dents de lait. Les poulains qu’on tient toute l’année dans des pâturages aquatiques, où ils restent pendant presque toute la mauvaise saison ; qu’on nourrit ensuite misérablement sur des terrains où l’herbe est coriace ; puis que l’on vend après les avoir engraissés dans des pâturages abondans ; qu’on change de climat, trop jeunes, pour les mettre trop tôt aux alimens secs, à des travaux au dessus de leurs forces, éprouvent de ces gourmes rebelles, dès qu’on les met trop brusquement du régime sec au régime vert, dès qu’ils viennent à passer du chaud au froid, du repos à un travail immodéré.

Cette crise incomplète peut se manifester de même, soit pendant l’âge où la gourme vraiment critique se déclare, soit même après que le cheval est adulte, par l’effet des saignées printanières, de précaution, pratiquées indiscrètement, etc. (Voyez Saignée.)

Voyez, à l’article Fluxion périodique, le développement de l’influence de ces causes. Lorsque quelques unes viennent à agir d’une manière extraordinaire et générale, qu’il existe, par exemple, des débordemens de rivières, des submersions de prairies, il se déclare des gourmes épizootiques de diverses natures.

Les lieux où la température est toujours humide, toujours froide, sont moins redoutables, pour la gourme, que ceux où il se passe des changemens fréquens, et principalement subits, des influences opposées.

Les causes que détermine cette gourme, la modifient encore, ainsi que nous l’avons observé ; elles font changer la maladie de nature, lui donnent des complications analogues, et la font dégénérer dans les eaux aux jambes, avec poireaux, crapauds ; en larcin, en fluxion aux yeux, en morve, en foiblesse de digestion, en coliques périodiques.

Par la raison contraire, les chevaux des pays septentrionaux, qu’on mène dans des pays d’une latitude plus méridionale, par exemple du Poitou, de l’Auvergne en Espagne, acquièrent une disposition qui les débarrasse, qui les met dans le cas de prendre par degrés une santé plus robuste.

Traitement. Il faut avoir recours, dans cette maladie, à tous moyens qui excitent et soutiennent les forces, qui soient capables de favoriser l’action de la peau, et sur-tout de prévenir la résolution, puisque la seule issue avantageuse est la suppuration.

Par conséquent, fa saignée dont on fait toujours, et par-tout, un si fréquent usage, doit être proscrite.

On donnera des breuvages composés d’infusion de partie égale de sauge et de fleurs de sureau, dans chaque pinte de laquelle on ajoutera une once d’oximel simple, autant d’huile empyreumatique distillée, et d’extrait de genièvre : on en fera prendre trois ou quatre par jour. La tuméfaction des glandes de dessous la ganache exige des onctions d’onguent suppuratif : telles que l’onguent basilicum, ou même de l’onguent vésicatoire, l’application d’une peau de mouton sous la ganache, la laine tournée du côté de la tuméfaction.

Lorsque les forces de la nature ne sont pas trop affoiblies, on voit naître l’inflammation ; le pouls se ranime, la chaleur de la bouche acquiert de l’intensité ; la tuméfaction de la ganache s’isole, se soulève dans le centre, et l’abcès se forme peu de jours après.

Les choses parvenues dans cet état, on se conforme à tout ce qui est prescrit pour la gourme précédente. Cependant il faut prendre garde au genre d’abcès qui s’est formé. Si le foyer a peu d’étendue, si l’on n’en voit pas s’opérer la fonte des parties environnantes, il faudra cautériser les tumeurs avec des raies de cautère actuel ; ouvrir l’abcès dont il s’agit, avec le bouton de feu, et laisser séjourner ce bouton dans le foyer assez de temps pour solliciter de l’inflammation dans toutes les parties tuméfiées. On doit avoir attention d’entretenir la suppuration de cet ulcère, jusqu’à ce que les tuméfactions soient entièrement disparues.

Lorsque les parotides sont tuméfiées, on doit tirer la conséquence que la membrane interne des poches est dans un état catarrheux dont il est essentiel d’opérer la résolution. Pour cet effet, il faut avoir recours aux vésicatoires qu’on applique dans toute l’étendue de la tuméfaction ; on réitère cette application deux et même trois fois, jusqu’à entière et complète résolution. Si la parotide n’est que soulevée et non tuméfiée, ce qui cependant rend la respiration difficile, c’est qu’il existe un dépôt dans la poche gutturale ; on le traitera aussi par l’hyovertébrotomie ; et, s’il y a danger de suffocation, par la trachéotomie.

Quant aux engorgemens qui arrivent sous le ventre ou aux extrémités, on fera dissiper la sérosité qui infiltre le tissu par le moyen d’une suffisante quantité de coups de flamme que l’on distribue à deux ou trois travers de doigt les uns des autres. (Voyez Hydropisie.)

Ces scarifications faites, on fomente les parties tuméfiées avec des infusions de plantes aromatiques, que l’on rend par la suite plus actives, en y ajoutant de l’eau-de-vie ; on continue ces lotions et ces fomentations jusqu’à ce que la résolution soit complète ; on fait exécuter de plus la promenade, pour donner de l’action à la circulation.

Gourme avec spasme. Les symptômes qui l’annoncent sont la roideur des membres, la tension des muscles abdominaux, sur-tout le long du flanc, le défaut de liberté des mâchoires, l’espèce d’inflexibilité de l’épine dorsale, de l’encolure, le bruit que font entendre les articulations lorsque l’animal marche, les baillemens, les nausées suivies de la sortie d’un air acéteux et infect, la dépravation du goût qui porte l’animal à manger le plâtre, la terre. On remarque en lui le froid des extrémités, le pouls serré et embarrassé, la difficulté de fienter et d’uriner, la lassitude, le coma, la tristesse, l’abattement, l’engourdissement des membres, l’érection ou les signes de chaleur dans les femelles. Les extrémités sont roides, il y a des frissons par intervalles, les oreilles sont froides, ainsi que toute la surface du corps ; puis les parties deviennent brûlantes, sur-tout la bouche et les oreilles ; les tumeurs changent de siège. Il y a des animaux qui font entendre des borborygmes, qui se tourmentent et refusent toute espèce d’alimens solides et liquides.

Le flux se résout plutôt que de devenir purulent ; l’ulcère se cicatrise plus promptement que les parties environnantes ne se dégorgent ; la tuméfaction subsiste, l’animal jette de nouveau pendant plusieurs saisons, pendant plusieurs années. Les animaux éprouvent aussi, par les naseaux, beaucoup de flux qui ne les soulagent point ; ils n’ont aucune aptitude ni à la résolution, ni à la suppuration, en sorte que c’est une fluxion catarrhale et non une maladie critique ; ces flux sont continuels ou périodiques ; la maladie se termine par des claudications nerveuses, par le cornage, l’immobilité, la pousse, la paralysie complète ou incomplète.

Elle peut être aussi le partage des jeunes sujets, des poulains d’un an, dix-huit mois, deux ans : les chevaux fins, élancés, délicats, étroits de boyau, ceux qui pèchent par excès d’ardeur, qui sont craintifs, irritables, qu’on met au sec trop tôt, à qui on a arraché des dents de lait, y sont plus exposés. Ainsi, l’éruption de cette gourme est souvent prématurée, c’est-à-dire qu’elle se manifeste avant que l’animal ne soit formé : d’où il résulte un jetage imparfait, un flux peu abondant par les naseaux, et un dépôt extérieur si petit, qui suppure si peu, que les animaux ne sont point garantis de la gourme. Ils l’éprouvent une seconde et même une troisième fois, et c’est sans doute à ces gourmes irrégulières prématurées, tardives, qu’on doit appliquer les dénominations de fausses gourmes, assez usitées parmi le vulgaire. Ce qu’il y a de vrai, c’est que ces gourmes sont des crises imparfaites, qui reviennent plusieurs fois et qui se manifestent sur-tout en automne, en hiver et dans tous les temps où un froid humide succède à une température plus sèche et plus chaude. C’est quelquefois aussi lorsque les chevaux quittent les pâturages pour être mis au régime sec, que se déclarent ces gourmes plus rebelles et plus dangereuses.

Traitement. Le régime qui convient le mieux lorsqu’on est dans une saison favorable, c’est le vert d’escourgeon que l’en fait prendre à l’écurie, et que l’on distribue avec prudence. On accompagne cet aliment de deux ou trois rations de son frisé, dans chacune desquelles on ajoute quatre ou cinq gros de sel commun.

Mais si l’on n’a point d’escourgeon, on aura recours à l’orge cuite à la vapeur de l’eau bouillante ; on la mêlera avec le son ; on donnera très-peu de foin, et il sera toujours mêlé à trois parties de bonne paille de froment brisée en quatre, pour qu’elle se mêle plus exactement, et que l’animal ne puisse manger l’un sans l’autre.

On tient les animaux couverts, et on les panse de la main deux fois par jour ; on les promène au pas et au soleil.

On fait un grand usage de lavemens de décoction de graine de fin ; on donne ces lavemens en petite quantité pour mettre l’animal à même de les garder, afin que leur impression soit plus durable. Lorsque l’éréthisme du rectum ne cède pas à ces lavemens, on y ajoute un peu d’onguent populéum et un peu de camphre que l’on fait dissoudre, avant ce mélange, par le moyen d’un jaune d’œuf. On place sur les reins un sac rempli de son qu’on a fait bouillir dans une suffisante quantité d’eau, et qu’on applique chaud sur la partie.

On donne pour breuvage la décoction de son et de graine de lin, dans laquelle on fait infuser des plantes antispasmodiques, telles que la mélisse, la sauge, la bétoine et les feuilles d’oranger ; on peut ajouter à chaque pinte de breuvage une once d’eau de mélisse simple, ou une pareille quantité d’eau de fleur d’orange, et un ou deux gros d’huile empyreumatique distillée. Si le spasme persiste, on fera prendre dans la première cornée du breuvage un gros d’éther sulfurique.

Tel est le plan du traitement intérieur qui peut seul, dans cette circonstance, favoriser les évacuations critiques ; mais.il importe de prévenir ici que les dépôts qui, dans cette maladie, sont très-mobiles, qui se dissipent ou sa résolvent spontanément peu de temps après leur apparition, exigent de la part de l’artiste une attention toute particulière pour les fixer sur la partie où ils se sont montrés. On y réussira par le moyen des vésicatoires, qu’on réappliquera même jusqu’à ce qu’ils produisent l’effet désiré ; et l’on n’ouvrira la tumeur que lorsque le pus sera parfaitement formé.

Il y a des circonstances où cette gourme a un caractère nerveux si marqué, que la paralysie se manifeste tout à coup. Pour la faire cesser, il faut avoir recours au bain de fumier, (Voyez Bain) pendant l’action duquel on fait prendre en breuvage l’infusion de fleurs de sureau avec quatre ou six gros de sel ammoniac. La sueur étant finie, on applique fortement les vésicatoires sur la partie paralysée. Leur effet a souvent suffi pour rendre le mouvement et le sentiment à la partie.

Lorsque l’animal a le goût dépravé, qu’il lui reste des borborygmes, continuez le breuvage, chaque matin, pendant quelques jours, en y ajoutant une once de magnésie dans chaque dose.

Lorsque le spasme est cessé, et que la souplesse est rendue à toutes les parties, la gourme se manifeste soit par l’abondance du flux, soit par la tuméfaction de la ganache, ou par d’autres dépôts. Alors on se conduit suivant ce qui est prescrit pour les modes de gourme inflammatoire ou de gourme cachectique, eu égard à la marche que prend la nature.

Gourme gangreneuse. Cette espèce est rare ; on ne la voit que dans des lieux et dans les saisons où il règne des charbons soit enzootiques, soit épizootiques. (Voyez Charbon, tant pour les symptômes, que pour les causes et le traitement.)

Les particuliers qui auront l’attention surtout d’éviter les causes que nous avons développées, et de traiter leurs animaux par les méthodes qui ont été décrites, auront, à circonstances égales, l’avantage de voir leurs animaux préservés des gourmes fâcheuses, ou beaucoup moins attaqués que ceux de leurs voisins. (Ch. et Fr.)