Cours d’agriculture (Rozier)/FIC ou CRAPAUD

Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 593-595).


FIC ou CRAPAUD, Médecine vétérinaire. On nomme ainsi une tumeur qui fixe son siége à la partie inférieure du pied, d’une nature mollasse & spongieuse, insensible & sans chaleur.

Causes du fic. Le fic ou crapaud provient de l’âcreté de la lymphe nourricière, & sur-tout de la saleté ou des ordures, ou du fumier des écuries dans lesquelles le pied du cheval séjourne, & encore de l’âcreté des boues dans lesquelles l’animal est obligé de marcher, & quelquefois aussi à la suite des eaux au paturon. (Voyez Eaux aux jambes)

Les chevaux y sont plus sujets que-les autres animaux. On observe même que ceux qui ont les talons hauts & la fourchette petite, y sont plus exposés que les autres ; la raison en est simple : la fourchette se trouvant éloignée de terre relativement à sa hauteur, ne se trouve point comprimée par son appui sur le sol ; l’humeur séjournant à défaut de cette compression, elle occasionne le fic. C’est pourquoi nous voyons rarement naître des fics aux pieds dont les talons sont bas, & dont la fourchette porte à terre.

Des espèces de fic ou crapaud. Nous, en reconnoissons de deux espèces ; le fic bénin & le fic grave.

Le fic bénin n’attaque que la fourchette, tandis que le fic grave attaque non-seulement la fourchette, mais encore la sole charnue, la chair cannelée des talons, celle des quartiers, ou la partie postérieure du cartilage de l’os du pied ; & c’est toujours dans ce dernier cas que le cheval boite.

Curation. La plupart des maréchaux, pour guérir le fic, débutent ordinairement par le couper, ou à le brûler par les caustiques, dans la vue d’éviter de dessoler l’animal. Mais une expérience journalière prouve que ces moyens ne suffisent pas, parce que l’humeur du fic se portant alors sur les côtés, au-dessous de la sole de corne, elle y produit par son séjour, des fics nouveaux. Le plus sûr moyen donc à mettre en usage, est de dessoler l’animal, (Voyez Dessoler) pour s’assurer des racines du fic & les emporter. Si l’on se contentoit d’en détruire l’extrémité seulement, il est certain qu’il reviendront toujours, & que la cure ne seroit jamais parfaite. La dessolure étant faite, on applique sur la plaie de petits plumaceaux imbibés d’essence de térébenthine, observant sur-tout de faire compression, sur-tout à l’endroit de la fourchette. On lève l’appareil au bout de cinq jours, pour panser ensuite la plaie avec l’onguent égyptiac qu’on trouve chez les apothicaires ; & le reste de la sole, avec la térébenthine jusqu’à parfaite guérison.

Nous avons dit plus haut, que le fic grave affectoit spécialement la sole charnue jusqu’à l’os du pied, & qu’il s’étendoit quelquefois jusqu’à la chair cannelée des talons & celle des quartiers. Dans ce cas, la maladie est des plus sérieuses, d’autant plus qu’elle est en partie occasionnée par la corruption des humeurs qui abreuvent le pied de l’animal. Le traitement aussi doit être différent. On met le cheval au son & à la paille pour toute nourriture ; on lui passe un séton à chaque fesse, & un autre au-devant du poitrail, pour détourner une partie de l’humeur qui se porte au pied. Deux ou trois jours après, on dessole l’animal, & on coupe le fic jusqu’à la racine avec la feuille de sauge, ou tout autre instrument convenable. Le maréchal apperçoit-il que l’os est carié, (Voyez Carie) il doit le ratisser, pour emporter tout ce qu’il y a de gâté sur la surface, & appliquer ensuite un digestif pour faire tomber l’esquille & savonner l’exfoliation, & mettre sur le reste des plumaceaux imbibés d’essence de térébenthine : c’est-là en quoi consiste le premier appareil.

Si au bout de cinq jours qu’on lève l’appareil, l’artiste s’apperçoit que les chairs soient baveuses, mollasses & filamenteuses, & qu’elles fournissent une humeur séreuse, c’est une preuve que la racine du fic n’est pas entièrement détruite ; il importe de le recouper avec l’instrument tranchant, & de panser la plaie avec l’onguent égyptiac, des deux jours l’un, jusqu’à parfaite guérison. Le grand point dans le premier pansement est d’emporter entièrement le fic, & de détruire avec la rénette tout ce qui peut en rester dans la muraille : mais si le fic, comme cela peut avoir lieu, regagne du côté de la couronne, en allant de bas en haut, on doit avoir soin de bien placer l’appareil, c’est-à-dire, les plumaceaux imbibés d’essence de térébenthine, serrés & contenus par une ligature large qu’on ne lèvera qu’au bout de quatre jours, de peur d’hémorragie.

La fièvre survient quelquefois à la suite de l’opération : la saignée, l’eau blanche, le son mouillé, les lavemens émolliens suffisent pour la calmer.

Nous avons vu des chevaux qui, outre les fics à la fourchette, avoient en même temps des eaux aux jambes, & des poireaux aux paturons. Dans ce cas, on doit bien sentir qu’il seroit inutile d’entreprendre la cure du fic, sans, au préalable, avoir procédé à la guérison de la maladie première, parce que la sérosité âcre, s’écoulant des eaux du paturon dans le pied, ne pourroit que s’opposer à la guérison radicale du fic. (Ainsi Voyez Eaux aux jambes, Poireaux)

Outre le fic dont nous venons de parler, il est encore d’autres petites tumeurs ou excroissances charnues qui portent le même nom, & qui viennent en différentes parties du corps des chevaux, & sur-tout des ânes & des mulets. Ces excroissances sont quelquefois molles, quelquefois dures & squirreuses, & fixent pour l’ordinaire leur siège sous le ventre, au fourreau.

Le plus sûr moyen de guérir ces espèces de fic, c’est de les lier avec de la soie, quand on le peut, & de les serrer de jour en jour. On les voit tomber dans la suite sans occasionner de douleur. Pour cicatriser plus fortement les petits vaisseaux, & pour prévenir toute reproduction, on peut toucher légèrement la partie qui étoit le siège du fic, si toutefois la situation de la partie le permet, avec un petit bouton de feu. Nous avons retiré des effets merveilleux des trochisques de réalgal, introduits dans le centre du fic, & maintenus par un point de suture, dans trois mulets de charrette, confiés aux soins d’un maréchal qui n’avoit pu trouver le remède convenable. M. T.