Cours d’agriculture (Rozier)/FEUILLAISON

Hôtel Serpente, 1783 (Tome quatrième, p. 559-562).

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FEUILLAISON, Botanique. On sait que toutes les plantes ne se développent pas à la fois, qu’elles ont besoin de différens degrés de chaleur pour germer, pousser & produire des feuilles, & c’est le temps de l’année où chaque espèce de plantes produit ses premières feuilles, que l’on nomme fleuraison. On voit facilement que le temps de la fleuraison n’est pas le même pour toutes les plantes, & qu’il dépend encore, pour chaque plante, du climat, de l’abri, de la nature de la terre où elle végète, enfin, d’un grand nombre de circonstances. Mais il est presque vrai de dire que, toutes choses égales d’ailleurs, la nature suit partout dans la feuillaison un ordre assez constant, de façon que les plantes qui, dans nos climats, sont également les premières à se charger de feuilles, sont les premières à verdir dans les autres climats : ainsi le sureau, le groseillier, le chèvre-feuille, &c. annoncent le retour du printemps dans le nord comme dans le midi, & les chênes sont par-tout les derniers à donner leurs feuilles.

D’après cela, il est naturel de croire que chaque plante a une température qui lui est propre, & qu’elle ne se développera que lorsqu’elle la rencontrera dans l’atmosphère ou elle vit. C’est d’après ce principe, que l’on trompe la nature par les serres chaudes, & que certaines plantes, par le moyen d’une chaleur artificielle, s’y couvrent de feuilles, de fleurs & de fruits, tandis que les frimats resserrent encore le sein de la terre, & enchaînent toute végétation.

Tous les Botanistes avoient bien observé la feuillaison, mais personne avant M. von-Linné, n’avoit cherché à en profiter, & il a cru pouvoir en tirer des indices utiles aux cultivateurs ; ainsi, il observe, au moins pour son pays, que le temps de semer l’orge, est celui où le bouleau perd ses feuilles ; que celui où le chêne & le frêne verdissent, indique que l’on peut sortir les orangers, &c. On sent bien que ces indications ne conviennent qu’à son pays ; mais il seroit très-intéressant que l’on suivît de pareilles observations dans tous les pays, elles deviendroient peut-être d’un grand secours pour l’agriculture générale. M. Adanson a fait beaucoup de recherches sur cet objet, qu’il a consignées dans son ouvrage intitulé Famille des plantes. Nous ne pouvons mieux faire que d’en donner ici le précis, afin que si quelque philosophe agronome est curieux d’en faire autant, il ait du moins un fil pour le conduire.

Suivant M. Adanson, pour pouvoir conclure quelque chose de positif sur le temps de la feuillaison de chaque plante dans chaque climat, & réduire leurs variations apparentes à des règles certaines, il faut 1°. suivre les développemens de divers individus de la même espèce, & tirer un résultat moyen entre les plus hâtifs & les plus tardifs.

2°. Observer la différence entre les années les plus hâtives ou les plus tardives, & noter au thermomètre les plus chaudes & les plus froides.

3°. Tirer des résultats moyens des degrés de chaleur observés chaque mois & chaque jour, pendant un nombre d’années suffisant.

4°. Enfin, observer les jours où il commence à ne plus geler, & ceux où il fait au moins 10 degrés de chaleur, même pendant la nuit, c’est à-dire, le temps où la végétation commence à faire des progrès, à n’être plus arrêtée, à continuer sans interruption pour le climat & pour les espèces de plantes qui font l’objet de ces recherches ; enfin, tirer des résultats moyens entre les produits externes de chacune de ces observations.

Voici la table qu’il a faite de la que feuillaison de quelques arbres, d’après ses observations de dix ans, à Paris & aux environs, & ce n’est que pour Paris qu’elle peut servir. La date est le terme moyen pris sur ces dix années.

NOMS DES PLANTES.		FEUILLAISON.		MOIS.	JOURS.
Sureau noir.	$\left.{\begin{matrix}\ \\\\\\\\\end{matrix}}\right\}$	Pointent leurs feuilles.	$\left.{\begin{matrix}\ \\\\\\\\\end{matrix}}\right\}$	Février.	16
Chèvrefeuille.
Tulipe jaune.
Safran.
Groseillier épineux.	$\left.{\begin{matrix}\ \\\\\end{matrix}}\right\}$	Idem.		Mars.	1
Lilas.
Aubépine.
Groseillier sans épines.	$\left.{\begin{matrix}\ \\\\\\\\\\\\\\\end{matrix}}\right\}$	Idem.		Mars.	5
Cerisier.
Fusain.
Sureau rouge.
Troêne.
Cochène, Sorbus aucuparia.
Rosier.
Saule.	$\left.{\begin{matrix}\ \\\\\\\\\\\\\\\end{matrix}}\right\}$	Décalottent leurs bourgeons & feuilles.		Mars.	7
Aune.
Aubier.
Bouleau.
Coudrier.
Cerisier.
Pommier.
Tilleul.	$\left.{\begin{matrix}\ \\\\\\\\\\\end{matrix}}\right\}$	Décalottent leurs bourgeons.		Mars.	10
Marronnier.
Érable rouge.
Orme.
Charme.
Amandier.	$\left.{\begin{matrix}\ \\\end{matrix}}\right\}$	Pointe ses feuilles.		Mars.	18
Poirier.	$\left.{\begin{matrix}\ \\\\\\\end{matrix}}\right\}$	Feuillent.		Mars.	20
Prunier.
Abricotier.
Pêcher en plein vent.
Marronnier.	$\left.{\begin{matrix}\ \\\\\end{matrix}}\right\}$	Première verdure générale.		Mars.	25
Tilleul.
Prunelier.	$\left.{\begin{matrix}\ \\\\\end{matrix}}\right\}$	Feuillent.		Avril.	1
Nerprun.
Bourjène.
Hêtre.	$\left.{\begin{matrix}\ \\\\\\\end{matrix}}\right\}$	Idem.		Avril.	5
Peuplier-tremble.
Érable-plane.
Alisier.
Charme.	$\left.{\begin{matrix}\ \\\\\\\\\\\\\\\end{matrix}}\right\}$	Idem.		Avril.	20
Orme.
Vigne.
Figuier.
Noyer.
Frêne.
Chêne		Idem.		Mai.	1
Asperge		Pointe.		Mai.	15

M. M.