Cours d’agriculture (Rozier)/EUPHORBE

Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 414-415).


EUPHORBE. (Voyez, pl. IV, page 412.) M. Tournefort n’a point connu cette plante, & il l’auroit placée dans la troisième section de la classe première, qui renferme les herbes à fleurs d’une pièce en forme de cloche, & dont le pistil se change en un fruit sec. M. von Linné le classe dans la dodécandrie trigynie, & l’appelle euphorbia officinarum.

Fleur d’une seule pièce, formée par un tube court A, divisé en cinq parties qui forment une espèce de bourrelet, comme on le voit dans la figure B, ainsi que les étamines attachées aux parois de la corolle, vers le milieu du tube. Le pistil C est porté sur un pédicule placé au fond de la corolle sur le placenta que forme le calice. L’ovaire est toujours saillant hors de la fleur ; le calice D soutient toute la fleur.

Fruit E, succède au pistil ; cette extension de l’ovaire est une capsule à trois loges & à six valves ; chacune des valves est occupée par une semence F, ovoïde & terminée en pointe. Cette plante n’a point de feuilles, mais seulement une tige cylindrique, sillonnée dans toute sa longueur, par des côtes. Les angles saillans formés par elles, sont couverts dans toute leur longueur, d’une bande irrégulière sur laquelle sont placées les épines, souvent seules & souvent grappées de deux à trois. Sur cette tige s’élancent de nouvelles branches G, si on peut appeler ainsi ces productions.

Lieu. Les pays très-chauds ; elle craint singulièrement le froid, & elle est vivace.

De cette tige coule naturellement & par incision, un suc concret, en grains, d’un jaune pâle, friable, inodore, d’une saveur très-âcre & caustique, soluble en plus grande quantité dans l’eau que dans l’esprit de vin.

Propriétés. Ce suc est le plus violent des purgatifs ; il cause des coliques très-vives, une soif inextinguible, souvent l’inflammation de l’estomac & des intestins. Que l’on juge donc d’après cet exposé, combien la pratique de certains maréchaux est aveugle & funeste, lorsqu’ils donnent cette substance à un cheval, qui n’est purgé que douze ou vingt-quatre heures après avoir pris le remède ! Aucune combinaison avec d’autres substances ne détruit ses effets.

Ce suc est indiqué à l’extérieur dans les tumeurs scrophuleuses, plus disposées à la résolution qu’à la suppuration ; pour les tumeurs médiocrement dures, peu sensibles, difficiles à résoudre & éloignées de prendre un caractère cancéreux. La teinture d’euphorbe introduite dans la blessure d’un nerf, faite par un instrument aigu, a quelquefois calmé les accidens de cette blessure ; la même teinture mise sur la carie, par inflammation du périoste externe & sur la carie scrophuleuse, a souvent borné la carie, favorisé l’ex-foliation & la guérison.

Pour faire la teinture, on prend six onces du suc d’euphorbe pulverisé, que l’on met dans un matras contenant douze onces d’esprit de vin, bouché avec une vessie & exposé à la chaleur du soleil ou d’une étuve, pendant quarante-huit heures ; on décante, on filtre à travers le papier gris & on a la teinture d’euphorbe.