Cours d’agriculture (Rozier)/CALCAIRE

Hôtel Serpente (Tome secondp. 535-537).


CALCAIRE, Histoire Naturelle. On désigne sous ce nom toutes les substances que le feu peut réduire en chaux, & qui font effervescence avec les acides. Ainsi, non-seulement on a des pierres calcaires, mais encore des sables & des terres calcaires, qui ne sont que les detritus des premières. Depuis le marbre, qui est la pierre calcaire la plus dure, jusqu’à la craie tendre, on a une infinité de nuances dans la classe de ces pierres, soit pour la couleur, soit pour la dureté ; mais toutes ont plus ou moins les qualités suivantes, qui sont les marques distinctives auxquelles on reconnoît les substances calcaires d’avec les substances vitrifiables. Une pierre ou une terre calcaire, mise dans un acide comme de l’eau-forte, fait effervescence, & laisse échapper une grande quantité d’air, qui n’est que de l’air fixe, & forme avec cet acide une nouvelle combinaison. (Voyez le mot Acide) Exposée au feu, & chauffée pendant un certain tems, elle perd le principe qui lui faisoit faire effervescence ; & dépouillée de son air fixe, elle devient chaux vive. (Voyez ce mot, où nous développerons la théorie de sa formation) La pierre en état de chaux est dissoluble dans l’eau, & susceptible d’y prendre corps avec une substance intermédiaire, telle que le sable, le gravier, la brique pilée, &c. &c. Enfin, leur dernier caractère est de ne point faire feu avec le briquet.

Les substances calcaires se trouvent, en général, sur le globe, disposées par couches, plus ou moins étendues, horizontales ou inclinées ; elles composent des montagnes entières, sur-tout celles de la troisième classe. Dans ces bancs de pierres calcaires, on rencontre très-souvent des débris de coquilles, de madrépores, & d’autres productions marines. Cependant il existe de très-hautes montagnes calcaires par masses, & qui ne sont point chargées de ces dépouilles. Comme la forme des matières calcaires est très-variée, & qu’elles se présentent à l’observateur naturaliste sous des apparences qui pourroient les faire méconnoître ; & qu’enfin, il est très-intéressant à l’agriculteur, qui ne se borne pas au seul labourage de son champ, de pouvoir les reconnoître & les distinguer pour en tirer le parti le plus avantageux, il nous paroît indispensable de lui en détailler les différens genres, en renvoyant seulement au mot Pierre l’histoire de leur origine première.

On divise en cinq classes toutes les carrières calcaires, proprement dites, c’est-à-dire, celles où le principe calcaire l’emporte infiniment dans leur composition sur tous les autres qui s’y rencontrent ; car nous ne connoissons pas de substance absolument pure, absolument homogène.

1o. Dans la première classe, on range toutes les terres & pierres coquillières. Nous avons vu plus haut que les bancs de pierres calcaires contenoient souvent des coquilles, ou autres dépouilles de la mer ; mais quelquefois elles s’y rencontrent en si grande quantité, qu’elles en font la partie principale. Alors elles sont ou en dépôt, mêlées avec de la terre friable, comme dans les falunières de Touraine & du Vexin, (Voyez le mot falun) ne faisant point corps ensemble ; ou réunies par un gluten qui leur donne de la solidité. Les premières sont la terre coquillière ; & les secondes, la pierre coquillière. Les coquilles y conservent leur forme organique ; souvent elles y sont tout entières, avec une partie de leur couleur. Si l’on reconnoît la plupart de ces coquilles, souvent aussi les analogues sont absolument inconnues.

On tire le plus grand parti des terres coquillières dans l’agriculture, en les répandant sur les champs ; elles y produisent un effet analogue à celui de la marne.

2o. La seconde classe est composée des terres & des pierres calcaires, proprement dites. Elles sont formées par les matières du premier genre, usées & déposées par les eaux en forme de bancs & de couches. Il y en a plusieurs sortes : la terre calcaire compacte, qui n’est que la craie ordinaire, & qui varie par la couleur & la finesse du grain ; la terre calcaire en poudre, comme de la farine, ce qui lui a fait donner le nom de farine fossile ; la terre calcaire molle, comme le tuf, qui durcit & blanchit en se séchant ; la pierre calcaire à gros grains, comme celle des environs de Paris, dans laquelle on rencontre beaucoup de coquilles à demi-brisées ; enfin, la pierre calcaire à grain extrêmement fin.

La craie est employée à beaucoup d’usages domestiques ; & la pierre calcaire est destinée à la construction de nos édifices, & à la formation de la chaux.

3o. Les marbres forment la troisième classe ; mais dans la réalité, ils ne diffèrent des pierres calcaires, proprement dites, que par une plus grande dureté, qui les rend susceptibles de prendre un beau poli ; leurs couleurs variées & brillantes, leur grain plus fin & plus serré en fait la beauté, & les consacrent aux ouvrages de sculpture & d’architecture. Dans les pays où les marbres sont très-communs, on les emploie pour faire de la chaux.

4o. Quand la matière calcaire a été dissoute par les eaux, & que, chariée par elles, elle se dépose irrégulièrement à travers les fentes des voûtes, des grottes, ou sur la surface d’un corps quelconque, alors elle forme des concrétions. Les concrétions ne sont pas disposées par grandes couches, mais plus ordinairement par fragmens isolés, qui peu à peu se rapprochent & se confondent en augmentant d’étendue & de grosseur. Les stalactites, qui sont des infiltrations aux voûtes des cavernes, sont de ce nombre ; lorsqu’elles sont déposées le long des parois des cavités souterraines, & qu’elles ont un brillant extérieur, on les nomme congélations & stalagmites, lorsqu’elles sont déposées sur le sol. Il faut aussi ranger dans cette classe les albâtres, qui diffèrent du marbre par leur dureté qui est moindre, & par leur poli qui paroît gras & huileux.

5o. La cinquième classe renferme la matière calcaire cristallisée, qui porte alors le nom de spath calcaire. La cassure lamelleuse de cette substance la fait aisément distinguer des quatre classes précédentes, dont la cassure est grenue.

Les arts emploient l’albâtre en sculpture, & pour différens petits ouvrages de goût. Le spath cristallisé a paru jusqu’à présent plutôt un objet de curiosité & d’étude pour l’histoire naturelle, qu’un sujet d’utilité dont on pût tirer quelqu’avantage direct.

Nous avons observé que rarement les terres & pierres calcaires se trouvoient pures ; souvent elles sont tellement mélangées, qu’elles ne sont presque plus reconnoissables ; & alors elles prennent des noms relatifs à ces nouvelles combinaisons. Quelquefois mélangées avec une terre argileuse & du sable, elles forment cette matière terreuse, mixte, si utile pour l’agriculture, & désignée sous le nom de marne. (Voyez ce mot) M. M.