Cours d’agriculture (Rozier)/CÂPRE, CÂPRIER

Hôtel Serpente (Tome secondp. 554-556).


CÂPRE, CÂPRIER. (Voyez Planche 21, pag. 541). M. Tournefort le place dans la cinquième section de la sixième classe, qui comprend les herbes à fleur composée de plusieurs pièces régulières, dont le pistil devient un fruit qui renferme plusieurs semences. Il l’appelle capparis spinosa, fructu minore, folio rotundo. M. Linné le nomme capparis spinosa, & le classe dans la polyandrie monogynie.

Fleur : elle est représentée en A dans son état de bouton qui constitue la câpre que l’on confit au vinaigre ; en B, dans le moment que le bouton se développe & qu’il est prêt à s’épanouir ; & en C, dans son entier épanouissement. La fleur est composée de quatre pétales D disposés en rose, blancs, échancrés, grands & ouverts ; le calice est divisé en quatre parties ovales ; les étamines, en nombre indéterminé de soixante à cent, colorées en rouge, & le pistil E est vert dans toute sa longueur, plus grand que les étamines, & rougeâtre à son sommet.

Fruit F ; baie charnue à une seule loge, représentée coupée horizontalement en G, de la grosseur d’un gland, renfermant des graines H blanches & en forme de rein.

Feuilles, en forme de rein, presque rondes, soutenues par des pétioles, très-entières, & un peu épaisses.

Racine, ligneuse, rameuse, revêtue d’une écorce épaisse.

Port. Espèce d’arbuste qui perd ses tiges pendant l’hiver, & en repousse de nouvelles au printems, armées de pointes. De l’aisselle de chaque feuille sort le péduncule de la fleur. Les feuilles sont placées alternativement sur les tiges.

Lieu. Nos provinces méridionales. Il fleurit pendant tout l’été.

Culture. Cette plante est en culture réglée dans la Basse-Provence, & sur-tout aux environs de Toulon, dans le Bas-Languedoc, c’est à-dire, dans toute la partie couverte par de grands abris. (Voyez le chapitre des abris, au mot Agriculture). Les câpriers y sont multipliés.

Cet arbuste ne me paroît pas naturel au pays, puisque les gelées trop fortes le font périr. Il y a sans doute été transporté du Levant. Il se plaît dans les terrains pierreux & caillouteux, mieux que dans tous les autres ; mais il faut cependant que le fonds de terre soit bon & substantiel, lorsqu’il s’agit de retirer un profit honnête.

Le câprier se multiplie par graines qui lèvent facilement, & par boutures ; ce dernier moyen est préférable. Sur le champ qui doit être planté, on trace des lignes droites avec le cordeau ; & dans ces lignes, espacées au moins de neuf à douze pieds, on plante les boutures à la même distance, & bien alignées, dans les trous dont la terre a été défoncée sur un pied de profondeur au moins, & sur trois de largeur. Le trou comblé, le câprier pousse ses tiges, qui donnent quelques fleurs pendant la première année, suivant la force de la bouture. Au mois de Décembre, il faut couper ces tiges à trois ou quatre pouces au-dessus de terre ; alors on relève celle des côtés sur ces chicots, afin de les recouvrir de trois ou quatre travers de doigt, & cela suffit pour les garantir des impressions du froid. Aussitôt que la gelée n’est plus à craindre, les câpriers sont découverts, & la terre égalisée avec celle du champ. C’est le moment de donner le premier labour avec la charrue, un traçant des sillons droits. Nous décrirons au mot Vigne la manière de les labourer, & c’est la même pour les câpriers. Du moment que les bourgeons sont sur le point de se développer, on donne le second labour en sens contraire, c’est-à-dire qu’on croise les sillons. C’est en quoi se réduit toute leur culture, préférable à tous égards à la suivante.

Dans tous les murs de soutènement, on ménage des ventouses pour l’issue des eaux supérieures qui pénètrent dans la terre, afin qu’elles ne fassent point ébouler le mur. C’est dans ces ventouses que l’on place les boutures de câprier ; on les couvre d’un peu de terre, & les racines vont s’étendre dans la masse de terre placée derrière le mur. Il résulte de-là deux inconvéniens essentiels : 1o. Que le collet des racines grossissant chaque année par l’insertion des nouvelles branches au tronc, par les bourrelets continuels qui s’y forment, bouche d’autant l’ouverture des ventouses, & retient derrière le mur une plus grande quantité d’eau. 2o. Cette couche de bourrelets augmentant chaque année, fait la fonction du levier contre tous les parois des murs qui l’environnent. Comme ce levier agit perpétuellement & avec une force extrême, il soulève peu à peu le mur, & fait souvent lézarder des toises entières sur une ligne horizontale. J’en ai vu un grand nombre d’exemples, & plusieurs particuliers ont été obligés de refaire à neuf des murs de soutènement. Le câprier cause moins de mal aux murs de terrasse, construits en pierres sèches, parce que ces pierres sont moins liées les unes aux autres, & il réussit mieux. La chaleur, la pluie, les bienfaits de l’air de l’atmosphère, pénètrent plus facilement jusqu’aux racines de la plante.

Des particuliers plus prudens ménagent des espèces de niches dans leurs murs. Si elles sont petites, elles ont dès-lors tous les inconvéniens dont j’ai parlé ; si elles sont trop grandes, la première pluie un peu forte imbibe & pénètre la terre du dessus, elle s’écroule, & finit par être entraînée ainsi que celle qui avoisine la niche. Cet exemple est commun. Il vaudroit beaucoup mieux couvrir les murs de soutènemens par des espaliers, ou du moins planter les câpriers dans le bas où ils trouveroient le même abri.

La plantation d’un câprier dans un mur est encore vicieuse par un autre endroit. Comme les branches sont flexibles, longues, les feuilles épaisses, elles plient par le poids, & s’inclinent contre terre. Il résulte de-là, que ces branches, au nombre de vingt ou trente, suivant la force & l’âge du tronc, sont amoncelées les unes sur les autres, & les seules branches supérieures sont chargées de boutons à fleurs. Les intérieures, au contraire, beaucoup plus courtes & plus maigres, ne donnent que des fleurs chétives. Le seul moyen de tirer tout le parti possible des câpriers ainsi plantés, est de palissader ces branches. Des clous, une fois plantés dans le mur, serviroient pour toujours, puisque, chaque année, les branches se desséchent & périssent. De la paille, du jonc suffiroient pour attacher & fixer les jeunes pousses sans les endommager. Cet espalier, d’un nouveau genre, offriroit à l’œil une verdure circulaire dont le tronc seroit le centre ; de manière qu’en plaçant les trous en quinconce, tout le mur se trouveroit garni. Le curieux qui desireroit peu l’utile, c’est-à-dire, la récolte du bouton, pourroit laisser épanouir les fleurs, mais avoir grand soin de les faire couper dès qu’elles commencent à passer, car le cornichon ou fruit absorbe la séve, & on auroit peu de fleurs.

Pour récolter les câpres, on ne doit pas attendre l’épanouissement de la fleur, mais choisir les boutons A A, dès qu’ils sont gros comme des pois. Plus le bouton est tendre, plus il est délicat, & plus il est recherché. La baie qui succède à la fleur lui est supérieure à tous égards, mais elle détruit la récolte. Lorsqu’on laisse une fleur suivre la loi naturelle, il est rare que la branche qui la supporte, donne plus d’un, deux ou de trois fruits. La séve est employée à leur accroissement & à leur perfection. Alors la branche s’alonge moins, donne moins de feuilles ; & comme de l’aisselle de chaque feuille naît une fleur, la fleuraison est donc une perte réelle.

Il faut, chaque matin, faire la récolte des boutons, & les jeter aussitôt dans le vinaigre. C’est ce que l’on appelle confire les câpres ; elles n’exigent pas d’autres préparations. Le vinaigre doit les surnager de deux travers de doigt. La partie qui reste découverte moisit.

Le vinaigre qui a servi à la macération, appliqué extérieurement, est un bon résolutif. Les câpres confites excitent l’appétit, rafraîchissent. En total, elles sont plus utiles pour la cuisine que pour la médecine.

Cette petite branche de commerce est très-lucrative.