Hôtel Serpente (Tome premierp. 245-246).
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ADOS. Jardinage. Toute terre élevée en talus, du côté du midi, forme un ados, garantit les plantes d’un souffle direct des vents froids, & sert par conséquent à hâter leur végétation. Le mot ados est plus particuliérement consacré au terrain élevé contre un mur ; ce qui forme un double ados. Personne n’a mieux décrit la manière de faire les ados & les avantages qui en résultent pour le jardinier, que M. l’abbé Roger-Schabol, dans son ouvrage sur la pratique & la théorie du jardinage.[1]

Ce mot porte avec lui sa signification, dit M. Schabol. Il est tiré de l’usage ordinaire : c’est une élévation de terre en forme de dos de bahut, plus large du bas que du haut. C’est aussi tout endroit qui, par sa nature, est à couvert des mauvais vents & des gelées, lequel est adossé d’un mur ou d’un bâtiment qui a le soleil en face. Nous avons introduit dans le jardinage une forme d’ados, qui va de pair, à peu de chose près, avec les chassis vitrés pour les pois de primeur & pour les fraisiers, ainsi que pour quantité de nouveautés. Voici en quoi il consiste.

Au lieu d’élever son ados de quatre, cinq à six pouces de hauteur, suivant la coutume, il faut l’exhausser d’un pied, & même de quinze pouces par derrière, venant en mourant pardevant, & même creusant autant sur le devant pour le charger d’autant sur le derrière. Au moyen de cette pente précipitée, deux effets ont lieu : le premier, de jouir durant l’hiver, lorsque le soleil est bas, des moindres de ses regards ; le second, de n’avoir jamais, lors des gelées & des frimats, aucune humidité nuisible : toutes les eaux tombent nécessairement, & vont se perdre dans le bas.

Cette sorte d’ados se pratique à l’exposition, surtout du midi, le long d’une platte-bande : souvent on a un espalier à ménager ; & voici pour cet effet comment on s’y prend. On laisse entre le mur & l’ados dix-huit pouces de sentier ; ces dix-huit pouces suffisent pour aller travailler les arbres. Il faut pendant quelques jours, avant de semer les pois, laisser la terre se plomber tant soit peu.

Au lieu de faire en long ses rigoles pour semer, il faut les pratiquer en travers du haut en bas de l’ados, puis semer, après quoi garnir de terreau les rigoles, & les remplir.

Lorsqu’il arrive des gelées fortes, des neiges, &c., il faut garnir avec grande litière & paillassons par dessus, qu’on ôte & qu’on remet, suivant le besoin.

Pour les fraisiers, on en a ou en pots ou en mottes, que l’on met en échiquier, en amphithéatre. Ceux en pots, on les dépose sans endommager aucunement ni offenser la motte : il faut bien se garder de couper tout autour & en dessous ces filets blancs qui tapissent le pourtour de cette motte, comme il se pratique dans le jardinage ; c’est ce que les jardiniers appellent châtrer la motte. Ce procédé est très-nuisible, puisqu’en retranchant tous ces filets blancs, on fait autant de plaies par lesquelles, de toute nécessité, la séve flue, & que la nature est obligée de guérir. Il faut instruire les jardiniers à ce sujet, & leur apprendre que ces filets blancs qu’ils coupent, prennent leur direction naturelle vers la terre, & qu’ils se détachent de cette motte pour darder dans la terre & s’y enfoncer. Laissons, autant qu’il est possible, la nature faire à son gré ; elle en fait plus que nous : ne nous mêlons de ses affaires que quand elle nous requiert. Quant aux fraisiers en pleine terre à mettre sur ces ados, on ne peut prendre non plus trop de précautions pour les lever scrupuleusement en motte, les ménager dans le transport & dans la transplantation.

Cette sorte d’ados a un autre avantage ; savoir, de renouveler tous les ans la platte-bande, & d’en faire une terre neuve. Quand on a ôté les pois, on rabat la terre, & on la met à plat comme elle étoit, ensuite on y sème des haricots nains, qui y viennent à foison, ou tout autre plant convenable, sans que la terre se lasse.

Ces ados, pratiqués de la sorte doivent être faits dans les derniers jours d’Octobre, & semés au commencement de Novembre : on est sûr par ce moyen d’avoir des pois & des fraises quinze jours ou trois semaines plutôt que les autres. C’est ainsi qu’avec peu & sans frais, on fait beaucoup.


  1. Toutes les fois que nous empruntons des articles d’un auteur quelconque, nous avons la scrupuleuse attention d’en prévenir. Le public y gagne, puisque nous estimons que ce qu’il a dit, vaut mieux que ce que nous dirions ; & nous rendons par conséquent à chacun le tribut de louange qu’il mérite.