Cours d’agriculture (Rozier)/ACIDES


ACIDES. Les trois grandes divisions adoptées par les naturalistes ont offert pendant long-temps un moyen facile de disposer tous les corps de la nature ; mais les chimistes modernes, après avoir perfectionné leur science et leur langage, s’apercevant bientôt que cette méthode ne pouvoit plus convenir aux idées exactes qu’ils avoient acquises, ils s’empressèrent d’adopter une classification plus générale et plus vraie. Car, à quelle classe pouvoit appartenir l’acide phosphorique qui, regardé comme l’acide animal par excellence, venoit d’être trouvé parmi les substances minérales, et dans un grand nombre de végétaux ?

Tromsdorff, dans l’ouvrage qu’il a publié sur les acides, les divise d’une manière très-simple en deux ordres :

Le premier comprend les acides dont la composition est connue.

Le deuxième indique ceux dont la composition est inconnue.

Dans le premier ordre, il reconnoît deux classes : dans l’une, il place ceux qui admettent l’oxigène dans leur composition, et dans l’autre, ceux dans lesquels l’oxigène ne contribue pas à l’acidité.

On appelle, en général, acides tous les corps combustibles qui, par un changement d’état, acquièrent une saveur aigre, la propriété de rougir des couleurs bleues, et de former avec des bases une foule de combinaisons. L’observation et l’analyse ayant démontré que plusieurs substances devenoient acides en absorbant de l’oxigène, on en avoit conclu d’une manière trop générale qu’il devoit être le générateur de tous les acides ; mais la nature encore inconnue des acides muriatique, fluorisée, et botanique ; la décomposition de l’eau, la découverte de l’hidrogène sulfure acide hidrothionique, en faisant voir un corps extrêmement oxigéné n’être point acide, et un acide qui ne devoit pas sa formation à l’oxigène, prouvèrent qu’on avoit donné à l’analogie une trop forte extension.

Presque tous les acides ont pris le nom de leurs radicaux, et l’on ajoute la terminaison en ique et en eux pour ceux qui sont plus ou moins oxigénés. Ainsi, le soufre, sulfur, qui est le radical, donne, pour le premier degré d’acidification, l’acide sulfureux, et l’acide sulfurique pour le dernier terme de la combinaison de l’oxigène avec le soufre. La saveur des acides varie suivant la quantité d’oxigène qui s’y trouve accumulé, et l’union plus ou moins intime qu’il contracte avec leurs radicaux ; les uns sont faibles et agréables, tandis que les autres sont âcres, caustiques et de violens poisons. Les acides peuvent exister dans trois états différens, solides, concrets et cristallins, comme les acides benthique et tartareux ; liquides, comme les acides sulfurique et nitrique ; et gazeux, comme les acides sulfureux et fluorique ; et sans le calorique qui, d’après leur nature intime, agit sur eux d’une manière différente, ils nous offriroient tous les mêmes modifications.

Parmi les acides, les uns doivent leur formation à la réunion de deux substances, tandis que les autres sont le résultat de combinaisons ternaires et quaternaires. La lumière en décompose quelques uns, et quoique le calorique agisse de la même manière sur un grand nombre d’autres, il en est qui résistent tellement à son énergie, qu’il ne peut que les réduire en vapeurs. Ils tendent tous à se combiner avec l’eau, et cette tendance est si forte dans quelques acides, comme l’acide sulfurique, que dans cette union il se développe une quantité de calorique supérieur à la température de l’eau bouillante.

Les acides sont employés dans un grand nombre d’arts, soit directement, soit pour concourir à former une foule de produits très-importans. Si dans leur état de concentration, ils deviennent des poisons très-dangereux, ils fournissent à la médecine des médicaments très-énergiques, comme rafraîchissans, sténiques, desodorans et antiputrides.

Acide acéteux. La fabrication des vinaigres simples et composés avant été traitée avec le plus grand soin dans cet ouvrage, par M. Parmentier, je ferai connoître seulement d’une manière très-succincte, ce que l’on sait sur la nature des acides acéteux et acétique, et j’indiquerai les combinaisons les plus importantes qu’ils peuvent offrir à la médecine et à la société.

La distillation du vinaigre fournit l’acide acéteux qui se trouve alors privé du principe colorant et d’une portion d’eau ; il est d’une transparence parfaite, il a une saveur aigre, piquante, et une odeur agréable ; il s’évapore entièrement, et il peut, dans des vases bien fermés, être conservé des années sans altération. On a cru pendant long-temps que cet acide étoit seulement produit par une seconde fermentation du vin ; mais on a prouvé depuis qu’on pouvoit le retirer d’une grande quantité de substances végétales et animales. Fourcroy et Vauquelin, dans leur beau travail sur les acides pyrogènes, ont fait voir que l’acide aceteux n’est pas seulement produit par la fermentation des liqueurs spiritueuses, telles que le vin, le cidre, le poiré, mais qu’on le retrouve encore dans la distillation de tous les corps sucrés, extraits, légumes aigris, même dans les substances animales, comme le bouillon, les fourmis, l’urine, et qu’on peut le former par l’action des acides concentrés sur toutes les substances végétales. Malgré les Mémoires importans publiés sur les acides acéteux et acétique, il est difficile de prononcer encore sur la nature intime de ces deux substances. L’on avoit cru, d’après les expériences de M. Berthollet, que c’étoit seulement aux proportions d’oxigèné que l’on devoit attribuer ces différences ; mais M. Adet a démontre que les acides acéteux et acétique ne sont qu’un seul et même acide constamment porté au maximum d’oxigénation, et que, se trouvant étendu d’eau, il constitue l’acide acéteux. M. Chaptal, en adoptant une partie des conclusions de M. Adet, prouve par des expériences extrêmement ingénieuses, que l’on ne retire des acétites que le quinzième de leur poids de carbone, tandis que les acétates en donnent le dix-septième ; ce qui, suivant cet habile chimiste, constitue les différences qui existent entre l’acide acéteux et l’acide acétique. M. Darracq, qui paroît avoir répété avec soin les expériences de MM. Adet et Chaptal, pense que l’acide acéteux n’est que de l’acide acétique, plus une certaine quantité d’eau et de matière mucilagineuse : il propose en conséquence de ne reconnoître qu’un seul acide, l’acide acétique, dont les combinaisons formeront des acétates. L’acide acéteux, en s’unissant aux alcalis, donne naissance aux acétites de potasse, de soude et d’ammoniaque qui sont fort employés en médecine. Si l’on expose des lames de plomb à la vapeur du vinaigre, il se forme à leur surface un oxide de plomb que l’on appelle céruse, et blanc de plomb quand il est mêlé avec un tiers de craie. L’acétate de plomb est une dissolution de l’oxide de plomb par le vinaigre ; ses usages sont très-multipliés sur-tout dans les fabriques de toiles peintes. Ce sel a une saveur sucrée qui lui a fait donner le nom de sucre de Saturne ; dissous dans l’eau, il est connu en pharmacie sous le nom d’eau végéto-minérale de Goulard. Toutes ces préparations sont des poisons d’autant plus dangereux que leur saveur ne peut nous prémunir contre leurs propriétés délétères. Thénard, en faisant des recherches sur l’acétate de plomb, s’est assuré qu’il existe deux combinaisons de ce genre, la première, qui est bien connue, cristallise en aiguilles, tandis que la deuxième, qui est le résultat de ses recherches, cristallise en lames et contient une bien plus grande quantité de plomb que la première ; elle pourra fournir aux arts et à la médecine un produit fort intéressant. Le fer dissous par l’acide acéteux forme une substance très-recherchée en teinture et dans les fabriques d’indiennes. Le cuivre s’oxide avec beaucoup de facilité par cet acide ; il porte dans les arts le nom de vert-de-gris ; c’est sur-tout à Montpellier, et dans les environs, qu’on le prépare. Dissous dans le vinaigre, il donne des cristaux d’un très-beau bleu appelés verdet ou cristaux de Vénus. M. Chaptal, à qui l’on doit le perfectionnement de tous ces procédés, en indique un beaucoup plus économique que celui adopté : il consiste à mêler des dissolutions de sulfate de cuivre et d’acétate de plomb, et l’on obtient en même temps du sulfate de plomb et de l’acétate de cuivre. Quant aux détails des propriétés économiques du vinaigre, nous renvoyons aux articles de M. Parmentier, qu’on lira avec grand plaisir. Le vinaigre est employé en médecine comme rafraîchissant et antiseptique ; il entre dans la composition des sirops, des oximels simples et composés, et dans une grande quantité d’autres préparations.

Acide Acétique. L’odeur de l’acide acétique est vive et pénétrante, sa saveur est âcre ; il est tellement caustique qu’il ronge et détruit assez promptement la peau ; il est très-volatil et s’enflamme à une température peu élevée. Voici la manière de le préparer d’après le citoyen Badolier, pharmacien de Chartres : distillez au bain de sable, dans une cornue de verre, parties égales de sulfate de cuivre et d’acétate de plomb, vous obtiendrez alors un acide très-concentré et sans odeur empyreumatique : l’économie de temps et de combustible sera assez considérable pour diminuer des trois quarts les frais de fabrication. Avec l’alcool, il forme l’éther acétique : pour préparer cet éther, on prend parties égales d’alcool et d’acide acétique, on introduit ce mélange dans une cornue de verre, on y adapte un ballon que l’on met dans une cornue pleine d’eau, et l’on procédera la distillation. M. Sédillot paroît l’avoir employé avec beaucoup de succès en frictions, dans les douleurs vives et dans les affections rhumatismales.

La préparation que l’on connoît en pharmacie, sous le nom de sel de vinaigre, sel volatil d’Angleterre, est du sulfate de potasse arrosé d’acide acétique ; ses combinaisons avec les bases terreuses, alcalines et métalliques, sont les acétates.

Acide Arsenieux. On vend dans le commerce sous le nom d’arsenic, une substance blanche vitreuse qui, jetée sur les charbons, répand une fumée blanche et une odeur d’ail ; elle a été désignée d’abord sous le nom d’oxide d’arsenic ; le citoyen Fourcroy, qui lui a reconnu toutes les propriétés des acides, l’a appelée acide arsénieux. Il forme avec les différentes bases des combinaisons appelées arsénites, dont la plus importante pour les arts est celle connue sous le nom de vert de Schèele. Voici la manière de la préparer, d’après les procédés de cet habile chimiste : dissoudre à chaud une livre et demie de sulfate de cuivre dans seize pintes d’eau, préparer également à chaud une dissolution d’une livre et demie de potasse et de dix onces d’acide arsénieux, dans cinq pintes d’eau ; mêler peu à peu la première dissolution à la deuxième, agiter le mélange et laisser reposer plusieurs heures. On enlèvera la partie claire de dessus le précipité qu’il faudra laver une ou deux fois à l’eau chaude ; on le mettra sur une toile où il perdra une portion de son humidité, et on le fera sécher ensuite à une douce chaleur. Les quantités indiquées donnent ordinairement une livre six onces quatre gros de cette belle couleur verte, que l’on emploie si avantageusement en peinture dans toutes les couleurs à l’eau et à l’huile. Cet acide agit d’une manière si active sur les organes des animaux, qu’il les ronge et les détruit très-promptement ; c’est le plus violent poison que l’on connoisse. Le lait et les huiles, que l’on regardoit comme des moyens efficaces, étoient le plus souvent dangereux ; les seuls contre-poisons employés avec succès sont les sulfures alcalins dissous dans l’eau, et sur-tout les eaux chargées de gaz hydrogène sulfuré.

Acide arsenique. La grande variété de couleur de l’arsenic, qui passe si facilement du gris foncé au noir, est due à la forte tendance qu’il a pour s’unir à l’oxigène. Cette substance, extrêmement dangereuse, se vend dans le commerce sous le nom de cobalt ; elle sert à faire périr les mouches. L’arsenic forme avec le soufre deux combinaisons, dont l’une, qui est rouge, porte le nom de réalgar, et l’autre, qui est jaune, est connue sous le nom d’orpiment ; elles sont toutes deux des oxides sulfurés d’arsenic, et elles s’emploient souvent en peinture. L’oxide d’arsenic blanc, ou l’acide arsénieux, peut encore absorber une nouvelle quantité d’oxigène, il forme alors l’acide arsénique que l’on peut obtenir concret ; mais il attire l’humidité de l’air et il est très-promptement liquéfié. Deux parties d’eau en dissolvent une de cet acide, ses combinaisons, encore peu employées, portent le nom d’arséniates.

Acide Benzoique, Benjoin. Le benjoin s’extrait par incision d’une espèce d’aliboufier qui croît à Malabar, à Sumatra, et dans quelques parties de l’Inde. C’est une résine d’une odeur fort agréable, qui fournit, par l’eau bouillante ou par la sublimation, une substance cristallisée en aiguilles fines, d’une saveur âcre, piquante, qui est l’acide benzoique. Les citoyens Fourcroy et Vauquelin, ont prouvé qu’il existe dans l’urine des enfans, des vaches, des chevaux, et d’un grand nombre de quadrupèdes herbivores ; ce qui leur a fait penser qu’il doit se trouver aussi dans beaucoup de substances végétales, étant combiné avec la chaux dans les urines de ces animaux ; ils ont proposé de l’en extraire par le moyen de l’acide muriatique ; dissous et filtré plusieurs fois, il peut être alors très-propre aux usages chimiques et pharmaceutiques ; il forme avec les substances terreuses, alcalines et métalliques, les benzoates ; il est employé en médecine et dans les arts.

Le benjoin dissous par l’alcool, et précipité par l’eau, forme le lait virginal ; associé avec quelques résines, il entre dans la composition des vernis légèrement colorés dont on se sert pour les instrumens et les meubles. Il a été employé, comme un excellent incisif, dans les embarras du poumon, des reins, et en frictions, soit dans les douleurs rhumatismales, ou dans les affections de paralysie.

Acide bombique. Cet acide, d’une couleur jaune, et d’une saveur piquante assez prononcée, a été trouvé par M. Chaussier dans le papillon du ver à soie : il existe aussi dans quelques autres insectes ; et, quoiqu’il ait été peu examiné, il paroît qu’il se rapproche beaucoup de l’acide acétique.

Acide boracique, borax. Ce que nous savons de positif sur l’histoire naturelle du borax, se trouve consigné dans les Transactions Philosophiques, année 1787, par deux auteurs différens, qui se sont procuré quelques détails des habitans mêmes du pays. Cette substance, trouvée au fond des lacs du Thibet, paroît avoir été connue des anciens qui l’appeloient chrysocolla, et l’employoient pour la soudure des métaux. Apportée dans le commerce sous nom de borax ou tinckal, on la purifioit à Venise, en Hollande ; mais depuis quelque temps on fait cette opération à Paris. Le borax est une combinaison d’acide boracique et de soude : peu employé en médecine, on s’en sert beaucoup dans les arts pour la composition des flux réductifs, la soudure des métaux et le rétablissement des fontes dans les verreries. On en retire l’acide boracique par divers procédés, mais surtout par les acides nitrique, muriatique, qui, ajoutés en excès à la dissolution, le précipitent sous la forme de paillettes cristallines. Lavé, et parfaitement purifié, il est en lames brillantes comme des écailles de poissons. Il a une saveur fraîche, acide et salée ; l’air ne peut pas l’altérer. Une livre d’eau bouillante n’en dissout que cent quatre-vingt treize grains ; il est plus soluble dans l’alcool auquel il communique, en brûlant, une flamme verte. Homberg est le premier qui l’ait retiré du borax ; il l’a appelé alors sel sédatif, à cause des propriétés calmantes qu’il lui attribuoit. Hoefor a démontré sa présence dans plusieurs lacs de la Toscane, et Martinowich l’a trouvé parmi les pétroles de la Gallicie. La nature de cet acide nous est parfaitement inconnue, malgré les travaux de plusieurs chimistes ; Crell lui a reconnu les propriétés des acides sébacique et muriatique ; Fabroni a fait des recherches plus heureuses, car il n’est, d’après ses expériences, qu’une modification de l’acide muriatique ; mais son travail ne nous est pas parvenu. L’acide boracique peut servir dans plusieurs arts comme le borax ; Lassone l’a employé pour rendre le tartre soluble ; il n’est d’aucun autre usage en médecine.

Acide carbonique. Les expériences faites à différentes époques sur la combustion du diamant par l’Académie del Cimento, Darcet, Rouelle, Fourcroy et Lavoisier, servirent à confirmer la théorie de Newton sur la propriété combustible de cette substance ; mais c’est à M. Guyton de Morveau que sont dues les premières connoissances exactes de sa nature et de ses combinaisons. Ce célèbre chimiste a prouvé qu’une partie de diamant et quatre parties d’oxigène forment cinq parties d’acide carbonique, et qu’avant d’arriver à cet état il passe par les différens degrés d’oxidation du carbure de fer, de l’anthracite et du charbon ordinaire. Si nous ne trouvons que bien rarement dans la nature le carbone dans son état de pureté, nous y rencontrons abondamment le charbon qui forme l’un des matériaux les plus importans des substances végétales et animales. Les travaux de Lowitz, de Morozzo, de Van Mons et de Duburga, sur les propriétés décolorantes et désodorantes du charbon, ont fourni à la société des applications très-importantes, parmi lesquelles on doit mettre au premier rang l’établissement de MM. Smith et Cuchet pour la dépuration des eaux corrompues. Quoique Galien et Paul d’Egine eussent obtenu de très-bons effets du charbon sur des femmes chlorotiques, il n’en avoit pas moins été rangé dans la classe des substances inertes ; mais depuis quelque temps il a été employé avec le plus grand succès dans les gangrènes humides, les ulcères, la teigne, le scorbut, et il doit occuper la première place parmi les stimulans, les désodorans et les antiputrides.

Gaz acide carboneux. Cette substance, que MM. Clément et Desormes ont fait connoître, en traitant des oxides métalliques par le charbon, est, suivant eux, un acide carbonique surchargé de carbone ; mais M. Berlhollet, dont l’opinion est toujours d’un si grand poids, prétend que ce gaz n’est que de l’hydrogène carboné auquel peut être unie une très-petite portion d’oxigène. Le gaz acide carbonique résulte de la combinaison du carbone avec l’oxigène ; répandu très-abondamment dans la nature, il y existe à l’état gazeux, liquide ou solide : les anciens le regardoient comme l’acide universel. Ingenhouse, dont les utiles travaux ont enrichi la physique végétale, a prouvé que toutes les plantes dégagent du gaz oxigène quand elles sont exposées à la lumière, et qu’elles ne donnent plus que de l’acide carbonique dans l’obscurité. Cette grande vérité nous fait voir combien est belle l’harmonie qui existe entre ces deux grandes classes de corps qui se fournissent réciproquement les principes nécessaires à leur existence. Plus pesant que l’air atmosphérique, l’acide carbonique se trouve à l’état de gaz dans les souterrains, les grottes, les lieux volcanisés, et il entre pour un centième dans la composition de l’air atmosphérique. La fermentation et la décomposition des substances végétales et animales fournissent ce gaz qui ne peut servir à la combustion, et qu’on ne peut respirer sans danger. Devenu liquide par l’eau, à la température ordinaire, il s’y combine à volume égal ; mais Paul de Genève, à qui nous devons le bel établissement de toutes les eaux minérales connues, a trouvé les moyens de lui en faire absorber cinq fois son volume. Il a une saveur aigre bien prononcée, et il rougit les couleurs bleues végétales. L’acide carbonique, combiné avec les terres et les alcalis, forme les carbonates dont quelques uns sont très-répandus dans la nature. Il a été employé en médecine, dans les aphtes, les fièvres putrides, et les ulcères chancreux ; il est regardé, à l’état liquide, comme un très-bon rafraîchissant antiseptique.

Acide Camphorique. Le camphre s’obtient par la distillation de branches du laurus camphorata, qui croît en abondance à Ceylan, à Java, à Bornéo et au Japon. Il a une saveur âcre, chaude et amère ; il est insoluble dans l’eau et très soluble dans l’esprit de vin, avec lequel il forme la préparation connue sous le nom d’esprit de vin camphré. Il est très-odorant : quand il est pur, il est blanc et cristallisé. On s’en sert dans la peinture pour faciliter l’action dissolvante de quelques résines ; il forme alors des vernis durs, élastiques qui ne se gercent pas. Quand on l’associe avec l’essence de térébenthine, il ne faut mettre qu’une demi-once ou cinq huitièmes de camphre par pinte d’alcool ; car il dénatureroit le vernis qu’il rendroit farineux. Ou l’emploie en médecine comme calmant et antispasmodique ; on l’administre, dans les épizooties, avec beaucoup de succès, aux animaux, en le mêlant à parties égales avec le nitre ; on l’associe avec l’arsenic pour la préparation qui sert à conserver les animaux. Kosegarten est le premier qui ait retiré l’acide camphorique par une distillation répétée du camphre avec l’acide nitrique. M. Bouillon Lagrange a beaucoup étendu nos connoissances sur cet acide et ses combinaisons, qui sont appelées camphorates. Il cristallise en aiguilles transparentes qui deviennent opaques à l’air ; il faut cent parties d’eau pour en dissoudre une ; il se volatilise sans s’altérer : il diffère de l’acide benthique.

Acide cicérique. On retire des pois chiches une liqueur acide dans laquelle MM. Déyeux et Proust ont démontré la présence de l’acide oxalique. M. Dispan a cru qu’elle s’y trouvoit mêlée avec un autre acide qu’il appelle cinétique ; mais il paroît que cette substance n’est qu’une réunion des acides oxalique, malique, et d’un peu d’acide acéteux.

Acide citrique. L’acide citrique se trouve dans un grand nombre de fruits, tels que les fraises, framboises, verjus, abricots, cerises, et dans le citron. Georgius, Schèele, ont publié plusieurs procédés pour se le procurer pur et concentré. Fourcroy a conseillé depuis long-temps, pour utiliser cet acide qui existe abondamment dans nos colonies, de le saturer par de la chaux, et de nous l’envoyer ainsi en France. Dizé a reconnu qu’en décomposant le nitrate de chaux, il falloit ajouter un excès d’acide sulfurique pour brûler et détruire le mucilage qui tend toujours à dénaturer l’acide citrique ; il l’a obtenu très-blanc et très-bien cristallisé. Il a une saveur acide bien prononcée ; une partie est soluble dans deux ou trois parties d’eau ; il s’effleurit légèrement à l’air sec, et il en attire l’eau quand il est dans un atmosphère humide. Peu employé en chimie, ses propriétés en médecine sont celles de tous les acides. La propriété que Haram lui a reconnue, d’arrêter les effets délétères de la ciguë, lui est sans doute commune avec tous les acides, et, comme eux, il est rafraîchissant et antiseptique.

On prépare une limonade très-agréable avec un mélange d’acide citrique et de sucre, le tout aromatisé par de l’huile essentielle de citron.

Acide chromique. Le plomb rouge de Sibérie contient, d’après les expériences de M. Vauquelin, un nouveau métal qui se trouve dans cette substance à l’état d’acide ; la propriété très-remarquable qu’il possède, de colorer toutes ses combinaisons, a fait donner au métal le nom de chrome, et à l’acide celui de chromique. Le citoyen Pontier a trouvé, dans le département du Var, du chromate de fer en assez grande quantité, pour fournir aux arts de l’acide chromique. Employé dans les manufactures de porcelaine, à l’état d’oxide ou d’acide, il donnera des couleurs vert d’émeraude plus belles que celles du cuivre ; et mélangé avec l’antimoine et le plomb, des nuances vert-serin très-agréables. Sa combinaison avec les oxides fournira aux peintres des couleurs très-brillantes et très-solides.

Acide fluorique. On a donné le nom d’acide fluorique à l’acide retiré par Bergman et Schèele, du spath fluor.

Les propriétés curieuses et intéressantes qu’il présente, soit à l’état de gaz, soit à l’état liquide, ont donné lieu à un grand nombre d’expériences qui, sans nous faire connoître ses principes composans, semblent se rapprocher de l’acide muriatique. Dégagé de sa base par les acides sulfurique, nitrique, gazeux ou liquide, il a une odeur piquante assez analogue à l’acide muriatique, une saveur très-acide et presque caustique. Il dissout la silice et attaque le verre avec facilité. Pour l’obtenir pur, il faut le préparer dans des vaisseaux de plomb, et ensuite le conserver dans des flacons de verre enduits intérieurement d’une couche de cire. Puymaurin s’en est servi pour graver sur le verre ; on peut appliquer plus en grand ses propriétés, en le faisant servir pour la gravure et l’impression : il n’est d’aucun autre usage.

Acide Gallique. L’acide gallique se trouve dans un grand nombre de substances végétales, telles que le quinquina, la grenade, le brou de noix, le sumac, et sur-tout dans la noix de galle, qui est une excroissance produite sur le chêne, par la piqûre d’un insecte. On connoissoit depuis long-temps, en chimie, les précipités noirs produits par la combinaison des substances astringentes avec les sels ferrugineux ; cependant, malgré les nombreuses expériences faites à ce sujet, ce n’est qu’en 1780 que Schèele découvrit l’acide gallique. Schèele, Déyeux, Dizé, Tromsdorff, ont publié différens procédés pour l’obtenir pur. Il est soluble dans l’eau, et beaucoup plus dans l’alcool ; il a une saveur âcre, piquante, un peu moins austère que celle de la noix de galle, et qui diminue d’intensité en se préparant par la sublimation. Il est employé dans les laboratoires pour reconnoître la présence du fer qu’il enlève même aux acides les plus puissans ; il entre dans la composition de l’encre et des teintures ; mais la noix de galle est employée de préférence, pour obtenir ces diverses préparations. C’est à la grande affinité du charbon pour l’oxigène, que M. Berthollet attribue la couleur noire produite par le mélange de l’acide gallique avec des dissolutions de fer. Ce dernier est ramené à l’état d’oxide noir par la privation de son oxigène qui, se combinant avec le radical gallique, met à nu une portion d’oxide de carbone. Cette destruction de l’acide gallique par l’oxigène nous démontre l’impossibilité d’obtenir des encres indélébiles tant qu’on n’aura pas trouvé le dissolvant du charbon.

Acide formique. Retiré principalement de la grosse fourmi des bois, l’acide formique a une odeur piquante et forte qui affecte les yeux d’une manière particulière ; sa saveur âcre et piquante quand il est pur, devient très-agréable quand il est étendu d’eau. On croit assez généralement qu’il se rapproche de l’acide acétique. Ses combinaisons, les formiates sont peu connues.

Acide hydrothionique. Cet acide est l’hydrogène sulfuré, qui est dû aux travaux importans de M. Berthollet : il est la première substance de ce genre dans laquelle la propriété acide n’est pas due à l’oxigène. Tromsdorff a proposé de l’appeler hydrothionique. C’est un réactif très-précieux pour reconnoître la présence du plomb dans les vins falsifiés.

Acide Lactique. Schèele a obtenu l’acide lactique du petit-lait aigri, il paroît avoir beaucoup de rapports avec l’acide acéteux : il faut attendre de nouvelles expériences pour décider quelque chose sur sa nature.

Acide Malique. L’acide malique qui existe principalement dans les pommes, se trouve dans un grand nombre de végétaux, tels que les prunes, les cerises, l’épine-vinette, l’ananas, le raisin ; pur et concentré, il a une couleur cerise, une saveur aigre piquante, et constamment un arrière-goût sucré : il semble être le premier travail de l’acidification dans les substances végétales, et nous savons que le charbon le décompose en entier. Quelques expériences que j’ai faites sur les cuves en fermentation, appuyées de fortes analogies, me paroissent prouver que, dans le changement d’état du moût, l’alcool se combinant avec l’acide malique, forme cette substance gazeuse, suave et pénétrante qui, recueillie dans l’eau, se convertit ensuite en acide acéteux.

Acide mellique. M. Klaproth a découvert depuis peu, dans l’honigstein, pierre de miel des minéralogistes, un acide végétal combiné avec l’alumine ; il l’a appelé acide mellique.

Acide Molybdique. En distillant une partie de sulfure de molybdène avec six parties d’acide nitrique, on obtient une poudre blanche qui, lavée et chauffée, est l’acide molybdique. Il a une saveur aigre métallique ; il faut cinq cents parties d’eau pour en dissoudre une. Il se laisse facilement enlever son oxigène, et colore ses combinaisons. Ses divers oxides, qui passent du noir au bleu, au vert, et au jaune, peuvent fournir des produits fort intéressans pour la peinture et les arts. C’est avec le molybdène d’étain, qui tient une grande quantité d’oxide de molybdène, que l’on prépare, en Allemagne, cette belle couleur d’azur, avec laquelle on colore les cires.

Acide Muqueux. Schèele a donné à cet acide le nom de sachlactique, parce qu’il l’a retiré du sucre de lait. Haller donne, dans sa Physiologie, les quantités de sucre de lait que peuvent fournir quelques animaux :

4onces, lait de brebis 35 à 37 grains
de chèvre 47 à 49
de vache 53 à 54
de femme 58 à 67
de jument 69 à 70
d’ânesse 80 à 82

Les chimistes l’ayant trouvé dans tous les mucilages, M. Fourcroy l’a appelé acide muqueux. C’est une poudre blanche, grenue, peu acide, et très-peu soluble dans l’eau.

Acide Muriatique. L’acide muriatique, appelé autrefois acide marin, esprit de sel, existe en grande abondance dans la nature, combiné avec la soude, la magnésie et la chaux. Dégagé de sa base par l’acide sulfurique, il forme une fumée blanche très-expansible, dont l’odeur, vive et piquante, est analogue à celle des pommes de reinette et du safran. Il irrite d’une manière marquée les yeux et la gorge. M. Guyton de Morveau s’en servit à Dijon, en 1773, pour détruire les miasmes putrides ; et les expériences souvent répétées qu’on a faites depuis, dans les maladies épidémiques des hommes et des animaux, ont eu les plus heureux succès. Dissous dans l’eau, il est blanc, volatil, exhalant une fumée blanche, très-avide de l’humidité, il ne peut être pris intérieurement dans cet état sans danger. Avec l’acide nitrique, il forme l’eau régale, acide nitro-muriatique. Baumé, en le combinant avec l’alcool, l’a employé pour blanchir les soies sans les décruer ; il recommande sur-tout qu’il soit bien pur et privé d’acide nitrique. Vogler a remarqué que l’acide muriatique, et tous ses composés donnoient en teinture des couleurs plus rabattues et plus sombres.

On a fait beaucoup d’expériences pour reconnoître la nature de l’acide muriatique ; d’après les expériences des chimistes anglais, et sur-tout de M. Berthollet, il seroit une combinaison d’azote, d’hydrogène et d’un peu d’oxigène. Il forme, avec quelques bases, des sels très utiles, et dont plusieurs sont assez généralement employés.

Le muriate de baryte est un réactif très-précieux pour indiquer les plus petites quantités d’acide sulfurique. Comme fondant très-actif, il a été administré dans les maladies scrophuleuses, en France et en Angleterre. Il n’est pas de substance saline dont les usages soient aussi multipliés que ceux du muriate de soude ; on le retire des eaux de la mer par le moyen des marais salans ; des mines de sel gemme, telles que celles de Pologne, de Hongrie ; et on l’extrait des eaux salées, comme on le fait pour les sources de la Meurthe et du Jura. Il sert à la préparation des mets, à la conservation des matières animales ; il est donné aux bestiaux avec beaucoup d’avantages dans quelques maladies ; il est employé dans la poterie, l’hongroyerie, la teinture, et dans une foule d’arts ; c’est de ce sel qu’on retire l’acide muriatique. MM. Pelletier, Lelièvre et Darcet, Bérard et Chaptal, Curaudau, Carny, Dizé et Leblanc, ont publié des procédés très-ingénieux pour extraire la soude du sel marin : la plupart de leurs moyens, exécutés très en grand à cette époque désastreuse où la France manquoit des matières premières les plus importantes, fournirent la soude dont on étoit privé déjà depuis long-temps.

Le muriate d’ammoniaque, qu’on retiroit autrefois seulement de l’Égypte, est connu sous le nom de sel ammoniac dans le commerce. On le fabrique depuis plusieurs années en Europe et en France. Il est, en médecine, un fondant très-actif ; il entre dans un assez grand nombre de composés pharmaceutiques, dans l’étamage, la préparation des couleurs, et dans la teinture. La décomposition du muriate de soude par la litharge, fournit le muriate de plomb, qui donne, étant calciné, ce beau jaune que nous retirions de Naples.

Acide Muriatique Oxigéné. C’est à Schèele que nous devons l’acide muriatique oxigéné ; mais la part la plus glorieuse de cette découverte n’en doit pas moins être réservée à M. Berthollet, qui nous a fait connoître ses propriétés, et les importantes applications qu’il a fournies aux arts, sur-tout à ceux du blanchiment. On obtient cet acide en traitant l’oxide de manganèse avec l’acide muriatique, ou bien en distillant ensemble cinq parties de sel, trois parties d’acide mélangées avec trois parties d’eau, et deux parties d’oxide de manganèse.

À l’état de gaz, il a une couleur jaune verdâtre, une odeur forte, pénétrante, qui produit sur les membranes du nez et de la gorge une striction très-forte ; il est dangereux de le respirer quelque temps, car il détermine une toux violente, la fièvre et le vomissement. J’ai employé avec succès, dans ce cas, la vapeur de l’ammoniac et des boissons sucrées chaudes.

Cet acide détruit toutes les couleurs végétales, l’indigo, le sumac, même l’encre et les couleurs jaunes, sur lesquelles il agit un peu plus lentement.

L’acide muriatique oxigéné, dissous dans l’eau, jouit des mêmes propriétés que le gaz ; on l’emploie dans le blanchiment des toiles, des papiers, et dans toutes les opérations où il s’agit de décolorer les substances végétales. En médecine, on s’en est servi avantageusement à l’état liquide ou gazeux, dans le traitement des cancers, des ulcères, et dans toutes les maladies où il y a désorganisation ; il colore les chairs, détruit complètement les odeurs putrides, et les qualités délétères de l’opium et de la ciguë. À l’intérieur, il est un des plus puissans sténiques connus ; mais, avant de le préparer pour cet usage, il faut avoir soin de séparer du manganèse tout le plomb qu’il peut contenir. Les propriétés très-énergiques de ce gaz l’ont fait recommander par M. Guyton de Morveau, dans tous les cas où il y a développement de miasmes putrides. C’est d’après ce conseil qu’on l’a employé avec le plus grand succès dans les maladies épidémiques des hospices, des prisons, dans les épizooties, pour la fumigation des étables ; et c’est par ce moyen seul qu’on a pu arrêter les terribles effets de la maladie qui dévastoit Séville. M. Guyton a imaginé des appareils permanens de désinfection qui devroient être placés dans les prisons, les infirmeries, les hôpitaux, et dans tous les lieux où un grand nombre de personnes se trouvent réunies. Les médecins et tous les hommes qui, par état, se trouvent dans des atmosphères plus ou moins putrides, au lieu d’avoir de ces substances agréables qui flattent l’odorat sans diminuer le danger, devroient porter constamment sur eux de ces flacons d’acide muriatique oxigéné extemporané que l’on prépare avec soin à la pharmacie de Boulay, rue des Fossés-Montmartre, à Paris.

Les maladies épizootiques se renouvellent si souvent, qu’on sentira enfin la nécessité de faire des fumigations, même dans les étables.

Voici les proportions nécessaires pour une étable de grandeur moyenne. La dépense pour chaque opération ne peut excéder 3 ou 4 sous.

Sel commun 
 4onces.
Manganèse 
 1onces.
Acide sulfurique 
 2onces.
Eau 
 2onces.

Après avoir mêlé le sel avec le manganèse, on met la quantité d’eau prescrite, et l’on verse par dessus les deux onces d’acide sulfurique. Il est préférable de ne faire cette opération qu’en l’absence des animaux ; mais, dans le cas contraire, on peut ménager le dégagement de la vapeur, en ne mettant l’acide qu’en plusieurs fois sur le mélange. En combinant l’acide muriatique oxigéné avec la potasse, on lui fait perdre une grande partie de son odeur ; mais ce moyen qui constitue la lessive de Javelle, ne peut être avantageux, ainsi que l’observe M. Berthollet, que dans le blanchiment des cotons.

La potasse forme, avec cet acide, le muriate suroxygéné de potasse, qui détonne par le choc, étant mêlé avec un corps combustible. L’accident affreux arrivé à Essonne, lors des essais qu’on voulut faire pour le substituer au salpêtre, rendra très-prudentes les personnes qui s’occuperont de cette substance.

Acide nitro-muriatique. On a appelé l’acide nitro-muriatique eau régale, parce qu’il a été long-temps la seule substance dont on ait pu se servir pour dissoudre l’or qui étoit regardé comme le roi des métaux : il est ordinairement une combinaison de deux parties d’acide pitrique, contre une d’acide muriatique.

Acide nitreux. En traitant à l’appareil pneumato-chimique de l’acide nitrique pur avec des métaux, on obtient un gaz sans saveur et sans couleur, qui est l’oxide d’azote. Il ne rougit pas les couleurs bleues, et il forme sur le champ, par son contact avec l’oxigène, un gaz acide coloré, soluble dans l’eau, qui est le gaz acide nitreux. On ne connoissoit autrefois que cette seule combinaison de l’azote avec l’oxigène, appelée acide nitreux, esprit de nitre. D’après les découvertes modernes, l’acide nitreux n’est que l’acide nitrique dont une partie a perdu une portion de son oxigène, ou bien une dissolution de gaz nitreux dans l’acide nitrique. La quantité de gaz que cet acide peut dissoudre étant très-variable, il se colore, suivant les proportions observées, en bleu, en vert, en jaune, et en rouge, qui est le maximum de cette combinaison.

L’acide nitreux agit d’une manière très-marquée sur tous les corps combustibles ; il paroît avoir la propriété de dissoudre l’or.

Acide nitrique. L’acide nitrique se retire du salpêtre, par le moyen de l’acide sulfurique, ou des terres bolaires. Quoiqu’il soit fort impur, ou le vend dans cet état, et il porte, dans le commerce, le nom d’eau-forte. Débarrassé, par sa distillation avec les oxides de plomb, des acides sulfurique et muriatique, et parfaitement purifié, c’est un liquide blanc plus dense que l’eau, il colore en jaune les matières animales, et il a une saveur acide si prononcée, qu’il brûle et désorganise les matières avec lesquelles il est en contact. L’acide nitrique exhale constamment une fumée blanche dont l’odeur est désagréable ; il est en partie décomposé par la lumière et les métaux qui, le privant d’une portion de son oxigène, déterminent sa coloration ; il convertit en résine beaucoup de substances végétales, sur-tout les huiles. C’est à Navier, médecin de Châlons-sur-Marne, que nous devons le premier procédé satisfaisant pour le combiner avec l’alcool ; il mettoit ensemble de l’esprit de vin et de l’acide nitrique, qu’il laissoit dans une bouteille parfaitement bouchée, jusqu’à ce que l’éther fût formé à sa surface. En traitant des éthers, nous ferons connoître tout ce qui a rapport aux préparations de ce genre. Baumé s’est servi avec beaucoup d’avantage d’un mélange de deux gros d’acide nitrique et d’une pinte d’alcool, pour donner à la soie une belle couleur jaune de la plus grande solidité.

Les empoisonnemens par l’acide nitrique sont malheureusement si multipliés, que l’on ne sauroit répéter trop souvent les moyens de remédier à ses terribles ravages. M. Tartra, à qui nous devons un excellent Traité sur les empoisonnemens par l’acide nitrique, en comparant entr’eux tous les médicamens qu’on a employés, donne la préférence à la magnésie dont M. Fourcroy avoit déjà fortement recommandé l’usage. L’acide nitrique agit d’une manière si prompte, que le sort du malade dépend toujours de la prompte administration des moyens qui peuvent arrêter ses effets.

Il faudra donner sur le champ de l’eau à grande dose, de l’eau de savon, et faire prendre souvent des potions composées d’un ou deux gros de magnésie pure incorporée avec l’eau sucrée ou le sirop. L’acide neutralisé, il faudra faire prendre de doux laxatifs, tels que la manne unie à l’huile d’amandes douces, des émolliens, des rafraîchissans, afin de calmer et de détruire l’irritation intérieure.

En médecine, il a été employé avec quelques succès pour remplacer le mercure dans le traitement des maladies syphilitiques ; on s’en sert dans beaucoup d’arts, tels que ceux du jouaillier, du bijoutier, du chapelier et du graveur. L’acide nitrique est composé de vingt parties d’azote sur quatre-vingt d’oxigène.

On retire l’acide nitrique du nitrate de potasse, ou salpêtre, qui se trouve à la surface du sol dans plusieurs contrées, sur-tout dans les Indes. Scopoli assure avoir vu, en Hongrie, une source qui en donnoit un quintal par heure : mélangé avec le charbon et le soufre, il forme la poudre à canon, et avec le carbonate de potasse, la poudre fulminante. Ce sel existe dans un grand nombre de végétaux, tels que la buglose, le tournesol, la bourrache, le soleil, et il est employé dans les arts et en médecine.

Acide Oxalique. La substance qu’on vend dans le commerce, sous le nom de sel d’oseille, est une combinaison d’acide oxalique en excès avec la potasse ; contenue dans les rumex, les oxalis, les alléluia, elle est préparée en grand dans le Hartz, la Suisse et dans les forêts de Thuringe. L’oxalate acidulé de potasse est souvent employé pour enlever les taches d’encre et de rouille ; mais j’ai fait voir qu’il ne jouissoit de cette propriété qu’en raison de son excès d’acide, et qu’il pouvoit être remplacé d’une manière avantageuse par la crème de tartre, et tous les acides végétaux. Le sel d’oseille n’est pas la seule substance dont on retire l’acide oxalique, car le sucre et toutes les substances végétales, traitées par l’acide nitrique, en fournissent assez abondamment. Dans son état de pureté, il est blanc cristallin ; il a une saveur acide très-piquante, qu’on rend fort agréable en le mêlant avec l’eau. Sa grande affinité pour la chaux l’a rendu, en chimie, un réactif très-précieux.

Acide phosphoreux. L’acide phosphoreux est le résultat de la combustion du phosphore à l’air libre, et à une température qui ne doit pas excéder 22° du thermomètre de Réaumur.

Acide phosphorique. Margraft découvrit l’acide phosphorique dans l’urine, et, assez long-temps après, Gahn et Schèele prouvèrent qu’on pouvoit l’extraire des os beaucoup plus facilement ; on l’obtient encore en oxygénant le phosphore par l’acide nitrique, ou en le brûlant sur du mercure, dans le gaz oxigène. Dans cet état, il est blanc, en écailles brillantes, cristallines, pesant trois fois plus que l’eau, attirant puissamment l’humidité de l’air, se fondant en verre à une forte chaleur. Dissous dans l’eau, c’est un fluide blanc, inodore, d’une consistance huileuse, il a une saveur acide, mais qui n’est pas caustique.

L’acide phosphorique existe combiné avec la chaux dans les os des animaux, des poissons, dans beaucoup de substances végétales, telles que la moutarde, le cresson ; Proust l’a trouvé uni au plomb dans la mine de plomb verte, et Klaproth a prouvé sa combinaison avec la chaux dans l’apatite de Saxe. Cet acide paroît avoir été donné avec succès dans les tumeurs osseuses, comme fondant et purgatif. Le phosphate de soude est la substance que l’on a connue long-temps sous le nom de sel fusible, sel perlé ; il s’effleurit à l’air, et il est très-soluble dans l’eau.

Pearson est un des premiers qui l’ait employé en médecine. Donné à la dose de six à huit gros, c’est un excellent laxatif qui purge sans nausées, sans coliques, et dont la saveur fraîche, salée, n’est pas désagréable. Il peut remplacer le borax pour la soudure des métaux.

Acide prussique. Ce n’est que longtemps après la découverte du bleu de Prusse par Dippel et Diebach, que Schèele nous fit connoître les moyens d’obtenir l’acide prussique, en traitant le prussiate de fer avec l’oxide rouge de mercure. M. Fourcroy a donné un procédé très-simple, qui consiste à distiller à l’appareil hidro-pneumatique un mélange d’acide nitrique et de sang coagulé ; l’acide qui se volatilise est reçu dans des flacons chargés d’eau. L’acide prussique a une odeur très-prononcée de fleurs de pêcher ou d’amandes amères, et une saveur d’abord fade et douceâtre, qui devient ensuite chaude, acre et virulente. D’après l’analyse que M. Vauquelin a faite du salsola soda, et de plusieurs autres substances végétales, il s’est assuré que toutes les plantes qui contiennent de l’azote se rapprochant des matières animales, fournissent cet acide. M. Berthollet, d’après les expériences importantes qu’il a faites pour reconnoître la nature et les proportions de l’acide prussique, regarde cet acide comme un composé d’azote, d’hydrogène et de carbone sans oxigène ; mais M. Vauquelin ayant observé que les substances oxygénées augmentoient d’une manière très-sensible la quantité d’acide obtenu, cet habile chimiste se croit en droit de conclure que l’oxigène ne peut être inutile à sa formation. Nous devons à M. Curaudau des recherches neuves et très-intéressantes sur cet objet ; il prouve que, dans toute calcination prussique, il n’existe que deux des principes du radical, l’azote et le carbone ; que cette nouvelle combinaison ayant la propriété de décomposer l’eau, s’empare de l’hydrogène qui est nécessaire pour constituer le radical, et que cette composition ternaire d’azote, de carbone et d’hydrogène, doit porter alors le nom de prussiate, et celui d’acide prussique quand elle est oxigénée.

Le prussiate de chaux est un très-bon réactif pour reconnoître les moindres traces de fer ; il donne sur le champ, avec ces dissolutions, un bleu superbe.

Le prussiate de fer est la substance découverte à Berlin en 1710 ; elle est connue dans le commerce sous le nom de bleu de Prusse. Dans les manufactures, on l’obtient en traitant avec la potasse, à un grand feu, des substances animales, et en mêlant la lessive qui résulte de cette opération, avec des dissolutions d’alun et de sulfate de fer.

Cette substance est très-employée dans une foule d’arts, et sur-tout pour les pâles diversement colorées des fabriques d’indiennes et de papiers peints. Malgré les essais nombreux qui ont été faits pour l’employer en teinture, le bleu obtenu est trop foible, trop inégal, pour que ce moyen puisse présenter quelques avantages.

M. Hatchelt, en combinant l’acide prussique avec le cuivre, a obtenu une couleur très-solide, qui surpasse en beauté toutes les couleurs brunes connues : son mélange avec du blanc donne une variété de teintes lilas qui ne le cèdent point, pour la fraîcheur, à toutes celles obtenues des Jacques, et qui leur sont préférables par leur fixité. Voici le procédé de M. Hatchett : faire dissoudre du muriate vert de cuivre dans dix fois son poids d’eau distillée, verser sur cette dissolution du prussiate de chaux, jusqu’à précipitation complète, laver le prussiate de cuivre à l’eau froide, puis le faire sécher sans chaleur.

Acide sachlactique. Nous avons fait connoître cet acide à l’article acide muqueux.

Acide Subérique. C’est à M. Bouillon-Lagrange que nous devons la connoissance de l’acide subérique. Il le prépare en mettant dans une cornue du liége râpé sur lequel il verse six fois son poids d’acide nitrique à trente degrés.

Acide succinique. On retire l’acide succinique du succin, ou ambre jaune, qui se trouve en Suède, en Sibérie, et dans la mer Baltique. Cet acide, appelé autrefois sel de succin, est très-volatil ; il a un goût âcre, piquant et huileux ; il est peu soluble dans l’eau froide, et beaucoup dans l’eau chaude ; il n’agit que bien foiblement sur les couleurs végétales. L’acide succinique est employé en médecine comme incisif, cordial, et antiseptique : Boerhave le plaçoit parmi les plus puissans diurétiques ; uni à l’opium, il forme le sirop de Karabée.

Acide sulfureux. L’acide sulfureux est produit par la combustion du soufre à une température peu élevée, et par la désoxygénation de l’acide sulfurique. Il est sans couleur, plus pesant que l’air ; il a une odeur vive, suffoquante, qui irrite les yeux, la gorge, resserre la poitrine, et provoque la toux et le vomissement. Il est très-soluble dans l’eau. On s’en sert à l’état de gaz, pour blanchir les laines et les soies ; mais j’ai employé de préférence, dans des opérations en grand, l’acide sulfureux qui agit plus promptement et d’une manière plus marquée.

On a beaucoup trop vanté l’acide sulfureux à l’état de gaz, pour faire périr les chenilles et quelques autres insectes ; quelques agronomes habiles paroissent cependant s’en être servi avec succès.

Acide sulfurique. L’acide sulfurique est toujours le résultat de la combustion du soufre portée à son maximum d’acidification, soit qu’on le relire des sulfates dans lesquels il est tout formé, soit qu’on l’obtienne directement par la combinaison du soufre avec l’oxigène à une température élevée. Retiré pendant longtemps des vitriols de fer qu’on distilloit en Saxe pour obtenir cet acide, il a porté le nom d’huile de vitriol et d’acide vitriolique. Si l’on fait arriver dans des chambres de plomb les vapeurs qui résultent de la combustion d’un mélange de soufre et de salpêtre, elles se condensent, se mêlent à l’eau qui y est contenue, et elles forment l’acide sulfurique. On le met ensuite dans de grandes chaudières en plomb, où l’on commence à le concentrer : cette opération s’achève dans des cornues de verre, dans lesquelles on le fait chauffer fortement pendant douze à quinze heures. Lorsqu’il est pur et concentré, il est parfaitement blanc, sans odeur ; il attire l’humidité de l’air, il a un coup-d’œil un peu laiteux, une pesanteur spécifique double de celle de eau, et il doit marquer soixante-six degrés à l’aréomètre. Dans cet état, il est onctueux au toucher, très-caustique, il bride, désorganise, charbonne très-promptement les substances végétales et animales ; pris à l’intérieur, il agit d’une manière terrible, et il doit être placé au rang des plus violens poisons. En attaquant la peau il forme des ampoules et des plaies considérables, sur-tout lorsqu’il est bouillant. J’ai employé pour le traitement de ces brûlures extérieures, dont quelques unes étoient fort profondes, le vin d’opium, et l’opium à l’état gommeux, dont je faisois mettre un emplâtre sur la plaie. Ce moyen, essayé comparativement avec le traitement ordinaire, a toujours eu l’avantage de détruire presque sur le champ la douleur, et de faire cicatriser d’une manière beaucoup plus prompte. Cet acide, pris intérieurement, est si actif, qu’il a déjà produit de grands ravages avant qu’on ait fait prendre au malade les substances qui puissent le neutraliser. Les dissolutions de savon, et la magnésie délavée dans de l’eau sucrée, sont les meilleurs contre-poisons et les plus efficaces. L’acide sulfurique, dont la concentration n’est pas complète, peut se geler à quelques degrés au dessous de zéro. M. Chaptal, à qui les arts ont de si grandes obligations, et dont les importantes fabriques se distinguent par la beauté de leurs produits, a obtenu de 1 à 3° -0 de l’acide sulfurique cristallisé en prismes hexaèdres. Dans l’hiver de l’an II, j’ai fait cette observation, et j’ai eu même des cristaux beaucoup plus gros : quelques aiguilles avoient jusqu’à dix à douze pouces de long, sur un pouce et demi à deux pouces de large, sur chaque face de la pyramide.

L’acide sulfurique existe dans la nature, combiné avec un grand nombre de substances, telles que la chaux, l’alumine, le fer, et ce n’est qu’accidentellement qu’on le trouve pur dans quelques grottes, dans quelques lieux volcanisés, comme à Sienne, à Viterbe, aux bains de Saint-Philippe, à la Solfatarra. Cet acide est devenu d’un usage si général dans les arts, dans la tannerie, la fabrication des indiennes, le blanchiment des étoffes, que les fabriques de ce genre se sont beaucoup multipliées en France et chez l’étranger. On employoit beaucoup autrefois la dissolution de l’indigo par l’acide sulfurique à soixante-six degrés, pour faire les bleus et les verts de Saxe ; mais toutes les couleurs ainsi obtenues ne sont pas solides, on les fait actuellement à la cuve. En médecine, on se sert quelquefois de sa propriété caustique. Très-étendu dans la proportion de trois à quatre cents parties d’eau contre une, il a une acidité agréable, et il est regardé comme rafraîchissant, tempérant et antiseptique. Combiné avec quelques bases, comme la potasse, la soude, la magnésie, il forme des sels fort usités en médecine, qui sont de très-bons purgatifs. L’alun et la couperose, dont le premier est un sulfate acide d’alumine et potasse, et le deuxième un sulfate de fer, sont des sels très-employés, sur-tout dans les teintures, auxquelles ils fournissent d’excellens mordans.

Les propriétés merveilleuses du plâtre, sulfate de chaux, étonneront encore long-temps les agriculteurs les plus habiles ; ils concevront bien difficilement qu’une substance aussi insapide et aussi insoluble, puisse agir comme les engrais les plus puissans, et provoquer d’une manière aussi efficace l’accroissement des herbes et des graminées.

Acide sébacique. Thénard, en examinant l’acide de la graisse, s’est assuré que Crell, et les chimistes de Dijon, qui le regardoient comme fort odorant, se sont trompés sur sa nature et ses propriétés. L’acide sébacique est légèrement acide et sans odeur ; il se fond comme de la graisse, et il cristallise par refroidissement. L’alcool en dissout une bien grande quantité ; et si l’on fait évaporer la dissolution avec soin, il cristallise en grandes lames très-brillantes.

Acide tartareux. La substance que l’on vend dans le commerce, sous le nom de crème de tartre, est une combinaison de l’acide tartareux en excès avec la potasse ; elle est connue, suivant la nouvelle nomenclature, sous le nom de tartrite acidule de potasse. Ce sel existe dans un grand nombre de végétaux, tels que le tamarin, le sumac, la mélisse, la sauge, l’épine-vinette, dans toutes les liqueurs vineuses, et sur-tout dans le vin qui, après la fermentation, le laisse déposer sur les parois des tonneaux. Le tartrite acidule de potasse se trouve réuni dans le raisin, avec les principes gommeux et sucrés, et c’est aux proportions si variées de ces trois substances qui forment les matériaux les plus importans de la fermentation, que l’on doit ces qualité si différentes qui existent entre les vins. Ainsi ceux de Hongrie, de Frontignan, ne donnent que très-peu de crème de tartre ; tandis que les vins de France, de la Meuse et du Rhin, en fournissent abondamment. Comme elle contient ordinairement des substances étrangères, telles que de la chaux, du principe colorant, des sulfates et nitrates de potasse, elle a besoin d’être purifiée, pour pouvoir servir dans beaucoup d’arts. Dans le travail qui se fait à Venise pour la purification de la crème de tartre, on la dessèche dans de grandes chaudières de fer, et après l’avoir réduite en poudre, on la fait dissoudre dans des cuviers remplis d’eau chaude. On traite ensuite à un feu plus doux le sel qui s’est formé ; la dissolution bien chargée, on met dans la chaudière des blancs d’œufs délayés dans l’eau, et l’on y jette de temps à autre un peu de cendre neuve. Cette opération, répétée quatorze à quinze fois sur la même chaudière, produit une vive effervescence et beaucoup d’écume qu’il faut enlever sur le champ ; l’on obtient ensuite une liqueur inodore qui dépose des cristaux très-blancs. Le procédé suivi à Montpellier est préférable, en ce qu’il n’introduit dans la liqueur aucune substance étrangère : après avoir dissous le tartre, et l’avoir obtenu cristallisé, on le fait bouillir dans une autre chaudière, en ajoutant, par quintal, cinq à six livres de terre blanche de Murviel. La liqueur évaporée fournit un sel blanc qui est la crème de tartre ; la saveur de ce sel est aigre, un peu désagréable ; il n’agace pas les dents ; il rougit les couleurs bleues, et il est peu soluble dans l’eau, car une partie d’eau froide n’en dissout qu’un soixantième de son poids, et l’eau bouillante un trentième. Lemery et Lefèvre ayant observé que le borate de soude rendoit le tartre plus soluble, indiquèrent ce moyen ; mais on ne tarda pas à s’apercevoir que le sel ainsi obtenu, n’étoit plus le même, et Lassone proposa l’acide boracique. Son procédé consiste à faire dissoudre dans quatre onces d’eau bouillante, quatre gros de crème de tartre et un gros d’acide boracique ; sa solubilité est tellement augmentée, qu’une partie peut se dissoudre dans cinq à six parties d’eau. La combustion de la crème de tartre et de lies de vin, en détruisant l’acide tartreux, laisse à nu la potasse qui fournit aux arts un alcali très-recherché et assez pur, que l’on connoît sous le nom de cendres gravelées. M. Pajot Descharmes indique, pour les préparer un procédé fort simple : sous la botte d’une cheminée, et à dix-huit pouces de l’âtre, on établit une grille sur le devant de laquelle on en place une autre verticalement ; c’est dans cette espèce de cage que l’on met les lies pressées, sèches ou vertes. On a allumé le feu, et l’on doit avoir le soin de remettre de nouvelles lies, en raison des cendres gravelées qui passent à travers la grille. Un quintal de bonne lie doit donner de soixante-dix à quatre-vingt livres d’alcali, dont la bonne qualité se reconnoît à ces caractères : il doit avoir un coup-d’œil verdâtre tirant sur le bleu, être spongieux, léger, et ne laisser appercevoir, dans sa cassure, aucune trace de vitrification. Il résulte des observations très-importantes de Thénard, sur les combinaisons de l’acide tartreux avec différentes bases, que tous les tartrates s’unissent entr’eux, et forment des sels triples dont il a déterminé les proportions et fait connoître les propriétés.

Il a analysé avec beaucoup de soin le tartre antimoiné de potasse qui, à cause de son fréquent usage, offroit le plus grand intérêt.

Tartrite acidule
de potasse, antimoiné.
Émétique.
Composé de Tartrite de potasse 34 Eau 8
Tartrite d’antim. 54 Oxide ant. 38
Eau 8 Acide tartr. 34
Potasse 16

Les résultats de ses recherches lui ont fait connoître que, dans la composition de l’émétique, la présence du tartrite acidule de potasse, du tartrite de potasse, du tartrite de chaux, et d’une quantité variable d’eau, en modifiant son action, devoit apporter une différence extrême dans ses effets. Les moyens qu’il propose, pour remédier à ces graves inconvéniens, sont :

1°. Mettre un excès d’oxide d’antimoine à la saturation de la crème de tartre.

2°. Ne point se servir d’eaux mères, sur-tout de celles de la première cristallisation.

3°. Faire cristalliser au moins deux fois l’émétique, pour qu’il n’y ait plus de tartrite de chaux.

4°. Bien fermer les vases qui contiennent cette substance. On détruit les effets dangereux de ce sel pris à trop forte dose, en donnant au malade des décoctions extractives, et sur-tout celle de quinquina qui formr, avec le tartrite de potasse antimoiné, un sel qui n’est plus émétique. Parmi les combinaisons variées de la crème de tartre avec le fer, on compte le tartre chalybé, la teinture de Mars, le tartre martial soluble, les boules de Nancy, qui sont toutes plus ou moins en usage en médecine.

Quoique nous ne trouvions que bien rarement l’acide tartreux libre, nous savons cependant qu’il existe, mais en petite quantité, dans le tamarin et dans quelques autres végétaux. Le moyen indiqué par Schèele pour l’avoir pur, consiste à former un tartrite de chaux qu’on décompose ensuite par l’acide sulfurique. Il cristallise très-facilement ; il a une saveur acide et piquante qui donne une limonade agréable, lorsqu’on le mélange avec le sucre et des substances odorantes.

Parmi les combinaisons qu’il forme dans son état de saturation, on distingue le tartrite de potasse, tartre soluble, et le tartrite de soude et potasse, qui est le sel de Seignette du commerce.

Acide Tunstique. On extrait l’acide tunstique de ses combinaisons naturelles, les tunslates de chaux, de fer et manganèse qui accompagnent souvent les mines d’étain, soit en Saxe, en Bohème, en Suède, en Cornouaille ou en Sibérie. Les divers procédés pour séparer l’acide tunstique de ses bases, sont de le traiter par la voie sèche avec la potasse, et de la lui enlever ensuite par l’acide nitrique ou muriatique. Ainsi purifié, il est sous la forme d’une poudre blanche dont la saveur est âpre et métallique, quoique son acidité soit peu marquée ; il n’est pas altérable à l’air ; l’eau bouillante en dissout un vingtième. Quand on aura extrait en grand l’acide tungstique du tunstate de fer, qui est le seul que nous possédions en France, on emploira sûrement, d’une manière très-utile aux arts, quelques unes de ses combinaisons.

Acide urique. MM. Fourcroy et Vauquelin ont donné ce nom à une substance acide qui existe dans les calculs de la vessie, et que Schèele et Bergman avoient appelée acide bézoardique. L’acide urique paroît être un composé quaternaire d’azote, de carbone, d’hydrogène et d’oxigène, constamment coloré par la substance que ces célèbres chimistes françois nomment urée.

Acide zoonique. La distillation des substances animales fournit un acide que l’on a cru être un acide particulier, et qui a été désigné sous le nom d’acide zoonique ; mais on a prouvé qu’il n’est que de l’acide acéteux tenant en dissolution une matière animale. (I. L. Roard.)