Cours d’agriculture (Rozier)/ACACIA ou ROBINIER


ACACIA ou ROBINIER, Robinia pseudo-acacia Linn. Quelque respectable que soit l’autorité de Duhamel, et si j’acquitte ici ma part de la dette de la reconnoissance, que ceux qui s’intéressent aux progrès de la physique végétale, doivent payer à cet illustre père de l’agriculture, je ne pense pas, comme l’indique cet auteur, qu’il soit nécessaire de placer les semences d’acacia dans un vase rempli de terre et de les conserver ainsi jusqu’à l’époque du semis. Cette précaution seroit oiseuse si la terre étoit sèche, et elle seroit dangereuse si elle étoit chargée de la moindre humidité, car le germe de l’acacia est aussi ardent à sortir de ses semences, que l’arbre entier est prompt à s’élever en haute-futaie : la graine d’acacia placée dans la terre sèche n’est pas mieux que dans un sac de toile ou de papier, ou dans une boîte ; et placée dans la terre humide, elle se gonfleroit en quelques jours, et germeroit peu de temps après. La graine d’acacia cueillie en automne et hors de ses gousses par le battage ou par tout autre procédé, sera mise en sac et conservée ainsi dans un lieu sec et non échauffé. Semée, elle germera nécessairement. La meilleure méthode de la conserver seroit de la laisser dans ses gousses et de ne l’en séparer qu’au moment des semis ; et ce soin seroit d’autant plus utile que l’acacia reste souvent une année sans donner des semences, et qu’en les conservant dans leurs gousses, elles germeroient après deux années de récolte. Ainsi l’année dernière (an 11) les fleurs d’acacia ayant été stériles dans toute la France, ne produisirent aucunes graines ; mais celles de l’an 10, conservées en gousses et semées en l’an 12, germèrent toutes. La graine semée de la manière suivante réussit facilement :

La terre bien labourée, on sème l’acacia par rayons distans de trois à quatre pouces ; on couvre les graines d’un lit léger de terre, lui-même couvert d’une couche légère de fumier court, ou de mousse qu’on conserve toujours humides par de légers et fréquens arrosemens. Ce semis doit se faire depuis le Ier. germinal jusqu’au Ier. messidor. Le plant s’élève la même année, à un, deux, trois, ou quatre pieds, selon la qualité du sol, et alors on peut le transplanter par-tout où on veut qu’il forme une forêt, qu’il s’élève en avenue, ou qu’il embellisse les jardins.

Si on se propose de créer une forêt d’acacia par la transplantation, le plant sera placé à quatre pieds de distance, et la troisième année on en coupera le tiers dont on fera du petit bois ou des échalas ; le reste sera abandonné à la nature pour devenir bois de haute-futaie.

Dans les années où la graine d’acacia est abondante, on la sème en place en plein champ sur une terre bien cultivée, comme on le pratique pour toute autre graine. Si elle ne lève pas également ou si quelques parties périssent, les lacunes sont remplies par du plant pris dans les places où il seroit trop multiplié. Ce dernier moyen de former une forêt est plus prompt, forme des arbres plus vigoureux et qui, étant fortement attachés au sol par leurs pivots, s’élèvent avec plus d’assurance, luttent avec succès contre l’impétuosité des vents, et donnent un bois d’une fibre plus serrée et par conséquent plus utile dans les arts, et d’une combustion plus ignée et plus longue.

L’acacia est actuellement l’un des arbres forestiers les plus en crédit et les plus souvent recommandés, parce qu’il croît avec beaucoup de rapidité et qu’il forme un bois de haute-futaie en douze ou quinze ans. Il n’est pas rare de voir une graine d’acacia levée en avril, produire, en cinq mois un jet de six pieds, et un acacia de trois ans en avoir quinze, et avoir néanmoins une force proportionnée en diamètre. J’ai observé ces résultats dans les semis que j’ai faits de cet arbre. M. Médicus rapporte des faits qui lui sont personnels et qui prouvent encore dans l’acacia un plus grand luxe de végétation.

L’acacia conserve sa propriété de croître très-rapidement dans les plus mauvaises terres et sert ainsi à occuper les sols délaissés, et à changer par sa présence en bois utiles des landes peu productives et des terres de nulle valeur.

On doit à un Français (le professeur Robin) l’introduction de l’acacia en France, où il n’a servi pendant long-temps qu’à décorer les jardins ; mais M. Médicus, savant de l’Allemagne, l’ayant planté en forêt, le signala à l’Europe comme arbre forestier, publia ses avantages, fixa l’attention publique, et de grands semis furent faits en telle quantité que l’acacia est maintenant propagé par-tout. Toutefois il ne l’est pas assez, et on le verra un jour parer de la force de son tronc, de l’élégance de ses rameaux et de la beauté de ses fleurs, toutes les terres de la France où on manque de bois, tant il présente d’attraits et d’avantages réels. (Tollard, aîné.)