Cours d’agriculture (Rozier)/ÉTRONÇONNER

Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 406).


ÉTRONÇONNER un arbre. « C’est ne lui laisser que le tronc, c’est lui couper la tête, quand il est nouvellement planté, ou bien quand les racines étant bien saines encore, & lorsque son bois est usé, le recéper sur la souche pour le renouveler. Tels arbres, à moins qu’ils ne soient d’âge moyen & bien vigoureux, ne tiennent pas contre une telle opération ; peu à peu ils meurent, à l’exception de certains vieux pêchers sur amandiers & quelques autres. »

« Les arbres des bois en coupe dans les forêts, sont coupés ras terre & ils repoussent. Il n’en est pas de même des fruitiers des jardins, ils sont plus délicats ; on en appelle à ce sujet à l’expérience. De plus, quand on coupe les arbres des forêts, ils font de nouveaux jets, au lieu que des arbres fruitiers, étant coupés au-dessus du tronc, où la peau est bien plus dure, la sève ne perce point d’ordinaire, & ne pouvant s’y faire passage, elle retourne aux racines, & l’arbre meurt par en haut : voici ce que chacun peut observer à part soi. »

« Quand on tire de terre quantité de ces sortes d’arbres, de même que nombre d’autres cessant de pousser tout-à-fait, ou mourant par la tête, il y en a quantité à qui on voit des racines immenses, les plus saines & mieux nourries, tandis qu’aux arbres les mieux portans qu’on veut détruire, la même chose ne se rencontre point. On est touché de compassion à la vue d’un tel spectacle, quand on ignore le sous-œuvre caché de la nature. Voilà le fait, & il est à la portée de tous ; mais ce sous-œuvre caché de la nature, quel est-il ? On ne peut rendre raison d’un tel phénomène, qu’en supposant que dans ces sortes d’arbres, les sucs sont pompés comme à l’ordinaire par les racines ; mais ne pouvant pas arriver dans la tige dont les canaux épuisés sont obstrués & bouchés, la sève reflue dans ces mêmes racines ; & telle paroît être la raison de leur embonpoint excessif. »