Cours d’agriculture (Rozier)/ÉPUISEMENT

Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 307-309).


ÉPUISEMENT. C’est un état de foiblesse, produit par la perte des forces & des esprits. Parmi les causes qui peuvent produire cette maladie, je n’en connois pas de plus puissante que la masturbation. Les jeunes gens qui en contractent l’habitude, sont bientôt plongés dans un épuisement dont ils ne peuvent plus sortir, ou du moins très-difficilement. Le défaut d’alimens, l’excès dans le vin, le trop fréquent usage du coït, les veilles immodérées contribuent beaucoup à l’épuisement. Celui qui est la suite des longues maladies, est toujours très-dangereux, sur-tout dans un âge avancé, encore plus lorsque les organes digestifs sont si affoiblis qu’ils ne peuvent plus digérer les sucs nécessaires à la réparation des forces. Si l’épuisement a pour cause, des excès, l’incontinence ; alors, la sobriété, la sagesse, le repos, l’usage des bons alimens, sont des secours plus que suffisans pour redonner la santé. La diète végétale, les farineux, le lait d’ânesse, sont encore très-avantageux : cette dernière espèce de lait mérite la préférence sur tous les autres, sur-tout si l’épuisement tient à la sécheresse des solides, à l’âcreté des humeurs, ou à toute autre cause.

Le lait de femme a eu quelquefois les plus grands succès ; on a vu une infinité de personnes, dont le tempérament & la constitution étoient ruinés, recouvrer une santé des plus solides, après un ou deux mois d’usage de ce lait ; mais on doit faire le choix d’une bonne nourrice, & avoir grande attention à ce qu’elle ne soit infectée d’aucun vice. M. AM.


Épuisement, Médecine vétérinaire. C’est une foiblesse de tous les membres de l’animal.

Les signes de cette maladie ne sont point équivoques ; les animaux qui en sont attaqués, ressentent, à chaque mouvement qu’ils font, des douleurs dans les membres ; les muscles destinés à les transporter d’un endroit à un autre, ne se contractent que lentement & avec peine, & s’ils sont quelquefois obligés de marcher long-temps, on s’apperçoit que les forces diminuent, & qu’ils sont souvent obligés de tomber & de se coucher.

Il y a quatre espèces d’épuisemens.

Première espèce. C’est une fatigue outrée, connue particulièrement dans le cheval, sous le nom de fortraiture. (Voyez Fortraiture)

Seconde espèce. C’est une foiblesse occasionnée par défaut de nourriture. La maigreur est manifeste, la foiblesse des muscles est considérable, l’animal peut à peine marcher, & il succombe ordinairement au moindre poids qu’on lui fait porter. Cette maladie vient le plus souvent de la cruauté des bouviers, qui, sous prétexte d’économiser sur les alimens des bœufs, leur font souffrir la faim, en exigeant encore de ces animaux la même somme de travail.

Troisième espèce. Elle est une suite des alimens de mauvaise qualité. L’animal est dégoûté, lâche, peu ardent au travail ; les boulets s’engorgent à la moindre fatigue, sur-tout s’il habite des endroits marécageux.

Quatrième espèce. Elle est produite par un excès de l’acte vénérien. Cet état regarde seulement l’étalon & le taureau, qui en sont ordinairement atteints lorsqu’on leur laisse saillir en liberté un trop grand nombre de jumens & de vaches. Il est aisé de s’en appercevoir par la chute des poils, & sur-tout par ceux de la crinière & de la queue, par la maigreur, la foiblesse, la tristesse, le dégoût, & par l’habitude qu’ils ont de se coucher rarement.

Traitement. D’après cette division, il est très-facile de comprendre que chaque espèce d’épuisement exige un traitement analogue.

Dans la première espèce, il faut mettre en usage les remèdes indiqués à l’article fortraiture. (Voyez Fortraiture)

Dans la seconde, nous invitons les bouviers, au lieu de faire endurer la faim à leurs bœufs, d’augmenter insensiblement la nourriture, de leur donner du foin & de l’avoine, de leur faire boire de l’eau blanche chargée de beaucoup de farine, & pour leur donner plus appétit de laver la langue avec du sel & du vinaigre.

Dans la troisième, on doit nourrir le bœuf & le cheval avec du foin choisi, contenant beaucoup de plantes aromatiques ; leur donner, pendant deux ou trois jours à jeun, une chopine de vin vieux, les étriller tous les matins, les faire boire de l’eau pure aiguisée de sel marin, & les tenir dans une écurie propre & bien aérée. Si l’on s’apperçoit que l’animal rend des excrémens de mauvaise qualité, s’il a la langue toujours blanche, & s’il est dégoûté, on terminera la cure en lui faisant prendre, le matin à jeun, un breuvage purgatif, composé de la manière suivante. Prenez Séné, deux onces ; jetez dans une chopine d’eau bouillante, retirez du feu, couvrez, laissez infuser trois heures, coulez avec expression ; ajoutez à la colature une once d’aloès succotrin ; mêlez, agitez, & donnez à l’animal, & ne lui donnez à manger que quatre heures après l’administration de ce breuvage : cette dose est celle des bœufs d’une taille moyenne. On aura donc à l’augmenter ou à la diminuer d’un ou deux gros, pour ceux d’une taille supérieure & inférieure : on aura la même attention pour le cheval & le mouton.

Quant à l’épuisement de la quatrième espèce, il ne faut jamais permettre la monte en liberté à l’étalon, ni au taureau, & ne leur présenter, dans le temps de la monte, que le nombre de jumens & de vaches relatives à son âge & à sa vigueur. Il faut le nourrir de foin de bonne qualité, lui donner pour boisson de l’eau blanche, chargée de beaucoup de farine, lui administrer de temps en temps une chopine de bon vin vieux : si les forces de l’animal sont entièrement abattues, il convient de les relever, en administrant deux ou trois breuvages d’une forte infusion des feuilles de sauge dans du bon vin vieux, ou bien dans de l’eau commune aiguisée de sel marin. On parvient à rétablir de cette manière, l’appétit vénérien de l’animal, sans avoir recours au camphre & aux autres aphrodisiaques. M. T.