Couleur du temps (LeNormand)/Comme il pleut

Édition du Devoir (p. 57-58).

Comme il pleut…


Comme il pleut, je me lamente ! Reviens, soleil ! Les rues sont hideuses, le ciel est sale, la maison sombre et morne autant qu’après un malheur. Reviens, soleil, reviens ! Tout à l’heure, je lisais une page de la passion du Christ. Il me semble que c’est aujourd’hui qu’on le crucifie, le divin Sauveur ! Toute cette eau qui tombe me fait mal. Je me sens lasse. Mon front est crispé. Mes yeux, devant tant de gris, pour un rien verseraient des larmes. Reviens, soleil, reviens !

C’est le printemps et depuis deux grands jours ta lumière n’a pas paru. Ce matin, les arbres étaient glacés ; que le givre eût fondu joliment, si tu te fusses donné la peine de briller ! Il y aurait eu des diamants dans les ramures ! Leur finesse m’eût ravie ; j’aurais été gaie. Reviens, soleil, reviens !

Je m’ennuie. Pourtant un livre, là, près de moi, devrait m’intéresser. Je souffre presque. L’humidité m’a toute transie. Mes mains sont trop pâles. Pour un peu, je me croirais malade. On dirait que dans mes veines le sang court moins vite, on dirait que mon cœur bat plus lentement, que tout mon être s’ankylose, s’endort.

Reviens, soleil, reviens ! Quand tu parais tout s’embellit. Les tristesses s’atténuent dans la lumière qui fait croire et espérer ; tu sèches la boue des chemins comme tu dissipes les brouillards qui pèsent sur nous. Quand tu rayonnes dans l’air pur, quand tu entres fureteur et gai dans ma maison, les étincelles que tu mets sur mes bibelots redonnent à mon âme ses ailes ! Reviens, soleil, reviens ! Voici Pâques. Reviens. C’est le printemps !