Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier/8/1768/Décembre


DÉCEMBRE.

15 décembre 1768.

Le séjour que le roi de Danemark vient de faire en France n’est du ressort de cette correspondance qu’en ce qui concerne les arts et les lettres, et l’hommage qu’ils ont rendu à Sa Majesté. Cet hommage n’a pas toujours été également pur ; on a accablé ce jeune monarque de spectacles, de fêtes et de bals ; et presque partout c’est Poinsinet qui a été l’organe des louanges qu’on lui adressait et l’auteur des couplets qu’on lui chantait. On dit que quelques-uns de ces couplets étaient assez jolis ; mais je regarderai toujours comme un fâcheux symptôme que Poinsinet ait été l’orateur de l’élite de la nation. J’ose croire aussi qu’un peu moins d’empressement, moins de bruit, plus de calme et un d’intermittence dans les fêtes, auraient rendu au roi de Danemark son voyage plus agréable, et auraient été plus conformes à la dignité d’une grande nation. Au reste, si avec une constitution assez frêle, un roi voyageur ne peut se dispenser de dîner, souper, jouer, danser, veiller tous les jours au milieu de cinq ou six cents personnes qu’il ne connaît point ; si, avec la vue excessivement basse, il faut qu’il ait vu tous les tableaux et parcouru toutes les salles de l’Académie de peinture en vingt minutes, il me paraît démontré qu’il ne faut pas qu’un roi voyage, ou qu’il ne faut pas voyager en roi.

Mais il n’est pas question ici de faire le raisonneur ou de discuter si M. le duc de Duras, chargé par le roi de faire les honneurs au jeune monarque, a bien fait de le régaler de sept actes d’opéra-comique en une seule soirée, et de lui permettre à peine de respirer un seul jour l’air de Paris à son aise ; il s’agit de s’acquitter du devoir d’historien-archiviste, en conservant dans ce dépôt les meilleures pièces, ou les moins mauvaises, que le séjour du roi de Danemark a fait éclore, et qui n’ont pas été rendues publiques.

Mme la duchesse de Villeroy s’était réservé de faire les honneurs de Mlle Clairon sur son petit théâtre. Cette actrice célèbre y a joué deux fois en présence du roi de Danemark, du prince héréditaire de Saxe-Gotha, et d’une petite compagnie choisie ; car la salle ne peut contenir que cent dix personnes. Elle a joué la première fois le rôle de Didon, et la seconde, celui de Roxane dans la tragédie de Bajazet. Après la pièce, elle a été présentée par Mme de Villeroy à son auguste spectateur, qui a tiré une bague de son doigt et l’a mise au doigt de l’actrice ; mais je sais que, malgré cette courtoisie royale, il n’a pas eu le bonheur de réussir auprès de l’illustre Clairon. En sa qualité de Didon, elle ne l’aura pas trouvé assez tendre ; en sa qualité de Roxane, elle ne l’aura pas trouvé assez humble ; en sa qualité de Clairon, elle ne l’aura pas trouvé assez pénétré d’admiration. Bref, malgré l’engouement de la cour et de la ville pour le jeune monarque, il a eu le malheur de déplaire à l’héroïne du Théâtre-Français.

C’est au premier de ces spectacles qu’une bohémienne a chanté au roi de Danemark les vers suivants, composés par M. de Chamfort :

Pour connaître le sort des maîtres des humains
Pout Mon art ne m’est pas nécessaire ;

C’est sur le front des rois que je lis leurs destins :
Pour L’oracle est sûr, et mon art doit se taire.

L’aveniÀ l’aspect de ce jeune roi
L’avenir se dévoile à mes yeux sans mystère ;
Son sort est d’être heureux, d’être aimable, de plaire,
PoEt tous les cœurs l’ont prédit avant moi.

Pour Peuple à qui sa présence est chère,
Pour En ces lieux retenez ses pas ;
Pour Un roi qu’on aime et qu’on révère
Pour À des sujets en tous climats :
Pour Il a beau parcourir la terre,
Pour Il est toujours dans ses États.

Les Comédies Française et Italienne, et l’Opéra-Comique, réuni à cette dernière, ont donné, pendant le séjour du roi de Danemark, les pièces que M. le duc de Duras leur a fait demander ; et les jours que Sa Majesté honorait le spectacle de sa présence, on mettait sur l’affiche : Par ordre. Ce mot a constamment attiré aux deux théâtres une foule prodigieuse de spectateurs ; mais le jeune roi, trop fatigué des fêtes de la veille, ou même indisposé, a été quelquefois obligé de renoncer au spectacle où il était attendu, et où le parterre le recevait toujours avec de grands battements de mains, auxquels Sa Majesté répondait par de grandes révérences. Elle en faisait de même aux loges et au parterre en sortant de sa loge ; et le parterre répondait par des battements de mains ; les loges se levaient et restaient debout à l’arrivée et à la sortie du roi.

La triste veuve, dite Académie royale de musique, nom de terre usurpé contre toute justice, suivant les plus habiles jurisconsultes de ce temps, a donné quatre opéras, savoir, trois dansants et un braillant, pendant le séjour de Sa Majesté danoise : Alcimadure, opéra languedocien, traduit en français, paroles et musique de Mondonville ; la Reine de Golconde, le poëme, de M. Sedaine, la musique, de Monsigny ; Silvie, pastorale, les paroles, de M. Laujon, la musique, de Trial et Berton, directeurs de ce théâtre ; enfin, Énée et Lavinie, ancien poëme de Fontenelle, psalmodié par un certain Dauvergne, dont Dieu préserve vos oreilles ! J’ai ouï dire à Sa Majesté que, malgré tous ses efforts, il ne lui avait pas été possible de se faire à la musique et au chant français.

M. Fenouillot de Falbaire a adressé au roi de Danemark les vers que vous allez lire, en lui présentant sa comédie intitulée l’Honnête Criminel :

Non dePrince qui sur les pas de Pierre,
Non de celui qu’on croit portier du paradis,
PouMais du héros que Pétersbourg révère,
Pour rendre heureux le tien viens voir d’autres pays :
L’autre jour, à ta suite, une foule empressée
Non deParmi les grands qui t’escortaient,
Non deLes cordons bleus qui t’entouraient,
Pour ne pas se méprendre était embarrassée.
NonOn vit alors voltiger près de toi
Du malheureux Sirven l’ombre toujours errante,
Qui nous montrait les dons de ta main bienfaisante,
Non deEt nous criait : Voilà le roi !
Non deOui, prince, cette auguste marque,
Mieux que tous les cordons, fait connaître un monarque.
S’il est fêté partout, il est sûr que le cœur
Aux honneurs qu’on lui rend met un prix bien flatteur ;
NonEt, comme toi généreux et sensible,
NonL’incognito lui devient impossible.
Permets donc que du Pinde un nouvel habitant,
À sa façon aussi curieux de te plaire,
De l’amour filial t’offre un tableau touchant.
Non deParcours cette esquisse légère ;
Ce qu’elle t’apprendra n’est pas indifférent :
En voyant à quel point on peut chérir un père,
Non deTu sauras justement combien
La France aime son maître, et ton peuple le sien.

C’est-à-dire jusqu’à aller pour lui aux galères. C’est l’histoire du monde et c’est le sort de tous les peuples de ramer pour le compte des autres ; ils seraient bien heureux de ne ramer que pour le compte de leur souverain. Notez, au surplus, que Sirven n’est pas fort heureux sans doute ; mais qu’il n’est pas ombre, attendu qu’il est en pleine vie en Suisse.

L’hommage qu’un autre de nos poëtes, M. Barthe, a rendu au roi de Danemark, est plus concis que celui de M. de Falbaire. Sa Majesté assistant, tout au commencement de son séjour à Paris, à une représentation des Fausses Infidélités, M. Barthe, après la pièce, se fourra, sans dire gare, entre le roi et M. le duc de Duras, et lui dit : « Peut-on vous demander, Sire, comment vous trouvez cette pièce ? — Fort jolie, répond le roi un peu interdit. — En ce cas, reprend le poëte, permettez à l’auteur de vous en offrir un exemplaire[1]. » Les bons critiques prétendent que M. Barthe a volé ce trait à M. de La Condamine, et qu’il est obligé à restitution si ce dernier l’exige.

L’Académie royale de peinture et sculpture a offert un hommage plus noble au roi de Danemark. Pendant les vingt minutes que M. le duc de Duras lui permit de s’arrêter dans les salles de l’Académie, Sa Majesté désira voir le Petit Faune en marbre, morceau de réception de M. Saly, sculpteur de l’Académie, transplanté depuis quinze ans en Danemark, où il a fait la statue équestre du feu roi, et où il se trouve à la tête de l’Académie de Copenhague. Ce Petit Faune a de la réputation ; l’Académie, en le montrant au jeune roi, le supplia d’en agréer l’hommage, et Sa Majesté l’accepta.

M. Dorat, qui est en usage d’adresser des épîtres à toutes les belles et à tous les gens célèbres qu’il ne connaît pas, n’a pas manqué une si belle occasion de chanter un jeune roi de vingt ans : car c’est surtout de la jeunesse que M. Dorat est fou.

M. le duc de Duras avait présenté à peu près toute la France à Sa Majesté danoise, dans le premier mois de son séjour ; il n’y eut que les gens de lettres, ou ce qu’on appelle les philosophes, d’oubliés. Sa Majesté ayant désiré de les connaître, M. le baron de Gleichen, son envoyé extraordinaire à la cour de France, se chargea de cette mission. M. le duc de Duras, cédant en cette occasion ses fonctions à M. le baron de Gleichen, quelques politiques en ont voulu inférer que c’était une manière de déclarer les philosophes déchus de leur qualité de Français, enfants bâtards désavoués par la mère patrie. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’ils sont les seuls Français qui n’aient pas été présentés par M. le duc de Duras : ils peuvent croire qu’ils n’y ont pas perdu.

M. le baron de Gleichen s’est acquitté de sa fonction de la manière du monde la plus agréable pour eux. Il les avait d’abord fait prier à dîner chez lui, par un billet circulaire, pour le 19 novembre ; le roi devait se rendre à l’hôtel de son ministre, et même y rester à dîner avec toute la philosophie de Paris. Mais ce projet ne put avoir lieu, les bals et les fêtes ayant occasionné à Sa Majesté un rhume accompagné de fièvre, qui l’obligea de garder son appartement pendant plusieurs jours ; en conséquence, le corps des philosophes fut averti de se trouver, le lendemain 20 novembre, sur les cinq heures du soir, à l’hôtel d’York, occupé par Sa Majesté. La cérémonie se passa avec beaucoup de décence ; il y en eut en tout, je crois, dix-huit de mandés, savoir : M. de Mairan, M. de Cassini, M. Duhamel, M. d’Alembert, M. Duclos, M. l’abbé Barthélemy, M. le baron d’Holbach, M. de Crébillon, M. l’abbé de Condillac, M. l’abbé Morellet, M. de Grimm, M. Bernard, M. Diderot, M. Saurin, M. Helvétius, M. Marmontel, M. Watelet et M. de La Condamine. Le hasard les avait placés dans cet ordre, en cercle, lorsque le roi sortit de son cabinet et parut dans la salle. Il n’y eut que moi de trop, et M. de Buffon qui manqua ; mais cet illustre philosophe est depuis plus de quinze mois dans ses terres en Bourgogne ; et quant à moi, ce qui doit m’excuser, c’est que je n’avais pas plus brigué cet honneur que les autres. Le roi fit d’abord le tour du cercle ; M. de Gleichen lui nomma l’un après l’autre, chacun par son nom, et Sa Majesté dit à chacun quelque chose d’obligeant et de relatif à ses ouvrages ou à sa réputation. Après ce premier tour, le roi en fit un second, et causa avec les principaux de ces philosophes. Il dit à M. d’Alembert : « Je ne croyais pas qu’il y eût des ecclésiastiques parmi vous. — Sire, lui répondit M. d’Alembert, nous avons même des docteurs de Sorbonne ; » et il montra l’abbé Morellet, qui est en effet, non pas docteur, mais licencié en théologie. Le roi lui demanda ensuite s’il avait mangé avec le roi de Prusse ; M. d’Alembert lui répondit qu’il avait eu cet honneur tous les jours pendant trois mois. On a remarqué cette question du roi comme singulière, et on a voulu la croire relative au projet que Sa Majesté avait eu de se trouver au dîner philosophique de M. de Gleichen, et peut-être aux représentations qu’on lui avait faites à ce sujet. Le roi avoua ensuite à M. Bernard qu’il ne lui avait pas été possible de se faire à la musique française. Gentil Bernard est l’auteur de Castor et Pollux, le seul opéra français qui ait réussi en ces derniers temps, et que les partisans du plain-chant français ne cessent de vanter comme un antidote efficace contre les hérésies italiennes et germaniques. Sa Majesté dit à M. Diderot « M. de Gleichen est fort de vos amis. » Le philosophe répondit : « Sire, c’est à ce titre que j’ai osé paraître devant votre Majesté. — J’espère, continua le roi, qu’il vit beaucoup avec vous. — Son commerce m’instruit et m’éclaire, » répliqua M. de Gleichen.

Le roi parla ensuite à M. Saurin de sa pièce de Béverley, que son indisposition l’avait empêché de voir représenter. Cela occasionna quelques propos de M. Helvétius sur le théâtre anglais en général, et les pièces de Shakespeare en particulier. Sa Majesté parla à M. Marmontel de Bélisaire, comme de raison, M. Watelet, sur les arts, et à M. de La Condamine, de ses Voyages. L’audience dura, en tout, un peu plus d’une demi-heure. M. le comte de Bernstorf y vint sur la fin. Lorsque le roi se fut retiré, M. Saurin remit à M. le baron de Gleichen les vers que vous allez lire, et le pria de les présenter à Sa Majesté de sa part. Ils n’ont pas été imprimés, que je sache.

En voyant des humains les préjugés divers,
Leur esprit, leurs vertus, leurs vices, leurs travers,
On apprend à penser ainsi qu’à se conduire :
Plus d’un sage jadis voyagea pour s’instruire.
Pour chercher la sagesse ils franchissaient les mers,
Non pour aller ravir les biens d’un autre monde,
non poOu pour décrier par leurs airs
non poAthène en grands hommes féconde,
Et dont les bons écrits éclairaient l’univers.
Un sage que la France avec respect contemple
non poNous rappelle ces anciens temps :
Mais ce qui chez les Grecs se trouve sans exemple,
Ce sage est un monarque à la fleur de ses ans.

Pour purifier Sa Majesté danoise de l’air pestilentiel que la philosophie pouvait avoir répandu autour d’elle, M. le duc de Duras la mena, trois jours après cette audience, en Sorbonne et au collège du Plessis. Si le roi a donné quelque attention à ce collège, c’est apparemment pour n’en jamais souffrir de pareil dans ses États ; je ne crois pas qu’il y ait aucun lieu au monde où les collèges soient aussi mal disciplinés qu’à Paris.

Quant à la Sorbonne, je ne puis me dispenser de déférer à M. l’abbé Caille, auteur du conte des Trois Empereurs, l’insigne lâcheté de ce corps vulgairement dit carcasse. Les Riballier, Cogé, et autres maroufles composant cette vilaine carcasse, damnent, tant que le jour dure, et les trois empereurs de M. l’abbé Caille, et tous les princes qui n’ont pas un docteur de Sorbonne pour confesseur ; et cependant ils reçoivent dans le sanctuaire un jeune roi nourri et élevé dans le sein de l’hérésie, et, à coup sûr, aussi damné qu’ils sont sauvés. Non-seulement ils ne lui ferment pas la porte au nez, comme c’était leur devoir envers un excommunié par la bulle In cana Domini, mais ils le reçoivent avec des respects et des acclamations ; M. l’archevêque de Paris, comme proviseur, se trouve à la tête de ces arlequins noirs ; le doyen Xaupi harangue le jeune monarque ; le syndic Riballier, avec son air plat et fripon, le lorgne en dessous ; aucun de ces dignes pasteurs n’a la charité d’avertir un jeune prince de vingt ans qu’il est damné sans miséricorde s’il ne rentre promptement dans le giron de l’Église catholique. Je ne conçois pas comment un prélat d’une piété et d’une probité reconnues, comme M. l’archevêque, a pu se prêter à cette prévarication. Car il n’y a point de milieu, ou ces messieurs sont des fourbes et des hypocrites atroces avec leurs arrêts de damnation, ou ils ont manqué à tous les devoirs de religion et d’humanité en recevant un roi hérétique sans l’avertir le moins du monde du danger effrayant qu’il court. Je voudrais bien savoir ce que M. le proviseur pourrait répondre à ce dilemme.

Vers la fin du séjour du roi de Danemark, M. le duc de Duras lui a proposé d’assister aux séances particulières des trois Académies, et Sa Majesté s’est rendue le 3 décembre, dans l’après-midi, successivement à l’Académie française, à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, et à l’Académie des sciences. Les gazettes ont rendu compte avec détail de ce qui s’est passé dans ces trois séances. Les vers de M. l’abbé de Voisenon ont été imprimés ; ils ont eu peu de succès ; on ne peut leur reprocher d’être trop français. Je prends la liberté, pour ne m’arrêter qu’au titre, d’observer à M. l’abbé des Quarante, que Vers prononcés au roi de Danemark n’est pas trop français, et qu’il aurait mieux fait de les prononcer devant le roi de Danemark. Peut-être au Palais peut-on prononcer à un criminel son arrêt, parce qu’on ne s’y pique pas de correction ; mais non, le greffier lit et ne prononce pas la sentence. Pour l’Académie française, je suis sûr qu’elle prononce toujours devant les personnes et non aux personnes, ou elle aurait tort. Dans le temps de la dispute sur la musique, l’abbé de Voisenon, qui n’était pas du coin de la reine, fit imprimer une affiche portant que le goût avait été perdu en France, qu’on disait que deux Allemands l’avaient trouvé sur la place du Palais-Royal, et qu’ils étaient priés de le rendre. Il désignait M. le baron d’Holbach et moi ; nous étions bien fous dans ce temps-là, et nous ne demeurions pas en reste avec ceux qui nous attaquaient. Si M. l’abbé de Voisenon savait que je prends la liberté de le relever sur le fait de la grammaire, lui devenu académicien, moi plus Allemand que jamais, il publierait sans doute une nouvelle affiche. Cela n’empêche pas que nous ne nous aimions beaucoup, et que nous ne soyons tous les deux fort aimables.

Le discours que M. d’Alembert a prononcé à l’Académie des sciences, en présence du roi de Danemark, se trouvera en son temps dans les Mémoires de l’Académie, mais vous ne serez pas fâché de le lire ici d’avance, et je vais le transcrire. M. d’Alembert excelle dans ces sortes de discours ; il sait parler avec un noble courage aussi éloigné de la licence cynique que de la bassesse. De tout ce que le séjour du roi de Danemark a fait faire, ce discours est le seul morceau qui mérite d’être conservé. Le commencement m’a paru un peu longuet, mais le reste est à merveille.


DISCOURS
PRONONCÉ PAR M. D’ALEMBERT À L’ACADÉMIE DES SCIENCES
EN PRÉSENCE DU ROI DE DANEMARK.

« Messieurs, la philosophie, toute portée qu’elle est à fuir l’éclat et l’appareil, a cependant quelque droit à l’estime des hommes, puisqu’elle travaille à les éclairer ; mais la simplicité, qui fait son caractère, ne lui permet pas de s’annoncer et de se faire valoir elle-même. Peu imposante et peu active, elle a besoin, pour se produire avec confiance, de protecteurs puissants et respectés. Il est réservé aux rois de rendre ce service à la philosophie, ou plutôt aux hommes. Contente des regards du sage, la vérité aime à s’ensevelir avec lui dans la retraite ; c’est aux souverains, dont l’opinion et l’exemple ont souvent plus de pouvoir que leur volonté même, à tirer de cette retraite la vérité modeste et timide, et à la placer près de ce trône où tous les yeux sont attachés. Il est vrai, messieurs, que l’avantage de la raison est de se voir tôt ou tard écoutée et suivie ; qu’elle exerce sur les esprits, sans bruit et sans effort, une autorité lente et secrète, et par là même plus assurée ; que le moment de son triomphe arrive enfin, quelque obstacle qu’on y oppose : mais la gloire des princes est de hâter ce moment, et le plus grand bonheur d’une nation est que ceux qui la gouvernent soient d’accord avec ceux qui l’instruisent.

« Quelle douce satisfaction ne doit donc pas ressentir une compagnie de gens de lettres, quand elle voit ceux que les autres hommes ont pour maîtres et prennent pour modèles s’intéresser à ses travaux, les encourager par leur estime, les animer par leurs regards ? Nous avons joui plus d’une fois, messieurs, de ce précieux avantage ; nous avons eu le bonheur de voir notre auguste monarque, à peine sorti de l’enfance, honorer de sa présence nos assemblées, entrer dans le détail de nos occupations, et nous annoncer par cet heureux présage la protection qu’il leur accorde. Nous avons vu le souverain d’un vaste empire[2], né dans le sein de la barbarie avec un génie créateur, venir chercher, dans ce sanctuaire des sciences, le flambeau qu’il devait secouer sur la tête de sa nation engourdie sous le double esclavage de la superstition et du despotisme. Qu’il est flatteur pour nous de joindre aujourd’hui à ces noms respectables celui d’un jeune prince qui, après avoir montré à la nation française les qualités aimables auxquelles elle met tant de prix, prouve qu’il sait mettre lui-même un prix plus réel à la raison et aux lumières ! Il donne cette leçon par son exemple non-seulement à ceux qui, placés comme lui de bonne heure sur le trône, n’en connaîtraient pas aussi bien que lui les besoins et les devoirs, mais à ceux même qui, placés moins haut, auraient le malheur de regarder l’ignorance et le mépris des talents comme l’apanage de la naissance et des dignités. Rassasié et presque fatigué de nos fêtes, il vient dans cet asile de la philosophie se dérober quelques moments aux plaisirs qui le poursuivent ; et les amusements dont on l’accable augmentent son empressement à connaître cette partie de la nation que les étrangers et leurs souverains semblent honorer particulièrement de leur estime. Quoique déjà très-instruit, quoique jeune et quoique prince (que de titres pour la présomption !), il croit qu’il lui reste encore à apprendre, et qu’on ne peut être trop éclairé quand on tient les rênes d’un grand empire. Souverain d’un royaume où les sciences sont cultivées avec succès, il n’avait pas besoin sans doute de sortir de chez lui pour les trouver ; mais il sait que la nature, qui n’a pas réuni tous les talents dans un seul homme, n’a pas non plus concentré toutes les lumières dans un seul peuple. Il voyage donc pour ajouter de nouvelles richesses à celles qu’il possède, et pour les rapporter et les répandre dans les États qui lui sont soumis : persuadé que les sciences sont une espèce de commerce où toutes les nations éclairées doivent à la fois donner et recevoir.

« Cette vérité, messieurs, est trop essentielle aux progrès des lettres pour être oubliée ou méconnue de ceux qui les cultivent. La nation française en particulier (nous osons attester ici les respectables étrangers qui nous écoutent) a toujours vivement senti les avantages de ce commerce mutuel. Quoique sa langue et ses écrits soient répandus par toute l’Europe, quoique les lettres soient aujourd’hui le plus solide fondement de sa gloire, elle n’en reconnaît pas moins tout ce qu’elle a reçu des autres peuples ; peut-être même la justice qu’elle aime à leur rendre est un des traits qui la caractérisent le plus ; au moins devrait-il la garantir du reproche de présomption qu’on se plaît un peu trop à lui faire.

« L’Académie aime surtout à se rappeler en ce moment qu’elle a été redevable au Danemark de deux hommes justement comptés au nombre de ses plus illustres membres : Rœmer, connu par l’importante découverte de la vitesse de la lumière ; et Winslow, l’un des plus grands anatomistes de son temps. Il n’y a qu’un petit nombre d’années que ce dernier était encore au milieu de nous. Les élèves qu’il a formés y ont consacré son image, et l’un des premiers objets qui, dans cette salle, s’offrent aux regards du souverain que nous avons l’honneur d’y recevoir, est le buste d’un savant né dans ses États et devenu notre confrère[3].

« Nous ne parlons encore que comme académiciens et comme Français de notre reconnaissance envers la nation danoise ; cette reconnaissance serait bien plus étendue si, comme citoyens de l’Europe littéraire, nous voulions détailler les obligations que les sciences ont depuis longtemps à cette nation éclairée.

« Un seul nom, mais un nom immortel, nous dispensera d’en citer beaucoup d’autres, celui du célèbre Tycho-Brahé, qu’à la vérité un malheureux scrupule théologique écarta du vrai système du monde, mais dont les travaux pleins de génie et les observations précieuses ont servi de base aux grandes découvertes qui ont mis ce système hors d’atteinte. Ce n’est pas seulement à l’astronomie, à ce chef-d’œuvre de la sagacité humaine, que la nation danoise a rendu des services éclatants. Pour nous borner au plus récent de tous, les peuples chez qui le savoir est compté pour quelque chose pourraient-ils oublier ce qu’ils doivent aux savants danois qui viennent de parcourir, au péril de leur vie, les déserts de l’Asie et de l’Afrique, pour augmenter par leurs recherches le dépôt des connaissances humaines ?

« Vous n’ignorez pas, messieurs, et vous l’avez appris avec douleur, que presque tous ont péri dans ce voyage, victimes respectables et infortunées de leur zèle. Un seul d’entre eux semble n’avoir échappé à la mort que pour conserver à leur patrie et à la postérité les précieux fruits de leurs travaux. Puissent les sciences et les lettres, pour lesquelles ils se sont dévoués avec tant de courage, rendre à leur mémoire le même honneur que Rome et la Grèce rendaient autrefois aux généreux citoyens qui avaient perdu la vie dans les combats ! Puissent toutes les Académies de l’Europe graver sur leur tombe cette inscription simple et touchante, que le patriotisme a consacrée : Ils sont morts pour la république[4].

« Ces bienfaits signalés d’une nation envers les autres sont, pour le souverain qui la gouverne, un engagement de les perpétuer, et l’accueil dont ce souverain honore aujourd’hui les lettres nous assure qu’il remplira ce qu’elles attendent de lui. Ce jour sera à jamais célèbre dans les fastes de l’Académie, et nos muses ne seront point ingrates. Pour exprimer leurs sentiments, elles n’auront point à s’avilir par une adulation indigne d’elles, et plus indigne encore d’un monarque qui vient s’asseoir dans ce temple de la vérité. Cette vérité, qui préside ici et qui nous entend, désavouerait un si méprisable hommage. L’éloge des bons rois est dans le cœur du peuple ; c’est là que les gens de lettres trouveront celui du prince qui acquiert de si justes droits à leur reconnaissance. Ils transmettront à la postérité les traits mémorables de bienfaisance qui ont rendu les premières années de son règne si chères à l’humanité, et que la France a déjà célébrés par la voix du plus illustre de ses écrivains[5]. Ils conserveront à l’histoire l’exemple de sagesse et de courage tout à la fois que ce prince a donné des premiers à l’Europe, en subissant, pour se conserver à ses sujets, l’épreuve de l’inoculation dont la destinée singulière est d’effrayer encore la multitude lorsqu’elle n’effraye plus les souverains. Puissent, messieurs, vos justes hommages entretenir à jamais dans ce jeune monarque l’amour de la véritable gloire, si nécessaire à ceux que leur élévation donne en spectacle à leur siècle, et qui ne pourraient mépriser son suffrage sans mépriser les vertus dont ce suffrage est la récompense ! »

Voilà à peu près tout ce qui est resté d’un séjour de sept semaines pendant lesquelles l’auguste voyageur n’a pas été le maître de disposer à son gré de vingt-quatre heures de son temps, si l’on en excepte les cinq jours que son indisposition l’a obligé de garder son appartement. Peu de jours avant son départ, il a couru dans le public le quatrain suivant :

Frivole Paris, tu m’assommes
De tes bals et tes opéras ;
J’étais venu pour voir des hommes :
Rangez-vous, messieurs de Duras.

La police a fait de sévères recherches pour découvrir l’auteur de cette insolence ; l’illustre Poinsinet en a été soupçonné, et s’est trouvé innocent[6]. On a dit depuis que la police en avait découvert l’auteur ; mais cette affaire n’a pas eu de suites connues du public, et le quatrain n’est pas assez bon pour l’occuper longtemps.

— Dieu, dont la prévision est tous les jours démontrée en Sorbonne, a prévu entre autres choses que tous les princes héréditaires qui viendraient à Paris iraient visiter la retraite de Denis Diderot, dit le Philosophe. On peut se rappeler la visite qu’il reçut du prince héréditaire de Brunswick-Wolfenbuttel ; il vient d’en recevoir une pareille du prince héréditaire de Saxe-Gotha. J’avais été l’introducteur du premier de ces princes ; il n’était pas possible de faire ce rôle une seconde fois sans trahir le secret qu’on voulait dérober au philosophe. Ainsi le prince héréditaire de Saxe-Gotha s’y présenta en compagnie d’un autre voyageur de Strasbourg de sa connaissance, et sous le nom de M. Erlich, jeune homme de Suisse. Le philosophe le reçut avec sa bonhomie ordinaire, et eut un plaisir infini à causer avec lui. Au bout de quelques jours, il trouva M. Erlich dans la maison de M. le baron d’Holbach, à dîner ; il alla à lui les

bras ouverts, l’embrassa de toutes ses forces, et lui dit : « Eh ! qui vous aurait cherché dans la synagogue ? » Pendant le dîner, il me demanda si je connaissais ce jeune homme. Je lui dis froidement : « Un peu. — C’est, me dit-il, un enfant charmant. En vérité, continua-t-il, il me vient de votre pays des jeunes gens si aimables, si instruits, si modestes et si sages, qu’ils me rendent la jeunesse de ce pays-ci absolument insupportable. Ce n’est pas, ajouta-t-il, le premier ni le seul jeune homme de ce mérite et de cette modestie qui me vienne de ce pays-là ; j’en ai reçu plus d’un. » Après le dîner on lui apprit le véritable nom de M. Erlich, et le philosophe trouva que cela ne changeait en rien les sentiments qu’il avait pris pour lui[7].

M. Damilaville, premier commis au bureau des Vingtièmes, mourut le 13 de ce mois, à l’âge de quarante-cinq ans, après une longue et douloureuse maladie. Une naissance obscure l’avait privé, dans la première jeunesse, de cette culture nécessaire qu’aucun effort, aucun travail, ne peuvent remplacer dans la suite. Il avait servi dans la maison du roi en qualité de garde du corps, et avait fait la plupart des campagnes de la guerre de 1741. Après cette guerre, il quitta le service, et obtint la place de premier commis au bureau des Vingtièmes. Cette place lui ayant donné le droit d’avoir le cachet du contrôleur général des finances, et de contre-signer les paquets qui sortaient de son bureau, il s’en servit, à l’exemple de tous les commis de France, pour faire passer les paquets de ses amis francs de port d’un bout du royaume à l’autre. En 1760, il eut occasion de faire passer de cette manière plusieurs paquets à M. de Voltaire, de la part de Thiriot et d’autres correspondants de cet homme illustre. Il lui écrivit alors pour lui offrir ses services, que M. de Voltaire accepta avec beaucoup d’empressement. Voilà l’origine d’un commerce de lettres qui a duré sans interruption jusqu’à ce moment. Damilaville mandait toutes les nouvelles littéraires, politiques, hasardées, bonnes et mauvaises, à M. de Voltaire, qui lui répondait très-exactement, et lui écrivait des lettres charmantes. C’est cette correspondance que vous avez lue depuis quelques années à la suite de ces feuilles, et que la mort vient de faire cesser. Damilaville faisait d’ailleurs toutes les commissions de M. de Voltaire, et lui était devenu un homme très-commode et très-nécessaire. L’inquisition établie sur les lettres des particuliers a pensé quelquefois troubler ce commerce, et le patriarche a cru parer à cet inconvénient en écrivant sous des noms supposés et de toute sorte de couleurs. C’est un reste de barbarie établie dans toute l’Europe que cette inquisition qu’on exerce sur les lettres confiées aux postes, qui ne subsistent que par l’argent du public. Que les gouvernements aient cherché à intercepter des lettres il y a deux cents ans, lorsque l’Europe était remplie de factions et de dissensions civiles, cela se conçoit ; qu’on ait encore aujourd’hui la curiosité de savoir ce qui s’écrit par la poste, puisqu’il est si aisé d’ouvrir les lettres, cela se conçoit encore ; mais que des opinions, quelles qu’elles soient, de citoyens honnêtes et paisibles, confiées au papier par l’amitié, deviennent, au tribunal de cette inquisition secrète, un titre pour nuire, c’est à la fois la plus absurde et la plus horrible des persécutions.

Damilaville ne ressemblait pas à son correspondant ; il n’avait ni grâce, ni agrément dans l’esprit, et il manquait de cet usage du monde qui y supplée. Il était triste et lourd, et le défaut de première éducation perçait toujours. Le baron d’Holbach l’appelait plaisamment le gobe-mouche de la philosophie. Comme il n’avait pas fait ses études, il n’avait dans le fond aucun avis à lui, et il répétait ce qu’il entendait dire aux autres ; mais sa liaison étroite avec M. de Voltaire, qui le lia avec MM. Diderot et d’Alembert, et avec les plus célèbres philosophes de la nation, lui donna une espèce de présomption qui ne contribua pas à le rendre aimable. Il n’était pas d’ailleurs d’un caractère à mériter des amis. C’est une chose bien digne de remarque, que cet homme est mort sans être regretté de personne, et que, malgré cela, durant tout le cours de sa longue et cruelle maladie, son lit n’a cessé d’être entouré par tout ce que les lettres ont de plus illustre et de plus estimable ; il en a éprouvé jusqu’au dernier moment les soins les plus assidus et les plus touchants. Ce que chacun pouvait avoir remarqué dans sa vie de moins favorable à sa réputation est resté un secret que tous savaient, mais dont, malgré leur intimité mutuelle, aucun ne s’est permis de parler à son ami. Si j’en dis ici un mot, c’est parce que ces feuilles sont consacrées à la vérité, qui n’a acception de personne, et qu’elles ne sont pas lues à Paris ; c’est aussi pour rendre justice à cette honnête et sage discrétion, qui a peut-être peu d’exemples.

L’article Vingtième, qui se trouve à la fin de l’Encyclopédie, sous le nom de feu Boulanger, est de Damilaville. Je ne l’ai point lu, mais je le soupçonne rempli de déclamations vides de sens, compilé de morceaux pris de tous côtés, et j’ai lieu de penser que ce qu’il y a de bon dans cet article y a été fourré par M. Diderot. Damilaville fit, l’année dernière, un pamphlet intitulé l’Honnêteté théologique, pour venger Marmontel des attaques de l’absurde Riballier et de son aide de camp Cogé ; c’est son meilleur ouvrage. Il nous le donna pour être de M. de Voltaire, et tout le monde le crut. En effet, il l’avait fait imprimer à Genève, et M. de Voltaire l’avait rebouisé. La première phrase, par exemple : « Depuis que la théologie fait le bonheur du monde », porte trop visiblement son cachet pour être d’un autre. Cogé lui-même, qui n’est pas le moins bête du troupeau des cuistres, y avait été trompé, et croyait être redevable de l’Honnêteté théologique à l’honnêteté de M. de Voltaire[8].



  1. Les Mémoires secrets de Bachaumont (31 octobre 1768) font, à cette occasion, jouer un rôle moins ridicule à Barthe. Cependant on est autorisé à tout croire de l’amour-propre de celui-ci. Un jeune poëte lui récitait une épître en son honneur. Comme Barthe avait composé un Art d’aimer dont personne ne se souvient aujourd’hui, l’épître commençait par ce vers :

    Vainqueur de Bernard et d’Ovide.

    À ce mot de vainqueur, Barthe se récrie ; sa modestie semble blessée d’un pareil éloge. L’auteur fait ses objections, Barthe insiste ; enfin le mot de rival est substitué, et le jeune homme continue sa lecture. Il avait fini, et Barthe, au lieu de lui donner les compliments d’usage, semblait enseveli dans de profondes pensées. Enfin, sortant tout à coup de sa rêverie : « Toute réflexion faite, dit-il, vainqueur est plus harmonieux. » (T.)

  2. Le czar Pierre.
  3. Le buste de Winslow était dans la salle d’assemblée de l’Académie.
  4. Ces savants étaient Van Staven, professeur de philosophie ; Forskal, physicien ; Cramer, médecin ; Niebuhr, mathématicien ; Paureinfeind, dessinateur. Niebuhr seul revint en Europe ; les autres moururent en Arabie. (T.)
  5. Les secours donnés aux Sirven par le roi de Danemark, et célébrés dans la pièce de Voltaire qui commence par : Eh quoi ! généreux prince, etc. Christian VII ne put réaliser les brillantes espérances qu’avait fait concevoir le commencement de son règne. Victime d’intrigues ourdies par sa mère pour le brouiller avec sa femme, Caroline-Mathilde, sœur de George III d’Angleterre, il perdit la raison fort jeune encore, et termina tristement ses jours à Rendsbourg, le 13 mars 1808. Il était né en 1749 et était monté sur le trône en 1766. (T.)
  6. On le mit également sur le compte de Barthe et sur celui de Chamfort. Boufflers en fut toutefois plus généralement regardé comme l’auteur. On en trouve cette version préférable, t.  I, p. 95 de ses Œuvres, Paris, Furne, 1827 :

    Frivole Paris, tu m’assommes
    De soupers, de bals, d’opéras ;
    Je suis venu pour voir des hommes :
    Rangez-vous, monsieur de Duras.

  7. Dans sa lettre du 22 novembre 1768 à Mlle Volland, Diderot dit que le baron l’avait averti : « Les trompeurs ont été trompés ; j’ai joué mon rôle comme un ange. »
  8. Diderot, dans plusieurs de ses lettres à Mlle Volland, parle du caractère de Damilaville, de son existence irrégulière entre deux maîtresses, Mme Duclos et Mme de Meaux, de la mort d’une petite fille qu’il avait eue de la première et de la maladie dont il mourut ; mais il est loin de se montrer aussi sévère que Grimm. Sur la foi de ce dernier, l’Honnêteté théologique a toujours été attribuée à Damilaville, et Voltaire lui-même y fait allusion dans la Défense de mon maître, qu’on a lue p. 29. Voir aussi tome VI, page 419, note.